Broc - Midgard - Chroniques de Midgard : Nosroth et Aleiwena (texte complet)

 
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(Voici donc la chronique de Brocéliande telle qu'on peut la trouver sur son forum respectif, avec, en bonus, le texte qui en est à la base, et qui est absent du fil principale.)
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Nosroth était fatigué.
Depuis trop longtemps déjà il subissait les ravages de la guerre, du temps, ainsi que ses propres démons.

Sortir la Corne du Valhala du reliquaire hibernien avait été pour lui le plus grand des honneurs, l'apogée d'une carrière déjà bien remplie, mais la blessure que l'elfe lui avait infligé lors de sa fuite éperdue avait été la blessure de trop, celle dont le viking savait ne pouvoir se remettre complètement.
Chaque nouvelle cicatrice l'avait un peu plus rapproché de ce moment.
Il avait besoin de se reconstruire, il avait besoin de disparaître.

Cette guerre larvée lui avait déjà trop coûté, combien de ses amis étaient tombés au combat, certains pour ne plus revenir ? Combien d'êtres chers avait-il perdu ?
L'assassin se sentait vidé, à bout de souffle, pourtant il restait toujours quelque chose à faire, pour son royaume, pour sa guilde, mais plus pour lui-même...

Tel l'ombre qu'il était, Nosroth se glissa souplement entre les gardes de Bledmeer Faste et s'approcha de celle qu'il avait perdu, qui lui était revenue, et qu'il allait abandonner à son tour.
Filide dormait paisiblement, exténuée par toutes ces heures de combat contre les envahisseurs hiberniens. La pale lueur de la lune illuminait ses cheveux, leur donnant un halo quasi surnaturel, elle était si belle... la crasse des combats ne semblait pas pouvoir la toucher, et sa peau nacrée n'en était que plus ensorcelante.
L'assassin enleva la bague à l'effigie de Loki qu'il portait depuis sa plus tendre enfance, seul vestige d'un passé trouble et entaché par le sang et la glissa dans la main de la viking endormie tout en murmurant :
_Un jour, je viendrai la reprendre, attends-moi comme je t'ai attendu jadis.
Non loin, il entendit Goldim brailler dans son sommeil, le vieux Thane cuvait la bière qu'il avait ingurgité pour célébrer la victoire.
Un dernier regard sur la guilde qui l'avait accueilli en son sein, sur ces braves vikings, nains, trolls et kobolds de la Garde Noire, qui assuraient la sécurité des terres Midgardiennes depuis longtemps, et qui continueraient à le faire, quelle que soit la menace.
Doywan comprendrait, les autres aussi, de cela Nosroth était persuadé alors qu'il sautait adroitement depuis le rempart du Faste.

Arrivé au croisement des routes des Portes d'Odin, l'assassin s'arrêta net, sur sa droite, adroitement dissimulé, se tenait un ranger elfe, l'ennemi de toujours... Le viking reconnu Mordred, ennemi respecté parmi tant d'autres, maintes fois combattu par le passé, à qui il avait pu échapper en ce jour fatidique où la Corne du Valhala avait rejoint Grahalhorn Faste.
Le sourire carnassier du prédateur se dessina sur les lèvres du viking, l'elfe ne l'avait pas encore repéré.
Mais il n'était plus temps maintenant, d'autres assassins hantaient la nuit d'Odin, à eux de faire ce qu'ils savaient tous, comme lui-même, si bien faire. L'épée courte des nains en arcanium retrouva sa place dans le fourreau pendant à sa ceinture, sans un bruit.
Le sourire aux lèvres, Nosroth s'éloigna, tout en contemplant l'Est, sa destination encore bien lointaine...
Il était temps de laisser cette partie de sa vie derrière lui pour le moment, même s'il savait que personne n'échappait à son destin.
Arrivé au tournant de son existence, le viking retrouva une sensation qui l'avait depuis longtemps abandonné : l'apaisement.
Aleiwena savait que les Ombres l’attendaient, les morts l’avaient prévenu.
La Valkyn embrassa du regard l’étendue gelée des Portes d’Odin qui lui rappelaient tant sa terre natale d’Aegir : froide, stérile, d’une beauté envoûtante. Plus encore, c’était le calme quasi surréel régnant aux alentours qui la comblait.
La quiétude pour apaiser ses tourments, pour faire taire ses démons intérieurs… une libération ?
Mais le silence lui était interdit, la Grande Majorité se rappela encore une fois à elle. Les murmures d’outre tombe se firent plus pressant, la ramenant au moment présent. Elle n’était pas en sécurité, bien que Bledmeer Faste soit en vue, la Tour de Recklos n’était pas un refuge suffisant, il lui fallait bouger, il lui fallait faire appel à eux, il fallait…
Aleiwena serra son bâton d’invocation aussi fort qu’elle le put, et les voies se turent l’espace d’un instant.
Tout en s’éloignant de la tour de sa démarche mi-féline mi-primitive, la Valkyn repensa au chemin qui l’avait conduit en ce lieu, la guerre qu’elle avait mené aux Morvalts pour la préservation de Djyrfell, les combats où elle avait pris part sur la Plaie d’Ymir, après avoir découvert non sans terreur les pouvoirs qui faisaient d’elle une créature à part. Tout ce chemin cauchemardesque jusqu’à cette rencontre avec ce viking fantôme, celui qui avait changé le court de son existence, lui avait donné un but, une chance d’apporter une réponse, une raison à sa vie, à ses capacités…
Cet Assassin…
Un bruit sur sa droite, tellement léger…
Tous ses sens animaux aux aguets, Aleiwena sut que la chasse avait commencé.
« Reste encore à savoir qui est le chasseur, et qui est la proie », lui dirent les morts.

Le Lurikeen se demandait encore ce qu’il avait sous les yeux. L’étrange créature boitillante s’était arrêtée au milieu de la croisé des chemins, cible parfaite. Profitant de son invisibilité, le petit Hibernien fit le tour de sa proie, cherchant un piège quelconque, et vit le symbole sur la cape : la Garde Noire. Ainsi cette espèce de boule de poils faisait partie de cette guilde tant crainte et haïe ? Bah, sa mort n’en sera que plus satisfaisante.
Cependant, un détail mit de suite le ranger mal à l’aise. Les yeux de l’inconnue, jamais il n’en avait vu de pareils, des yeux pénétrants, un regard à la fois absent et indéniablement présent. Elle observait tranquillement les alentours, tout en reniflant délicatement, elle cherchait quelque chose !!
Il compris en cet instant l’impossible, la créature avait conscience de sa présence, elle l’attendait…Un frisson glacé remonta le long de sa colonne vertébrale et il se mit à transpirer, inexplicablement.
Le Lurikeen s’éloigna pour trouver la bonne distance de tir, et banda son arc.

Une flèche fend l’air, sa trajectoire est parfaite, son but n’est rien d’autre que le cœur de la Valkyn. Mais, arrivée à quelques centimètres de sa poitrine, elle s’arrête net, reste suspendue en l’air quelques instants, et tombe, sans vie.
« Diable de sortilèges ! Arrête donc celle la ! » Le ranger bande une nouvelle fois son arme, prêt à tirer, mais c’est au moment où il s’apprête à décocher sa deuxième flèche qu’il tombe en plein cauchemar.

Alors que la flèche venait de toucher terre, la Valkyn tourna la tête dans la direction du ranger maintenant visible et montra les crocs en un rictus contrastant totalement avec son apparente fragilité.
Le lurikeen la vit lever lentement les bras, une lueur bleuâtre, maladive, apparut dans chacune de ses paumes. Terrifié, il vit ses yeux devenir d’un blanc pur et sentit le sol commencer à trembler sous ses pieds. Sa terreur atteignit un degré sans nom quand il vit des mains squelettiques crever la surface terreuse du sol, suivies de têtes et de corps en décomposition… Elle invoquait les morts et ceux ci lui répondaient !
Rendu fou par la terreur, le ranger banda son arc et tira encore une fois, pour mettre fin au cauchemar dans lequel il était tombé. Avant que la flèche ne parte, il eu le temps de voir la créature lui sourire, et ce sourire resterait à jamais gravé dans sa mémoire, jamais il n’avait rencontré plus pure incarnation de malice… Cette chose ne pouvait apartenir à ce monde !
A sa grande horreur, sa flèche n’atteignit pas non plus sa cible, mais se figea dans un bouclier rouillé et plein de terre ! Le squelette d’un guerrier venait de s’interposer entre le ranger et la magicienne et avait bloqué le projectile. Toujours vêtu de la maille dans laquelle il était mort sur le champs de bataille, une épée démesurée à la main, le bouclier dans l’autre, un casque de guerrier viking trônant fièrement sur son crâne jauni par le temps, le squelette fixa le lurikeen de son regard mort, deux orbites vides et d’un noir d’encre, et partit d’un rire dément, alors qu’autour d’eux les morts continuaient à sortir de terre et commençaient à se diriger vers le ranger d’une démarche incertaine, odieuse.

Pétrifié, le lurikeen vit la horde de morts vivants s’avancer vers lui, meute grouillante et hurlante d’êtres vivants ramenés à la vie par cette abominable magie.
Ce fut trop pour lui, invoquant les esprit de la forêt, le ranger s’enfuit à toute jambe, courant pour sa vie, courant pour échapper à la folie.
Derrière lui, les morts hurlèrent.
Une plainte de damné s’éleva sur la Plaie d’Ymir quand que les morts retrouvèrent vie, ramenés en ce monde par les Prêtres de Bogdar alors que la bataille contre les Morvalts faisait rage. Au milieu des cadavres fumant et des combattants, le sol agonisant de la région du Cratère se déchirait en des dizaines d’endroits, vomissant des corps putréfiés, des squelettes rongés, autant de guerriers et autres victimes, arrachés à leur tombeau de terre putride pour un nouveau combat.
En ce moment d’horreur, les vikings, nains, kobold et trolls comprirent qu’elle était la nature de leurs nouveaux alliers et ceux qui ne sombrèrent pas dans la folie la plus noire ne retrouvèrent jamais le salut d’une nuit sans cauchemar.
Alors que la plainte odieuse des morts vivant s’élevait sur le champs de bataille, le bruit des combats se fit moindre. La terreur pouvait se lire sur tous les visages, tant Morvalt que Midgardien alors que la masse funeste des squelettes se composait avec une odieuse lenteur, entourant les Prêtres Valkyns, chérissant ces élus qui avaient le pouvoir de communiquer avec la Grande Majorité et de les rappeler.
Les rangs se formèrent, les morts étaient prêts à rentrer en guerre.
Tout d’un coup, les Prêtres de Bogdar hurlèrent et l’armée des morts se mit en branle.
Les guerriers trolls furent les premiers à réagir, hurlant de leur puissantes voix caverneuses, ils se joignirent aux rangs des morts et foncèrent dans la masse Morvalt, bientôt suivis des vikings et des nains.
Les Morvalts chargèrent à leur tour et l’acier rencontra l’acier, la chair rencontra la chair, le sang rencontra le sang. Depuis l’arrière garde, les Chamans et les Prêtres de Bogdar firent appel à leurs sorts de poison, et bientôt les Morvalts furent pris de spasmes d’une violence inouïe, vomissant instantanément, leur chair brûlant, comme rongée par un quelconque acide.
Rendus fous par la haine et la douleur, les Morvalts redoublèrent de férocité, et nombre d’alliés Midgardiens tombèrent sous les coups de haches, de dents et de griffes alors que les morts semaient la destruction, avançant inexorablement dans les rangs adverses, tombant sous les coups, se relevant toujours, rampant pour ceux ayant perdus leurs jambes…
La bataille dura plusieurs heures.

De la Plaie d’Ymir se dégageait une pestilence de chair brûlée, et le silence lugubre, contraste saisissant avec le vacarme des combats, régnait désormais, macabre.
Au milieu des cadavres mutilés des Morvalts finalement vaincus que les kobolds se faisaient un devoir et une joie de détrousser, les guérisseurs d’Eir ramenaient à la vie les guerriers tombés au combat. Les fiers vikings s’étaient regroupés en un cercle silencieux et grave, loin de leurs habitudes guerrières et festives. Les nains, quant à eux, avaient sortis leurs tonneaux de bière et buvaient en silence alors que les trolls s’étaient regroupés autour de leurs chamans et des valkyns.
En ce jour, Midgard avait découvert de nouveaux alliés, mais il faudrait du temps pour que les acteurs de cette bataille acceptent pleinement ce qu’ils avaient vu.

Aleiwena congédia avec délicatesse les morts qui avaient répondu à son appel et regarda autour d’elle. La victoire sur les Morvalts avait sans conteste sauvé son peuple, il faudrait du temps pour que la menace se fasse aussi pressante.
Du regard, elle chercha les membres de la Garde Noire de Midgard, la guilde dont lui avait parlé l’assassin qu’elle avait rencontré non loin de Trollheim, celui qui lui avait sauvé la vie.
Sa décision était prise, bien que maintes fois débattue dans les conseils de sa tribu, elle lui devait bien cela, et elle voulait connaître ce nouveau monde s’ouvrant à elle.
Elle reconnut les haches sur les capes des guerriers et s’avança doucement, consciente de faire le premier pas vers une nouvelle existence :
« J’aimerais rejoindre vos rangs, Nosroth Delving m’envoie à vous».
Une bulle de méthane et d’ozone dont la puissance n’avait d’égal que son intensité lumineuse entoura l’Elfe et explosa, détruisant toute forme de matière dans un rayon de 20 mètres, vaporisant les corps putréfiés des morts, creusant le sol, répandant la mort.
Tout allait prendre fin, Aleiwena allait rejoindre la Grande Majorité, détruite par cet Elfe qui l’a regardait de son air méprisant et supérieur. Il lui suffirait de faire une nouvelle fois appel à sa magie destructrice et…
Les morts ne pouvaient pas l’aider.
La Valkyn voulu se redresser mais ne réussit qu’à cracher du sang et retomba à genoux, haletante, le regard enflammé par la haine, la douleur et l’appréhension. Une flèche avait transpercé son épaule droite, rendant son bras inutilisable. Le reste de son corps mutilé et brûlé refusait de lui obéir, elle était à bout de forces.
Le murmure des morts lui arriva à travers la douleur :
« Nous sommes désolés… »
L’Elfe s’approcha doucement, leva les mains d’un geste délicat et la Valkyn sentit son corps se figer. Elle ne pouvait plus bouger, respirer devenait un supplice, elle hurla quand son bras blessé se plaqua de lui-même contre son corps, alors que des liens invisibles l’écrasaient, irrésistiblement.
L’Eldricht se plaça devant la Prêtresse de Bogdar, lui sourit de plus belle et commença à se concentrer. La lumière réapparut autour des deux ennemis, la chaleur augmenta alors que l’Elfe concentrait l’énergie en une sphère parfaite.
Mais son sourire se transforma soudain en rictus, ses yeux semblèrent sortir de leurs orbites alors qu’un flot de sang jaillit de sa bouche et de sa gorge. Il lui fallut quelques secondes pour comprendre qu’il venait d’être décapité, et alors que la vie le quittait, il sentit enfin la présence du Viking derrière lui.
« Assassin… »
Tout se brouilla lentement et, avec ses derniers instants de vie et de lucidité, l’Elfe se rendit compte que sa tête était en train de tomber.
La lumière fit place aux ténèbres, aux murmures :
« Elfe honni, tu es mort en Midgard, il t’en coûtera de t’en prendre à une Bogdar ! »
Mais c’est au moment où, plongé dans le monde de haine des autres morts, il sentit la présence chaude, vivante, de la Valkyn qu’il allait tuer, quand il sentit le regard immatériel qu’elle posa sur lui, qu’il céda pour de bon à la folie. Autour de lui, dans le néant, les morts ricanèrent.
Il n’était pas seulement mort, il venait de trouver l’Enfer.

