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Chapitre 11
Le repas de liesse se déroula comme dans un rêve. J’avalais quelques nourritures du bout des lèvres. Je sentais le regard d’Owen sur moi, il me brûlait la nuque lorsque je lui tournais le dos.
Plusieurs fois, je vis Magnus se lever pour venir me parler, puis se rasseoir a contrecoeur. Je me souviens d’avoir sourit bêtement toute la soirée, et d’avoir prononcé des milliers de merci.
Je cherchais souvent la fourrure de Feu-Follet sous mes mains, mais il n’était pas la. Je bus plus que de raison aussi, j’étais, je crois, terrifiée.
Vers minuit, je chuchotais à l’oreille d’Owen que j’allais voir comment allait mon loup. A mon étonnement, il se leva, aussitôt les regards se braquèrent sur lui.
« - Il est temps, beaux sires et damoiselles que j’emmène mon épouse vers les félicités qu’elle est enfin en droit de connaître. »
Je rougis violemment tandis que des rires fusaient de la salle. Je m’accrochais au regard de Cydric qui m’encouragea d’un sourire. Mais pourquoi avais je si peur ?
Owen me prit la main, un joyeux groupe se forma derrière nous. J’eus le temps de dire à Cydric de s’occuper de Feu-Follet cette nuit, puis l’on m’entraîna vers la chambre nuptiale.
Tendue se soie noire et argent, les couleurs de mon époux, mes couleurs a présent, la chambre était somptueuse.
A milieu, se dressait un lit immense, ou j’imaginais que même si je faisais 5 enfants à Owen, nous aurions encore de la place. Des fourrures étaient étalées par terre et un feu brûlait dans une cheminée colossale. Tous riait, plaisantait, Ameniel me serra l’épaule en un geste rassurant.
Owen réussi à mettre tout le monde dehors. J’étais debout, pantelante au milieu de la chambre et Owen m’observait. J’étais mise a nue plus sûrement que s’il m’avait ôté mes vêtements. J’étais perdue, que devais je faire, tous les bons conseils des prêtresse et de Clarisse se perdait dans mon esprit embrumé.
Je fermais les yeux afin de faire disparaître la légère impression de tournis qui montait en moi… L’alcool sans doute.
Je sentis une main brûlante saisir la mienne et m’entraîner.
« - Garde les yeux fermés ma douce, tu es si belle abandonnée comme cela. »
Je gardais donc le regard clos, et je suivais, confiante, la main qui me guidait. Je poussais un petit cri de surprise quand je sentis qu’Owen me mettait un bandeau sur les yeux… mais après tout, n’était il pas mon mari, l’homme que j’aimais…
Je n’avais aucune conscience de l’endroit ou j’étais. D’après les récits que j’avais entendu en cachette, j’aurais déjà du être étendu sur le lit, mais je suivais toujours Owen, je crus même entendre le bruissement d’une porte qui s’ouvre.
J’eus soudain froid, instinctivement, je lâchais la main de mon époux et serrais mes bras contre mon corps. Avec une infinie douceur, Owen délia mes bras, et je sentis qu’il commençait à délacer ma robe. Je n’entendais que le froissement du tissu, et le froid monter sur ma peau en longs frissons. Où était la cheminée ? Je ne sentais de source de chaleur nulle part. d’ailleurs, mes pieds, maintenant nus, n’étaient pas sur un tapis ou sur une peau de bête, mais sur de la pierre froide.
Puis, soudain, j’oubliais le froid. Owen promenait ses mains et son souffle sur ma peau, je sentis monter au creux de mon ventre une chaleur inconnue, je m’abandonnais au caresse. Parfois, dans un gémissement, je cherchais de ma main à le toucher, mais il repoussait ma tentative, et ma main, retombait, inerte le long de mes cuisses.
Je n’étais plus qu’un brasier lorsque je sentis qu’Owen me soulevait dans ses bras.
Je sentis qu’il était nu aussi, et je m’agrippais a son lui, plongeant ma tête dans la tiédeur de son cou, murmurant mille mots. Il m’allongea, j’en fus a peine surprise, sur quelque chose de froid et de dur. Mais je n’en eu cure, je l’appelais en moi de toute mes forces, soumise, offerte, consentante, amoureuse.
Lorsque qu’il me fit femme, je hurlais son nom et accordais mes mouvements au sien, au rythme de notre amour.
J’atteignis la jouissance dans un souffle d’extase, et je serrais contre moi le corps de mon amant.
Il se détacha de moi au bout d’un moment qui me paru une éternité de douceur.
Je restais couché, je ne sentais même pas sous mes reins le contact rêche de la pierre.
Owen me caressa le visage, puis d’un geste assez brutal m’enleva le bandeau. Je restais un moment les yeux fermés, puis, doucement, je les ouvris pour enfin voir le visage de celui qui m’avait fait découvrir le plaisir.
