[Orcanie] Une lettre de notre père V

 
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Assise sur un coffre renversée, je déroulais le parchemin craquant et jauni par l'age. Mon regard fut instantanément attirée par la signature et l'estampe. Deux épées croisées sur un cerf bondissant : le blason des karaes !
La signature était Léhonis de Karaes. J'avais trouvée la demeure de mon cousin. Je me mis avidément à lire ce que disait cette lettre.


Mon cher cousin

Quand vous lirez cette lettre, et si vous la recevez, je doute que je sois encore de ce monde. J'espere que la Lumière m'acceuillera en son royaume, mais là aussi j'en doute fort...
Comme vous le savez, mes recherches sur la fameuse Ile d'Avalon, sont devenues une obsession. Et comme vous le disiez si bien, on tente le démon à trop vouloir regarder la face cachée des choses de ce monde.
J'ai bien peur d'en avoir trop découvert, et ceci à mon grand regret.
Mon cousin, je t'avais dit, dans ma précédente lettre que j'avais découvert le passage pour l'île d'Avalon. Mais à l'époque, je ne connaissais pas tout la portée de cette découverte. Car ce passage, c'est moi qui l'ai ouvert en incantant des formules venues d'un autre age.
Lumière, oh sainte Lumière, j'ai ouvert les portes des enfers par cet acte. Car l'île est envahie par des démons dont personne ne peut imaginer la cruauté et la perfidie. L'île, autrefois paradis du printemps éternel, est devenue par la sorcellerie de Morgane, le repaire infâme des monstres des enfers.
Ils assaillent sans relâche les villages environnant et les pauvres gens meurent l'un après l'autre dans des tortures atroces. Ils nous harcellent sans cesse, se nourrissant de notre peur et de notre lente agonie. Ils ont tout leur temps...
Mais il y a pire.
Ils ont découvert, que je sois maudit pour cet acte, le passage pour la forêt de Brocéliande.
Mon cousin, je vous en prie, il y va du salut de la petite Bretagne. Je ne sais comment refermer ces portes. Mais le parchemin impie qui m'a permis de les ouvrir était dans la crypte de la chapelle de Cardaix. Faites vos recherches dans ce sens, je vous en conjure, car je sens que les pires malheurs peuvent arriver à nos gens.
Mais voila la nuit qui tombe, et je sens déjà l'odeur répugnante des drakorans emplir l'air ambiant. Ils sont chaque nuit plus hardis et s'approche de la maison où je loge.
Je crois que cette nuit sera la dernière nuit. Je vais tenter de rejoindre le village plus proche pour que ce message te parvienne depuis le port de Gothwaite.
Je prie la Lumière pour que j'y parvienne...
Adieu mon cousin



La lettre n'était évidemment jamais parvenue... Et le moine Lehonis avait été emporté cette nuit là. Il y a si longtemps.
Je restais assise et pensive. Le parchemin toujours dans la main.
Ainsi, voila pourquoi les jeunes filles de petite Bretagne furent enlevées mystérieusement.
Ainsi, on avait accusé et exécuter Jehan à tort.
Ainsi, Jehan était mort dans les flammes du bûcher et sa femme Vaïla enfermée pour rien.
Ils n'étaient pas coupables. Que la lumière puisse pardonner les erreurs de jugement des hommes et leur hâte à condamner.
Et mon père, comment lui dire sans le plonger dans le plus grand des remords jusqu'à sa mort.
Et surtout comment réparer une pareille erreur si fatale.
Je me sentais à ce moment là impuissante et ridicule face à la charge qui n'incombait.
Mais beaucoup de points restaient obscurs. Pourquoi après l'arrestation de Jehan d'Autreterre, les enlèvements cessèrent ?
Et pourquoi ces créatures n'enlevaient que les jeunes filles ?
Alors qu'il était évident qu'ici, les monstres de Morgane ont décimés toute la population : hommes, femmes, enfants et vieillard...
Cherchant des réponses à ces questions, je fouillais parmi les débris et les parchemins entassés. Mais rien, pas un indice, si ce n'est des formules illisibles et incompréhensibles d'alchimiste. Des formules dans une langue que je ne connaissais pas ou des chiffres alignées dans un but mystérieux.
Dehors, le soleil commençait à décliner, je décidai de retourner au village pour y trouver d'autres indices qui répondraient à mes questions.
Je ramassais quelques parchemins pour essayer de les faire déchiffrer ainsi que la lettre quand j'entendis un voix douce derrière moi.
"Ainsi, tu as compris, petite Léonora..."

Je n'avais pas peur. La voix était douce et calme. Je me retournais et vis une fumerolle tremblante qui semblait représenter un homme. Je regardais ce fantôme (je n'ai pas d'autres mots pour désigner ce type d'apparition) et essayais de voir au mieux ses contours flous. Instinctivement, ma main se plaça sur le pommeau de mon épée.
"Tu te méfies et tu as raison, petite paladine, mais je ne suis pas ton plus grand danger... non... le plus dur est à venir... Tu vois, je suis ton cousin Lehonis et j'erre ici pour l'éternité car à jamais je paye mon acte insensé...
- Vous... vous êtes l'âme de Lehonis ?
- Oui... et je viens te prévenir et te donner une clef pour l'avenir..."

L'esprit se rapprocha et j'eus un mouvement de recul. Il semblait hésiter, puis se rapprocha encore. On sentait en lui comme une grande tristesse qui se communiquait aux vivants par je ne sais quel fluide. Je distinguai presque son visage, et c'était le visage de la souffrance. Une souffrance éternelle.
"Léonora, tu dois savoir. Seul le sage de la forêt peut te renseigner et nous libérer...
- nous ?
- Karaes ! nous sommes DAMNES !"

L'esprit de translucide devint une lumière blanche éblouissante. Il hurla comme un dément et son essence se contracta et se dilata dans un cri horrible. Accolée au mur, je ne pouvais rien faire que contempler l'horreur de la souffrance de cet âme perdue.
Dans un dernier râle, l'esprit de Lehonis disparut et le silence de la nuit envahit de nouveau la pièce sombre.
Je tombais sur le sol après tant d'émotions.
L'odeur des Drakorans remit mes sens en alerte et je sortais de la maison délabrée qui fut jadis la demeure de mon cousin.
Paix à son âme... même pas...
Je m'enfonçais dans la nuit sombre.

A suivre
 

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