Quelques réflexions sur la GAV (je suis avocat, donc je connais un peu la question pour visiter régulièrement les cellules et voir les gars en garde à vue...)
1) Déjà, il y a un problème sur la "réputation" d'une GAV.
Vous avez pas idée du nombre de gars que je viens voir et qui me disent : "mais moi je voulais pas aller en GAV, maintenant il va m'arriver des bricoles", alors qu'au contraire la GAV est génératrice de droits pour le gardé à vue.
Et la technique courante (?), qui fonctionne (?), c'est pour les OPJ de dire : soit tu nous dis ce qu'on veut savoir, soit on te place en GAV.
En théorie, quand les OPJ sont certains de la culpabilité du gars, leur comportement devrait à l'inverse être : on te place en GAV, tu vois ton avocat, puis on t'interroge en te précisant qu'on est sûrs de notre coup.
En pratique, je peux comprendre que ce soit plus facile de dire "de toute manière, on sait que c'est toi, donc avoue ou tu passes la nuit en GAV"...
Sauf que du coup, l'opinion généralement admise c'est : GAV = culpabilité.
Et ce sentiment est entretenu dans les médias : augmentation des GAV = augmentation des chiffres de la délinquance. D'ailleurs, je vois pas en quoi l'augmentation des GAV est gênante. ça veut au contraire dire que des garde-fou sont actionnés : procureur avisé, possibilité d'un avocat, visite d'un médecin, famille prévenue, etc...
Bref, la GAV, c'est bien.
2) Mais ce serait encore mieux si le traitement exceptionnel des gardés à vue n'était pas devenu l'usage.
Pour résumer : mise en cellule -> pas obligatoire
fouille à nu -> pas obligatoire
enlever ses chaussures / lacets et sa ceinture -> pas obligatoire
menottage pendant le trajet jusqu'au commissariat -> pas obligatoire
Mais par facilité / gage de tranquillité (y compris tranquillité d'esprit) / habitude / manque de moyens et d'effectifs, les policiers ou gendarmes prennent l'habitude de traiter tous les gardés à vue comme si ils étaient tous des dangereux psychopathes ET des candidats au suicide.
Et pour le gardé à vue lambda, dont c'est la première GAV, c'est humiliant, épuisant moralement et traumatisant.
Et parfois (et heureusement c'est rare), c'est franchement excessif.
J'ai vu une fois un gars qui avait été fouillé à nu et à qui on avait demandé de tousser. Il était là pour... conduite en état d'ivresse, casier judiciaire vierge...
Une autre fois je vois arriver une jeune fille (20-25 ans), pieds nus, avec une robe qui faisait genre robe de chambre qu'elle passait son temps à maintenir fermée. Bah oui, on lui avait retiré chaussures et ceinture. Elle était là pour... possession et utilisation d'un (seul) faux billet de 20 euros, dans le fast food du coin...
En même temps, à certains moments, les cellules sont pleines (soir de matchs qualificatifs pour la coupe du monde par exemple...). Et surtout pleines de petits merdeux qui sont là pour les 4ème fois, alors qu'ils ont pas 20 ans, qui trouvent marrants de demander d'aller pisser toutes les 20 minutes, qui s'interpellent entre cellules ("Wesh mon frère ! ça va ? bien ou bien ? Zyva le keuf il m'a dit que je pourrais sep dans 30 minutes ! j'vais lui pisser à travers les barreaux ouam !").
Y'a un moment, je crois que les flics, ils pêtent des cables...
3) L'intérêt de la réforme de l'intervention de l'avocat lors de la GAV
Bah tout simplement pour VRAIMENT servir à quelque chose.
Actuellement, quand je vois les gardés à vue, j'écoute leur histoire et je débite une petite leçon, que je peux à peine adapter en fonction des cas. Les gars, je les connais pas, je sais pas pourquoi ils sont là. Tout ce que l'OPJ a le droit de me dire, c'est la "qualification" retenue, qui a motivé le placement en GAV. J'ai pas accès au dossier. La moitié du temps, les gardés à vue me racontent que ce qu'il veulent bien me raconter, et je suis obligé de faire des prédictions dans ma boule de cristal pour imaginer quelles seront les suites de la GAV.
Plusieurs fois, j'ai vu des gars en leur disant à la fin de l'entretien : vous en faites pas, d'après ce que vous me dites, vous êtes dehors demain matin. Et puis le lendemain, je les vois passer dans les couloirs du Tribunal, menottes aux poignets, avec une escorte vers la salle des comparations immédiates.
Alors on fait du social, mais peu de droit. On les rassure, on les secoue un peu parfois (mineur de 14 ans, 3ème garde à vue... Je lui ai dit que ce coup-ci il irait en tôle. J'ai menti, en espérant qu'il sentirait peut-être passer le vent du boulet...), on débite des statistiques sur l'issue "classique" des procédures. Mais on a TOUJOURS du mal à estimer l'issue de LEUR procédure, parcequ'on n'a accès à rien.
Comment les préparer à un interrogatoire avec l'OPJ (quand un premier entretien n'a pas déjà eu lieu...) quand on ne sait pas sur quoi il va porter ?
Les GAV, en l'état, ne sont pas satisfaisantes.
Edit pour répondre à un post qui m'a dérangé quelques pages plus tôt :
Citation :
Il estime que c'est une connerie de traiter toute les personnes indifféremment.
On ne traite pas un multi-récidiviste comme un mec a qui il arrive une couille une fois dans sa vie.
Réponse
Pourtant la justice est aveugle. Et les coupables sont sensés avoir purgé leurs peines et payer leurs dettes tout ça;
Sur la pratique, pourquoi pas... mais sur la théorie, ça veut dire que le reste de la chaine est rouillée.
En fait j'ai déjà répondu sur ce point, mais j'insiste. Non on ne traite pas un multirécidiviste et un primo délinquant de la même manière. Et justement, la justice ne juge pas avec des grilles de lecture. Elle personnalise la peine.
Et c'est d'autant plus vrai que le traitement normal en GAV devrait être l'absence d'emprisonnement et de traitement "traumatisant" au sens large comme j'en parle plus haut.
EDIT 2: Je remonte le fil et j'ai failli m'étouffer
Contre l acces au dossier pour bcp d affaires car l avocat peut aider à faire disparaitre quelques preuves au passage.
Euh... J'ai un peu autre chose à foutre que de mettre ma vie (= ma liberté, ma famille, mon avenir en tant qu'avocat, mon honneur) en danger pour un gars qui a fait des conneries avec lesquelles je n'ai rien à voir...
C'est dangereux ce genre de discours...