Disons-le tout de suite : je ne suis pas un grand adepte de Chavez.
Il y a toutefois beaucoup à dire à son propos ; et vous m'excuserez de le dire, mais je trouve qu'il y a dans vos propos une bonne part de calomnie.
Ce que Chavez a fait.
Il a commencé par sortir le Venezuela de la tutelle économique des grands groupes pétroliers, qui privaient le pays d'un facteur de développement important, et surtout avaient l'habitude de peser lourdement sur la politique du pays.
Avec cette manne financière, Chavez a financé plusieurs plans :
- Une politique de santé publique et de soins gratuite ;
- Une politique d'alphabétisation, car le Venezuela est encore un pays où l'illettrisme est un problème ;
- Une politique d'Etat providence qui a permis une hausse des revenus et des créations d'entreprise (microcrédits);
- Une politique de distribution alimentaire (dit MERCAL) ;
- Et par conséquent une hausse (de 17%, je crois, mais le chiffre est à vérifier : souvenir) du niveau de vie.
Ces politiques expliquent l'incroyable popularité (aux dernières nouvelles 77% d'opinion favorable selon un institut indépendant) du Président dans son pays. L'UNESCO a reconnu que l'analphabétisme avait été éradiqué au Venezuela ; le programme de l'ONU sur le Droit à l'Alimentation a montré en exemple la réussite du gouvernement Chavez.
Et je ne savais pas que faire très largement diminué la pauvreté et l'extrême pauvreté relevait du populisme (sinon l'inverse, la vraie politique, la politique noble et droite, ce serait de ne favoriser que les classes aisées ? Le populisme est un phénomène éminemment plus complexe, à mon avis). Il l'avait annoncé, on l'a élu pour ça, il l'a fait : un truc de ouf.
Ce qu'il a fait, aussi, c'est être réélu, par deux fois ; vous le comparez à Castro, mais Cuba vit sous un régime de parti unique, sans élection ni espace politique (un congrès du Parti tous les vingt ans, pour la forme). Castro n'a jamais été élu.
Les dernières élections au Venezuela (2006) ont été démocratiques et transparentes aux yeux de la communauté internationale et Chavez les a remporté, notamment "grâce" à la droite discréditée par son coup d'Etat manqué de 2002 ; mais du Président démocratiquement élu et de la droite putschiste, qui est autoritaire ?...
Ensuite on parle de journaux et de chaînes de télévision censurées : allons-y gaiement :
sources ? A ma connaissance une seule chaîne de télévision a été fermée ; une chaîne qui en raison de problèmes financiers ne pouvait pas payer la redevance ; une autre chaîne était dans la même position ; Chavez a pris ce point pour les faire fermer ; d'accord il aurait pu être plus souple, laisser du temps, etc., mais ces deux chaînes avaient ouvertement soutenu le putsch de 2002. Je dis donc que l'attitude de Chavez n'était pas particulièrement souple, mais avouons-le, c'était de bonne guerre, et c'était dans le cadre de la loi, et uniquement de la loi. La seconde chaîne, malgré son hostilité - réciproque - pour Chavez, a rouvert.
Ensuite ce qui craint.
Tout d'abord, la tradition du
caudillo dans laquelle il s'inscrit. Tradition profondément ancrée en Amérique du Sud et qui n'a rien à voir avec la démocratie ou l'autoritarisme ; le Caudillo est l'incarnation du pouvoir, c'est un homme, un vrai, un "mec" - tradition profondément machiste - qui est là pour porter le destin d'un pays ou d'un sous-continent sur ses épaules.
Chavez est un caudillo, aucun doute, qu'il soit élu démocratiquement n'intervient pas sur ce point ; c'est ainsi que le peuple le voit, et c'est ainsi qu'il veut paraître ; sa veine plébiscitaire est là pour le montrer (notamment avec l'élection de 2000, qui n'était au fond qu'un plébiscite).
Le problème à mon avis, est que la réactivation de cette tradition sud-américaine ne pourra que desservir le Venezuela le jour où un personnage véritablement anti-démocratique voudra prendre les reines du pays ; il n'aura alors qu'à détourner des mécanismes déjà existants, non à en inventer.
Autre tradition dans laquelle il s'inscrit : celle qui considère l'Amérique latine comme sous tutelle des Etats-Unis et qui cherche à en sortir (tradition qui n'est pas sans s'appuyer sur une critique de la situation réelle et passée du continent, convenons-en).
Je passe sur le panaméricanisme, il est trop tard à mon goût pour en parler.
La conséquence la plus néfaste de cette politique me semble surtout être cette logique binaire amis-ennemis, et surtout : les ennemis de mon ennemi sont mes amis : et voilà que je tends la main à l'Iran, à la Biélorussie...
Enfin, s'appuyer sur le pétrole pour structurer le pays me semble être à long terme problématique ; sans parler des réserves, je me rappelle d'une Russie soviétique qui est morte à trop s'appuyer sur ses hydrocarbures, refusant de développer une économie plus efficace.
Et le baril est aujourd'hui à 100$, mais qui sait s'il ne redescendra pas un jour ? Ce jour-là,
quid de la manne pétrolière ? Bref...