Jamin, chercheur de héros

Répondre
Partager Rechercher
[Si jamais les récits RolePlay n'ont pas leur place ici, mille excuses et merci par avance s'il est possible de déplacer le présent sujet dans la bonne catégorie - sauf s'il s'agit du sous-forum international, car peut-être peu de francophones la visitent-ils -]


Quand il était petit, Jamin était déjà... gras.

Mais plus encore que de bons plats, c'est de récits d'aventures qu'il était friand. Et ce pour plusieurs raisons.

Il faut savoir que son père exerçait la profession d'armurier. Quand à sa mère, elle était couturière. Et tous les deux avaient acquis un certain renom grâce à leurs talents respectifs. Aussi le petit Jamin avait-il pu contempler, dans le secret de la forge de son père, de nombreuses armures dignes d'un roi. Et sa mère le laissait à loisir tourner autour d'elle quand elle tissait ces robes que l'enfant trouvait si belles qu'il n'imaginait pas que les belles dames elfes puissent porter autre chose. Bien entendu, il n'avais jamais vu d'elfe mais les récits de ses parents et les histoires qu'ils lui racontaient le soir avant de le coucher en parlaient bien souvent.

Comment s'étonner, dès lors, qu'après ça l'enfant rêve de puissants guerriers en armure et de princesses elfes à la chevelure d'étoiles ?

A compter de ce jour, il n'eut plus envie que d'une chose : rencontrer ceux qui portaient les belles armures, les beaux habits. Ces héros et ces grandes dames des histoires.

Et pourquoi pas... pourquoi pas créer un héros lui-même ?

Car Jamin avait foi en les hommes et se sentait un don pour le chant et les histoires. Pour lui, en chacun sommeillait un être digne de voir ses exploits contés. Oh oui, il allait trouver un héros bien dissimulé et faire éclater la vérité à la face du monde. Oui, il serait cette fois celui qui écrit l'histoire et plus seulement celui qui l'écoute !

Mais chose étrange, son choix se porta sur Talan, un simple chasseur d'apparence très commune. Si un héros sommeillait en celui-là, c'était du sommeil lourd de la marmotte qui hiberne. Bref, rien ne laissait penser que le chasseur avait quoi que ce soit de plus que les autres.

Il le disait lui-même si on lui posait la question.

« Certaines petites gens sont bien plus grandes que ce qu'elles paraissent. Et certaines grandes personnes n'ont de « grandes » que le nom. Quand à moi, je mesure plus de six pieds mais je me serais bien accommodé de moins et mon âme est loin d'être grande. Cela m'arrange qu'on ne me remarque pas. »

On l'apercevait d'ailleurs rarement en ville. Les bois et les landes avaient sa préférence. Il semblait plutôt fils du vent et des prairies et se mêlait rarement à la foule.

Mais le Jamin est tenace. Tout ce qu'avait réussi à faire le chasseur avec ces paroles avait été d'aviver la curiosité du jeune homme. Lequel n'eut de cesse dès lors de prouver qu'en cet humble arpenteur sommeillait le héros qu'il cherchait. Voilà ce que c'est que de vouloir voir la grandeur en tout et en tous.

« Mais bien sûr qu'il peut battre de troll seul et sans armes, disait Jamin. »

Bien sûr, il n'avait pas plus vu de troll qu'il n'avait vu d'elfe, sinon entre les pages d'un livre, où ils semblent bien moins épais que dans la réalité.

Dans ces cas là, en général, Talan se contentait de hausser les épaules en soupirant et acceptait d'aider ceux à qui Jamin promettait monts et merveilles. Parfois il se permettait un « Hum... » Mais Jamin était tellement sûr de lui...

« Courage Messire Talan ! Disait-il. Si vous baissez les bras, vous ne toucherez que le sol avec votre arc. »

Il n'y a qu'un point sur lequel Talan ne cédait pas à l'enthousiaste ménestrel. Ce dernier avait toujours rêvé de héros en armure rutilante, rappelez-vous. Aussi, ça l'aurait bien arrangé si le chasseur avait plutôt était du genre « roi menant ses troupes au combat en lourde armure ». Mais voilà, le chasseur semblait plutôt se classer dans la catégorie des héros à distance (« par correspondance » disent les mauvaises langues), préférant la liberté de mouvement et la rapidité que lui permet le port d'une armure plus légère.

