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Ce chapitre est assez glauque de mon point de vue. Mais je trouve qu'il donne une dimension intéressante à Semos. On va voir ce que vous en pensez, c'est assez spécial. Plus que jamais, soyez honnetes dans vos commentaires Ah oui, c'est aussi assez long. ---------------------------------------------------------------- Introduction Chapitre I Chapitre II Chapitre III Chapitre IV Chapitre V Chapitre VI Chapitre VII Chapitre VIII Chapitre IX Chapitre X Chapitre XI Chapitre XII -------------------------------------------------------------------------- Semos regarda avec une crainte respecteuse l’homme qu’il avait devant lui. Une légende, un homme d’un autre âge. Un homme qui avait connu la guerre. Le maître de l’académie se considérait comme un fin bretteur, mais il y avait quelque chose d’autre dans la personne qui lui faisait face. A le regarder, on pouvait presque sentir des effluves de sang, le sang qu’il avait sur les mains, le sang qui tachait sa conscience. Ses yeux étaient des puits sans fond, des mares obscures menaçant de l’engloutir. C’était le regard d’un tueur, d’un meurtrier, d’un assassin ; mais pas seulement. C’était aussi le regard d’un homme qui avait apprivoisé la mort, et qui n’en avait plus peur. Dissimulant son angoisse derrière une bonne humeur forcée, il entreprit de fouiller le coffre dans lequel il entreposait ses boissons. Il en sortit avec deux verres et une bouteille de brandy. L’alcool était vieux, et d’une bonne année. Lorsqu’il en versa dans les verres, l’odeur lui monta au nez, âcre et douce à la fois, comme un parfum de femme enveloppé dans du velours. Il poussa un des gobelets vers le Banni, et garda le second pour lui-même. « Je ne cherche pas à t’empoisonner » fit-il, arborant un sourire engageant. Il approcha le verre de ses lèvres, et le vida d’un trait. Il avait besoin d’un remontant. « Tu vois ? » Rekk le regarda sans ciller. Lentement, il porta le gobelet à son nez, et huma le liquide. « Tu as tort de boire aussi vite » fit-il. « C’est une boisson de choix, une boisson qui se déguste par petites gorgées. De plus, l’alcool va te monter à la tête. J’ai besoin que tu aies les idées claires, Semos, mon ami » Semos se sentait petit, face à ces yeux qui ne clignaient pas. Il se rappelait soudain ses peurs d’enfant, la peur de la mort qui l’avait toujours tenaillé. Il ne se souvenait pas d’un moment, d’un seul moment dans sa vie, où il s’était senti en sécurité. Toujours cette angoisse le tourmentait. Que devenaient les hommes lorsqu’ils mouraient ? Pourquoi était-ce inéluctable ? Pourquoi lui cesserait-il un jour d’exister ? Et qu’y avait-il après ? Ne pas connaître la réponse à ces questions l’avaient rendu fou de terreur, à l’époque. Il avait gravi tous les échelons, monté jusqu’au faîte du pouvoir pour laisser enfin une trace dans l’histoire. Les légendes ne mouraient pas, elles. Elles ne mouraient jamais. Semos non plus. Un jour, on louerait ses talents à l’épée. Le meilleur épéiste que l’Empire ait jamais connu. Les enfants murmureraient son nom avec respect et crainte, comme il avait autrefois prononcé le nom de Rekk, lorsque celui-ci s’illustrait dans les guerres Koushiennes. « Je dois t’avouer que c’est vraiment le dernier de mes soucis, Banni. » Il s’assit lourdement sur le fauteuil de cuir en face de son interlocuteur, et se resservit à boire d’une main qui tremblait légèrement. « Je crois qu’il faut que nous parlions comme des adultes » Et que j’essaie de sauver ma peau. « Baron » Semos écarquilla les yeux. « Pardon ? » « Je suis Baron, pas Banni. Si tu veux discuter, alors mets-y les formes et la politesse d’usage » Oui, Semos avait commis des atrocités pour arriver ici. Il en était conscient. Son talent pour l’épée était grand, mais il n’était pas absolu. Ce qu’il recherchait, c’était quelque chose d’absolu, justement. Une réponse à ses interrogations. Un baume sur son âme déchirée. Les leçons qu’on lui donnait ne suffisaient pas, ne suffiraient jamais. Pour être honnête avec lui-même, il aurait pu progresser encore, s’il