Dawme parlait de croyance, je lui réponds sur la croyance, et tu embrayes sur le système politique.
Il y a des liens entre les deux. Ne serait-ce que parce que les systèmes politiques des pays musulmans sont très variés, mais qu'ils souffrent tous de maux communs. Et ces maux communs viennent des croyances.
En gros, dans la boîte à outil de l'islam, il y a une série d'instrument idéologique et de heu... lieux communs ? lieux de mémoires ? fantasmes partagés ? qui sont particulièrement dangereux lorsqu'ils sont activés. RIEN n'oblige le musulman lambda à utiliser ces outils intellectuels là. Mais ils sont à disposition de tout ceux qui se plongent dedans.
En résumé :
1) la notion de jihad. bah oui. Et qu'on ne me bassine pas trop avec les deux sens de ce mot. l'effort intérieur sur soi-même, ce n'est pas ce qui a donné naissance à...
2) ...la nostalgie de l'empire. L'âge d'or du califat, fantasmé, rêvé. La certitude que les conquêtes foudroyantes de l'islam des premiers temps étaient le signe de la volonté divine d'une part, de la supériorité absolue de l'Islam (avec un I majuscule) sur toutes les autres entités politiques, présentes, passées et futures.
3) l'incréation du Coran d'une part, le sceau du prophète de l'autre. Il n'y a aucune discussion possible, aucune réforme possible, aucun amendement possible, l'hérésie la plus impie menace ceux qui veulent utiliser leur tête. Les commentaires eux-mêmes, la sunna, ont été figés il y a longtemps. D'où le triomphe d'un littéralisme ancrée dans un Moyen-âge qui amorçait le déclin et la fermeture de l'islam. Avec la disparition des mutazalites, l'islam a perdu un potentiel phénoménal. Elle a gagné en échange les ancêtres des salafistes, qui courent depuis 8 ou 9 siècles derrière le fantôme du califat détruit par les Mongols.
4) le fatalisme enraciné et l'esprit de soumission à Dieu diverti en soumission à l'ordre établi et au souverain. Pas une spécificité de l'islam (hein Saint Augustin ?), mais allant avec le reste, de quoi fossiliser ou mettre dans un frigo étouffant n'importe quelle société.
5) la misogynie délirante des monothéismes issus du Moyen-orient, greffé sur et accentué par des traditions locales qui ont été validées par des siècles de haddith divers et variés. Là aussi, pas une spécificité. Mais entre la validation de la polygamie et l'inscription dans la loi de l'infériorité juridique des femmes, il y a une tendance lourde.
6) la sharia. Le fait que l'islam ne soit pas seulement une religion et une croyance, mais aussi une oeuvre législative qui, du fait du point 3, ne peut que très difficilement être mise à jour. Imaginez si l'ensemble des deux milliards de Chrétiens vivaient selon des codes juridiques hérités de ou très fortement inspiré par la loi mosaïque...
Un truc comme ça...
6bis) dans cette sharia, l'existence de catégorie juridique organisant la persécution ou l'oppression des minorités religieuses de manière particulièrement claire. D'où le fait qu'il n'existe actuellement, en dehors de l'ex-URSS et de l'ex-yougoslavie et encore, aucun pays à majorité musulmane où les non-musulmans puissent vivre vraiment tranquilles. Cf les manifestations récentes à Jakarta, alors que l'Indonésie est (était ?) probablement un des pays musulmans les plus tolérants qui soit.
Après, ce ne sont que des outils dans la boîte, et il y en a plein d'autres (dans le domaine de la justice ou de la solidarité en particulier) dans cette même boîte. Mais ce sont des outils qui sont redoutablement efficaces, parce qu'ils sont faits pour. Contrairement aux pures fantasmes de l'ancien testament (les récits de glorieux génocides écrits par d'anciens dignitaires réduits en esclavage...ça nourrit certes les colons fachos de Cisjordanie et les Haredim ravagés du bulbe, mais ce n'est pas ça qui va faire rêver des convertis à l'autre bout de la terre...), ils ont été mis en place par un pouvoir politique hyper-puissant dans un but d'expansion et de contrôle. Ils sont faits pour ça, ils ont fonctionné, ils fonctionnent encore aujourd'hui. Ces trucs sont nocifs et ne pas le dire sous prétexte qu'ils sont la boite à outil d'un milliard de personnes et que ce serait les stigmatiser est une erreur.