La bataille pour Bledmeer Faste avait fait rage, encore une fois. Les cadavres s’amoncelaient de toute part, certains tellement endommagés par la magie elfique qu’ils se trouvaient au-delà des capacités des guérisseurs. De la fumée s’élevait de partout, aussi bien des restes du fort séculaire que des corps brûlés. Combien de morts, combien encore ?
Aleiwena ouvrit les yeux au milieu des morts et des blessés, seule au milieu de cette désolation.
Seule.
Ce n’est qu’à ce moment qu’elle se rendit compte que la flèche avait disparu de son épaule et que la plaie avait été cautérisée au fer blanc.
Elle repensa alors à celui qui l’avait sauvé et ne put s’empêcher de repenser à ce qui lui était arrivé près de Trollheim, sur Aegir, alors que l’assassin l’avait tiré d’une mort horrible aux mains des Coifferouges…
Ce pourrait-il que…
Elle bougea et un bout de tissu tomba de ses cheveux. Elle le ramassa et esquissa un sourire de compréhension en voyant le symbole. Ça ne pouvait être que lui, il lui fallait prévenir Filide, il était finalement revenu.
Sur le morceau de tissu, on pouvait reconnaître sans peine l’insigne de l’Ordre de Loki, ancienne guilde des Assassins de Midgard.
« Le passé nous rattrape toujours », lui avait-il dit alors, devant Trollheim…
Les derniers rayons du jour tombaient sur Jordheim, laissant place aux ténèbres. Les allées de la capitale se vidaient doucement, les marchands d’armes et d’armures finissaient de ranger leur matériel, les prêtres regagnaient leurs temples pour la nuit, les forgerons délaissaient leurs instruments et rentraient lentement chez eux, le dos et les bras douloureux. Seuls quelques kobolds marchands de poisons semblaient vouloir rester dehors, ombres silencieuses au pied des murs d’enceintes. Les sentinelles Valkyries avaient allumé leurs torches et entamaient leurs gardes de nuit, et alors que la nuit envahissait les allées de la ville, leurs silhouettes devenaient progressivement de petits îlots de lumières au milieu d’un sombre océan.
Lentement, un brouillard épais envahissait la ville, lui donnant un aspect spectral, maladif. Cette brume était justement le seul moyen qu’un observateur attentif aurait eu pour remarquer la progression d’une ombre parfaitement dissimulée.
Légère, silencieuse, l’ombre se dirigeait vers la taverne, lieu gorgé de lumière et de vie, contraste avec le silence et le froid de la nuit. Le nain qui ouvrit violemment la porte d’un geste incertain sentit des frissons remonter le long de sa colonne vertébrale alors qu’un courant d’air glacé, chargé d’une menace sourde, venait de le frôler, s’engouffrant dans l’établissement. Essuyant vivement la sueur froide sur son front d’un revers de manche, le nain, presque dessaoulé par cette soudaine montée d’adrénaline, s’empressa de rentrer chez lui.
L’intérieure de la taverne vibrait au son des chants, des cris, des rots et des pintes de bières fracassées l’une contre l’autre en toasts bruyants. Nain, vikings et kobolds trinquaient en cœur en riant, la bière coulait à flot. Des guerriers au repos.
Au fond de la salle, un viking seul sirotait sa bière en observant la scène d’un air amusé et satisfait. D’une carrure imposante, les yeux sombres, tout comme son épaisse barbe et ses sourcils, il passait relativement inaperçu au milieu du tumulte ambiant. Mais pas pour tout le monde.
Lews, kobold assassin de la Garde Noire, observait le viking avec curiosité depuis un moment déjà, plus pour combattre l’abrutissement de l’alcool qu’autre chose. Le kobold avait tenu à honorer sa promesse, venir à la taverne chaque mois pour boire au souvenir de son ami Nosroth, disparu depuis maintenant 2 longues années, pour garder ses souvenirs vivaces. Leur rencontre il y avait de cela tellement longtemps, à l’époque où les choses étaient plus simples, mais Nosroth déjà tellement secret, tellement…seul… Le reste faisait partie de l’Histoire et, quelque part, Lews n’avait pas été surpris par le départ de son ami. Depuis, il attendait son retour, mais ses espoirs avaient bien minci avec le temps, et l’attente avait plus ou moins cédé la place à l’hommage…
Tout en poussant un soupir, le kobold avala une autre gorgé de bière, se disant qu’il vaudrait mieux pour lui que ce soit la dernière… Il s’était surpris à ricaner bêtement une ou deux fois dans l’heure qui venait de passer…
C’est alors que son attention fut attirée par le viking. Celui-ci venait de se redresser subitement, l’air hagard et effrayé. Non, pas effrayé, terrorisé. D’un pas raide, il quitta sa place et se dirigea vers la sortie, ses yeux allant de droite à gauche, des yeux de proie traquée.
Lews, intrigué, après avoir rejeté l’idée que ce viking avait trop bu et en subissait les conséquences, décida de se rapprocher discrètement de la sortie. Mais au moment ou le viking passa près de lui, le kobold sut instantanément que quelque chose n’allait pas. Le viking n’était pas seul ! Quelqu’un…ou quelque chose avançait derrière lui !
Instinctivement, Lews porta la main à sa dague et décida d’en savoir un peu plus. Ajustant sa pèlerine, le kobold sortit de la taverne à son tour, reniflant suspicieusement l’air humide et froid. Sur sa droite, un bruit étouffé, un raclement ? Lews s’enveloppa de sa pèlerine et disparut de la vue de tous, totalement dégrisé, tous les sens en alerte, il s’avança prudemment dans la direction du bruit.
Une ruelle noire et déserte, un cul de sac. Par terre, des rats couraient de part et d’autre, à la recherche de nourriture. Une odeur… Lews la connaissait bien, trop bien… du sang… Une main sur chaque hache lestée en arcanium, il parcourut les derniers mètres le séparant du fond de la ruelle et réprima un cri de surprise quand il vit un corps mutilé empalé à même le mur. La victime avait été clouée au mur à l’aide de 2 dagues de lancer, éventrée puis égorgée. Lews reconnut le viking de la taverne à sa longue chevelure tâchée de sang mais ce qu’il découvrit en soulevant le menton du malheureux lui glaça le sang.
Sur le front de la victime, un symbole avait été gravé, ce symbole, Lews ne le connaissait que trop bien : c’était l’œil de l’Ordre de Loki.
Assassin !
Lews attendait patiemment à l’entrée de Jordheim, jouant avec une de ses dagues, et c’est ainsi qu’Aleiwena le trouva quand elle descendit de cheval. Le voyage avait été long depuis les Portes d’Odin et Bledmeer Faste, en cours de reconstruction. Voyage d’autant plus long que la valkyn souffrait toujours de ses blessures. Mais le message de Lews avait été suffisamment urgent pour motiver son déplacement.
Le kobold aida la prêtresse de Bogdar à attacher son cheval et lui prit délicatement le bras pour l’aider à marcher. Tout en franchissant les portes de Jordheim, il lui raconta ce qu’il avait vu. Arrivé devant la taverne, Aleiwena dévisagea Lews :
_Tu penses que ça peut être lui ?
Le kobold parut gêné :
_SiCaCopainNos, PourquoiLuiPasFaireCoucouNousCa ?
Mais la valkyn n’écoutait plus. Aleiwena fronça les sourcils, assaillie par les murmures des morts. Une chose horrible avait eu lieu non loin. Elle s’approcha lentement du fond de l’impasse d’où le corps avait été enlevé quelque heures auparavant et se concentra.
Douleur.
Mort.
Tristesse ?
La victime avait été torturée, et elle avait parlé, sa souffrance avait été grande, mais sa mort rapide. Aleiwena chercha en vain la victime parmi la Grande Majorité, son décès devait être trop récent pour qu’il sorte de son mutisme.
_Lews, qu’est-ce qui c’est passé ici ?
_NousCaPasSavoir, NousCaArrivéTropTard, vivivi. MaisNousCaMalinKobold, NousCaChercherNomDeRosePeauEtNousCaTrouver !
Le kobold lui tendit un parchemin sur lequel elle trouva le nom du viking, ainsi que ses origines. Olaf Aliegfellag, natif de la région de Hugginfell, était arrivé à Jordheim le soir même de sa mort selon les Jarls, depuis la direction de Haggerfell.
Lews rajouta qu’il avait questionné le patron de la taverne, connu pour soutirer le maximum d’informations à ses clients. Celui-ci lui avait appris que la victime était venu à Jordheim pour un rendez-vous avec l’un des prêtres de Hel de la citée, Gothi Agorne. Lews avait alors passé la matinée à chercher le dit prêtre, sans succès.
_CaToutCeQueNousCaTrouver.

Lews et Aleiwena passèrent la journée à chercher le Gothi, sans succès. Alors que la nuit n’allait plus tarder à tomber, ils décidèrent de rentrer à la taverne. Les abords du temple principale de Jordheim étaient déserts alors qu’ils en sortaient, et cela rendit Lews automatiquement méfiant et aux aguets.
Sur la droite, le bruit d’un arc qu’on est en train de bander !
_ToiCaATerre !
Lews poussa la valkyn de toutes ses forces devant lui, juste à temps. Une flèche venait de passer exactement là où s’était trouvé sa tête 2 secondes auparavant. Sans réfléchir, Lews décocha l’une de ses dagues de jet dans la direction du tir et eut la satisfaction d’entendre un cri de douleur.
Des mouvements autour de lui ! Au moins deux tueurs ! Des assassins contre lui ?
Il dégaina ses deux haches et afficha un sourire mauvais, qu’ils viennent !
L’attaque, bien que prévisible, manqua le prendre par surprise et c’est de justesse qu’il esquiva la lame qui allait lui trancher la gorge. Avec la vitesse qui avait fait de lui une légende parmi sa profession, Lews contre attaqua en tranchant la main de son adversaire tout en anticipant la prochaine attaque, plaçant instinctivement sa deuxième hache sur la bonne trajectoire. L’arcanium rencontra l’arcanium et le deuxième assassin apparut sous ses yeux, démasqué, son attaque parée. Il tomba comme une pierre quand la hache de Lews s’abattit sur son crâne.
_Derrière toi !
Lews se jeta à terre pour éviter la lame mais trop tard, celle-ci lui entailla le dos. Le sang se mit aussitôt à couler mais le kobold se redressa souplement d’une main et allait riposter quand le troisième assassin s’immobilisa, le regard vitreux. Sur son torse, une tâche rouge grandissante apparut soudain et il s’écroula, une dague de jet enfoncée dans son dos. Lews chercha automatiquement du regard celui qui venait de le sauver quand une flèche manqua le kobold de quelques centimètres et celui-ci plongea de nouveau. Ayant retrouvé son équilibre, il eut le temps d’apercevoir Aleiwena qui s’était redressée et commençait à incanter l’un de ses sorts terrifiants quand une flèche percuta son bouclier magique. Alors les yeux de la valkyn se révulsèrent et elle hurla en ouvrant grand sa fine gueule munie de crocs acérés.
L’archer fut tout d’un coup pris de spasmes alors qu’une sorte de feu bleuâtre apparut autour de lui et le consuma l’espace d’un instant. La douleur fut intolérable, et cette seconde parut durer une éternité. Quand il ouvrit de nouveau les yeux, il vit pour sa plus grande horreur que la blessure à l’épaule de la valkyn venait de se refermer. Qu’avait-elle fait ? Grandement affaibli, il tentant de bander son arc encore une fois, mais il ne pouvait détacher son regard de la Prêtresse de Bogdar dont les mains commencèrent à briller d’une lueur verdâtre maladive. Elle leva les mains en sa direction et il ne comprit que trop tard qu’elle allait lui jeter un sort. Il banda son arc et s’apprêtait à tirer quand sa peau commença à fondre, tandis que le poison consumait ses entrailles.
Alors l’archer connut les affres de l’agonie.
Lews et Aleiwena s’approchèrent de l’archer qui se tordait de douleur au sol.
_LuiCaMourirMaintenant ?
_Non, il vivra, il a des choses à nous dire.
Une voie sombre se fit entendre derrière eux :
_Il ne vous dira rien, car vous allez mourir ici même, en cet instant !
Avant qu’il ait eu le temps de réagir, Lews fut paralysé par le sort d’hypnotisme qu’il savait ne pouvoir provenir que du Gothi de Hel. A côté de lui, Aleiwena ne pouvait plus bouger non plus et grogna de rage.
Le Gothi Agorne se mit à rire doucement :
_Le moins que l’on puisse dire, c’est que vous vous lancez tête baissée dans des affaires ne vous concernant en rien, et ce avec un manque flagrant de discrétion… Mourrez donc, vermines !
Le Gothi commença à invoquer les esprits de Hel mais s’arrêta bien vite quand il sentit la pointe d’une lame sur sa gorge. Transpirant tout d’un coup abondamment, il tressaillit quand une voie calme et sourde lui murmura à l’oreille :
_Le moins que l’on puisse dire, c’est que toi et tes amis semblez un peu trop sûrs de vous, me voilà revenu pour vous enseigner l’humilité…entre autres choses… Maintenant libère-les.
Le Gothi s’exécuta, le visage déformé par la terreur.
Lews retrouva instantanément l’usage de ses membres et se tourna de suite vers sa compagne dont le regard restait rivé sur le Gothi et l’inconnu.
Aleiwena poussa un petit cri et Lews fit de même en reconnaissant son ami qui les regardait tous deux par-dessus l’épaule d’Agorne :
_CoucouNosroth !
Retirant la pèlerine qui masquait ses traits, Nosroth, un sourire triste aux lèvres prononça les trois mots qui le rendirent au monde des hommes :
_Lews, mon ami.
Une nouvelle nuit allait tomber sur Jordheim, mais ce soir, la ville vibrait d’une certaine excitation. Dans les rues, les rumeurs du meurtre de la veille allaient bon train, certains avaient entendu parler du signe de l’Ordre de Loki, guilde d’assassins maintenant disparue et dont personne ne savait grand chose. Dans les tavernes de la ville, les discussions allaient bon train : certains clamaient que l’Ordre avait joué un rôle décisif dans les grands événements militaires de ces dernières années, d’autres que ce n’était qu’une guilde de mercenaires fous… Evidemment, tout le monde se remémora la disparition subite de cette guilde et comment, à l’époque, ces mêmes personnes, reniflant leur bière d’un air faussement pensif, avaient déclamé que ce n’était guère étonnant, que rien de bon ne pouvait advenir d’une guilde pareille…
La vérité restait cependant que personne ne savait rien, à part bien sûr les anciens membres de Loki, introuvables depuis.

