Eclat de vie. L’élève et le guide.
L’initiation.
Enfin arrivées dans son sobre logis, Dame Yeuze me pria de m’asseoir sur une des couches déposées simplement à même le sol afin que nous puissions parler un peu. Elle-même s’assit à son plan de travail, et se mit à réfléchir. Il ne faisait nul doute que de se retrouver ici, parmi ses quelques affaires, protégée de l’agitation permanente de la ville, redonnait à son visage une très jolie couleur de miel. Je crois bien qu’elle se mit à sourire, sans doute une pensée agréable qui lui traversa l esprit.
Redevenue elle-même, elle se tourna vers moi, je n’avais alors pas bougé d’un pouce bien sur, toujours aussi impressionnée. Elle me posa diverses questions sur ce que je pensais de la nature. Cherchant a cerner sans doute celle que j’étais. Elle y parvint habilement et sans grande difficulté, on m’a dit souvent que j’était comme un livre ouvert, prévisible.
Elle me raconta entre autres l’histoire d’un arbre qui selon la légende avait une âme.
<N’en ont-ils pas tous ?>> lui répondis je avec sincérité.
Je crois que le sourire qu’elle m’offrit à se moment fut ma première récompense. Elle était volontaire et toujours emplie d’un entrain sans pareil. On pourrait la croire fragile, grossière erreur. Je fus captivée encore de longues minutes, l’écoutant parler de la nature comme si elle ouvrait son cœur. Elle me fit même goûter des baies de genêvrier de rosée, c’était excellent je dois dire, très raffiné.
Notre discussion allait bon train quand finalement elle lâcha abruptement.
<Je pense que vous ferez l'affaire après tout>
Elle m’expliqua alors quelle serait ma tache en tant qu'assistante : ranger comme il faut son logis. Il faut dire que c’est un logis austère et le rangement ne serait pas une lourde tache. Il faudra aussi que je transcrive sa vie, gardienne des actes, mémoire du futur. Et bien sur que je sois la plus assidue de ces élèves, mais là, nul besoin de me convaincre.
Et puis nous nous remîmes à parler de la nature. Du vent je crois bien en fait. Des messages et des histoires incroyables qu’il colporte. A mon grand malheur, je dus lui avouer que, malgré mon attirance pour ce doux chant dans les hauts feuillages, je ne parvenais pas à le comprendre. Je dus prendre un air sincèrement désolée car elle se radoucit un instant. Son regard se remit à briller de nouveau comme une étoile dans le ciel de la nuit. Je crois bien que cela trahit un engouement soudain pour une idée aussi folle soit elle. Je sais maintenant que quand elle prend ce regard de lumière, je me dois d'être à la hauteur plus qu’à l’habitude.
Il ne fallut pas longtemps avant qu’elle ne m'entraîne hors de sa maison, de l’Académie de Camelot. Arrivé dehors, son apparence changea un peu, son visage se fit plus détendu, plus serein.
<Nous avons des jambes, servons-nous en> me jeta t’elle en se mettant à courir.
Je la suivi un grand sourire aux lèvres, c’est que, je suis une des meilleures coureuses du royaume. A ma grande surprise je ne parvins pas à la rattraper, tout juste à la suivre, j’en suis encore toute étonnée, son apparente fragilité cache bien des choses extraordinaires. La course fut de courte durée, nous nous arrêtâmes à Cotswold, non loin du pont, au bord de la rivière.
Là, elle me regarda dans les yeux avec tendresse, et me demanda de les fermer. Ce que je fis bien sur sans discuter. Ensuite ce ne fut l’histoire que de quelques mots psalmodiés, quelques prières bien dites à l’attention de la Mère. Une aura de ferveur qui émanait d’elle m’enveloppa comme une barrière protectrice, me calmant, me rassurant, effaçant en moi les doutes et les peurs pour quelques instants. Apres ces prières, ces chants, elle posa un baiser sur mon front, comme pour y graver à jamais l’amour de celle qui nous donne tout. Je le ressentis comme une bénédiction, un début. Une vie nouvelle s’offrait à moi, et c’était à elle, Yeuze, que je le devais, ou bien … qui sait en fait. Ce qui est sur c’est que plus rien ne sera jamais pareil dans ma vie désormais.
<Maintenant écoute le vent> me dit-elle.
Puis elle se mit à rire, j’écoutais moi aussi, stupéfaite de comprendre enfin ce souffle qui me berçait jusqu'alors. Alors défilèrent les histoires, d’amour, de mort, de vie, dans un flot continu de sons aux variations mélodieuses. Elle me pria enfin d'user de ce don avec sagesse et seulement lorsqu'il peut s'avérer utile.
<Tu es Initiée maintenant.>
La phrase tombait comme une sentence, j’étais devenue un peu plus que ce que j’étais avant, j’allais pouvoir apprendre à vivre de nouveau, plus près de la Mère. J’étais en état de grâce. Jamais je ne m’étais sentie aussi proche d’elle. Elle, Dame Yeuze, resplendissait au sein de cette nature que l’on aurait dit faite pour elle.
Finalement, fatiguée, elle me laissa là, à méditer sur les choses, seule, devant trouver mon équilibre. Ce n’est que quelques heures plus tard que je décidais de commencer mon travail. Je retournais à la loge de l’Académie, en fit rapidement le tour pour ranger un peu, pour finalement me mettre à écrire, installée sur le bureau, les yeux dans le vague et la tête pleine d’images étonnantes.
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