Irak : George W. Bush prié de "redécouvrir" l' ONU et l'OTAN
LEMONDE.FR | 11.07.03 | 09h03 • MIS A JOUR LE 11.07.03 | 09h38
Sur le terrain, la situation reste difficile et tendue. Les forces américaines en Irak font face à "10 à 25 attaques par jour".
Le Sénat américain a adopté, jeudi 10 juillet, à l'unanimité une résolution non contraignante encourageant le président George W. Bush à demander à l'OTAN et aux Nations unies de l'aide pour le maintien de la paix et la reconstruction en Irak. M. Bush "devrait envisager de demander officiellement et rapidement" à l'OTAN de déployer des forces en Irak, dit la résolution, adoptée par 97 voix contre zéro.
Elle ajoute que le président américain devrait envisager de demander à l'ONU d'inviter ses membres à fournir des forces militaires, des policiers civils et des ressources pour participer à la reconstruction et à l'administration de l'Irak. Le texte soutient la poursuite des opérations américaines en Irak en soulignant qu'il est de l'intérêt des Etats-Unis de "rester engagé en Irak pour faire en sorte que le pays soit en paix, stable et uni, avec un gouvernement représentatif". Mais il note que les conditions sur le terrain "continuent de poser une grave menace pour les forces américaines".
Le secrétaire à la défense, Donald Rumsfeld, a déclaré que le coût du déploiement américain approchait les 4 milliards de dollars par mois. L'administration et la reconstruction de l'Irak coûteront probablement des dizaines de milliards de dollars sur plusieurs années, et les revenus escomptés du pétrole ne couvriront pas ces coûts, dit la résolution.
L'un de ses auteurs, le sénateur démocrate Joseph Biden, de la commission des relations extérieures, a invité le Sénat à "réfléchir maintenant et à ne pas laisser croire à tort au peuple américain que Rumsfeld avait raison" lorsqu'il a dit que les forces en Irak pourraient être ramenées à 30 000 hommes et que l'occupation pourrait être relativement courte. M. Biden fait campagne pour le déploiement en Irak d'une force internationale, prête à y rester si c'est nécessaire.
Un autre auteur, le sénateur démocrate Carl Levin, de la commission des services armés, a attribué à de la "fierté mal placée" le fait que le gouvernement n'ait pas demandé officiellement de l'aide à l'OTAN et à l'ONU, après le différend qui a opposé Washington à Paris et Berlin à propos de leur opposition à la guerre.
Le sénateur républicain Richard Lugar, président de la commission des relations extérieures, a soutenu le texte après que la formulation a été adoucie pour dire que M. Bush "devrait envisager de demander" une aide internationale. Il a ajouté que le président américain devrait reconnaître que des forces seront nécessaires en Irak durant environ cinq ans.
"10 À 25 ATTAQUES ANTIAMÉRICAINES PAR JOUR"
Sur le terrain, la situation reste difficile et tendue. En effet, les forces américaines font face à "10 à 25 attaques par jour", en partie parce qu'elles traquent des baasistes, des "djihadistes" et des combattants pénétrant dans le pays en provenance de Syrie, a déclaré jeudi le général Tommy Franks, qui a dirigé la guerre contre l'Irak. M. Franks, qui a récemment quitté son poste de chef du Commandement central et prendra prochainement sa retraite, a fait cette déclaration à la commission des services armés de la Chambre des représentants..
Il se refuse cependant à parler de guérilla - ainsi que le font des personnalités démocrates - en disant que, dans ce cas, les activistes seraient soutenus par la population alors que les Irakiens ne soutiennent pas la violence.
En outre, bien que les forces irakiennes relèvent une "sophistication croissante" avec notamment le recours à des mortiers, il ne semble pas y avoir d'efforts coordonnés, chapeautés par un commandement. "Cela ne correspond pas à ma définition" de la guérilla, a dit l'officier.
Le député démocrate Ike Skelton a estimé, pour sa part, que si la situation actuelle n'est pas redressée, les Etats-Unis risquent de se retrouver "en proie à la guérilla pendant des années". "Nous ne pouvons pas quitter l'Irak, a-t-il affirmé. Il faut que ce soit un succès. Si ce n'est pas un succès, la crédibilité des Etats-Unis d'Amérique en tant que chef de file de ce monde libre s'effondrera. Nous ne pouvons l'accepter".
DEUX CATÉGORIES D'IRAKIENS
Depuis que les Etats-Unis ont déclaré terminés les principaux combats en Irak, le 1er mai, 31 militaires américains ont été tués dans ce pays.
Le général Franks a réparti les Irakiens en deux catégories. Dans la première catégorie, a-t-il dit, figurent ceux qui sont pour la coalition ou qui sont neutres et attendent de voir si le changement de pouvoir en Irak pourra leur apporter quelque chose sur le plan économique. Dans la seconde catégorie figurent les anciens baasistes, qui soutenaient Saddam Hussein, et des "djihadistes" qui sont pour certains des "terroristes", a dit le général Franks. "A mon avis, la population du premier groupe est bien plus importante que celle du second groupe, qui provoque les violences", a-t-il poursuivi.
"Nos hommes ne passent pas la journée dans leurs bases, ils la passent à rechercher les baasistes, les 'djihadistes', les gens qui franchissent la frontière en provenance de Syrie et qui cherchent à créer des difficultés", a affirmé le général Franks. Prié de dire si des combattants étrangers s'infiltraient en Irak pour attaquer les forces américaines, il a répondu que c'était "très difficile à dire pour le moment", mais que les troupes américaines étaient aux aguets. Elles resteront probablement en Irak jusqu'à ce qu'un nouveau gouvernement soit élu, mais les effectifs pourraient être réduits l'an prochain, a encore dit le général. "Je m'attends à ce que nous restions impliqués en Irak. (...) Je ne sais pas si cela signifie deux ans ou quatre ans", a-t-il ajouté.
Il a par ailleurs déclaré que, d'après lui, la menace que faisaient peser avant la guerre les programmes irakiens d'armement biologique, chimique et nucléaire n'a pas été surestimée. "Je suis convaincu que nous allons trouver des armes ou des preuves de leur existence", a conclu le général Franks.
Avec Reuters