Les Jarls gardiens du grand temple de Jordheim se regardèrent, arrivant difficilement à masquer leur nervosité. Depuis environ une heure, les Gothis des différents temples de la ville pénétraient dans le temple, malgré la fermeture, et les Jarls avaient reçu la consigne la plus stricte de garder ceci secret. Mais ce qui mettait les gardes le plus mal à l’aise n’était pas tellement les Gothis, qu’ils avaient l’occasion de croiser souvent dans les allées de la ville, mais plutôt ces inconnus en pèlerine devant qui les Gothis avaient l’air de s’incliner…
Mieux valait ne pas poser de questions, c’était certain…
A l’intérieur du temple, dix hommes, assis en cercle, se regardaient l’un l’autre. Autour d’eux, les colonnes de pierres se dressaient, fières, comme au premier jour de leur existence. Mais ce soir, l’atmosphère habituellement chaleureuse du temple avait laissé place à une pénombre dérangeante seulement coupée par quelques bougies disséminées autour des participants.
L’un des Gothis prit finalement la parole :
_Nous devrions être douze ce soir mes amis, nous avons un problème.
L’un des inconnus leva doucement la tête, son visage toujours masqué par la pèlerine :
_Où sont Agorne et Osloth ?
_Les Gothis d’Aegir ont retrouvé son corps près de Hagall il y a 2 semaines, quant à Agorne, il est porté disparu depuis ce soir même, raison de l’urgence de notre réunion.
_Disparu ? Qu’est-ce que c’est que cette histoire ?
_Quoi qu’il se passe en ce moment, nous avons de bonnes raisons de croire que l’Ordre de Loki ou du moins certains de ses éléments sont impliqués d’une manière ou d’une autre.
La nouvelle tomba comme une pierre dans l’assemblée. Les Gothis manifestèrent une appréhension profonde alors que les inconnus semblèrent se lancer des regards muets mais néanmoins emplis de compréhension. Elevant la voie pour focaliser l’attention du groupe, l’un des inconnus parla avec un accent étrange :
_Vous nous aviez pourtant assuré que cette guilde ne serait plus un problème n’est-ce pas ? Faut-il croire que vos engagements n’ont pas été remplis en fin de compte ?
Le Gothi ne cilla pas :
_Je vous rappelle que vous avez vous-même assisté au démantèlement de l’Ordre, ses membres ne sont plus une menace, nous y avons veillé il y a 2 ans.
_Peut-être va t il falloir revenir sur cette certitude mon vieil ami…
_Nous ne savons pas encore jusqu’à quel point l’alliance avec les Trolls Anciens et les Valkyns risque de modifier nos habitudes, nous devons rester vigilants. Il s’avère que ces Prêtres de Bogdar sont plus puissants que nous ne l’avions estimé, cela pourrait poser un problème supplémentaire.
Un long silence s’installa dans l’assemblée, rompu par le Gothi au bout de quelques minutes :
_Cette réunion a assez duré, il est temps de faire jouer nos contacts ainsi que de revoir notre sécurité et nous nous réunirons de nouveau une fois que nous aurons de nouveaux éléments.
Les dix hommes se levèrent en silence et quittèrent le temple pour disparaître dans la nuit de Jordheim.
Lews et Aleiwena quittèrent Jordheim alors que les premiers rayons du jour faisaient leur apparition. Alors que Mularn se dessinait devant eux, le koblod se retourna, l’air peiné et inquiet, et lança un regard sur la capitale qu’il pensait si bien connaître, repensant à son ami, à peine retrouvé et déjà de nouveau perdu.
Doucement, la valkyn posa la main sur l’épaule de Lews, rassurante :
_Lews, il est vivant, tu le reverras, ne t’en fais pas.
Le kobold leva la tête vers son amie :
_NousCaInquiet, CopainNosBienChangé, NousCaSur… LuiCaPasVouluDireàNousCaCeQueLuiFaireAvecGothiAgorne.
_Lews, il a ses raisons, tu le connais, il ne fait jamais rien au hasard. Viens maintenant, nous devons rejoindre la Garde aux Portes d’Odin.
Lews savait qu’elle avait raison, il se mit donc en route avec elle, mais dans sa tête résonnaient toujours les mots du Gothi Agorne avant que Nosroth leur demande de partir :
« Vous n’avez pas idée dans quoi vous mettez les pieds ! »
Au plus profond de lui-même, Lews avait peur.

Le Gothi Agorne savait qu’il allait mourir.
A ses côtés, l’archer continuait à se tordre de douleur à même le sol, gémissant et respirant tant bien que mal malgré le morceau de tissu enfoncé dans sa bouche. Devant lui se tenait celui que le kobold avait nommé Nosroth, celui qui était arrivé à le surprendre… un Assassin !
Immobile, le viking l’observait depuis la pénombre du coin de la pièce, toujours enveloppé de sa pèlerine noire, telle une gargouille dont les yeux de pierres auraient pris vie. Bien entendu, Agorne était arrivé à la conclusion qu’il avait devant lui le meurtrier de la veille, mais curieusement, ce n’était pas tellement sa propre mort que le Gothi redoutait. Non, ce ne pouvait pas être une coïncidence, et si cet homme savait ? Si il avait remonté la piste du Conseil ? Tout d’un coup pris de panique, Agorne tenta de chercher sans sa mémoire le nom de Nosroth, il lui fallait savoir pourquoi…
Les yeux du Gothi s’écarquillèrent d’horreur quand il comprit enfin alors que le nom et ses implications lui apparaissaient, et c’est hagard, pâle comme la mort, qu’il se trahit en prononçant un seul mot :
_Toi…
La voix de l’assassin lui parvint depuis l’obscurité :
_En effet.
_Mais…tu étais censé être mort… Nous avions pourtant pris les dispositions nécessaires…
_Manifestement, vous vous êtes trompés.
_Mais comment as-tu fait ?
Nosroth s’avança dans la lumière, découvrant pour la première fois son visage buriné. Un de ses amis aurait pu dire qu’il avait beaucoup changé, vieilli, comme sous le coup d’une peine trop grande, mais Agorne ne put détacher ses yeux de ceux de l’Assassin, des yeux tellement brillants, et pourtant son regard restait froid, calculateur, implacable :
_C’est moi qui vais poser les questions à partir de maintenant, Agorne. Où est-elle ?
_De qui veux-tu parler ?
Agorne, qui transpirait déjà abondamment depuis quelques minutes, ressentit un frisson glacé le long de son dos quand le visage de l’Assassin fut animé d’un rictus de haine innommable :
_Tu le sais très bien Agorne, où est-elle ? Elle a disparu depuis 4 mois, et ton collègue d’Aegirhamm m’a finalement avoué avant de mourir que vous étiez à la base de tout cela, comme pour le reste d’ailleurs. Alors où est-elle ?
Se sachant désormais voué à une mort atroce, le Gothi commença à paniquer :
_Je…. Je ne sais pas, je te le jure ! Vous… vous n’auriez pas du emporter la Corne, tout cela n’était pas prévu, il fallait vous faire payer, tu comprends ? Vous avez tout bouleversé !
_Des noms Agorne, donne-moi des noms.
_Les yeux du Gothi s’agrandirent d’effroi :
_Non ! Je ne peux pas te donner cette information !
Le morceau de tissu que l’Assassin enfonça dans la bouche du Gothi empêcha tout Jordheim de se réveiller en sursaut quand la lame pénétra la chair et que la séance de torture commençait.
Lews et Aleiwena faisaient route pour Haggerfell en silence, chacun perdu dans ses pensées. Autour d’eux, les paysages de Midgard défilaient alors que leurs chevaux allaient à vive allure. Le temps manquait toujours, d’autant plus pour des membres de la Garde Noire dont la vocation était d’assurer une présence permanente sur le territoire. La sécurité des terres en dépendait.
Aleiwena regardait distraitement le Val de Mularn défiler sous ses yeux tout en repensant à ce que Nosroth lui avait dit avant de leur ordonner de partir au plus vite de Jordheim :
« Vous n’êtes pas en sécurité avec moi, et encore moins dans la capitale »
Mais ce qui choquait et intriguait le plus la valkyn était cette dernière recommandation qu’il lui avait faite :
« Surtout ne faites confiance à personne, pas même aux officiers de la Garde, gardez ce que vous avez vous aujourd’hui pour vous-même et attendez mes instructions »
Aleiwena repensa alors encore une fois à sa rencontre avec Nosroth, un an auparavant, dans les montagnes d’Aegir :
Naître en tant que Prêtresse de Bogdar était un fait suffisamment rare en ce monde pour avoir fait d’Aleiwena un être à part. De même que rares étaient les Prêtres ayant la faculté de communiquer avec les morts. Le fossé de la mort ne devait pas pouvoir être franchi, avaient dit les Chamans ainsi que les Anciens. Aleiwena leur avait prouvé qu’ils se trompaient, ce qui n’avait pas facilité son intégration à la tribu. Depuis ce temps, la jeune valkyn vivait dans une solitude forcée, avec pour seule compagnie les morts qui auraient fait n’importe quoi pour ressentir encore une étincelle de vie.
Car Aleiwena ne s’y trompait pas, les morts se servaient d’elle pour retrouver les sensations qu’ils avaient perdues. Elle passa des années bien difficiles à tenter de repousser les murmures s’immisciant inlassablement dans son esprit, fermant son esprit avec toute sa volonté. Mais elle comprenait aussi que les morts l’aidaient quand ils le pouvaient, car cela était à leur avantage, et, quelque part au milieu de sa déprime, elle savait devoir en tirer profit. Elle savait déjà ce que les morts étaient prêts à faire pour elle, jusqu’où ils pouvaient aller pour la protéger.
Djyrfell avait été la cible d’attaque nocturne de la part des Coifferouges depuis plusieurs semaines. Ces habitants de la sinistre IR, cité encastrée dans le grand glacier, n’avaient jamais accepté de voir leur territoire foulé par les explorateurs du Glacier de Tuscaran et ils le faisaient savoir avec plus ou moins d’agressivité.
Mais cette fois, les Coifferouges avaient dépassé les bornes, et Aleiwena avait été envoyée pour leur faire comprendre que continuer leurs actions risquait de faire d’eux ses amis dans un futur malheureux… Car tout le monde savait qui étaient les amis d’Aleiwena, Prêtresse de Bogdar…
Et ceci, les Coifferouges le savaient pertinemment, si bien que les « persuader » de cesser leurs exactions n’avait pas été bien difficile, à tel point que seulement une dizaine d’entre eux rejoignit la Grande Majorité des morts tout au long de la visite de la Prêtresse de Bogdar sur leur territoire.
Ce fut donc pendant son trajet de retour vers Djyrfell qu’Aleiwena rencontra l’Assassin qui allait changer le cours de son existence.
La valkyn suivait le chemin qu’elle connaissait depuis son enfance, tracé par les Anciens dans les neiges éternelles quand, sur sa gauche, l’écho rapporta des cris d’hommes. Intriguée, la Prêtresse plissa les yeux et vit plusieurs silhouettes monter le long d’une colline enneigée. Après s’être rapproché un peu, elle put voir ses mêmes silhouettes adopter une façon de se déplacer qu’elle connaissait bien. Son peuple vivait de la chasse, ses hommes (car c’était des vikings, pareils aux premiers explorateurs ayant foulés ces terres peu de temps auparavant) étaient en train de faire une battu.
De plus en plus intriguée, Aleiwena allait s’approcher encore quand un homme qu’elle n’avait pas entendu ni senti arriver lui prit l’épaule :
_Qui es-tu ? Pourquoi nous espionnes-tu ?
Complètement interloquée, elle ne sut quoi répondre. Le viking qu’elle avait en face d’elle était un guerrier, et sa lourde hache à deux mains reposait sur son épaule. N’obtenant pas de réponse de la valkyn, le guerrier se recula et brandit son arme :
_Très bien, Ils ont dit : pas de témoin, il n’y aura pas de témoin, pas même toi !
Alors qu’il allait abattre son arme sur elle, une dague de lancer alla se ficher dans son bras droit, lui arrachant un cri de douleur tout en lui faisant lâcher prise. Avant qu’il ait eu le temps de comprendre ce qui lui était arrivé, une deuxième dague se planta dans sa gorge avec une précision diabolique, et le guerrier s’écroula à terre en tenant faiblement sa gorge sanglante d’où s’écoulait sa vie.
Choquée, Aleiwena se retourna et vit celui qui se nommait Nosroth, celui qui lui avait sauvé la vie. Il lui raconta que ces hommes étaient à sa recherche, qu’il en avait tué plus de la moitié, bien que ne sachant pas qui ils étaient. Ils voulaient sa peau, cela paraissait évident, si bien qu’il avait laissé l’un des leurs, brûlé au dernier degré, non identifiable, dans une mise en scène laissant penser que ce mort n’était autre que lui, et donc qu’ils avaient achevé leur mission.
S’en était suivi une longue discussion entre la valkyn et l’Assassin dans les profondeurs secrètes de Trollheim, discussion durant laquelle Nosroth lui proposa de rejoindre la Garde Noire pour donner un nouveau sens à sa vie, ainsi que pour chercher certains de ses amis, ceux en qui il pouvait encore avoir confiance.
_Mais pourquoi crains-tu tant le passé ? lui avait-elle alors demandé ?
_Parce que, quoi que nous fassions pour changer le cours de notre vie, notre passé nous rattrape toujours…J’ai fait des choses en mon temps, des choses qui ont changé le cours des choses, et je me suis fait beaucoup plus d’ennemis que j’aurais pu le penser…
« Le passé nous rattrape toujours… »
« Le passé… »
« Ne faites confiance à personne ! »

_NousCaArrivésAleiwena.
Le kobold l’arracha à ses souvenirs alors qu’ils arrivaient à Haggerfell, première escale de leur voyage de retour vers les Portes d’Odin et c’est en posant pied à terre que les deux amis remarquèrent la présence de gardes nains ainsi que de Jarls venant à eux l’air mauvais. Lews chuchota alors :
_CaMauvaisesChosesTomberSurNousCa, NousCaPeutEtreFairePifPafEncore… ToiCaPreparerAFaireMagieDeToiCa…
Les gardes arrivèrent à leur hauteur, les armes à la main :
_Vous êtes Lews et Aleiwena ? De la Garde Noire de Midgard ?
Ils se regardèrent et répondirent en même temps :
_C’est bien nous.
_Alors je suis chargé de vous arrêter pour meurtre, par autorité du Gothi Alen. Veuillez me suivre sans résistance.
Le corps meurtri d’Agorne s’effondra finalement, après plus de cinq heures d’enfer. Epuisé, Nosroth fixa le cadavre du Gothi pendant de longues minutes, récapitulant ce qu’il avait appris, et ce que tout cela impliquait. Plusieurs fois il tenta de se persuader qu’Agorne lui avait menti, mais il fallait se rendre à l’évidence, personne ne pouvait mentir en subissant une telle souffrance.
Maintenant il comprenait pourquoi l’Ordre de Loki devait disparaître, maintenant il comprenait pourquoi ils avaient voulu sa mort. Mais il n’avait pas été seul en cette nuit fatidique alors qu’il s’introduisait dans le donjon de Dun Dagda sous le nez de l’armée Albionaise, contre toute attente… Une folie qui avait payé, ils avaient fait la différence cette nuit la… Mais il n’avait pas été seul, elle l’avait accompagné, et depuis, elle aussi avait été une cible. Nosroth tenta de se calmer, il allait la retrouver, il lui devait bien cela, pour tout ce qu’elle avait fait pour lui, pour tout ce qu’ils avaient vécu ensemble sur les champs de bataille…
Invisible, il sortit de la maison alors que la nuit tombait sur Jordheim, mais alors qu’il franchissait les portes de la capitale, il murmura en direction des étoiles :
_Tiens bon, où que tu sois, je te retrouverai, attends moi, Zytha.
Avec appréhension, Nosroth se dirigea vers Fort Atla, conscient d’avoir déclaré la guerre à son propre royaume…