l’avait vraiment décidé. Il aurait pu faire comme Landon le vagabond, partir voyager au travers le monde, sortir même des limites de l’Empire, combattre en tant que mercenaire, ou dans l’Arène, combattre pour apprendre, et toujours repousser ses limites. Comme Rekk l’a fait. Ce regard… dans l’arène, déjà, il avait ces mêmes yeux. Parce qu’il avait apprivoisé la mort, déjà ? Semos frissonna, se rappelant l’admiration et la terreur qu’il avait ressenti, alors, en voyant le gladiateur impitoyable trancher la gorge de son adversaire, sur le sol. Et le sable blanc, si blanc, qui devenait rouge, si rouge. « Une boisson intéressante, le Brandy » fit Rekk sur le ton de la conversation. « Je ne te demanderai pas comment tu as appris que c’était mon alcool préféré. Mais cela n’a pas d’importance » Visiblement satisfait après avoir respiré le gobelet, il but délicatement une gorgée, et fit claquer sa langue. « Démons des Abysses, ça faisait longtemps ! » Le maître de l’académie hocha la tête misérablement. Il avait essayé, pourtant. Il s’était présenté à l’entraînement pour être gladiateur, contre la volonté de son père, contre la volonté de sa famille. Oh, les pleurs et les hurlements que cela avait engendré ! Personne ne le comprenait, personne ne pouvait voir, personne ne pouvait savoir cette terreur qu’il avait en lui, cette sourde inquiétude, cette peur de la mort permanente. S’il la rencontrait, face à face, sur le sable de l’arène, s’il mettait sa vie en jeu, peut-être les choses changeraient-elles ? On appréciait tellement plus la vie, lorsque celle-ci était menacée. Mais il s’était dérobé à la dernière minute, comme il avait su qu’il le ferait. Après s’être opposé à sa famille, avoir menacé sa mère, avoir insulté son père et quitté la maison, il avait finalement fui le premier combat qui lui aurait permis de se battre avec du vrai acier dans les mains. « Ecoute » fit-il, se resservant à boire d’une main tremblante, « tout cela est ridicule, complètement ridicule.» « Je suis d’accord avec toi, Semos. Tout ceci n’est qu’une farce, mais je ne suis pas le coupable. Pas cette fois-ci. Je suis le bourreau, et je viens exécuter la sentence » Rekk fit passer une gorgée d’alcool d’une joue à l’autre. « Semos, je t’accuse du meurtre de ma fille. Je t’accuse d’avoir envoyé des tueurs à ma poursuite, des tueurs qui ont par ailleurs menacé des personnes auxquelles je tiens – auxquelles je tenais. Qu’as-tu à répondre à cela ? » Ces yeux accusateurs, noirs, si noirs. Etouffant un glapissement, Semos entreprit de vider son second verre. Il avait abandonné toute tentative de dompter la mort, sur le sable de l’arène, alors. Toucher une véritable épée le rendait malade. Seules les armes d’entraînement trouvaient grâce à ses yeux. Les faisceaux de bambou ne constituaient pas une menace. Jamais elles ne pourraient causer la mort, sauf manque de chance flagrant. Cette possibilité le dévorait de l’intérieur, mais il parvint à faire taire cette voix. A defaut de maîtriser l’acier, il maîtrisait le bambou. Et il avait commencé à gagner des duels. « Je ne vois pas ce dont tu veux parler » fit Semos froidement, stupéfait de pouvoir garder sa voix si calme alors que ses intestins se changeaient en eau. « Je t’offre toutes mes condoléances pour ta fille, mais je t’assure que je ne suis pour rien dans sa… » Rekk posa la lettre de l’Empereur sur la table, furieux. Son regard brûlait de haine. Et de mort, de mort… « Ne joue pas avec moi, Semos. Pas maintenant, et pas sur ce sujet. J’ai ici un mot signé de la main même de l’Empereur qui m’absous d’avance de tout ce que je pourrais faire, y compris te trancher la tête, ici et maintenant, si jamais une seule de tes réponses ne me plaît pas ! Je te conseille d’être beaucoup plus coopératif, et de répondre clairement à ma question. Oui, ou non, as-tu une part dans l’assassinat de ma fille ? Et pose ce verre ! » Semos sursauta, renversant la moitié du brandy sur le sol. D’un suprême effort, il se reprit et posa le gobelet sur la table. Quelques perles de transpiration se formaient sur son front alors