[Orcanie] Conseils d'un aubergiste

 
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Quel bonheur de se réveiller dans un lit confortable aux draps sentant le frais. J'avais dormi comme un bébé, ce qui ne m'était pas arrivé depuis une éternité. Aussitôt habillée, je descendais prendre mon petit-déjeuner.

L'aubergiste m'accueillit par un bonjour jovial. Je lui demandais un bol de gruau et un verre de lait et partais m'installer à une table près de la cheminée. On approchait le milieu de la matinée et la salle était presque vide. Le tenancier vint m'apporter ma commande et s'assit en face de moi.
"Vous savez" commença-t-il, "mon offre d'hier soir était on ne peut plus sérieuse. Vous avez un sacré talent pour captiver un auditoire. Sans votre intervention, il m'aurait fallu racheter une bonne partie du mobilier…"
"Il est vrai que je suis tentée" lui répondis-je, "mais je dois vous avouer que je ne suis pas Ménestrelle. Je ne sais jouer d'aucun instrument et mon répertoire de contes est très limité, malgré la lecture de nombreux ouvrages. Sans compter que je ne connais pas les ficelles de ce métier."
"Pourquoi ne pas faire appel un professionnel qui vous formerait ?" m'interrogea-t-il.
"Je ne sais pas où trouver quelqu'un susceptible de m'aider."
"Rendez-vous à Camelot" me dit-il en se penchant vers moi. "Vous y trouverez certainement une école qui vous acceptera sans aucun problème. Vous êtes faite pour ce métier et le plaisir que vous y prenez est évident."
"Je ne mérite sûrement pas vos éloges", bafouillais-je en rougissant.
"Pas de fausse modestie avec moi, jeune fille !" s'exclama-t-il. "Vous paraissiez transformée lorsque vous racontiez cette histoire. Moi, j'appelle ça le feu sacré ! Si les dieux vous ont donné ce don, exploitez-le !"
"Soit, je partirai demain à l'aube pour Camelot", capitulais-je. Puis, j'ajoutais le regard pétillant "Je vous échange une nouvelle histoire et quelques chansons pour ce soir contre une seconde nuit céans, un bain chaud avant le spectacle et trois jours de vivres."
"Deux jours ! Marché conclu !" Sur ce, il se leva et retourna astiquer son comptoir.

Après mon repas, je sortis pour visiter la ville. Je flânais ainsi la majeure partie de la journée, m'attardant en fin d'après-midi sur la place du marché où je vendais pour un bon prix mon bracelet de perles. J'avais décidé de garder le collier pour les jours de vaches maigres… Je dépensait néanmoins une partie de mon pécule pour m'offrir de solides sacoches de selles, des huiles parfumées pour le corps et les cheveux et un vêtement de scène, une robe de velours rouge au col et aux manches brodés de fils d'or.

De retour à la "Chope d'abondance", je montais dans ma chambre où un baquet rempli d'eau fumante m'attendait. Je me déshabillais et plongeais dedans avec délectation. Je me sentais tellement détendue que je faillis m'endormir. Heureusement, la femme de l'aubergiste vint frapper à ma porte pour me prévenir que la représentation allait débuter une heure plus tard. Je me dépêchais donc de me laver et de me préparer.

Il ne me restait plus que quelques minutes avant de rejoindre la grande salle. J'avais revêtu ma tenue neuve, parfumé et attaché mes cheveux avec des rubans assortis. Debout devant le miroir, j'étudiais mon reflet avec attention… J'avais devant moi une jeune femme à la chevelure de miel et au teint de lait. Les marques, derniers souvenirs qu'y avait laissé mon mari, disparaissaient peu à peu et je pouvais facilement les cacher. Je constatais que, par chance, les malheurs n'avaient pas marqué mon visage. Par contre, mes yeux pouvaient passer soudainement du bleu sans nuage d'un ciel d'été au gris tourmenté de l'hiver. Mais cela me servirait dans ma future profession. Je hochais la tête ; je n'avais jamais remarqué que, pomponnée, j'étais assez mignonne. Tant mieux ! On accorde plus d'attention à un joli minois. J'inspirais profondément et affichais un sourire éclatant. "En avant Espérancia ! Et advienne que pourra !". J'ouvrais la porte et me dirigeais vers l'escalier menant au rez-de-chaussée.

Je passais une excellente soirée, divertissant un public encore plus nombreux que la veille. Malgré le trac qui me nouait les entrailles, j'avais réussi à prononcer les premiers mots, les plus difficiles. Ensuite, tout s'était enchaîné comme dans un rêve. A la fin du spectacle, je retournais directement dans ma chambre où j'avais demandé que l'on m'apporte quelque chose à magner. Je dévorais une miche de pain frais avec du jambon et du fromage. Mon logeur m'avais persuadée, après une longue discussion à laquelle s'étaient d'ailleurs invités quelques habitués de l'établissement, d'essayer de goûter du Clairet car, m'affirmait-il, son vin était trop bon pour y ajouter de l'eau. De guerre lasse, j'avais accepté… et je m'en félicitais. Sans tourner la tête, cette boisson s'avérait bien meilleure que mon insipide mélange. Enfin rassasiée, je me couchais.

Comme prévu, je fus réveillée avant l'aurore. Après avoir rassemblé mes affaires et pris un copieux repas, j'avais dit au revoir aux propriétaires, leur promettant de leur rendre visite si je revenais un jour dans la région. Enfin, j'avais enfourché ma jument et, des rêves plein la tête, j'avais pris la route pour Camelot.


Espérancia
Bravo, ton histoire est à la fois douce et agréable. Et enfin tu as retrouvé la raison le vin se boit pur ou ne se boit pas .

Sinon, c'est vraiment agréable à lire, j'ai vraiment autre chose à faire , mais je n'ai pu décrocher avant la fin.

merci pour cette belle histoire
Citation :
Provient du message de piquepoc
Et enfin tu as retrouvé la raison le vin se boit pur ou ne se boit pas .
En effet, mes yeux se sont ouverts (et mes papilles aussi).
Et pour ceux qui l'ont l'ont pas encore entendue, j'ai chanté une chanson...

Chanson à boire
 

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