Quelques minutes à peine après le départ de l’Assassin, la porte de la maison dans laquelle il s’était caché avec le Gothi fut enfoncée par un grand coup de hache et un troll guerrier entra en se baissant, redoutable massif. Il fut aussitôt suivi par plusieurs vikings de la garde ainsi que par un Gothi. Si quelqu’un s’était trouvé dans le temple la veille, il aurait pu reconnaître ce Gothi comme étant celui qui présidait la réunion…
_Cherchez partout, c’est la dernière maison.
Du premier étage, un cri se fit entendre, suivi par le bruit de pas dans l’escalier et l’un des vikings gardes apparut, livide :
_Gothi ! Je l’ai trouvé ! Par Modi, c’est un carnage en haut !
Le Gothi monta les marches fébrilement mais s’arrêta net quand, une fois au premier étage, il reconnut le cadavre du Gothi Agorne, torturé, démembré, mutilé… Mais ce qui lui apporta le dernier coup fut le message sur le mur, écrit avec le sang de la victime, un message qui pesait lourd de conséquences :
« MAINTENANT, JE SAIS. »
Agorne avait parlé…
Derrière lui, les gardes et guerriers vikings, indécis, ne savaient que faire et attendaient les ordres. Le Gothi se releva et les regarda, le visage tiré :
_Fouillez toute la ville, vous recherchez un Assassin, ramenez-le moi vivant ! Si vous ne le trouvez pas en ville, étendez vos recherches à la région mais trouvez-le-moi !
Les gardes s’inclinèrent tous :
_Oui, Gothi Alen.
Une fois les gardes partis, le Gothi Alen invoqua un esprit champion et lui donna ses instructions :
_Va quémander Arloch, il faut réunir le Conseil au plus vite.
Lews et Aleiwena se regardèrent alors que les gardes et les Jarls s’approchaient d’eux. Les murmures des morts se firent plus pressant, elle n’avait qu’à les invoquer et ils l’aideraient... Elle leur résista néanmoins, sachant que leur moment viendrait.
_Lews, laissons nous faire, nous en apprendrons peut-être plus.
_NousCaD’accord, EtEuhhhhhh, RosePeauxEtPoiliFacesSontQuandMêmeBeaucoup, MêmePourNousCa…
Les Jarls commencèrent par désarmer Lews, opération qui prit un temps conséquent vu le nombre d’armes de toutes tailles que le kobold portait sur lui. A chaque nouvelle arme découverte par le garde nain stupéfait, Lews se fendait d’un grand sourire innocent, visiblement tout content de lui-même.
Pendant ce temps, Aleiwena se faisait fouiller par le Jarl :
_Qui est le Gothi Alen ? demanda t elle ?
_Il est l’une des plus grandes autorités de Midgard, valkyn, et ton crime doit être grand pour qu’il ait lui-même demandé ton arrestation.
_Je vois… Que va t il se passer maintenant ?
_Tu le sauras bien assez tôt, maintenant tais-toi !
Les Jarls les conduisirent hors de Haggerfell, en direction du fort de gardes, trois cent mètres plus au sud. Pendant le trajet, Lews chuchota à l’oreille de la Prêtresse :
_CommentEuxCaSavoirOuNousCaAller ?
_Tu as raison, ils nous attendaient…
Arrivés devant le fort, ils virent le Jarl discuter avec un homme vêtu d’une robe ainsi que d’une pèlerine masquant ses traits. Le Jarl, visiblement mal à l’aise, acquiesçait alors que l’inconnu lui parlait et se mit au garde à vous, poing sur la poitrine, quand l’autre s’en alla, non sans avoir jeté un rapide coup d’œil dans leur direction.
Alors que Lews, incapable d’entendre ce qui se disait, tendait l’oreille le plus discrètement possible, Aleiwena se concentra et laissa les morts lui parler.
« Nous ne savons pas qui est cet homme, mais il a donné l’ordre de vous faire exécuter dans la tour ! Prêtresse, laisses-nous t’aider ! Tu ne survivras pas à ceci ! »
_Lews, ils vont nous tuer.
_NousCaDeviner… EtNousCaSeulsContreTous…
_Non Lews, nous ne sommes pas seuls, n’ai pas peur quand tu vas voir ce qui va se passer.
Et, mentalement, Aleiwena, Prêtresse de Bogdar, demanda l’aide des morts.

L’inconnu quitta le fort des gardes à cheval et prit la direction de Jordheim, il était temps d’annoncer la nouvelle au Conseil. En même temps, cet événement devrait leur faciliter la tâche, la Garde Noire devenait un peu trop puissante au goût de certains membres du Conseil, et après tout, c’était cette guilde qui avait permis la prise de la Corne du Valhala, contre toute attente… Oui, la Garde Noire devenait un peu trop puissante et indépendante, ses officiers un peu trop sûrs d’eux, cette guilde allait devenir dangereuse pour leurs intérêts…
Absorbé par ces pensées, l’inconnu ne remarqua pas que le sol tremblait sous les sabots de son cheval, il n’entendit pas non plus les hurlements des Jarls portés pas le vent.

Lews luttait pour sa santé mentale. Au milieu de la boucherie, le kobold tournoyait, rapide, précis, mortel, apportait la mort autour de lui. Paradoxalement, cela lui était d’autant plus facile que peu de gardes se souciaient de lui, trop occupés à hurler et à tenter d’arrêter la horde de morts qui venaient de sortir de terre, répondant à l’appel de la Prêtresse de Bogdar ! Les fiers guerriers vikings tombés au combat plusieurs années auparavant lors de l’invasion Geersha se redressèrent, jaunis, squelettiques, pourrissants. Exultant leur joie d’avoir été ramené à la vie, les morts partirent d’un rire dément et frénétique tout en se jetant sur les gardes et Jarls qui n’avaient jamais connu pareille horreur. Les crânes se fendirent, des membres furent arrachés, les gardes rejoignirent les rangs des morts, jusqu’au moment où il ne resta plus que Lews et la Prêtresse de Bogdar. Les morts regagnèrent leurs tombes avec ses remerciements, le calme et le silence, contraste maladif avec l’horreur du combat, régnèrent soudain sur le Val de Mularn.
Encore tétanisé par ce qu’il venait de voir, Lews s’assit le temps de reprendre ses esprits et ne comprit pas tout de suite pourquoi Aleiwena se dirigeait vers les rares chevaux qui n’avaient pas fui l’horreur :
_Aleiwena ? OùToiCaAller ?
_Retrouver l’homme qui a ordonné notre exécution Lews, je veux savoir, viens avec moi !
_Vivivi, ToiCaRaison !
Et Lews se jeta habilement sur le dos du plus petit cheval qu’il put trouver. Alors qu’ils s’éloignaient de Haggerfell, le kobold ne put s’empêcher de regarder son amie sous un jour nouveau :
_Aleiwena ? demanda t il timidement.
_Oui ?
Elle le regarda avec ses yeux félins tellement envoûtants, une créature faite de contrastes et de paradoxes.
_Euhhhhh Aleiwena, NousCaAmiDeToiCa…. Hein ?

Nosroth ressassait ce qu’il avait appris alors qu’il approchait de Fort Atla, essayant de deviner jusqu’où la conspiration pouvait remonter. Il était déjà arrivé à la sinistre conclusion que la liste des personnes en qui il pouvait avoir confiance était devenu dramatiquement mince, il ne lui restait vraiment qu’une seule solution, qu’un seul groupe vers qui se tourner. Mais cela faisait maintenant tellement longtemps…
Le garde troll, à l’entrée de Fort Atla, eut du mal à comprendre pourquoi le cheval qui passa les portes n’avait pas de cavalier. Nosroth était rentré dans Fort Atla, il ne lui restait plus qu’à trouver celui qu’il cherchait.