que ce regard s’enfonçait en lui comme deux lances acérées. Il hésita un instant. « Non » finit-il par dire. « Non, ce n’est pas moi qui l’ai tuée, et je ne sais pas qui l’a fait. Je te le jure… c’est la vérité, Rekk ! » « Et est-ce toi qui a envoyé des hommes me tuer ? Qui a proposé une récompense pour ma tête ? » Le duel, tel avait été la voie qu’il avait choisi vers la gloire. Dans un duel, on ne versait pas de sang. On utilisait des armes d’entraînement, ou des épées au bout rond. Des armes qui ne pouvaient donner la mort, mais qui pouvaient apporter la gloire. Semos n’avait jamais eu peur, avec ces armes de bambou. Il se sentait en paix avec lui-même, en paix avec son âme. Ses talents d’escimeurs pouvaient enfin se révéler au grand jour. Petit à petit, son nom avait commencé à circuler dans les bals et les discussions mondaines. A la cour, il était devenu la coqueluche de ces dames. Et, toujours, il s’entraînait. Le bruit de doigts irrités tambourinant sur la table le ramena brutalement à la réalité. « Oui » fit-il, baissant les yeux. « C’est moi » Rekk se pencha en avant. « Tu admets donc que tu as essayé de me tuer ? » « Oui » « Pourtant, tu dis que tu n’as rien à voir avec la mort de ma fille » « Non » « Alors… pourquoi ? » Les excuses de Semos semblaient tout d’un coup bien pathétiques. Pourquoi est-ce que j’ai fait ça, en fait ? Petit à petit, il avait enfin conquis la place qu’il désirait. Mais pas totalement. Tout le monde le félicitait, tout le monde s’inclinait… mais tout le monde s’accordait à dire que Gundron était plus fort que lui, bien plus fort, sans commune mesure. Alors il avait organisé ce duel. Et il avait triché. En retenant la famille du borgne en otage, il avait obligé le vieil homme à perdre. La victoire, encore maintenant, lui laissait un goût amer dans la bouche. Mais la peur de la mort avait disparu, pour un temps. Cette fichue peur s’était diluée dans le plaisir d’être enfin acclamé, et de pouvoir briguer les plus hautes fonctions. Cette fois-ci, il en était certain, sa légende allait pouvoir être bâtie. Mais Deria avait été assassinée, et avec elle la menace était reparue, bien réelle cette fois, d’une puissance obscure qui réclamait sa vie. Il avait paniqué. Il avait tout simplement paniqué. « Je… ne sais pas vraiment » murmura Semos après un instant. Il s’appuyait contre le dossier de la chaise pour rester debout, tous les muscles tendus. Son visage était secoué de tics nerveux. « Je pensais que vous vouliez vous venger » « Ne dis pas n’importe quoi » gronda Rekk. Il frappa du poing sur la table. « Me venger de quoi ? Si tu n’as rien à voir avec la mort de ma fille, alors pourquoi voudrais-je me venger ? » « Parce que… je n’ai pas su la protéger ? » hasarda Semos. Rekk eut un sourire mauvais. « Personne n’aurait pu protéger Deria contre son gré, Semos. Personne. Shareen et Malek m’ont expliqué ce qui s’est passé, et les circonstances qui l’ont fait fuir l’Académie. Tu n’avais pas grand chose à te reprocher. Alors, je le répète, pourquoi ? » « Gundron… » balbutia le Maître de l’Académie, livide. Depuis que Semos avait pris la place du borgne à la tête de l’Académie, Gundron avait toujours été là pour prodiguer ses conseils, fortement incité par l’Empereur à faciliter la route du nouveau Maître. C’est lui qui avait conseillé d’accepter Deria dans l’Académie, tout en sachant parfaitement ses liens de parenté avec le Banni. Ces conseils étaient bons, toujours bons. Il n’ordonnait jamais rien, se contentait de suggérer. Pourtant… Lentement, la colère remplaça la peur, sur le visage de Semos. « Quoi, Gundron ? » s’enquit Rekk calmement. « Gundron un-œil ? » « Le maudit fils d’oursin ! L’immonde canaille ! » Semos tempêtait, maintenant. « Comment est-ce que j’ai pu me faire manipuler aussi facilement ? Comment est-ce que j’ai pu… » « Gundron a un talent particulier pour faire passer ses idées » fit le Banni, haussant les épaules. « Nous avions eu une… petite altercation à ce sujet la dernière fois que nous nous sommes vus. Il y avait perdu un œil. » « Si je pouvais, je lui ferai perdre