Cela dit, le Jamin est tenace. Nul doute qu'il trouvera encore bien des occasions pour essayer de faire changer d'avis le chasseur.



[Et maintenant, la parole à « Jamin » justement. Bizarrement, il est étrangement timide pour un barde donc je poste à sa place ici mais ne vous y fiez pas, c'est bien lui qui a écrit les bêtises qui suivent (chacun assume sa part, non mais !)]
Depuis l’aube des temps, on attendait un homme,

Depuis cette nuit doucement, on entendait cet homme.

Mirage ou illusion ?

Serait-il le messager ?

Courage et passion ?

Serait ce Le Guerrier ?

D’un arc de frêne, tendu jusqu’à rompre,

Il décoche ses flèches, mais toujours de l’ombre.

Hérault ou témoin ?

Serait-il notre sauveur ?

Une fille ou une catin ?

Voudrait-il de ma sœur ?



Jamin s’arrêta quelques instant. Ses doigts quittèrent le manche de sa mandoline pour se reposer contre l’herbe grasse qui bordait Archet. Décidément il n’arriverait pas à terminer cette chanson avant ce soir.

Jetant un coup d’œil en direction de l’entrée du village, il vérifiait que Talan n’arrivait pas par surprise. C’était sans doute vain tant le chasseur avait fait preuve d’agilité par le passé mais cela restait un réflexe.

Il préparait une petite chanson pour ce soir, pour la jouer à Talan quand il reviendrait du village.

Il ne savait comment exprimer la joie de l’avoir trouvé.

Lui.

Celui par qui il pourra prouver que tout homme en ce monde peut, s’il se dépasse, devenir grand. Devenir une légende.

Tout homme, sans exception. Cela voudrait alors dire que Jamin pouvait lui aussi en être un.

Allez, se dit-il, il faut reprendre. Tout doit être prêt pour ce soir.

Ses doigts reprirent leur position et sa main frôla doucement les cordes de l’instrument.



Hérault ou témoin ?

Serait-il notre sauveur ?

Une pomme ou un coin ?

Quel est le mieux avec du beurre ?



Non. Ca n’allait toujours pas.



Hérault ou témoin ?

Serait-il un grand hobbit ?

Si gros et malin ?

A-t-il vraiment une grande...?



Non, toujours pas. Et puis Talan n'était même pas Hobbit. Il allait devoir se concentrer sérieusement...
Driiinnngg !

L’accord qui se voulait doux et mélodieux alla rebondir contre les parois de pierre.

« Oui ! Comme cela Messire ! Aie ! Enfin, comme cela mais dans l’autre sens ! »

Jamin reprit la chanson depuis le début, pensant que cela encouragerait le chasseur :

Driiiinnnggg !



Sur les routes, entre les bosquets

Il trompe les brigands d’Archet !

D’un pas fier et pas ordinaire

Il fait face au dangeeeeeeeeeeeer !



Taaaaaaaaaaa…lan !

Taaaaaaaaaaa… lan !

Chasseur des bois d’Archet !



Talan se démenait tant qu’il pouvait. Les brigands l’entouraient, se rapprochant dangereusement de lui. Il décochait une flèche de temps à autre, entre deux coups de dague, faisant reculer ses adversaires de quelques pas.

Jamin, éloigné de plusieurs mètres, observait avec ferveur le combat. Prodiguant quelques conseils au passage, cherchant des rimes en « -ant » en même temps. Il s’assurait qu’aucun geste de Talan ne soit fait sans l’accord adéquat.



Driiiiiinngg !



Et quand il recule, c’est pour mieux frapper.

Et quand il se baisse, c’est pour mieux répliquer.



Taaaaaaaaaaa…lan !

Taaaaaaaaaaa… lan !

Chasseur des bois d’Archet !



« Courage ! Ils ne sont plus que trois maintenant !