Lews et Aleiwena retrouvèrent la trace de l’inconnu alors que Mularn se faisait de plus en plus proche.
_Il va arriver avant nous, ça ne peut pas se passer ainsi !
La valkyn ferma les yeux et les morts lui répondirent encore une fois.
Le cimetière de la ville de Mularn fut pris d’une soudaine activité alors que cinq tombes s’ouvrirent et que leurs occupants se levèrent et commencèrent à se diriger vers la sortie de la ville.
Le cheval de l’inconnu sentit ce qui l’attendait et commença à montrer des signes d’anxiété que même la maîtrise de son maître n’arriva pas à dissiper totalement, maîtrise qui disparu totalement quand celui-ci vit ce qui l’attendait sur la route. Son cheval se cabra, fou de terreur, et il tomba sur le dos avec un cri d’horreur. Malgré la douleur due à sa chute, il se releva et commença à fuir, ceci n’était pas censé arriver ! Mais il eut une autre surprise de taille quand il vit arriver ceux qu’il avait cru morts. Il allait donc devoir faire face.
A peine descendu de cheval, Lews disparut, se préparant à rendre l’inconnu inoffensif alors qu’Aleiwena commençait à incanter et que des vignes putrides sortaient du sol, immobilisant leur adversaire. Mais le cauchemar ne s’arrêta pas là. Immobilisé, l’inconnu pouvait encore se servir de ses pouvoirs, il ne s’avouait pas encore vaincu, loin de là et allait commencer à incanter le sort dévastateur qui faisait la légende de sa classe quand les morts le saisirent au bras et à la gorge, serrant de leurs mains décharnées et grouillantes de vers. Il se trouvait dans les bras de la mort, et il ne pouvait rien faire.
Le kobold apparut devant lui, le regard mauvais, une hache dans chaque main :
_AlorsQuiC’EstQuiVoulaitNousFairePifPaf, hein ?
Aleiwena demanda au mort de révéler le visage de l’inconnu et celui-ci s’exécuta, tirant sur la capuche de la pèlerine.
Lews manqua lâcher ses haches, Aleiwena eut un hoquet de surprise, ses jambes soudain devenues faibles tellement la signification de ce qu’ils voyaient était impossible :
Devant eux se tenait un elfe.
Toglog ne rêvait pas, il avait bien vu un viking entrer dans le Temple de la Magie de Tir Na Nog. Pourtant, identifier l’inconnu n’avait pas été facile car celui-ci prenait le plus grand soin de ne pas se faire remarquer, ce qui pouvait tout à fait se comprendre, sachant ce que l’elfe Ombre savait…
Stupéfait, Toglog décida de suivre le viking dans les couloirs du temple, se demandant encore s’il devait le tuer de suite et avertir ses supérieurs. Mais quelque chose lui disait de ne pas le faire, ce même sentiment viscéral qui lui disait que ce dont il était témoin n’avait rien d’accidentel.
En tant qu’Ombre, Toglog savait mieux que quiconque ce que signifiait la duplicité, et avec les longues années pendant lesquelles il avait exercé son métier, l’elfe avait appris à ne se fier à personne, et encore moins à ses employeurs, si bien que la possibilité d’un complot quelconque lui traversa l’esprit sans le choquer outre mesure. Mais dans l’immédiat, il devait savoir où se rendait le viking et, toujours enveloppé par les ténèbres de sa furtivité, il se rapprocha de sa cible.
Le viking s’approcha de l’un des murs de la salle des Eldrichts et s’arrêta. Intrigué, Toglog observa la salle qu’il connaissait déjà, aux aguets. Il sentit alors un léger courant d’air l’effleurer alors qu’une fente apparaissait dans le mur et qu’une porte dérobée se dévoilait devant le viking.
Toglog hésita l’espace d’un instant. Le viking s’engouffra dans l’ouverture, non sans avoir regardé derrière lui une dernière fois. Au dernier moment, Toglog se dépêcha de franchir la porte qui se refermait déjà sans un bruit et resta bouche bée quand il comprit ce qu’il était en train d’observer :
Devant lui se tenait une assemblée composée de généraux elfes qu’il connaissait, ainsi que de bretons et de vikings, tous habillés de la même façon que celui qu’il avait suivi jusqu’ici !
« Merde, dans quoi est-ce que je me suis fourré moi »
Ce n’est que trop tard qu’il entendit l’arc se bander, et malgré ses réflexes et sa vitesse surnaturels, il ne put éviter la flèche qui l’empala au mur au niveau de l’épaule. Redevenu visible, Toglog vit l’assemblée le dévisager froidement, mais il reconnut surtout celui qui venait de lui tirer dessus :
_Proctor !
Le lurikeen commença à danser, tout content de lui-même, et son petit rire strident et sardonique enragea l’Ombre :
_Pas bien de fouiner partout, l’elfe, pas bien pas bien hin hin hin !
Derrière lui, un garde firbolg leva sa lourde masse, l’abattit, et la lumière céda la place aux ténèbres.
Jordheim, fin d’après midi :
En raison de la gravité de la situation, ils furent obligés de se réunir en urgence dans un des temples annexes. Visiblement troublé, le Gothi Alen observa les arrivés de ses comparses et sentit l’anxiété l’envahir quand il se rendit qu’il manquait l’un d’entre eux. Il aurait du déjà être de retour après s’être occupé des deux membres de la Garde Noire… Son retard pouvait signifier bien des choses, en passant par une catastrophe pour eux tous…
_Où se trouve Ganon ?
Le Gothi Alen s’épongea le front :
_Nous avons sûrement commis une erreur en sous estimant la valkyn et le kobold… J’ai peur qu’il faille considérer Ganon comme perdu, et partir du principe que notre arrangement va être découvert tôt ou tard. En fait, j’ai une mauvaise nouvelle de plus à vous annoncer.
L’un des hommes portant une pèlerine se leva et clama d’un air mi-amusé mi-colérique :
_Eh bien ce ne sera pas la première de la journée… Que suis-je censé donner comme rapport une fois que je serai rentré à Camelot, hein ?
_Mon ami Bowden, calmez vous et écoutez-moi, ensuite nous aviserons des mesures à prendre. Nous avons retrouvé Agorne, il a été torturé à mort, sûrement par le même individu qui a déjà tué Olaf. Mais alors qu’Olaf n’était qu’un de nos hommes de main, Agorne, lui, en savait beaucoup plus sur nos projets, et je suis convaincu qu’il a parlé sous la torture. Maintenant je vais vous donner le nom de celui que je suspecte être derrière tout cela. Je vous ai parlé de la possible implication de l’Ordre de Loki dans cette affaire, et je ne m’étais pas trompé, car j’ai aussi trouvé leur symbole sur le corps meurtri d’Agorne, en plus d’un message à caractère personnel.
Maintenant je vous laisse arriver à la même conclusion que moi : qui peut avoir des raisons de se venger de nous ? Qui avons nous pourchassés sans relâche jusqu’à sa prétendue mort ? Seule condition pour que notre projet ne se réalise ?
_Alen, êtes-vous en train de nous dire que Nosroth Delving est vivant ?
Un silence lourd de signification se fit dans la salle avant que le Gothi Alen ne réponde :
_J’en ai bien peur mes amis.
_Mais c’est impossible ! Nous avons tous vu son cadavre !
_Il est justement connu pour ce genre de tours. Maintenant, un autre détail qui apporte un fondement à mes craintes : Hier, nous avons tenté de faire arrêter deux membres de la Garde Noire en les accusant du meurtre de Olaf, ce qui nous aurait permis d’étouffer l’affaire pendant un certain temps. C’était Agorne qui devait s’en charger, et Agorne a disparu… Mes amis, qui, après son départ de l’Ordre de Loki, a rejoint la Garde Noire ? Nosroth Delving…
_Et maintenant, Ganon qui disparaît aussi… Alen, tout ceci constitue un parfait exemple de manque de clairvoyance de la part de ce Conseil ! Vous vous rendez compte, j’espère, de l’impact que pourrait avoir la présence d’un Elfe, qui plus est membre de la cour de Dame Brigitte en Midgard ?
_En effet, je le conçois pleinement. C’est pourquoi je propose que chacun des émissaires présents en Midgard regagne son royaume au plus vite, nous ne pouvons pas nous permettre d’attirer l’attention sur nous en ce moment. La prochaine guerre approche, comme nous l’avions prévu, et nous devons pouvoir communiquer entre nous.
Le Gothi Alen sentait que les autres commençaient à montrer des signes de nervosité, si bien qu’il se fit rassurant :
_Ecoutez-moi, nous avons déjà fait beaucoup de chemin, franchi les barrières du langage, et surtout nous avons mis en commun nos intérêts. Jusqu’ici, cela nous a été, à tous, plus que profitable, et il n’y a pas de raison pour que cette affaire nous arrête. Certes, la réapparition de cet Assassin nous pose un problème, mais il n’est qu’un seul homme, bien que dangereux, nous en viendrons à bout, ne vous inquiétez pas. Maintenant je suggère que nous ajournions et que vous vous mettiez en chemin, la route sera longue jusqu’à vos royaumes.
Les neufs se séparèrent donc, chacun ruminant de sombres pensées quant à ses intérêts personnels dans cette affaire qui commençait à prendre mauvaise tournure.
Ils menèrent l’elfe avec eux dans les montagnes, non loin des camps Vendo.
Pour la première fois dans sa déjà longue carrière, Lews ne savait pas quoi faire. A côté de lui, Aleiwena restait silencieuse, le regard vide, et le kobold, sachant qu’elle parlait avec les morts, eut un frisson.
Devant eux, ligoté, l’Elfe les regardait d’un air méprisant et quelle ne fut pas leur surprise quand il s’adressa à eux dans leur langue :
_Vous vous êtes donc rendu compte de la précarité de votre situation n’est-ce pas ?
_Qui es-tu ?
L’elfe sourit en regardant Aleiwena :
_Tes pouvoirs sont stupéfiants, mais ils font de toi un monstre, ce doit être dur de vivre dans de telles conditions…
La valkyn mit de côté les doutes et la peine que les mots de l’elfe avait fait ressortir et continua son interrogatoire, même s’il était clair que leur prisonnier n’allait pas leur apprendre grand chose.
_Croyez-moi, cette histoire vous dépasse tous, vous n’avez même pas idée…
_Alors éclaire-nous…
_Je regrette, mais je ne m’estime pas obligé de te dire quoi que ce soit, maudite valkyn ! A vrai dire, je ne me sens pas vraiment en danger. Après tout, si vous me tuez, vous ne saurez jamais ce qui se passe, n’est-ce pas ?
Aleiwena regarda Lews, cherchant son opinion sur la situation, mais le kobold n’écoutait plus depuis un moment. Elle le vit observer les alentours, mal à l’aise :
_Lews, qu’est-ce qui ne va pas ?
Sans se retourner, le regard toujours fixé droit devant lui, il lui répondit à voix basse :
_NousCaPasSur, MaisCaPasNormal, PasDeBruit…
_Lews, nous sommes au milieu de nulle part…
_CaMemePasBruitDeNature, Ecoute !
Aleiwena tendit l’oreille, se concentra, et n’entendit rien, pas un chant d’oiseaux, rien…
Derrière elle, l’elfe ricana.
Doucement, Lews se rapprocha de l’endroit où se tenaient la valkyn et l’elfe, il avait deviné ce qui allait se passer.
_Aleiwena ? ToiCaTeBaisser !
Un bruit sur la droite, depuis les arbres. Lews empoigna l’elfe, dont la surprise prit le pas sur la terreur, et passa dans son dos alors que les flèches partaient depuis les arbres et les fourrés, empalant leur prisonnier de toute part. se servant toujours de l’elfe comme bouclier, Lews regarda dans la direction de son amie. Une flèche s’était fichée dans son bras gauche et déjà le sang commençait à se répandre sur le sol, il fallait bouger !
_ToiCaMeSuivre, vite !
Lâchant enfin le cadavre de l’elfe, Lews prit la valkyn dans ses bras et la força à se lever, alors que les flèches continuaient de fuser. Finalement, elle réussit à trouver un équilibre et commença à courir à ses côtés. Derrière eux, les flèches se plantaient dans le sol, certaines les ratant de quelques centimètres. Lews pressa l’allure, sachant qu’ils auraient du mal à semer leurs poursuivants.
Arrivés près d’un grand sapin, Lews laissa la valkyn se reposer quelques secondes pendant qu’il jetait un œil derrière. C’étaient des vikings en armure de garde qui avançaient vite, en battue. Mais Lews n’était pas un vulgaire gibier. Le kobold sortit ses haches, disparut, et partit lui aussi en chasse.
Tout d’un coup, alors qu’il allait s’approcher de l’un des gardes, deux cris retentirent quelque part à l’est. automatiquement, les autres vikings se ruèrent vers la source du bruit, certains plus rapidement que d’autres. L’un d’entre eux, s’étant laissé distancer, tomba sans un bruit sous les lames expertes du kobold. C’est alors que Lews sentit la présence de deux autres furtifs près de lui, puis, aussi vite qu’elle était venue, la sensation disparut.
Pas de doute, il fallait recommencer à fuir, si bien que le kobold rejoignit discrètement l’arbre où il avait laissé Aleiwena pour se rendre compte qu’il arrivait trop tard.
Debout devant elle se tenait l’un des gardes, l’arc bandé. Oubliant toute prudence, Lews redevint visible et courut au devant du viking, les armes à la main. Souriant, le garde braqua son arme sur le kobold qui ne ralentit pas sa course pour autant.
Puis deux choses se produisirent en même temps :
La flèche et l’arc furent coupés en deux et le garde émit un son mouillé quand une tâche rouge apparut sur les parties en cuir de son armure. Hébété, le garde eut le temps de voir ceux qui venaient de le tuer, deux Assassins, leur armure de cuir gravée en forme d’ossature humaine luisant au soleil, sinistre, tout autant que leur visage.
Ces assassins, Lews les connaissait, surtout celui qui lui sourit sombrement alors que le corps du garde glissait doucement contre l’arbre, sans vie.
Devant lui se tenaient Nosroth et Silace, ex Assassins de l’Ordre de Loki.
Ils avaient trouvé un camp Vendo isolés et avaient décidé de s’y arrêter pour la nuit. Pendant que Silace s’occupait de la blessure d’Aleiwena, Nosroth et Lews discutaient autour du feu pour la première fois depuis plus de deux ans :
_CopainNos, PourquoiRosesPeauxAttaquerNousCaEtAleiwena ? EtPourquoiToiCaCaché ?
Le viking regarda son ami kobold gravement :
_Lews, si je te raconte mon histoire, tu seras en danger aussi, si ce n’est pas déjà trop tard.
_NousCaPasPeur ! NousCaVeuxSavoir !
_Très bien Lews.
« Tout a commencé il y a quatre ans, à l’époque où je faisais encore partie de l’Ordre de Loki. Les Assassins disponibles sur le front Hibernien avaient pour mission de retarder au maximum les troupes albionaises sur leur chemin de Conquête (du sabotage en somme), ainsi que de faire des rapports quotidiens sur leur nombre et leur force. L’Ordre envoya une équipe dont je faisais partie sur Emain Macha et, pendant des mois, nous avons semé le chaos dans leurs rangs. »
« Mais nos activités ne se limitaient pas seulement à monter des embuscades, nous étions aussi appelés pour espionner et fournir des informations de tous types. Nos « employeurs » tenaient généralement à rester discrets, bien que la plupart de nos missions nous aient été confiées par le conseil de guerre. Pendant plusieurs années, l’Ordre de Loki fut appelé pour ce genre de tâches, reconnu même si désavoué par les dirigeants de Midgard.
Jusqu’à ce quelqu’un nous trahisse. »
« Nous n’avons jamais su qui nous avait vendu, mais un grand nombre d’Assassins de la guilde tombèrent dans des embuscades lors de missions d’espionnages. Certains s’en sortirent ou purent être ramenés à la vie par les guérisseurs, d’autres non. Je perdis beaucoup d’amis qui m’étaient cher ce jour-ci, en particulier Sinodaii… »
« Après cela, Zytha déclara que l’Ordre de Loki devait disparaître, que notre sécurité était compromise. Plusieurs chefs de guerre et Gothis assistèrent à la dissolution officielle de la guilde. Les Assassins de Loki s’éparpillèrent dans Midgard, certains prenant leur retraite, d’autres s’enrôlant dans d’autres guildes, comme moi dans la Garde Noire. Bien entendu, nous sommes tous restés en contact les uns avec les autres, au cas ou quelque chose se produirait… Et quelque chose c’est produit. »
« Tu te souviendras sûrement de l’invasion hibernienne sur nos terres il y a deux ans, le cauchemar que nous avons vécu ainsi que sa conclusion. Vois-tu Lews, je ne pense pas que beaucoup de gens soient au courant, mais beaucoup de choses ont été rendues possibles cette nuit la grâce à sept Assassins, dont plusieurs ex Lokis. Après la reprise de nos forts, rendue possible grâce à nos actions contre les invocateurs des morts hiberniens, mon groupe d’Assassins se rendit avant tout le monde sur Hibernia pour rendre compte des déplacements ennemis. C’est ainsi que je découvris l’attaque Albionaise sur Dun Dagda et que la Garde Noire prit Dun Ailine, grâce à nos informations. Bien évidemment, notre désir de vengeance était telle que nous avons aidé Albion dans son attaque. »
« Mais Lews, il faut bien que tu comprennes que ce qui c’est passé ce soir là a brisé les plans de certaines personnes, ce qui a entraîné la situation où nous nous trouvons toi et moi aujourd’hui ! »
« Zytha et moi étions postés sur les remparts du reliquaire, au milieu du danger, et déjà en nous commençait à naître une idée folle : Deux Assassins pouvaient-ils changer le cours de l’histoire ? Quand la porte du donjon céda, nous nous regardâmes, la compréhension n’avait pas attendu la parole. Sous le nez de la masse Albionaise, je me faufilai, invisible mais me sentant tellement petit… Arrivé en haut, dans la salle où trônaient les trois reliques, mon cœur fit un bon dans sa poitrine alors que je repérais des sicaires. Mais c’est quand tout espoir m’abandonnait qu’ils s’approchèrent de moi, apparurent, et me saluèrent ! Ils firent de même à Zytha qui s’empressa de leur rendre la pareille. Je ne saurai jamais pourquoi ils agirent comme cela, mais le fait est que, quelques secondes plus tard, je m’enfuyais de Dun Dagda avec la Corne du Valhala dans mon sac. »
« Le reste de l’histoire est connu je pense, comment un elfe me trouva et me laissa pour mort, ne voyant pas ce que je transportais, comment un des chamans de ma guilde finit ce que j’avais commencé. Ce soir là, Midgard avait gagné une bataille contre toute attente, défiant toutes les probabilités, et mettant à mal un complot dont je n’ai pas encore tous les éléments, mais dont je devins par la suite la cible principale, ainsi que Zytha, même si je ne devais apprendre tout ceci que beaucoup plus tard… »
« Peu de temps après ces événements, je suis parti sur Aegir. J’avais besoin de me retrouver, j’avais besoin de solitude. Bien entendu, je donnais une occasion rêvée à ceux qui voulaient me voir mort, et ils la saisirent au bout d’un an passé à me chercher. Mais, malgré ce qu’ils savaient sur moi, ils me sous-estimèrent et je leur fis croire à ma mort, disparaissant donc de leurs plans à jamais. »
« Cependant, en fouillant les cadavres de ceux qui avaient été envoyés pour me tuer, je trouvai une lettre du Gothi d’Aegir, et c’est ainsi que je pris connaissance de ce qui se passait vraiment en Midgard : certains dirigeants conspirant contre le peuple pour asseoir des intérêts personnels. Quelle était la teneur de ses intérêts, je n’en savais rien, tout comme je ne savais pas en quoi consistait leur complot, et si j’en ai maintenant une vague idée, je ne suis encore sur de rien. »
« Néanmoins, je rendis une petite visite au Gothi Osloth d’Aegir qui ne m’apprit pas grand chose avant de mourir. Mais ce que j’appris ce soir là en fouillant ses papiers me glaça le sang : ils tenaient Zytha, l’autre instigatrice de leur déconvenue. Lews, voilà la raison pour laquelle je fais tout cela, je cherche Zytha. Mais je me suis rendu compte qu’en la cherchant, j’ai déclaré la guerre à certains dirigeants de mon royaume… Mais je ne serai pas seul, ceux de Loki répondront à mon appel je pense, et comme j’ai retrouvé Silace, les autres seront bientôt réactivés.»
Silace s’approcha d’eux doucement :
_Nos, on fait quoi maintenant ?
_Maintenant mon ami, je vais te laisser retrouver les autres membres de l’Ordre, il est temps de les réactiver, car ceux qui en ont après moi sont les mêmes que ceux qui nous ont trahis il y longtemps, cela nous concerne tous.
Nosroth se tourna vers Lews et Aleiwena :
_Ecoutez-moi, ceci ne vous concerne pas directement, je n’ai aucun droit de vous obliger à me suivre.
_ToiCaCopainNos, NousCaAider, CommeAvantDansValDeBeryl !
Aleiwena lui sourit, dévoilant ses crocs blancs :
_Souviens-toi notre discussion, dans le glacier, je te dois beaucoup, je t’aiderai.