l’autre ! C’est lui ! » clama Semos, fou de rage. « C’est lui qui a tout manigancé ! C’est lui qui m’a dit que vous voudriez vous venger, c’est lui qui a affirmé que vous me tueriez sans hésiter. Il a dit qu’il ne fallait pas que vous soyiez prévenu de la mort de votre fille, et ensuite il voulait que vous ne veniez pas ici. C’est lui qui m’a incité à mettre une prime sur votre tête ! Qu’est-ce que j’ai pu être stupide ! » « Il a dit ça comme cela ? » fit Rekk, incrédule. « Non, bien sûr que non ! Des mots par ci, des mots par là. Vous savez comme il est, à avancer voilé. Je ne sais pas comment il a fait, mais j’étais convaincu que vous alliez vouloir me tuer » Rekk hocha la tête. « Mmh… Tu crois qu’il serait derrière la mort de ma fille, alors ? » « C’est possible ! Il avait des raisons, en tout cas ! » « Ca se tient » fit le Banni en haussant les épaules. « Il se vengeait de moi, et mettait le tout sur tes épaules. Peut-être avait-il aussi des raisons de t’en vouloir. J’ai entendu parler d’un duel, voici un an » Semos déglutit. « Quoi qu’il en soit, je suis innocent dans cette affaire. Si vous voulez, je peux vous aider à retrouver ce fils de chienne et à comprendre pourquoi il nous en veut autant ? » Son sang se glaça alors que Rekk secouait l’index en signe de dénégation. « Non non, mon petit Semos. Je n’en ai pas fini avec toi. Gundron n’était pas censé savoir que Deria était ma fille, tu sais ? Je n’en avais parlé qu’à deux personnes. L’Empereur… et toi, car l’Empereur te faisait confiance et voulait te mettre dans la confidence. C’est donc toi qui en as parlé à Gundron, alors que tu savais pertinemment qu’il avait des raisons de m’en vouloir » Il haussa le ton. « Tu es le pire abruti que l’Empire ait jamais vu, Semos, et si Gundron a tué ma fille, alors tu n’en es pas moins coupable ! » Semos recula jusqu’à avoir le mur dans le dos. Il suait à grosses gouttes. « Ce n’est pas vrai… Ce n’est pas possible. Ce n’est pas comme ça… je ne savais pas… et ce n’est peut-être pas lui… » Rekk se leva et ramassa la lettre de l’Empereur, sur la table. « Tu m’as appris tout ce que je voulais savoir. C’est intéressant, ce que tu m’as dit sur Gundron. Mais il est temps d’en finir. » « En finir ? » glapit Semos, reculant d’un pas. Rekk garda son épée au fourreau. Il avait un drôle de sourire aux lèvres. « On m’a dit que tu étais un bon duelliste, Semos. Eh bien, qu’il en soit ainsi. Je veux agir selon les règles, pour ne pas mécontenter l’Empereur. » Il gifla violemment l’homme devant lui, et prononça la formule rituelle : « Par mon titre, par mon honneur, je laverai cet affront dans le sang » Semos faillit défaillir de soulagement. Les duels n’étaient autorisés qu’avec des armes d’entraînement. Pour la première fois, son sourire était confiant. « Je comprends » fit-il. « Je comprends. Et si tu gagnes ce duel ? Si tu le perds ? » « Je considérerai mon honneur satisfait de toute manière. Sommes-nous d’accord ? » Rekk avait un sourire amusé. « Tout à fait d’accord ! » balbutia Semos, tout à son soulagement. « Alors sortons dans la cour. Tu devrais pouvoir me trouver une arme d’entraînement dans ton académie » « Quoi… tout de suite ? » « Pourquoi attendre ? J’ai beaucoup de choses à faire avant ce soir, autant s’en débarasser tout de suite » Rekk haussa les épaules. « De plus, je n’ai pas beaucoup dormi et je sors d’un combat éprouvant – avec l’un des hommes que tu avais envoyé pour me tuer. Tu auras beaucoup plus de chance de gagner maintenant. Ou préfères-tu que je me repose ? » « Non non, ça ira » fit Semos, se mordant la lèvre inférieure. Alors comme ça, Eleon et Comeral avaient échoué. Il s’en était douté, en voyant apparaître le Banni dans sa tour, mais supposer quelque chose n’était pas comme en recevoir la confirmation. L’homme en face de lui avait, au mieux de sa forme, vaincu dix brigands. Etait-il lui même capable d’en faire autant ? Avec une arme d’entraînement ? Certainement ! Reprenant confiance en lui, il suivit Rekk au bas des escaliers. |
18/04/2003, 15h09 |
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