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Luc Ferry et les jeunes, une histoire d'amour :
:" Concernant les violences physiques, le message est très clair. Nous serons totalement solidaires des enseignants et nous travaillerons en collaboration avec le ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy, au besoin en ayant recours aux centres d'éducation fermés dont la mission sera d'abord d'éduquer." Faut-il entendre par là : un flic dans chaque établissement et le retour des maisons de correction ? Avec ça, plus question de faire les malins avec un journal gauchiste sous le bras dans la cour... "Jusqu'à 1968, le principe de la légitimité traditionnelle s'imposait. Quelqu'un - et pas seulement à l'école - avait de l'autorité en fonction de sa position et non en fonction de sa personnalité." Ici, Luc Ferry s'offusque du déclin latent de la supériorité et de la hiérarchie ; l'élève doit voir, dans son professeur, non pas quelqu'un qui a un savoir à transmettre, mais une personne supérieure qu'il faut respecter parce qu'elle occupe un poste hiérarchiquement supérieur. Dès le plus jeune âge, il faut leur apprendre, aux jeunes, à respecter l'autorité, quelle qu'elle soit, non mais. C'est désormais certain, Luc Ferry n'oeuvre pas pour l'émancipation individuelle et collective (qui devrait être un des ferments de l'éducation nationale).
Il va même plus loin : "Paradoxalement, si nous voulons nous adresser aux jeunes, il faut leur faire comprendre que le monde des adultes est bien supérieur au monde des jeunes." C'est du joli. Pour Luc Ferry, il s'agit de deux mondes à part que rien ne rapproche, pas même le fait qu'il s'agit incontestablement des mêmes personnes. Non non, des "jeunes", c'est pas pareil que des "vieux". Il peste contre cette "idéologie qui depuis vingt ou trente ans assure que les jeunes et les vieux formeraient deux tribus à égalité". On a beau continuer de jaser sur les ravages du racisme ou du nationalisme, en voilà un qui, courageusement, jette les bases d'une distinction sociale qui n'existe que dans sa tête. " La jeunesse, qu'on dit repliée sur elle-même, a montré - et pas seulement ces dernières semaines - qu'elle pouvait se mobiliser, pas uniquement pour des moyens, mais aussi pour des projets éthiques voire spirituels". Il cite l'exemple des Journées mondiales de la jeunesse (JMJ) qu'il qualifie de "mouvement intéressant". Tout est là. Luc Ferry n'a rien contre les "jeunes", du moment que ceux-ci, fanatisés ou simplement allumés, vénèrent un "vieux" croulant. Tu crains de t'ennuyer à la retraite, Luc ? Devient pape, c'est fun !
N'oublions pas que Luc Ferry est philosophe avant tout : "le travail est le véritable trait d'union entre le monde de l'enfance et celui des adultes. Sans lui, nul ne peut s'accomplir soi-même." Je travaille, donc je m'accomplis ! C'est beau, non ? "Tout le débat sur la réduction du temps de travail a pu laisser penser que le travail, c'était l'ennemi. Or, dans l'histoire des idées, il a occupé une place cruciale dans la naissance du monde démocratique. " Et dans l'histoire des faits, il occupe une place cruciale dans la naissance des discriminations sociales. Mais ça, il ne faut pas compter sur Luc Ferry pour le mettre au programme. On peut être sûr que ce n'est pas lui qui fera inscrire la période de la Commune dans les livres d'histoire.
Luc Ferry est donc un être doublement supérieur, de par sa nature (c'est un adulte, lui) et de par sa fonction (ministre, c'est tout en haut), n'aime pas les jeunes, et pense que le travail, c'est la santé. Luc Ferry est résolument antipathique.
source
Arf je suis démago
Le clou de ce mois de septembre aura été le tango effectué par le couple d'ores et déjà mythique Luc Ferry et Xavier Darcos, une danse subtile du style un pas en avant, deux pas en arrière. Un nouveau "couac" -comme disent gentiment les journalistes- dans une communication gouvernementale décidément bien poussive (on repense entre autres aux bourdes répétées sur les questions économiques durant l'été).