Alors que les quatre amis finissaient de régler les détails de leurs actions à venir, une silhouette immatérielle qui ne pouvait être qu’un Assassin se déplaça imperceptiblement dans les fourrés, s’éloignant du camp pour disparaître à travers les grands arbres de la région du Val de Mularn.
Toglog revint à lui dans un cachot et sa première réaction fut la surprise d’être encore vivant. Manifestement, il avait découvert quelque chose de particulièrement grave et y avait survécu, ce qui n’était pas logique. Encore désorienté, l’Elfe regarda autour de lui : la pièce baignait dans l’obscurité, mais, automatiquement, l’esprit aiguisé de l’Ombre notèrent une pléthore de détails qui lui firent comprendre dans quel pétrin il se trouvait. Tout d’abord, les pierres des murs ne venait pas d’Hibernia, il en reconnaissait la texture, c’était des pierres du pays d’Albion. Derrière la porte du cachot, il entendait le claquement des articulations de l’armure des gardes, de la plate. Il se trouvait donc sûrement dans un fort albionais, ce qui apportait une preuve de plus quant à ce qu’il avait vu à Tir Na Nog.
Soudain, un bruit de frottement, infime, lui glaça le sang. Il n’était pas tout seul dans le cachot et…
Le coup arriva si vite qu’il eut à peine le temps d’esquiver, son oreille sifflant alors que le poing muni d’ongles ressemblant à des griffes passa à moins d’un centimètre. Avec sa rapidité légendaire, Toglog riposta, bloqua le bras de son assaillant tout en se plaçant pour atteindre sa gorge, mais c’est à sa grande stupeur que son adversaire se dégagea et lui envoya un coup de pied expert qui le projeta contre le mur derrière lui.
Sonné, Toglog se remit en garde, profitant d’un léger rayon de lumière passant sous la porte pour s’orienter, mais il fut pris de cours quand, l’espace d’un instant, le visage de son agresseur fut rendu visible, c’était une viking !
L’attaque fut rapide, brillante, mais cette fois, l’Ombre était prête, il bloqua souplement le bras de la femme dans une clé parfaite, pivota sur lui même en profitant de son élan pour la mettre au sol, puis il la suivit dans le mouvement, gardant toujours son bras de telle façon qu’elle ne pouvait se débattre sans risquer de le casser.
C’est ainsi que les gardes albionais les trouvèrent tous les deux quand ils ouvrirent la porte, attirés par le bruit de la lutte. Toglog plissa les yeux quand la lumière le frappa, et avant que le Highlander en armure ne le jette au sol comme un vulgaire paquet, l’elfe regarda attentivement la femme qui l’avait attaqué et l’a reconnu :
Affaiblie et amaigrie par sûrement plusieurs mois de privations et mauvais traitements mais néanmoins toujours aussi hargneuse et combattante se tenait devant lui une Assassin qu’il avait bien connu par le passé. L’Ordre de Loki était sa guilde, Toglog s’en souvenait plus que bien.
Devant lui se tenait Zytha.
Les quatre amis s’étaient séparés, chacun aillant convenu d’une tâche à accomplir. Lews et Aleiwena avaient repris le chemin des Portes d’Odin pour alerter certains membres de la Garde Noire, Silace s’en était allé chercher les autres Assassins de Loki, et Nosroth était reparti dans la direction de Jordheim, lieu où se trouvaient la plupart des conspirateurs. Et l’un d’eux devait savoir où se trouvait Zytha.
Depuis qu’il avait appris de la bouche d’Agorne en quoi consistait une partie de la conspiration, Nosroth sentait une rage froide et sourde monter en lui. Lui ainsi que tous les autres se battaient depuis tellement d’années dans une guerre qui n’avait finalement aucun sens, sinon d’enrichir certains individus, ou bien de permettre certaines magouilles politiques. Le récit de Lews et Aleiwena à propos de l’elfe validait les dires du Gothi et confirmait ses pires soupçons.
Il en était quasiment certain, l’Ordre de Loki avait été trahis parce qu’ils s’étaient trop approchés de certains secrets, ne restait plus qu’à trouver ceux qui pourraient tout lui avouer.
Mais, avant tout, il voulait retrouver la femme avec laquelle il avait partagé le plus de souffrances, d’efforts, et de joies. Il la retrouverait, et ensembles, ils allaient changer les règles du jeu, faire la différence encore une fois, une dernière fois sans doute.
Nosroth retrouva le contrôle de ses émotions, si bien que, quand les tours de gardes de Jordheim apparurent au loin, derrière Mularn, son visage était redevenu impassible, marqué d’une froide résolution.
Mais il comprit que sa quête allait se corser de beaucoup quand il vit le nombre accru de patrouilles de gardes à l’extérieur de Mularn. Ils avaient renforcé la sécurité, bien évidemment, tout comme le meurtre du Gothi Agorne devait faire grand bruit en ville.
Nosroth se fondit dans les ombres, invisible aux yeux de tous, et s’avança prudemment vers les portes de Jordheim.

Toglog n’en revenait pas, trouver une des Assassins les plus craintes de tout Midgard avec lui dans ce cachot lugubre d’un Caer quelconque après avoir découvert une sorte de conspiration au sein de son propre royaume commençait à faire beaucoup pour un seul elfe.
Mais, après réflexion, il apparaissait logique que, tout comme lui, certains Midgardiens ou Albionais aient été les témoins de cette affaire qui avait tout l’air de s’étendre aux trois royaumes. Et bien évidemment, si quelqu’un avait toutes les chances de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment, ça ne pouvait être qu’un furtif…
Immobile comme une pierre, Toglog observait la viking avec attention, tout en réfléchissant à la situation et à ses possibles développements. De l’autre côté de la pièce, Zytha, assise contre le mur, faisait de même. Mais l’elfe savait qu’elle se préparait aussi à se défendre contre lui, il pouvait voir ses muscles tendus, bandés, son regard fauve et alerte. Toujours prête. Il n’en attendait pas moins d’elle.
Doucement, il leva la main et lui fit signe, tentant d’engager la communication. Elle le fixa intensément et hocha la tête. Un bon début. Ensuite, il montra la porte du cachot, puis la désigna, ainsi que lui même. « Sortons d’ici ! »
Pour la première fois depuis leur rencontre, il la vit esquisser un sourire, mais ne put s’empêcher de frémir tant ce sourire avait quelque chose de… carnassier… Il ne savait toujours pas s’il devait la trouver belle à en mourir, ou s’enfuir en hurlant devant tant de froideur et de détermination… Une race terrifiante ces hommes du Nord…
A son tour, elle lui fit signe et désigna la porte. Manifestement, elle aussi avait dans l’idée de sortir d’ici.
Soudain, Toglog entendit des bruits de pas dans le couloir du Caer, bruits de pas qui se rapprochaient du cachot ? Automatiquement, il fit signe à Zytha qui commençait déjà à se mettre en position, prête pour le moment où la porte s’ouvrirait.
Chacun de leur côté de la porte, les deux furtifs se regardèrent alors que le bruit d’une clé glissant dans une serrure se faisait entendre et que la lumière vive du jour commençait à envahir la pièce. Les deux gardes s’avancèrent, l’arme à la main, comme l’espérait Toglog qui donna le signal à la viking, et tout d’un coup, le calme du cachot fut brisé par une suite de mouvements, de chocs et de cris l’espace de quelques secondes.
Le commandant des chevaliers ne vit que trop tard l’elfe sur sa gauche quand celui-ci l’agrippa au poignet droit et tira tout en pivotant sur lui-même, brisant le membre non protégé par l’articulation de l’armure en plate. Lâchant son arme avec un cri de douleur, le commandant se retrouva à genoux quand Toglog augmenta encore la pression de sa prise et tout devint ténèbres quand l’elfe lui plaça un coup de pied ravageur en pleine tête, l’envoyant s’écraser contre le mur du cachot.
Tout ceci ne prit pas plus de cinq secondes.
A peine l’autre garde avait-il eu le temps de comprendre ce qui arrivait à son collègue que Zytha attaqua à son tour avec la même précision, si bien que le deuxième chevalier se retrouva à terre lui aussi.
Toglog et Zytha étaient maintenant armés et, sans attendre, ils sortirent de la pièce à la recherche de leur équipement. D’un commun accord, ils montèrent les escaliers pour rejoindre la salle de gardes se trouvant en dessous de celle du Seigneur du Caer, endroit le plus probable pour stocker des armes et armures.
Sans un bruit, ils pénétrèrent dans la salle et virent un chevalier attablé et dormant bruyamment après un copieux repas dont les restes avaient été jetés nonchalamment à terre. Zytha s’approcha du chevalier alors que Toglog refermait la porte doucement, se plaça derrière lui et, d’un geste vif, prit sa tête entre ses doigts et lui brisa la nuque, le tuant sur le coup.
Les deux alliés de circonstance se mirent alors à la recherche de leurs armures et armes, sans résultat. Il allait falloir explorer tout le Caer…
Soudain, derrière eux, le bruit mat du cuir tombant au sol. Toglog se retourna instinctivement et grogna. Ce bruit avait été causé par leurs armures, armures lâchées au sol par les deux sicaires que l’elfe avait eu le temps de voir avant qu’ils ne disparaissent, tous deux les armes à la main et un sourire suffisant aux lèvres.
Toglog se savait mal parti sur ce coup. Sans armure, avec une épée bâtarde comme seule arme, contre deux sicaires, la combat allait être sportif, sachant que son épaule le faisait encore souffrir. Maudit lurikeen de Proctor, il allait déguster quand Toglog reviendrait.
S’il revenait un jour…
Dos à dos avec la viking, l’elfe ferma les yeux, se concentrant sur les déplacement d’air.
« Calme toi, ils sont tout près, ressens les, attends, ils y sont presque… Sur la droite… Encore un mètre… Maintenant ! »
Toglog ouvrit les yeux en criant, projetant une décharge d’énergie pure sur le sicaire qui allait attaquer et qui fut projeté au sol, stupéfait. L’elfe Ombre passa à l’attaque, rapide, puissant, sachant pertinemment que le second sicaire allait se trouver sur sa route, son arme d’estoc prête à lui perforer la gorge, mais il n’était pas seul et faisait confiance à Zytha. Alors qu’il s’approchait du sicaire encore à terre, une épée bâtarde le dépassa, frôlant son oreille d’à peine deux centimètres et se ficha dans un corps invisible, à 1 mètre devant lui. Le second sicaire s’effondra, avec sur son visage une expression de surprise : il n’arrivait pas à croire qu’il venait de mourir.
D’un geste souple, l’autre sicaire se releva juste à temps pour contre attaquer Toglog qui n’eut pas le temps d’esquiver le coup, trop emporté par son propre élan et le poids de l’épée bâtarde. Sentant la brûlure du poison sur ses côtes, ainsi que sa chaire se déchirant, il se décala sur le côté pour minimiser les dégâts et tenta de décapiter le sicaire qui esquiva adroitement, lui plaça un coup de pied dans le ventre, le pliant en deux. La respiration coupée, Toglog vit le sicaire sauter par la fenêtre. Il avait vu que Zytha avait récupéré ses armes et avait jugé la situation peu à son avantage, seul contre deux.
Le problème était qu’il allait donner l’alerte.
Zytha lui lança son armure qu’il enfila tant bien que mal, ses côtes le faisant souffrir alors que le poison faisait encore effet, l’affaiblissant considérablement. Il savait combien de temps l’effet du poison allait se faire sentir, et il dut se rendre à l’évidence, il ne pourrait pas combattre pendant quelques minutes.
Alors qu’ils finissaient tous deux de s’équiper, ils entendirent des cris dans la cour intérieure du Caer alors que les gardes, alertés par le sicaire, montaient les escaliers en courant. Les deux furtifs se regardèrent, sachant qu’ils n’avaient qu’une seule alternative : la fenêtre donnant non pas sur la cours, mais à l’extérieur du Caer, fenêtre qui se trouvait à plus de vingt mètres de hauteur…
Pris au piège, ils n’avaient plus le choix, ils sautèrent dans le vide.
Quand les chevaliers défoncèrent la porte et pénétrèrent dans la salle, ils ne trouvèrent que le cadavre du sicaire dont le sang se répandait lentement sur le sol, les prisonniers avaient disparu.

