Jisatsu attrapa un parchemin vierge, il sortit une plume de tofu maléfique de sa poche, qu'il tira minutieusement entre ses doigts avant d'en tremper la pointe dans sa cape noire d'encre de Kralamour.
Dame Calice,
Il est peu courant pour moi d'envoyer autre chose à la tête de vos pairs aux ailes blanches que des dagues. Mais je ressens en vous de l'intelligence, un Bontarien intelligent étant aussi rare qu'un Kralamour unique dans la pischine de Sufokia, tout espoir de vous ouvrir les yeux n'est pas vain.
J'ai autrefois appartenu à votre milice, au service d'Amayiro j'ai même été espion pour votre cause. A cette époque j'étais un sculpteur de renom, riche propriétaire Bontarien. Mes bâtons se vendaient comme des petits pains, je faisais mes courses dans vos hôtels de vente. Je virais les quelques Brakmariens que je croisais, de toute façon il n'y en avait pas, ou peu, 1 contre 10 ils ne faisaient guère long feu, pas grave, c'était nous les gentils.
Mais un jour, je fus envoyé par-delà les murs de Brakmar, pour mener à bien une mission d'Amayiro. Quelle ne fut pas ma surprise de trouver une ville fantôme, dont les rues n'étaient occupées que par des mômes chapardant les quelques rares visiteurs. Les femmes, au foyer, s'occupaient de leurs marmots pendant que les hommes, absents du domicile, travaillaient la terre ou partaient en chasse.
Terrible constat que de voir leurs conditions de vie : les hôtels de vente vides, les hommes ne pouvaient pas vendre leurs victuailles, pas de touristes acheteurs. Les femmes ne pouvaient acheter le pain quotidien : pas d'approvisionnement ou des prix excessifs. Les hommes régulièrement étaient conduits en prison, étant tombés face à des Bontariens lâches qui organisaient des traquenards...
Brakmar ville souffrante, enfance difficile et marginale, pas de pouvoir d'achat, il n'y avait qu'à voir aussi toutes les maisons en vente et l'inexistence de la place marchande. On pouvait cependant déjà noter à cette époque, quelques territoires d'insoumis, qui se battaient ardemment et qui jamais ne furent pris par les Bontariens, comme c'est le cas pour Grobe.
Désolé par la position de cette ville isolée du reste du monde, j'ai alors décidé de la rejoindre. Me battre, me battre pour sauver mes nouveaux frères, me battre pour rétablir l'équilibre. Peut-être que le Dieu Xélor n'a que faire de l'équilibre des territoires, certainement que le Roi Allister n'a pas à cœur de prendre sous son aile le reste de notre contrée. Alors c'est à moi et aux volontaires de s'en charger.
Puis ma rencontre avec Hyrkul a accéléré les choses. Désir de destruction des Bontariens et des centaures ; désir de changer l'évolution de ma cité. Trop longtemps vous avez vécu prospères, ne connaissant ni pénurie ni famine, trouvant même le moyen de nous écraser, mettant sur notre dos les crimes, le mal, la vermine...
Je souhaite rétablir un semblant d'équilibre. Mais pour remettre la balance en notre faveur, il faut détruire vos ressortissants. Rétablir l'équilibre quantitativement parlant, mais aussi relancer l'économie : que notre cité puisse vivre d'elle-même, que nos HDV suffisent à la demande croissante de notre sombre cité.
Rétablir aussi les actions de nos ancêtres et vous rendre la pareille. Tant d'années de souffrances que nous avons vécu pendant que vous vous pavaniez en toute sécurité, le ventre plein et plein de mépris pour nous. Il est temps de payer.
J'espère que vous comprenez mieux mes motivations, j'espère surtout que vous vous réveillerez et que vous nous rejoindrez. Si la vue du sang vous fait peur, rien ne vous empêche de ne pas participer aux crimes.
Je suis à la tête d'une faction soudée, amoureuse de la plume maléfique. Nos hommes attachés à Paul Ytik, les mal pensants, réfléchissent à nos stratégies, planifient nos actions, ils excellent dans le domaine de la littérature. Les responsables d'Arty Zana, ayant la fine anse, s'affairent à nous créer des armes et remplir les HDV pour que les ressortissants de Brakmar aient aussi le droit d'accéder aux biens. Bien entendu, nos guerriers sanglants d'Arieta Ma'Jhor, nos responsables de la Cour Forest, sont aussi très actifs. Les premiers mêlent le sang de vos confrères à celui de la race impure des centaures, pendant que les autres défendent les droits de nos citoyens. Enfin chez nous, libre accès à l'éducation et l'espace d'Abby Bill-Yotek.
Vous voyez, nous paraissons sans foi ni loi, assoiffés de sang. Mais tous les Héritiers Pourpres ne sont pas des assassins. Nous nous battons pour une cause dont je vous ai dressé le portrait, par simple désir de rétablir de l'ordre, un certain équilibre. Aussi déplorable que cela puisse paraitre, cela passe par la guerre. N'oubliez pas que pendant tout ce temps, nous avons vécu en soumission, que vous nous malmeniez, que nos parents sont morts sous vos coups. Vos ailes immaculées ne le sont pas autant que votre esprit corrompu. Vous n'avez que le paraitre, mais au fond de vous vous savez que vous n'êtes pas purs, pas sages, pas bien pensants et que vos actes ne sont ni légitimes, ni bénéfiques.
Je vous offre le choix comme je ne l'offre jamais à mes ennemis. Celui de mourir naïf ne connaissant ni le gout du sang ni celui de l'effort. Ou celui d'être acteur au sein d'une cité en pleine ascension, où fraternité est le maître mot. Nous vous promettons l'épanouissement, ou la déchéance et la mort dans la souffrance. Quel gâchis ce serait, mais ce choix ultime n'apparatient qu'à vous.
Jisatsu, Triumvirat des Héritiers Pourpres.
Le parchemin signé, il s'en retourna vers la cité Sombre, illuminée d'une étrange aura, transmettant au reste du monde un horizon bercé d'une couleur angoissante.
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