Ah non… Ils sont six à présent, trois viennent à votre rencontre ! Allez, on ne se démotive pas ! »

Talan commençait à faiblir. Il n’était pas dans la meilleure configuration. Acculé sur le rebord du chemin de ronde, il devait trouver un moyen de mettre un peu de distance entre ses ennemis. D’un œil vif, il balaya la scène et remarqua la corde pendant dans le vide à quelques pieds de là.

Tentant le tout pour le tout, il se jeta la main en avant et saisit la corde. Lancé par son poids, il survola la petite cour pour se poser à l’opposé.

Jamin, toujours à plusieurs mètres de la scène, observa l’acrobatie. Un sourire vint se nicher sur le coin de ses lèvres.

« Bravo ! C’était vraiment un très joli saut Messire !

Euh… Etait-ce un saut en Do dièse ou un saut en Si bémol ? Ah, oui, Si bémol bien sur ! »



Driiiing !



Et dans les airs, il vole comme un oiseau.

Et sur la terre bouge comme un…



« Dîtes Messire, pourriez vous me donner une rime en « O » s’il vous plaît ? »

Talan restait concentré. De deux flèches rapides, il toucha gravement les brigands de gauche, il ne restait maintenant que celui de droite. Il devait l’atteindre avant que les trois autres ne le rejoignent.

« Messire ! Une rime en « O » je vous prie ! Faîtes un effort tout de même, vous croyez que c’est facile de composer à la volée comme cela ? Une rime en « O » ! »

Talan ne sut quoi répondre. Il n’avait bien sûr pas entendu complètement la question.

« Poireau » jeta-t-il au hasard, priant pour que cela satisfasse le barde qui commençait à devenir vraiment encombrant.

Jamin fut surpris par la rime et alors qu’il allait la poser sur la musique, il entendit un brigand s’approcher doucement de lui par derrière. Il se retourna d’un geste vif et envoya sa mandoline dans la figure qui toucha sa cible, accompagnée d’un bruit sourd et métallique. Il faut préciser que le fond de sa mandoline était fait de métal, pour arrondir le son disait Jamin.



Taaaaaaaaaaa…lan !

Taaaaaaaaaaa… lan !

Chasseur des bois d’Archet !, reprit-il à tue tête.



Quelques minutes passèrent, faites d’angoisse et de concentration pour Talan quand, finalement, il vint à bout de ses assaillants.

Talan se tourna vers Jamin, toujours à plusieurs mètres de la scène, et lui lança un sourire de soulagement.

Jamin courut vers le chasseur, visiblement heureux de s’en être sorti :

« Alors Messire ? Comment ça « on l’a échappé belle » ? Je vous parle de ma chanson ! Vous l’avez aimée ? »




[Note du posteur au cas où vous trouveriez qu'il est bien sympathique ce Jamin : allez essayer de chasser ou de vous approcher furtivement d'un gibier ou d'un adversaire quand juste au moment où vous allez surprendre votre proie un ménestrel que vous connaissez bien se met à hurler « alors là c'était une sacrée bonne approche furtive ! Mettez-lui une raclée ! » (bon, il ne l'a pas encore fait mais ce serait bien le genre )]
J'ai adoré te lire, continue comme ça.
Citation :
Publié par Azarm - Baikal
Tu disais vrai , quand t'ecris tu t'arretes jamais
Hum... je précise quand même que là on est deux hein et que précisément, je suis le moins bavard des deux (deux messages à un, raaaaaah, comment "gagner" vu que je me bats pendant que le ménestrel a tout le temps d'écrire, lui...)
Mais bon, si ce perso là (le chasseur donc) parle moins, c'est peut-être justement parce que Boblon le hobbit a utilisé tout le stock de mots et qu'il en reste peu (d'où le "poireau" à bien y réfléchir, Boblon ne dit jamais "poireau"... Bref )


Citation :
Publié par Bili Bob
J'ai adoré te lire, continue comme ça.
Merci merci.
Je transmets à l'autre intéressé, ça lui fera plaisir aussi
Staddel, au milieu des champs verts d'herbe à pipe

Une douce mélodie caressait les herbes hautes, rythmée par le vent chaud venant du Sud.

"Brandissant son arc, haut vers le ciel,
Supportant les marques, des combats perpétuels

Il jette son regard, au visage de Jasper
Le brigand hagard, en perd ses grands airs.

Taaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaalan !
Taaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaalan !
Rôdeur des bois

Taaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaalan !
Taaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaalan !
Au sourire narquois."

Talan, marchant devant, ne souriait pas. Cette fois, l'imprudence de Jamin avait bien failli leur coûter la vie.
Jamin, lui, souriait. Son héros lui avait donné un magnifique cadeau : une ballade à composer basée sur leurs récents exploits. Biensûr Talan ferait surement un peu la tête après ce qu'avait fait le ménestrel. Mais avec le temps cela passerait. Jamin culpabilisait un peu mais il faisait bien attention à ne pas le montrer. Après tout, casser une corde en plein combat était certainement une chose commune même aux plus grands bardes du pays.

Et puis, s'arrêter cinq minutes de guerroyer pour sortir de son sac, remonter et accorder l'instrument, ce n'était pas la mer à boire tout de même !
Talan s'en était sorti de toute façon. Certes, il avait du courir avec cinq ou six brigands à ses trousses pendant ce temps... mais bon, un ménestrel se doit d'avoir toujours sous la main de quoi illustrer les situations.

Jamin eu une idée. Pour se faire pardonner, il allait jouer la chanson préférée de Talan. Le rôdeur faisait toujours semblant de ne pas l'aimer mais Jamin n'était pas dupe.

Viens, viens, viens ma Marie...
Viens, viens, viens dans mon lit !

Regarde, regarde on dirait du frêne !
Prend garde, prend garde, c'est dure comme l'ébène !

Eteins, éteins les lumières.
Je viens, je viens par derr...

"Jamin !" dit TalanJamin s'arrêta alors qu'il arrivait juste à son passage préféré mais les paroles du chasseur était si rares...

"Pourrais tu t'arrêter quelques instants de faire du bruit ? dit Talan sur un ton sec.
"J'aimerais pouvoir profiter du calme pour une fois"
.

Ces mots tombèrent sur Jamin avec force et assomèrent le barde.
Talan, sans regarder son compère, esquissa un sourire. Certes il avait été dur cette fois mais Jamin devait comprendre quand se taire aussi. Sitôt le remord le saisi. Bien qu'il ne se retourna pas, il imaginait le ménestrel étouffer des sanglots et sécher de sa manche des larmes naissantes.

Talan, marchant toujours devant, ne faisait plus triste mine.
Jamin, marchant encore derrière, ne disait plus un mot.

*Cinq minutes après*
Alors que le silence semblait avoir remporté la bataille, la mandoline montra qu'elle n'était pas si facilement vaincue. La mélodie commença doucement, hésitante au milieu de cette atmosphère tendue puis se fit de plus en plus présente. Très vite, elle s'accompagna de paroles.

"Talan est parfois méchant.
Talan, pas toujours souriant.

Il tue, il blesse et il râle sans cesse.
Il sue, il boit et a de grosses fesses.

Talan, Sir-je-sais-tout
Talan, Conte-je-cours-partout
Talan, Capitaine-des-armées-en-fuite
Talan, Commandant-des-arcs-qui-s'effritent."

Avant que Jamin ne pu reprendre en coeur son propre refrain, Talan se prit la tête dans les mains, se demandant s'il devait laisser faire ou le faire taire une bonne fois pour toute.
Et peut être est-ce là, après tout, le seul acte héroïque de cette histoire car, sur fond de
"
Talan, Brimeur-des-artistes-lyriques. Talan, l'archer-toujours-en-fuite"
le chasseur décida de laisser faire le barde et d'attendre patiemment que cela passe...

(J'en profite pour saluer à mon tour tous les joueurs de Lotro et aussi de vous dire à bientôt en jeu).
Message roleplay
Quelques jours plus tôt...

Comme à chaque fois qu'ils passaient près d'une ville, Jamin en avait profité pour aller faire un petit tour des tavernes. Enfin petit…


"C'est l'endroit où l'on glane le plus de rumeurs et de sources d'aventures, messire Talan, croyez-en mon expérience. S'il y a des défis à relever dans la région, j'en aurai connaissance !"