Nosroth sut que quelque chose n’allait pas quand il approcha des portes des Jordheim. Il était attendu par des Assassins. Deux d’entre eux n’étaient pas dissimulés, mais il savait que les autres attendaient qu’il se manifeste pour l’intercepter. Il allait pourtant devoir courir le risque, car il connaissait l’Assassin qui attendait patiemment :
_Bonjour Oftorn.
Aussitôt, celui-ci fit signe à son épique de ne pas attaquer :
_Laissez moi lui parler ! Salut Nos, heureux de te voir de retour mon ami. Enfin… « voir » est un bien grand mot en ce moment…
_Disons que, vu ton comité d’accueil, je me demande s’il est bien sage d’apparaître, mon « ami ».
Clairement, Oftorn était mal à l’aise :
_Nos, écoute moi, j’ai reçu l’ordre du Gothi Alen lui-même de t’arrêter quand tu tenterais de revenir en ville, ou de te tuer si tu résistais…
_Oftorn, celui qui t’a donné cet ordre est un traître. Il veut me voir mort car j’en sais trop.
_Oui Nos, ta fameuse conspiration, il m’a raconté ce que tu lui as dit quand tu l’as menacé avant de tuer le Gothi Agorne… Tu as bien changé Nos, je regrette celui qui nous a si souvent mené au combat.
Nosroth comprit qu’il ne passerait pas, Alen avait finement joué son coup, il ne pourrait pas convaincre Oftorn de le laisser passer. Il n’avait plus qu’une seule possibilité, et l’autre le savait.
La tension commença à se faire palpable alors que les Assassins se préparaient au combat.
_Oftorn, dis à tes hommes de me laisser passer je t’en pris. Je ne veux pas vous blesser, mais je dois voir Alen, la vie de Zytha.
_Nos… Tu sais que je ne peux pas faire cela. Malgré notre amitié, tu sais que je ne peux pas.
_Alors tu ne me laisses pas le choix, Oftorn.
_Nos ! Ca n’est pas obligé de finir comme ça ! Nous sommes cinq contre toi ! Ne cours pas à une mort stupide !
_Mais qui a dit que j’allais mourir ?
Alors qu’il finissait sa phrase, l’un des Assassins qui était resté invisible mais s’était un peu trop approché de la position de Nosroth tomba, une dague en travers de la gorge, et c’est au moment ou l’ex Assassin de Loki apparut qu’Oftorn comprit que le combat ne serait pas gagné d’avance. Il avait tellement changé… Ses yeux…
« Nos, mais que t’est il arrivé ? »
Il était tout simplement trop rapide, esquivant les lames des trois Assassins, bloquant les coups, ripostant dans la seconde même, mais Oftorn se rendit compte qu’il aurait pu tous les tuer et ne le faisait pas.
Les lames sifflaient dans l’air, passant à quelques centimètres à peine de sa gorge, mais il esquivait encore, jusqu’à ce qu’il bloque les bras armés de deux des Assassins et ne sectionne les tendons des deux membres d’un coup vif et précis tout en frappant le troisième à la poitrine, l’assommant momentanément.
Pour faire bonne mesure, il tourna sur lui même tout en se baissant pour éviter les dernières attaques de main gauche et planta ses lames dans leurs cuisses. Alors que le troisième se relevait, il lui décocha une dague dans l’épaule, si bien que les trois Assassins tombèrent au sol en même temps, hors de combat, mais vivants.
Oftorn se mit en garde alors que Nosroth se retournait pour lui faire face, le regard triste, fatigué :
_Je ne suis pas venu me battre contre toi, arrêtons là, je t’en pris.
Oftorn se lança à l’attaque.
Jordheim, alors que la nuit commence doucement à tomber. Devant l’entrée Nord de la capitale, avec le village de Mularn lui faisant face, deux Assassins se battent. A leurs pieds, quatre Assassins sont étendus, un mort pour trois hors d’état de nuire. Le silence du crépuscule n’est brisé que par le tintement des lames qui s’entrechoquent alors que les deux furtifs enchaînent les coups, feintant, esquivant, bloquant l’autre, le tout dans une frénésie de mouvements aussi gracieux que meurtriers et silencieux.
L’un des deux hommes aborde une expression de concentration intense, calculant chaque coup, anticipant le mouvement de l’autre, esquivant à la seconde près, mais en son fort intérieur, le doute le tenaille : Et si ce que lui avait dit son adversaire était vrai ? Ses actions sont-elles honorables ?
L’autre viking, bien que concentré lui aussi sur le combat, laisse surtout transparaître une grande tristesse, une fatalité qu’il semble seul à porter. Il ne veut pas de ce combat, n’est pas venu pour cela, et bien qu’il comprenne pleinement la position de son adversaire, il n’a aucune intention de le tuer, car ils se connaissent tous deux depuis de longues années.
Les deux adversaires sont amis.
Les quatre lames s’entrechoquèrent quand les deux Assassins neutralisèrent en même temps l’attaque de l’autre, si bien qu’il ne leur restait plus que l’épreuve de force et de volonté, à savoir de qui des deux allait céder en premier. Mais leurs yeux ne se quittèrent jamais, et chacun put lire sa propre réflexion dans le regard de l’autre, et à ce moment, Oftorn sut que Nosroth lui disait la vérité. Ce qu’il lut dans le regard de son vieil ami était ce qu’il y avait toujours lu : l’ex Loki n’avait pas changé, leur combat n’avait plus de sens.
Doucement, prudemment, les deux adversaires abaissèrent leurs armes et finirent par s’éloigner l’un de l’autre doucement. Finalement, ce fut Oftorn qui rompit le silence :
_Nos… Ma raison me dit que j’ai tord de te laisser vivre, malgré les ordres du Gothi Alen, mais mon instinct me dit que je peux te faire confiance, comme je l’ai fait jadis, quand nous avons combattu côte à côte pendant tellement d’années. Mais je voudrais comprendre pourquoi tu as tué ces gens en ville, un Gothi en plus ! Ces prêtres sont nos liens avec nos dieux Nos ! Pourquoi ? Je sais que tu ne fais jamais rien sans raison, alors explique moi, je t’en pris !
Nosroth soupira, à la fois soulagé que le combat soit fini mais aussi meurtri par l’idée d’impliquer encore un ami de plus dans cette histoire qui risquait de leur coûter la vie à tous :
_Très bien Oftorn, mon vieil ami, je vais même faire mieux que de t’expliquer, tu pourras voir par toi même. Mais souviens toi bien, ce que tu vas sûrement apprendre changera ta vie, et tu seras en danger, autant que moi, autant que tous ceux de l’Ordre de Loki, autant que ceux qui ont jadis cru en un idéal pour ce royaume… Oftorn, tu veux connaître la vérité ? Très bien…
La flèche rata Nosroth de très peu, et il eut juste le temps de plonger à terre alors qu’une dizaine de projectiles se fichaient dans la palissade de la porte Nord. Il eut le temps de voir Oftorn se jeter de côté aussi, et alors que la garde personnelle du Gothi Alen l’encerclait, il vit son ami disparaître aux yeux de tous, sain et sauf.
Le Jarl viking se pencha sur lui, l’air mauvais :
_Nosroth Delving, le Gothi Alen vous attendait.
Et tout ne fut plus que ténèbres quand le Jarl abattit son épée sur la nuque de l’Assassin.
Toglog et Zytha fuyaient pour leur vie. Derrière eux, les patrouilles de Caer Hurbury s’étaient lancées à leur recherche et l’elfe pouvait les entendre crier les ordres alors que la battue se mettait en place.
En temps normal, il ne leur aurait pas été difficile de semer leurs poursuivants, mais, diminué par les combats et les blessures, Toglog s’était mal réceptionné et souffrait d’une douleur lancinante à la jambe gauche, le ralentissant considérablement. Zytha, quant à elle, peinait à cause des privations et des sévices qu’elle avait enduré durant tous ces mois dans ce cachot infâme.
Quitter Snowdonia pour rejoindre les Monts de Pennine leur prit de longues heures de stress et de fatigue mais il parvinrent finalement à atteindre le Mur d’Hadrien, avec la quasi certitude d’avoir enfin semé leurs poursuivants. Ils décidèrent de se reposer une dernière fois à la maison romaine, près de l’aqueduc en ruine, avant de rejoindre leur fort respectif et ainsi retourner dans leur propre royaume.
Seulement Toglog n’était pas vraiment sûr de retourner chez lui maintenant fut une si bonne idée…
Il ressassait ces pensées depuis déjà plusieurs heures et profita de la pause pour faire le point sur sa position. Il en arriva à la conclusion qu’elle n’était vraiment pas brillante.
Il sursauta légèrement quand la viking lui tapa sur l’épaule d’un geste urgent, et comprit en tendant l’oreille que les patrouilles Albionaises approchaient. Ils n’avaient pas abandonné la poursuite et avaient bien évidemment extrapolé la course des deux fugitifs jusqu’au Mur d’Hadrien, où ils espéraient sûrement pouvoir leur barrer la route. Toglog comprenait tout à fait que lui et Zytha ne devaient en aucun cas quitter la zone frontalière Albionaise et se réjouit à l’avance des quelques têtes qui allaient tomber à Camelot quand les chevaliers rentreraient bredouilles.
Il se renfrogna tout de même un peu quand il se rendit compte que les chevaliers commençaient à encercler la maison, les prenant au piège. Manifestement, les forts d’entrée Midgardiens et Hiberniens étaient surveillés, chose à laquelle Toglog s’était attendu même s’il avait espéré pouvoir passer avant que le gros des troupes ne retrouvent leur trace.
Sur sa gauche, un archer sarrasin l’ayant repéré aux taches de sang qu’il laissait derrière lui banda son arc et Toglog lança une dague par réflexe dans sa direction, dague qui se planta dans son bras. L’archer laissa tomber son arme en criant alors que Toglog redevenait visible et, en quelques secondes, la maison romaine fut envahie de chevaliers qui encerclèrent l’elfe. Dans son dos, Toglog sentit Zytha, toujours invisible, sortir ses armes, prête à combattre, et il fit de même, apparemment seul contre tous.
Sur son visage se lisait une certaine ironie, comme s’il les défiait de venir tous ensemble contre lui. En fait, il avait envie de partir d’un rire cynique en pensant qu’il allait sûrement mourir à moins de trois cent mètres de sa porte de salut…
Les chevaliers se préparaient à passer à l’attaque. Toglog les regarda tous l’un après l’autre, tentant de réfléchir, jusqu’à la dernière minute, à un moyen de s’enfuir, mais n’en trouva pas. Ne lui restait plus que la bravade, si bien qu’il se mit à crier le maximum d’injures elfiques qui lui vinrent à l’esprit, défiant les Albionais ouvertement.
L’espace d’un instant, les chevaliers reculèrent, impressionnés, puis, d’un commun accord, tous baissèrent leurs armes et se mirent au garde à vous, signe de respect pour la bravoure de leur ennemi qui allait périr sous leurs lames.
Mais ce à quoi personne ne s’attendait fut que les cris de haine de Toglog reçurent une réponse !
Sur la colline, à cent mètres à peine de la maison romaine, se tenaient Daarkyel et son groupe de Cavaliers d’Emeraudes. Toglog les reconnu tous, Aragnis, Uhma, Faoir, Ikkyu, Liiawe Usuldearrakis et Tomyx, des guerriers qui faisaient la fierté d’Hibernia, et dont la renommée avait franchi les frontières. Il suffisait d’ailleurs de voir l’hésitation des chevaliers, pourtant quatre fois plus nombreux, et leur panique quand Daarkyel et son groupe foncèrent sur eux comme un seul homme.
Toglog savait ce qui allait se passer et pensa à Zytha qu’il entraîna alors le plus vite possible dans la direction du groupe avant qu’Uhma ne se déchaîne, ce qui se produisit d’ailleurs quand l’elfe empathe déchira l’air de ses incantations et que, tout d’un coup, la masse des chevaliers prirent leur tête entre leurs mains, torturés par une souffrance sans pareil.
Derrière lui, Zytha lâcha sa main, elle aussi touchée, bien que moins gravement, et réapparut sous le nez de Daarkyel qui mit quelques secondes à comprendre. Voyant la réaction de l’elfe, Toglog se hâta de s’expliquer :
_Daarkyel, retiens ton groupe ! Cette viking est avec moi !
Prenant sa décision en à peine une seconde, l’elfe entraîna son groupe au beau milieu des Albionais meurtris par la magie d’Uhma, et, regardant Aragnis qui souriait déjà, les deux Eldrichts se concentrèrent.
Le Commandant des Chevaliers vit les deux elfes magiciens se placer au milieu de ses troupes et comprit qu’il était trop tard. Alors que les deux êtres immortels commençaient à incanter leur sphère d’énergie, le Commandant songea tristement à sa fin toute proche, qui arriva sous la forme d’une formidable explosion d’énergie pure qui détruisit absolument tout sur son passage, projetant au loin les corps déchiquetés des Albionais, vaporisant ceux qui se trouvaient trop près de l’épicentre de la déflagration.
En moins de vingt secondes, il ne resta plus rien des patrouilles ayant poursuivi Toglog et la viking.
Aragnis tapota doucement l’épaule de Daarkyel :
_Ne restons pas là dessous…
Et il avait raison, car à peine son groupe sortit de la maison romaine que les murs et les colonnes commencèrent à se fissurer, pour finalement s’écrouler dans un fracas de marbre et de poussière.
Entre temps, Toglog avait fait comprendre à Zytha qu’elle devait partir, car il ne savait pas s’il pourrait expliquer à temps à ses congénères ce qui s’était passé. Comprenant que le moment de se séparer était arrivé, la fière viking le salua à la manière des hommes du Nord, la tête haute, la poing sur la poitrine, et il lui rendit tant bien que mal son salut.
Sur quoi elle disparut.
Quand Daarkyel approcha de nouveau, Toglog leur expliqua du mieux qu’il put ce qui lui était arrivé, tout en craignant qu’ils ne le prennent pour un fou. Vu sa chance du moment, cela ne lui paraissait pas tout à fait inconcevable…
Le texte qui suit est une retranscription d’une histoire qui allait être contée par un jeune Skald dans l’auberge principale de Jordheim quelque jours après les événements de la maison romaine, sur le Mur d’Hadrien :

Une silhouette sort de la brume, les quelques vikings perdus dans la plaine la regarde s'avancer péniblement , ils croient reconnaître une valkyn à la démarche si primitive, sortie des entrailles de la terre.
Arrivée à mi distance ils réalisent que dans les veines de cette femme coule le même sang qu'eux , les adorateurs de Thor , ceux qui vénèrent Aégir et Odin , les grands peuples du nord tellement craints pour leur violence et les récits de terreur qu'ont fait régner leurs ancêtres. C’ est une Viking !!!
La femme est lasse, à bout de force , épuisée par une quête inconnue elle ne semble même pas nous remarquer , elle se traîne le long de la clairière du sang collé sur les bottes et les gants , son armure de cuir entaillée, lacérée , sa cape n est plus qu’un haillon , les guerriers n'osent l'interpeller , En jeune skald et cherchant à ses coté une histoire à raconter lors des interminables trajets menant les troupes au combat je me lance à sa poursuite .A peine arrivé à 3 pas de la femme quelle se fond dans l’ombre comme par enchantement . La brume gagne la clairière jusque l orée des bois , le pénombre s'installe sereinement sur la prairie. Inquiet je m’apprête à retourner auprès de mes compagnons d'arme lorsque qu'une main me tire la tête en arrière découvrant ma gorge, avant de pouvoir bouger je sent une lame me glisser le long du coup , la femme est derrière moi , au moindre geste elle pourrait m’arracher la vie , je suis terrorisé lorsqu'elle me murmure à l'oreille

« aides moi à regagner mon royaume jeune skald, ma route à été longue, Midgard m'attend, nous n avons plus un instant à perdre ».

En jeune skald avide d’aventure et fraîchement promu au sein de notre armée je m’exécute, j’entonne un chant destiné à oublier la fatigue du chemin qui nous reste à parcourir, la femme marche derrière moi , d'un pas pressé. Je me souviendrai longtemps de ce voyage tout comme de ces elfes en embuscade qui m’hypnotisèrent au moment même ou j’allais fuir dans la vallée du Mur d'Hadrien ...
La femme s’était tapis dans l’ombre j’étais seul, abandonné à ses créatures abjectes aux oreilles pointues me fixant du regard.
2 elfes côtes à côtes se lancèrent dans des incantations machiavéliques , la bave aux lèvres à l idée de me voir en aussi mauvaise posture quand soudain jaillit devant eux la disciple de Loki , le premier prit les deux haches au niveau du coup , se tordant de douleur il lui fut impossible de bouger.
Les yeux exorbités, à l agonie ,le sang jailli de sa gorge tandis que le poison en soubresauts régulier lui arrache les derniers soupçons de vie jusqu’à le voir s’écrouler, la face contre le sol le bâton à la main.
Son compère surpris par l’apparition, dans un mouvement de recul et de panique abandonne son incantation , à peine tente t il de se retourner pour fuir qu'il reçoit lui aussi les haches mortelles de l’assassin dans les côtes.
Le laissant ainsi agoniser elle sauta sur le guerrier à leur coté , armé d'une masse énorme le celte dans sa cuirasse goûta lui aussi aux haches et aux poisons de la femme de l’ombre, elle enchaîne les esquives, ses haches tournoyaient en l'air dans une chorégraphie millimétrée , poussée par des forces invisibles , calme et sans précipitation elle enchaîne les roulades, passe derrière sa cible , attentive et gracieuse elle devine chaque coup avant même qu'il ne fut porté , le celte excédé poussa un hurlement qui retenti dans toute la vallée, entra en transe les yeux injectés de sang , dans une force surhumaine excédé par la maîtrise avec laquelle l assassin en guenille se jouait de lui , il brandit sa masse au dessus de la tête prêt à l'écraser d'un seul coup quand celle ci dans un éclair lui plante une dague au travers de la gorge avec une vivacité inouïe. Il tituba un instant, recula de deux pas, et tomba à la renverse entraîné par le poids de sa masse.
Sans même me faire un signe, la femme, le regard vide pensa ses plaies. Méticuleusement elle appliqua de nouveaux poisons sur chaque Haches utilisées, l'hypnotisme de l’elfe avait fini par s’estomper mais je restais pétrifié à la vue de tant de sang froid , je reconnu sur le pommeau de la dague une insigne qui me glaça jusqu’au plus profond de mon être , l’œil de Loki ...
Etait-ce possible ?
J’en avais bien entendu quelques rumeurs que je croyais sans fondements, pourtant cette femme, sa grâce, tant de dextérité, elle me jeta un regard sombre qui semblait lire dans mes pensées et m’interdisait de poser toutes questions.
La tête encore abasourdie nous reprîmes la route vers les monts enneigés de la porte d’Odin.

