Moi je le fais. Parce que je gagne bien ma vie et que j'estime que c'est normal de faire bosser des gens qui vivent de l'artisanat. Mais c'est une exception qui ne leur permet pas plus de vivre correctement que d'être étendue à tous ceux qui vivent avec 1 à 1,5 SMIC par mois.
Il n'en demeure pas moins qu'entre une table à 80 balles chez Ikea et à 300/500 chez un artisan, ce n'est pas une "hypothèse sur du vent" c'est bêtement de l'arithmétique.
Et tu ne t'es pas dit qu'en parler et faire progresser doucement la prise de conscience autour du sujet pouvait qualifier comme "faire quelque chose" ? Ou alors du haut de ta longue expérience d'étudiant, tu as fait le tour du champ des possibles et a décidé que trimer avec un budget de misère faisait de toi un parangon de vertu ? Ca fait juste de toi une victime de plus qui va devoir attendre la trentaine avant d'avoir un salaire suffisant pour ne pas te demander si ta bouffe n'est pas trop chère pour ton porte monnaie.
Une de plus ... Et comme tous les autres tu préfères faire la morale autour de toi plutôt qu'admettre que la situation n'est ni normale ni acceptable.
Déjà si tu pouvais éviter de me prendre de haut sous couvert de mon âge, ça serait bien plus constructif et respectueux. Balayer le champ des possibles c'est ce que je fais depuis mes années collèges où je ne trouvais pas écho à mes envies de réflexion chez mes camarades. Observer l'humain, les interactions qu'il a avec autrui, la hiérarchisation sociale qui s'opère au sein d'un groupe et son évolution en fonction de sa taille, etc, c'est mon grand passe-temps, c'est ce qui défile dans ma tête en quasi-continu chaque jour qui passe depuis des années.
Quand je réfléchis à un avenir possible, je ne pars pas de la situation initiale du monde pour essayer d'y apporter des modifications en espérant qu'elles auront un effet globalement positif, ce serait avancer à l'aveugle en comptant sur le hasard pour tomber sur de bons résultats consécutifs, vu la probabilité du scénario, ça revient pour moi à de la folie pure. Donc je dresse mentalement un tableau de l'objectif à atteindre *idéalement* en prenant en compte les paramètres incontournables et primordiaux qui constitueraient une société saine et équitable. Sachant qu'il faut prendre en compte TOUTES les dimensions que ça implique.
Partant de là je fais le delta entre la situation idéale et la situation réelle et je visualise là où se situent les plus gros décalages et quelles relations les lient entre-eux. Le but est d'identifier les incohérences ou les failles existant dans le système qui ont permis à ces décalage de se produire et croître.
Et dans la tête de la liste, le plus dangereux reste le "je choisis un apparent confort à court terme sans prendre en compte ses conséquences sur le long terme". Concrètement dans le débat d'ici, ça veut dire qu'il n'est pas cohérent de se plaindre de la concentration des richesses par une poignée d'individus à l'échelle de la planète et des dérives que cela engendre quand dans son quotidien ses propres actes ne visent pas la direction opposée. Comment même espérer informer et éduquer autrui sur la démarche à suivre pour ne pas perpétrer les erreurs d'hier si soi-même on continue inlassablement de les perpétrer ?
Les maux qui ravagent la planète ne sont pas des problèmes : ce sont des symptômes. Réagir vis à vis de ça c'est normal, penser régler le problème en se contentant de réparer les dégâts causés par les symptômes, c'est encore à mon sens de la pure folie. Si on devait considérer qu'il y a un ennemi à l'humanité, il ne se matérialise pas sous une forme physique, il se trouve dans la tête des gens, sous forme d'idées et de mécanismes bien ancrés et normalisés. Vous pouvez en parler tant que vous voudrez, tant que vous ne prendrez pas la peine d'aller jusqu'au bout des choses et de montrer vous même l'exemple, ça ne sera que du temps perdu. Et à cela tant que vous vous agripperez désespérément à l'illusoire confort qui est la racine même des maux qui vous accablent, rien n'est prêt de changer. En tout cas pas grâce à vous. Et quand je parle de confort je sous-entend pas qu'on devrait se priver des évolutions technologiques à notre portée, plutôt d'apprendre à les utiliser avec une grande parcimonie.
Donc si tu veux voir le tableau comme ça et que ça te fait plaisir, on peut résumer en disant que "le fait de trimer avec trois fois rien en essayant de rester humble et cohérent avec ce en quoi je crois me fais imaginer être un parangon de vertu". On ira pas chercher plus loin, au risque de remettre en cause les incohérences du quotidien de ceux qui ont appris à préférer fermer les yeux, conditionnés qu'ils sont à penser que ça ne leur apporterait que tristesse et souffrance de vouloir réfléchir à comment bien faire pour ne pas générer plus de misère. C'est tellement plus intéressant de se faire un portrait caricatural de ma vie, de chercher un aspect de celle-ci qui justifiera sans conteste qu'on raille mon point de vue et qu'on me considère comme stupide, ou naïf, ou n'importe quel trait de personnalité faisant de ma parole un enchaînement d'idées sans consistance.
Merci pour ça, vraiment, on en a tellement besoin...