[Orcanie] La croisée des chemins

 
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La petite Kobold lui paru tout de suite très jeune. Elle venait de franchir la muraille et s’avançait en trotinant, foulant l’herbe verte de ses petits pas rapides. Elle était vêtu d’habits élégants, d’un chapeau pointu, d’une belle cape arborant les insignes d’une guilde quelconque, et brandissait un baton presque trop grand pour elle. Le tout formait un ensemble de couleurs soigneusement choisies qui s’accordaient à merveille avec l’emblème de la cape.
Un instant il cru voir une petite poupée. Il repensa alors à la bataille qu’il venait de quitter et au paradoxe entre cette vision enfantine et l’horreur de la réalité...

Du haut des ramparts de Dun Crauchon, il avait tiré pas moins de 800 flèches. Il était venu défendre le fort au sein de sa guilde, et savait donc parfaitement quel ennemi il allait affronter. Il avait donc passé des heures à confectionner de fines flèches à têtes perforantes dont seuls les Rangers les plus aboutis ont le secret… des flèches idéales pour pénétrer la maille midgardienne.
Noubreuses avaient été ses victimes durant le siège. Nombreux furent les poumons, les cœurs, les carotides, les crânes qui avaient reçu ses flèches comme dernier présent. Puis lorsque les forces hiberniennes jaillirent du fort pour défaire l’assaut ainsi brisé, il n’avait pas hésité à exterminer les fuyards.
Depuis les fortifications, il avait pu prendre toute la mesure de la violence du combat. La bute autrefois garni de fleures n’était plus qu’un enchevètrement de cadavres, l’herbe si verte était à présent un mélange confus de rouge sang et de noir cendre, le ciel si bleu était envahi d’une épaisse fumée, les oiseaux gazouillant avaient laissé place aux vautours, les libellules et papillons à des nuées de mouches noires.
Cette vision de la réallité, totalement occultée par sa rage guerrière durant la bataille, le heurta avec violence, et lorsqu’à son tour il sorti du fort, il ne pu que tomber à genoux au milieu des corps meurtris. Jamais il n’avait songé à tout se qui se cachait derrière un ennemi tombé. Tout comme lui ou la plupart des ses camarades, chacun de ses barbares avait une vie… une vie ! Une histoire, une famille, des amours, des haines, des bienfaits, des rancoeurs… et ils étaient tous venus, unis, se faire massacrer pour capturer ce fort… Encore plus étrange : non seulement aucun d’eux n’avait eu peu de tomber sous la puissance hibernienne, mais en plus il lui avait semblé voir une certaine joie à recevoir la mort… à rejoindre leur Valhalla… comme si leur cause était juste.
Mais quelle cause était la bonne dans ce conflit stupide et sans fin ? Toutes peut-être, aucune sans doute… Il se contentait de combattre pour la sauvegarde d’Hibernia et cela lui suffisait. Ou plutot il devait bien s’en contenter.

Il se reprit brusquement. Alors qu’en contrebas la jeune Kobold s’amusait comme une enfant à batifoller dans les herbes, deux silhouettes se profilèrent au loin, s’avançant lourdement vers la muraille. L’une branndissait une arme aussi longue qu’imposante, l’autre un grand écu… aux reflets des armures lourdes il reconnu deux albionais. Il alligna immédiatement le premier. La corde de son arc claqua, la flèche partit, déchirant l’air, et alla se ficher directement entre le grand heaume et le plastron de l’ennemi qui s’écrasa lourdement, soulevant la terre tel un bison abattu en pleine course. Son camarade qui se dirigeait déjà vers la petite midgardienne ne broncha pas, et, dégainant son épée et poussant un rugissement bestial, chargea la petite magicienne qui, prise au dépourvu, balbutiait quelque incantation dans la précipitation.

La corde claqua une seconde fois avec ce son à présent si famillier qui sonne l’extinction d’une vie. Cette fois la flèche alla se planter sous le bras qui, dressé, faisait tournoyer une épée batarde. L’albionais poussa un cri mélé de douleur et de surprise et s’effondra. La Kobold s’interrompi dans son incantation, regardant avec incrédulité celui qui aurait du être son boureau. Pendant une seconde, devant l’imposante muraille, le temps semblait figé… Puis un long hurlement de douleur jailli alors que le chevalier reprenait ses esprits. Il poussa alors un long râle en essayant de se relever. Il ota son casque, en manque d’oxygène. Le dernier son qu’il entendit fut ce siflement funeste d’une flèche en pleine course. Il senti un choc sur son front, puis la sensation d’un liquide chaud et épais lui recouvrant le visage. Sa vision se troubla. Il fini par s’écrouler, mort.

La prétresse d’Odin, si petite et jeune fut-elle, n’eut pas de mal à savoir d’où venait la flèche. Croyant sans doute reconnaîte l’un de ses amis Chasseurs, elle tourna un regard réjoui, enthousite et reconnaissant, un immense sourire, dans la direction de son sauveur. Un sourire qui disparu aussitôt qu’elle aperçut un elfe la mettant en jou.

En temps normal il se serait surpris à penser : « tu es à moi… tu ne peux pas m’échapper ». Mais cette fois n’était pas n’importe quelle fois.
Cette fois il visait la petite créature si attendrissante, dont l’innoncence enfantine l’avait désarmé tout à l’heure. La flèche était prète, la cible était facile… qu’attendait-il donc pour tirer se demandait-il. De toute sa carrière il n’avait jamais autant détesté ce conflit, cette situation absurde, son art guerrier, sa propre vie, lui-même.
Fallait-il épargner cette petite, se montrer miséricordieux ? Allait-elle vraiment à coup sur prévenir les midgardiens de l’emplacement exact d’un ranger elfe embusqué ? Le doute vallait-il vraiment la peine de détruire cette vie ?

Son regard se plongea dans celui de la jeune Kobold… il n’y vit que détresse, peur et désarois. Il vit des larmes perler sur les petites joues bleues, et il en laissa échapper une lui aussi. Il ferma les yeux. La corde de l’arc claqua.
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