Quelques jours plus tard, arrivés à proximité du géant des glaces dans les terres enneigées de la porte d'Odin, après avoir marché de longues journées la femme avait disparue comme au 1er jour de notre rencontre, je découvris plus tard dans ma besace une pleine bourse d’or , je ne savait rien d'elle, pas même son nom.
J’étais hanté par son visage , mon esprit ne pensait plus qu’à elle , j’avais déjà rencontré des chefs de guerres , des nains ivres craints de tous , des trolls à la force exceptionnelle , des vikings râleurs capable d’enrôler 200 Midgardiens à la conquête d’une relique, des kobolds à la magie destructrice , des valkyns sortis tout droit des entrailles de la terre avec leur regards inquiétant et leur démarche primitive, mais aucun ne véhiculait avec eux tant de mystère. Passé les affres de la guerres ils étaient tous des hommes, charriants les jolie vikings , se saoulant à la taverne, leur foi et leur courage en avait fait des grand de ce royaume mais elle était différente, noire et envoûtante, seule face à ses démons , ceux qui chaque nuit la torturait , dans un sommeil agité , elle parlait de guerre des mondes , de chaire éventrée , de corps putrides piétinés, de membres arrachés, de face écrasée avec des expressions horribles tout en s’agitant, torturée dans les bras de Morphée…
Les fragments des lignes essentielles de son destin devaient être maudits par les dieux eux même pour laisser dans le cœur d’une viking autant d’horreur de répulsion à vivre dans ce monde , je maudis les dieux moi aussi , et repris ma route vers la capitale de notre royaume , Jordheim …

_________________
(/HRP : Je remercie de tout cœur mon amie Zytha, auteur du texte que vous venez de lire et qui a ainsi apporté sa pierre à l’édifice, merci à toi, ton souvenir restera à jamais gravé dans ma mémoire, amie de toujours.)
Le vent soufflait avec la rage d’un dieu blessé sur le reliquaire de Dun Dagda quand un éclair déchira le ciel d’un noir d’encre, révélant la masse lugubre de l’édifice séculaire. L’orage qui secouait le Mont Collory semblait ne pas vouloir s’adoucir, les arbres pliaient dangereusement contre les rafales d’air chaud et l’électricité semblait planer dans l’air lourd et gonflé de pluie.
Il connaissait bien cet endroit, se revit attendre pendant des heures interminables, attendant l’attaque de ses compatriotes, il se revit, plus tard, foncer au milieu de la masse Albionaise, puis dans la pièce où les reliques étaient entreposées, sachant que la moindre erreur lui serait fatale, à lui comme à son royaume. Il revit les reliques, immuables, alors que le tumulte en bas se faisait de plus en plus pressant, de plus en plus fort. Jamais il ne s’était senti aussi seul, ou du moins il n’avait pas souvenir d’avoir ressenti telle solitude. Il se souvint des mouvements discrets et précautionneux des furtifs Albionais alors qu’il hésitait à s’emparer de la Corne du Valhala. Il revit les visages des sicaires et éclaireurs, mais, soudain, la scène changea.
Leurs visages devinrent blanc tel du marbre, leurs yeux commencèrent à briller d’une lueur rougeâtre, et autour de lui, les angles de la pièces devinrent anormaux. Telles des gargouilles, les Albionais le regardaient de leurs yeux démoniaques alors que la pièce semblait se refermer sur lui, il avait de plus en plus de mal à respirer, la panique commençait à le gagner.
La scène changea encore.
Les remparts du reliquaires, sous une pluie battante. La tempête faisait rage. Devant lui, une silhouette se tenait, une arme à la main. Impossible de la voir avec plus de détails, la tempête rendait la scène complètement floue, mais il sut instinctivement qu’il haïssait celui qu’il avait en face de lui.
Trempé, il sortit ses armes, se mit en garde, et se rendit compte qu’il était épuisé comme jamais il ne l’avait été. Mais quelle était donc la signification de tout cela ?
Il déduisit que son adversaire lui souriait quand il aperçut l’éclat de ses dents blanches alors qu’un éclair fulgurant déchirait le ciel pour s’abattre tout près d’eux, embrasant l’abris en bois du rempart.
Alors l’inconnu dit quelque chose et c’est à ce moment là que Nosroth Delving se réveilla en sursaut, couvert de sueur, sa nuque le faisant atrocement souffrir, dans une pièce annexe du Temple des Jotuns à Jordheim.
Déjà son rêve devenait flou, vague, mais il se souvint de la voix de l’inconnu sur le rempart de Dagda qui lui disait :
« Le passé nous rattrape toujours, Nosroth… »

L’Assassin tenta de se calmer, son cœur battait beaucoup trop vite, sa respiration se faisait trop haletante. Recouvrant peu à peu ses esprits, il passa la main sur sa nuque, stupéfait d’être encore vivant, jusqu’à ce qu’il comprenne que le garde l’avait frappé avec le plat de la lame. La douleur qu’il ressentit au niveau du coup lui indiqua que le Jarl n’y était néanmoins pas allé de main morte…
Encore faible, il se leva avec difficulté, activant la circulation du sang dans ses muscles endoloris, alors que, petit à petit, ses sens et sa raison lui revenaient, chassant les réminiscences de son rêve. Il analysa rapidement sa situation qui lui apparut de suite mauvaise bien que prévisible :
Il était en vie, mais prisonnier du Gothi Alen.
Lews et Aleiwena atteignirent les Portes d’Odin sans encombre. Suivant la route qui les menait à Bledmeer Faste, les deux amis n’avaient pas placé un mot depuis déjà plusieurs heures, chacun accaparé par ses propres pensées. Arrivés à environ cent mètres du fort, ils retrouvèrent néanmoins le sourire en entendant les rires gras des officiers de la Garde Noire, ainsi que des autres membres. Tout ce beau monde devait encore être complètement saoul. Et en effet, quand ils franchirent les portes du fort, ils furent immédiatement assaillis par l’odeur de la bière brassée par le regretté Goldim ainsi que par les jurons tonitruants de Doywan. Même ivre mort, il trouvait encore le moyen de râler. Quand il rentra dans la pièce, Lews put voir une grande partie de la guilde, Khor, Alterac, Angus, le vieux Thane Mayhem, son fils Phades, un assassin prometteur, ainsi que tous ceux qui formaient l’esprit de la Garde Noire. Manquaient Nosroth et Filide, dont plus personne n’avait entendu parler depuis longtemps…
Puis Lews vit une grosse masse immobile au fond de la pièce, un invité de marque qu’il appréciait tout particulièrement. Avec un petit cri de joie, le kobold sauta prestement sur l’épaule du grand troll chaman :
_CopainBimde !
Le troll se réveilla en sursaut, vit qui venait de lui sauter dessus, et lui offrit ce qui se rapprochait le plus d’un sourire :
_Urk ! Lews, toi réveiller Bimde, par Ymir, urk ! Bienvenue Lews !
A l’autre bout de la pièce, Angus, skald respecté par les siens, chef de guerre reconnu par les combattants de Midgard, se roula par terre en observant la scène, tordu de rire… Evidemment, quand Doywan vit le skald dans cette posture, il éclata de rire lui aussi et manqua tomber de sa chaise, bientôt suivi du reste du groupe.
Aleiwena resta sur le seuil de la pièce, souriant doucement. Elle appréciait ses nouveaux amis, sa guilde, bien qu’elle ne se sente pas d’humeur à prendre par à leurs… moments de détente.
Soudain, un léger courant d’air la fit frissonner et elle ressentit un contact très léger dans le dos, si bien qu’elle se retourna, intriguée. Devant elle, le couloir du Faste était vide, mais elle crut discerner une ombre, un mouvement, quelques mètres plus loin. Le murmure des morts se fit plus intense dans son esprit alors qu’elle s’approchait lentement, il y avait quelqu’un, quelque chose, devant elle.
_CopineAleiwena ?
Derrière elle, Lews avait quitté Bimde, ne la voyant plus, et se tenait à l’entrée de la pièce. Tout d’un coup, il se figea, tous ses sens en alerte, quelque chose n’allait pas.
L’odeur du sang.
Aleiwena et Lews le sentirent en même temps. Sur le sol, de petites taches de sang allaient vers le bout du couloir. La valkyn montra les crocs et avança prudemment. Derrière elle, Lews avait disparu, mais elle savait qu’il n’était pas loin, prêt à frapper.
Tout se passa très vite.
Devant elle, Lews apparut quand il passa à l’attaque, un éclair de lumière jaillit quand son arme en rencontra une autre, et il poussa un cri de douleur quand un coup de pied le cueillit au ventre, le projetant contre le mur. Il se retrouva sonné, avec la lame d’une hache sous la gorge, et ses yeux s’agrandirent quand il reconnut le visage de l’adversaire qui l’avait si facilement battu.
_Lews, tu ne reconnais donc pas une vieille amie ?
Blessée, épuisée au delà des mots mais toujours aussi dangereuse, Zytha sourit faiblement au kobold stupéfait.

Nosroth sut qu’il allait passer des moments difficiles quand il vit le Gothi Alen arriver accompagné de deux autres vikings portant ce qui ne pouvait être que des instruments de torture.
Alen n’avait de viking que le visage, avec une mâchoire solide, des yeux clairs, une barbe fournie, des sourcils épais et de long cheveux blonds cachés par sa grande pèlerine. Le reste de son corps ne suivait pourtant pas l’archétype du viking bien bâti. Sa taille plus grande que la moyenne était accentuée par son extrême maigreur à peine occultée par sa grande robe de Gothi.
Alen regarda longuement Nosroth avec un petit sourire en coin avant de prendre la parole :
_Nosroth Delving, l’homme revenu d’entre les morts pour nous causer tant de soucis…
L’Assassin soutint son regard sans broncher et attendit la suite. Voyant qu’il n’allait pas engager facilement la conversation, le Gothi continua :
_Bien, manifestement, tu es au courant de notre petite affaire, bien que je reste persuadé que tu en ignores autant que ce que tu as pu apprendre. Sinon tu ne serais pas revenu te jeter dans la gueule du loup ici même. Seulement vois-tu, certains de mes amis sont devenus nerveux par ta faute, et je me vois donc dans l’obligation de leur assurer que tu n’en sais pas plus que prévu, et surtout que tu n’as pas communiquer l’information autour de toi.
Alen se tourna vers les deux vikings :
_Attachez le.
Les deux gardes saisirent Nosroth et le suspendirent à un crochet au plafond. L’Assassin ayant été dépouillé de son armure, Alen put se rendre compte du nombre de cicatrices recouvrant son torse, son dos, ses bras, et comprit que cet homme serait difficile à briser :
_Très bien, nous allons commencer, tu as le choix, tu peux souffrir ou parler. Que sais-tu exactement et à qui en as-tu parlé ?
Derrière le Gothi, les gardes avaient fini de préparer leur matériel et allèrent allumer une petite forge au fond de la pièce. Une fois celle-ci allumée, ils posèrent une lame au milieu des braises, et cela sous le regard de l’Assassin qui avait compris que oui, il allait vraiment passer un moment difficile…
Dans l’ensemble, Proctor avait passé une bonne journée. La chasse avait été bonne, tant dans les Portes d’Odin que sur le Mur d’Hadrien. Le plaisir de la chasse ne s’était pas éteint malgré les années, si bien que c’est avec un petit sourire suffisant et cruel que le lurikeen quitta la stèle de Druim Ligen, après que Glasny l’ait ramené sain et sauf en Hibernia, comme tous les jours depuis bien longtemps. L’heure se faisait tardive, le lurikeen ranger avait passé plus de temps que d’habitude à chasser sur Hadrien, les troupes Albionaises ayant l’air passablement excitées ces derniers temps. Proctor aurait d’ailleurs pu jurer qu’ils cherchaient quelque chose, ou plutôt quelqu’un… Une chose était sûre, ils lui avaient fournis les cibles qu’il attendait et appréciait tant, et c’était cela qui lui importait finalement le plus.
Il ne fut pas surpris de ne voir aucun de ses compatriotes dans le fort. Ceux qui ne faisaient pas leurs rondes de nuit en groupe devaient dormir paisiblement chez eux, et il allait d’ailleurs faire de même dès son retour chez lui.
Le lurikeen était loin de se douter que son retour chez lui allait justement être retardé.
Depuis les remparts de Druim Ligen, dissimulé dans l’obscurité des boiseries, une Ombre le regarda quitter la pierre, satisfait.
Il n’y aurait pas de témoin.

Nosroth hurla quand le fer chauffé à blanc fit grésiller la chair de son dos. Une fumée âcre s’éleva, mélangée à une odeur de chair brûlée alors que l’Assassin, les yeux brillant de haine, tentait en vain de sublimer la douleur, de l’oublier.
Cela faisait plus de deux heures qu’il endurait pareille souffrance et il sentait ses forces l’abandonner doucement, consumées par la douleur, mais sa rage le maintenait en vie, cette rage sourde qui l’avait toujours animé durant toutes ces années. Il toisa le Gothi Alen entre deux spasmes, prenant la parole pour la première fois depuis le début de l’interrogatoire, et ce furent les mots de Deusirae, son amie de l’Ordre de Loki qui sortirent de sa bouche :
_Alen… Comment as-tu pu imaginer nous contrôler sachant d’où nous venions ?
Le Gothi leva un sourcil :
_Si tu veux parler de l’Ordre de Loki, il est vrai que vous deveniez gênant, vous vous étiez trop approché de nous il y a quelques années, et nous avons du y remédier. Malheureusement, votre réputation vous a sauvé, nous n’avons pas osé vous tuer tous, chose que je regrette à présent…
Malgré la douleur, Nosroth sourit, et Alen comprit en cet instant qu’il n’avait jamais rencontré d’hommes comme cet Assassin. Il n’avait jamais compris ce que signifiait vraiment cette classe, ces hommes et ces femmes étaient à part, et l’espace d’un moment, le Gothi Alen connut le doute et la panique : de quoi cet Assassin était-il capable ? Qu’avait-il fait avant de revenir ?
_Très bien Nosroth, maintenant tu vas parler, ou crois-moi, tu connaîtras les affres de l’agonie la plus noire !
L’Assassin le regarda droit dans les yeux, et Alen lut sa propre mort dans ce regard noire, implacable, avant que Nosroth ne lui réponde, le sourire mauvais :
_Tu as raison de t’inquiéter, tu n’aurais pas dû nous trahir Alen !
Fou de rage, le Gothi s’empara de la barre de fer et la plaça sur le torse de l’Assassin qui hurla de nouveau alors que le métal chauffé à blanc carbonisait sa chair, et il hurla encore quand Alen fit glisser la barre le long de son ventre en hurlant :
_Parles !
Le regard vitreux, Nosroth venait de perdre connaissance. C’était la troisième fois depuis le début, si bien que le Gothi ordonna aux deux viking de le ranimer encore, ce qu’ils s’employèrent à faire. Mais rapidement, Alen se rendit compte que quelque chose n’allait pas :
_Eh bien ? Qu’attendez-vous ? Ranimez le ! Je n’en ai pas encore fini avec lui !
Au bout de quelques instants, le viking guérisseur se tourna vers lui, l’air sombre :
_Gothi, son cœur s’est arrêté de battre, il est mort…
La tête de l’Assassin pendait mollement entre ses épaules, toute tension disparue dans le corps sans vie. Alen n’avait pas le choix :
_Vous savez aussi bien que moi ce qu’il en est alors ! Ramenez-le à la vie !
Le viking disciple de Eir s’exécuta, invoquant le Retour du Valhala. Le corps de l’Assassin fut tout d’un coup entouré d’une lumière vive, et, rejetant brutalement la tête en arrière, il hurla l’agonie de son retour à la vie.
Alen était satisfait :
_Tu vois, même la mort ne te libéreras pas !
Nosroth le regarda avec des yeux encore aveugles, syndrome de la résurrection
Derrière Alen, un garde ouvrit la porte du cachot, l’air hagard. Les deux viking se postèrent devant lui, les armes à la main :
_Que se passe t il ?
Le garde les regarda avec des yeux vides, puis s’écroula, 4 dagues plantées dans le dos. Alen comprit, trop tard, et allait crier ses ordres quand il fut éclabousser d’une gerbe de sang et qu’à sa droite, le viking guérisseur tomba comme une masse, la gorge tranchée. Mais à peine son corps avait-il touché le sol que l’autre viking émit un gargouillis inarticulé, deux haches en arcanium l’ayant quasiment décapité. Tout était allé si vite, et ce fut seulement à ce moment qu’Alen reconnu l’intrus. Derrière lui, Nosroth sourit faiblement alors qu’il reconnaissait la voix de l’Assassin :
_Gothi Alen, vous avez quelques explications à me fournir, dit Oftorn.
 

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