Ce que je vis me glaça d’effroi. J’étais dans une chapelle, sur un autel, a coté du visage d’Owen, serein, une immense statue semblait me regarder en ricanant : Salmador !
Je tournais la tête, horrifiée. Assis sur des bancs, des gens me regardaient, un sourire narquois aux lèvres. Je tentais de garder mon sang froid. D’un geste impulsif, je cachais dérisoirement ma nudité… Le coup de grâce me fut donné par Owen, qui éclata de rire devant mon geste. Je sombrais dans l’inconscience.
Je me réveillais, transie, dans l’immense lit couleur d’argent de la chambre d’Owen, seule. Je ne comprenais d’abord pas ce que je faisais la, mais la moiteur entre mes cuisses fit remonter tous les souvenirs. Je me levais précipitamment, mes jambes tremblaient. Au loin, si loin, j’entendais à intervalle régulier le hurlement de mon loup couvert parfois par la musique et les bruits de la fête qui continuait. Je m’accrochais à la porte et essayais de l’ouvrir, en vain ! Je me mis à tambouriner, à appeler. Curieusement je criais le nom de Magnus.
Soudain, la porte s’ouvrit, j’allais me jeter dans le bras de mon sauveur, mais ce fut la haute silhouette d’Owen qui se dressa devant moi. Instinctivement je reculais, trébuchais sur une table basse, et je m’affalais au sol.
Sa voix, chaude, rauque de désir à ma vue, sensuelle, mais impitoyable s’éleva.
« - Je suis allé annoncer à mes invités que tu étais devenu femme, et que tu étais bien arrivé vierge entre mes bras. Ton frère n’a pas eu l’air d’apprécier la plaisanterie. «
Je retrouvais un semblant d’énergie pour protester.
« - Parce que tu crois vraiment que je vais rester ta femme, monstre ?
- Oh que oui mon amour, je ne le crois pas, j’en suis sure, parce que tu n’as pas le choix.
- Pas le choix ? Pas le choix. Quand je vais dire au roi qui tu es, quelle abomination tu caches en ces murs, il rompra ce mariage immédiatement !
- Non mon amour, tu ne diras rien, rien du tout, et tu sais pourquoi ? »
Un sourire d’une rare cruauté étira ses lèvres, une sueur froide me coula dans le dos, je balbutiais :
« - N… non…
- Parce que tu es enceinte Sariel, enceinte de moi et de l’esprit de Salmador, mon maître, et que tu viens toi-même de devenir un monstre comme tu dis si bien.
- Enceinte ?? , une envie de vomir irrépressible me monta à la gorge, C’est impossible, pas déjà, tu ne peux pas le savoir déjà.
- Si Sariel, si, tout est écrit d’avance, la date, l’heure, le lieu… La présence de ta mère. Tu es l’élue ma toute belle, celle qui fut choisi entre toutes pour porter l’enfant du renouveau. La perle pure, la vierge…Oh, ta mère s’en serait volontiers chargée, mais il nous fallait une vierge, choisi par elle, l’aimée de Salmador. Et qui pouvait elle choisir de plus digne que sa fille pour cette mission ? »
Je ne pus plus me retenir, et je me mis à vomir. Il me semblait que la pierre d’un tombeau se refermait sur moi, les ténèbres m’envahissaient, et je luttais pour ne pas m’évanouir à nouveau. Je laissais mes entrailles se vider de leur trop plein de dégoût, et je levais les yeux vers mon mari. Il était la, superbe dans une pelisse de fourrure noire. Son regard sombre ne me quittait pas, et ce que j’y lu me bouleversa plus que tout. Dans ce regard, dans les yeux de ce fou, il y avait un amour et une tendresse immense. Il m’aimait, il aimait plus que tout la femme qui allait enfin réincarner l’abomination qui était son maître.
Je fis un immense effort sur moi-même pour lui imposer un visage serein. Il m’aimait, je devais en profiter, en jouer. Après tout, pour l’instant rien ne prouvait que fusse vraiment enceinte, je devais gagner du temps. Si je disais quoi que ce soit à quelqu’un, qui sait ce qui allait m’arriver… Il ne me tuerait pas tant que je portais son enfant. Son enfant… j’eus de nouveau un haut le cœur que je réprimais de mon mieux. Je me levais, j’étais toujours nue. Je m’approchais de lui avec une attitude câline.
« - Bien, puisqu’il en est ainsi… » Je l’embrassais, mettant ma répulsion de coté, animée de la volonté farouche de briser cet homme, j’étais prête a tout. Il m’enlaça, et m’emmena de nouveau sur le lit. Je dus de nouveau subir ses assauts, écouter ses mots passionnés, il m’appelait sa déesse, sa sombre amante, sa perle de ténèbres…
Il s’endormit et je restais éveillée, toute la nuit, les yeux grands ouverts sur un avenir qui m’apparaissait comme une descente en enfer. Et puis au dessus de toutes mes pensées, il y en avait une qui enveloppait mon esprit d’une douleur infinie… Celle de ma mère.
