Je ne suis absolument pas d'accord. La recette de l'oeuvre artistique qui pose plus de questions qu'elle n'apporte de réponses est vieille comme le monde, à commencer par Mona Lisa, jusqu'à La Liste de Schindler. On pourrait même aller chercher Hegel : l'Art sert à exprimer ce qu'est notre conscience. Et pour l'exprimer, elle a besoin de questions, pas de réponses toute faites. L'Art est un prélude, un prétexte à l'introspection.
Et là-dessus, contexte de l'époque ou pas, le 8 est bien plus proche de la trilogie originelle, qui apporte beaucoup de questions sur l'univers qu'elle met en place, que de la prélogie. Dans la prélogie, Lucas apporte des réponses : la carrière politique de l'Empereur, la Force expliquée par les midchloriens, comment Vader est devenu Vader, etc., et très peu de questions, il essaie de toutes les résoudre. A l'inverse, le 8, comme la trilogie originelle, nous invite à nous poser des questions, laisse des personnages, des événements à expliquer sans réponse évidente, nous fait travailler notre imaginaire. Et c'est bien parce que votre imaginaire a travaillé entre 6 et 7, peut-être aidé, voire enfermé, parce que vous avez lu de l'UE, que vous vous êtes forgés une image précise de ce que devrait être la postlogie et que donc vous déniez les qualités intrinsèques au 8, simplement déçus de ne pas voir votre imaginaire suivi par l'équipe artistique du film.
Donc, je ne souscris pas du tout à cet argument du contexte. La codification de l'univers d'une oeuvre ne dépend pas de son contexte. Prenons les James Bond par exemple. Depuis le premier jusqu'au dernier avec Brosnan, on a des codes qui semblent immuables, mais qui sont dans un univers fini, fermé depuis le premier film : gadgets, belles nanas séduites par 007, méchants diaboliques, etc. James Bond, c'est, avec brio, variation sur un même thème. Prends Kingsman 1, qui se veut plus ou moins parodique de James Bond, mais avec des différences. Dès Kingsman 1, on a déjà tous les codes de l'univers et très peu de questions à la fin du film sur qui est qui et qui fait quoi... Pourtant, on a bien un regard neuf, ce fameux "contexte" de la nouveauté, sur le film d'espionnage.
C'est justement cette ultra-ridigification du contexte qui fait que l'épisode 7 est aussi mauvais. JJA n'a pas voulu sortir des codes créés par la trilogie originelle et a pris tellement peu de risques possibles... qu'il a fait une resucée de l'épisode 4. RJ essaie lui de créer des nouveaux codes, sans apporter de réponses définitives, il donne un second souffle à l'univers cinématographique SW par cette absence de réponses. Que ce second souffle ait été déjà initié ou non dans l'UE. On. S'en. Fout. De. L'UE. C'est du papier/comics/jeu vidéo, qui n'est pas, par définition, le support artistique de base de l'oeuvre princeps (je me répète, désolé). Bref, ce second souffle était indispensable pour que l'univers SW continue de maturer, sinon il aurait fini par tourner en rond sur lui-même, en grande partie à cause de toutes les réponses que Lucas a apportées dans la prélogie et qui stérilisent l'imaginaire. RJ choisit d'apporter ce second souffle en semant des champs de questions ouvertes, plutôt qu'en apportant ses propres réponses à lui. Cela suffit à dire que, sur le plan artistique, SW8 est bien du niveau de la trilogie originelle, à mille lieues au-dessus des très fermés prélogie et épisode 7.
|