Premier acte le 1er septembre, lorsque le RPR (pardon, UMP) Darcos jette un froid en annonçant sans ambages, dans le Journal du Dimanche, la suppression pure et simple de 2000 à 3000 emplois dans l'Education nationale pour la rentrée 2003. Une suppression qu'il justifie tranquillement par la baisse démographique du nombre des élèves. Devant le tollé immédiat des syndicats d'enseignants et des associations de parents d'élèves réunis, Luc Ferry, apparemment un peu confus, tente dans une intervention sur France 2 de calmer le jeu tout en ne contredisant pas son acolyte. Selon lui, ces suppressions ne devraient concerner que des postes non-enseignants, comme par exemple 5000 postes de pions. En revanche, les créations de postes prévues par le plan pluriannuel du gouvernement Jospin sont oubliées... Darcos, lui, se paie de formules pompeuses et inutiles ("Il faut que cesse, sur l'éducation nationale, l'empire de la réforme" dit-il au Monde) et ricane en parlant d'agitation provoquée par les syndicats en vue des élections professionnelles .
Cafouillage et vrai foutage de gueule
Lors de la traditionnelle conférence de presse de rentrée le surlendemain, Ferry et Darcos apparaissent ensemble, soudés, parlant d'une seule et même voix. L'incident est clos, espèrent-ils sans doute. Une tentative qui bien sûr n'a convaincu personne. Car si cafouillage il y a bien eu, il ne fait que révéler la réalité d'une situation désastreuse : l'Education nationale n'est pas aujourd'hui une priorité pour le gouvernement et cela s'est concrétisé dès l'annonce des derniers arbitrages budgétaires, qui a vu l'armée et la police largement favorisées.
"Est-ce qu'on croit sérieusement que, par rapport à 1.322.000 fonctionnaires de l'Education nationale, dont 990.000 enseignants rémunérés, 870.000 dans l'enseignement scolaire, le fait d'augmenter de 1000 ou de diminuer de 1000 les effectifs est la clé de la solution ?" se demandait Ferry (Luc, pas Jules) lors de sa conférence de presse. S'il le permet, on peut aisément répondre à sa question : personne! Et pour cause : c'est un nombre bien plus important de postes qu'il faudrait effectivement créer et que revendiquent d'ailleurs tous les mouvements sociaux récents dans l'éducation, qu'ils soient locaux ou nationaux (1).
La formule oratoire de notre ministre-philosophe (?) n'a bien sûr d'autre ambition que de nous faire croire qu'il maîtrise la situation, qu'il agit par choix délibérés alors qu'il ne fait qu'organiser la pénurie. Dès lors, aucune solution ne pourra être satisfaisante ! Et surtout pas celle qui consiste à virer des surveillants ou d'autres cadres!
Ces suppressions, qu'il faut relier à la fin programmée des emplois-jeunes (dont beaucoup travaillent dans l'éducation nationale et qui ont atténué le déficit de postes non-enseignants ces dernières années), va très vite rendre crucial ce problème des effectifs.
Qui compensera ce déficit ? Peut-être les régions ou autres collectivités locales… L'égalité de tous dans ce pays face à l'école et à l'enseignement en général en prendrait un grand coup. Mais ce serait dans la logique de ce qui a été mis en place par les différents gouvernements ces dernières années. Les appels très flous à la " décentralisation " lancé par l'hydre à deux têtes Ferry/Darcos lors de cette même conférence de presse pourraient être des indicateurs.
La recherche touchée de plein fouet
De son côté, la ministre délégué à la recherche Claudie Haignéré regrettera peut-être bientôt le flonflon routinier des voyages dans l'espace. A peine trois mois après son arrivée, elle va devoir elle-aussi assumer des orientations budgétaires qui seront défavorables à son ministère. Pour la recherche civile, la baisse des crédits sera de 1,3 %, accompagnée de la suppression de 50 postes dans les organismes publics (Le Monde, 5/09). Les promesses de Chirac en matière de recherche publique durant la campagne des présidentielles auront fait long feu…
Une pétition tourne actuellement parmi les chercheurs. Elle ne servira bien sûr à rien d'autre qu'à compter les mécontents. Face à cette attaque globale des moyens de notre système éducatif et de notre recherche, seule une lutte plus radicale pourra faire évoluer la situation. Alors, à quand le réveil ?
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