Les yeux cernés, le visage livide, je me regardais dans le grand miroir de la chambre. Je regardais avec insistance mon ventre, essayant de m’imaginer grosse des œuvres d’un démon. Owen s’était levé, m’avait embrassé et était parti déjeuner. Il m’avait demandé de me préparer, de tacher de faire meilleure figure devant nos invités. Il avait également ajouté que si un seul mot de travers sortait de mes lèvres, l’un de mes amis mourrait.
Je n’en finissais pas de contempler ce corps qui ne m’appartenait plus. Je détaillais ma taille, encore fine, mes longues jambes fuselées, faites pour courir, mes seins haut et fermes, fais pour être aimés.
A ma grande surprise, j’eus faim, je décidais de m’habiller, en noir, peut être quelqu’un y verrait t’il l’indice de ma détresse, mais je ne trouvais dans l’armoire que des tuniques blanches et vaporeuses. J’en enfilais une, mais coiffais mes cheveux en un chignon sévère.
La porte s’ouvrit sans peine, mais j’eus la surprise de trouver derrière un petit homme à la mine mielleuse et fausse qui m’emboîta le pas sans dire un mot. Les menaces d’Owen n’étaient pas à prendre à la légère, j’étais surveillée de près et je pensais, a juste titre, l’avenir allai me le prouver, à tous les instants.
Je descendais le large escalier que j’avais monté la veille, pleine d’espoir de félicités a venir et je me dirigeais vers la salle à manger. La présence silencieuse derrière mes talons me faisait froid dans le dos, mais je devais composer avec. J’affichais un sourire que je sentais faux et je pénétrais dans la salle. Tous les regards se tournèrent vers moi, je crus que j’allais m’évanouir. Les regards me parlaient de tendresse, de joie, de plaisir. La plupart des invités étaient fatigués par une nuit de fête, mais ils avaient tenus à être la au réveil de la châtelaine, certains par curiosité malsaine, d’autres pour être la au matin de ma nouvelle vie.
S’ils avaient pu savoir…
Owen trônait à la place d’honneur, il se leva et vint prendre ma main pour me conduire à ses cotés, place qui était dorénavant la mienne. Des applaudissements crépitèrent, et je senti le rouge monter a mes joues. Ils pensèrent tous que je rougissais de plaisir et de gène, au souvenir de ma nuit de noces… J’aurais voulu mourir sur place.
Volontairement, je pense, on avait placé ma famille et mes amis assez loin de moi. Près d’Owen, le roi et la reine, qui devaient repartir le lendemain, a leur droite, Ethéanan et Magnus a qui je tentais de lancer des regards, mais ils étaient trop loin, et mal placés pour les voir. Le silence se fit, et je dus entendre les interminables compliments préparés pour moi par les invités. Je prononçais des mercis du bout des lèvres. Aucune nourriture ne me faisait envie, pourtant, j’avais faim. Je tentais de mon mieux de faire semblant de manger, pour donner le change. J’avalais ainsi une tranche de pain bis, que mon estomac refusa immédiatement de garder. Je portais la main à ma bouche et me levais précipitamment pour sortir, aussitôt suivie par mon garde. J’entendis dans mon dos la voix d’Owen qui clamait à la cantonade.
« - Messires, mesdames, Bon sang ne saurait mentir, il semblerait que j’ai bientôt un héritier si les symptômes se confirment. »
Les applaudissements et les cris de joie résonnèrent en moi comme un glas.
Je soulageais mon estomac dans une arrière-cour, il me semblait que je me vidais de tout ce que j’avais pu manger pendant des mois. Les premières larmes depuis la veille, se mirent enfin a couler et je tombais a genoux.
J’entendis au bout d’un temps infini une voix amie, je me retournais. A quelques pas de moi, Cydric était retenu par celui que j’appelais mon ombre, qui le rassurait sur mon état. D’une voix de fausset, il lui disait que madame la comtesse était fatiguée et émue par les événements et qu’elle ne désirait voir personne. Je voulus crier le nom de mon frère, mais le cri s’étrangla dans ma gorge. A quoi bon l’inquiéter, je le connaissais suffisamment pour savoir que s’il savait que je courrais un danger quelconque, il tenterait de me sauver au péril de sa vie et je ne voulais mettre en danger la vie des miens a aucun prix. J’étais de race maudite, ma mère avait fait de moi un être destiné à la perte et à la mort, je me devais d’assumer seule ce que le destin me donnait.
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