Et en effet…

Etonnant le nombre de choses qu'on peut apprendre le temps de boire douze ou treize petites bières de rien du tout…

A son retour au campement, Jamin exultait. Il leur avait trouvé une nouvelle épreuve à affronter, une épreuve digne d'un héros : toute une troupe de brigands à défaire ! Et à leur tête, le terrifiant, le monstrueux, d'invincible, le… (oui, Jamin en faisait toujours un peu trop) Bref, ils allaient devoir affronter un certain Jasper Baboue !


"Oh ne souriez pas, messire Talan .Son nom prête peut-être à rire mais on le dit cruel et féroce."

Jamin imaginait déjà le combat. Apre, nerveux, serré. Et ils sortiraient victorieux, ça ne faisait aucun doute pour Jamin. Surtout avec deux Talan au lieu d'un !

Le ménestrel mit la main devant sa bouche pour étouffer un rot.


"Ce n'est parce que je considère la mortalité comme un don et non comme une malédiction que je suis pressé de mourir pour autant, Jamin."

Mais l'enthousiaste ménestrel dormait déjà, de ce sommeil lourd des hommes après la bière. Probable qu'à son réveil il ne se souviendrait que de cette histoire de brigands et de ses rêves de gloire de la nuit. Lui la tête ceinte d'une couronne de fleurs tressées, porté en triomphe, déclamant ses vers à une foule en liesse…

Mais il serait certainement encore plus occupé à avoir mal aux cheveux. Les lendemains de cuite de Jamin étaient d'ailleurs pour le chasseur qui l'accompagnait un moment privilégié. Car le ménestrel, ces jours-là, ne supportait pas même le son de sa propre voix. C'étaient des journées bénies pour la chasse.

Mais pour l'instant, et sans doute parce qu'il ne pouvait pas s'entendre, Jamin ronflait à en effeuiller les arbres. Talan raviva le feu et couvrit le ménestrel d'une couverture en souriant. Jamin était certes un compagnon bruyant mais il avait des qualités de cœur. Et ça c'était appréciable.

La ville n'était pas loin et la forêt veillait sur eux. Talan fit quelques pas entre les grands arbres aux troncs lisse et aux branches hautes.

Un peu plus tôt dans la journée il avait vu une femme en découdre à l'épée avec un gobelin. Une femme… Il avait vu plus que son lot de femmes fortes, ce n'était pas la question. Mais était-ce faire preuve de force que de se battre ? Il fallait vraiment que l'on vive des temps troublés pour que les femmes se montrent aussi sottes que les hommes…

Mais on n'a pas toujours le choix. Les mots ne suffisent pas toujours à se défendre malheureusement.

Talan regarda le ménestrel batailler dans son sommeil contre des ennemis invisibles et retourna auprès de lui afin de lui éviter de rouler malencontreusement dans le feu. C'était son épreuve de la nuit. Mais ça Jamin n'en dirait jamais rien dans aucune ballade. Pas assez héroïque.

Talan sourit.
Talking
Citation :
Publié par Scalpounet
Joli vraiment !

Sinon je crois que pour le post au dessus tu as posté avec ton fake compte

Je prends note
Merci et... non non, j'avais juste posté à la place de notre ménestrel les premières fois parce qu'il n'avait pas trouvé le chemin du forum (c'est pour ça qu'il a besoin d'un chasseur, l'orientation c'est pas trop son truc )

En tout cas, vous aurez compris je pense pourquoi Tolkien a choisi de raconter les péripéties de la Communauté de l'Anneau plutôt que les aventures de Jamin et Talan, qui se passent pourtant à la même époque
Moi, un fake compte ?
Non non, je vous rassure (enfin cela aura peut être l'effet inverse) nous sommes bien deux personnes différentes.
La preuve, si vous nous rencontrez, l'un est charmant et drôle alors que le deuxième est ennuyeux à mourir (mais bon, c'est lui qui a le sens de l'orientation).

J'en profite d'ailleurs pour apporter des précisions sur nos personnages :
Jamin reste un personnage à part entière dans le monde de Tolkien. La subtilité de sa psychée est balancée par la légerté de ses actes. Sous l'emprise de sentiments contradictoires, Jamin s'efforce de discerner le bien là où certains n'y verraient que le mal. Persévérant, quelques fois ironique, Jamin reste un compagnon fidèle.
Talan, lui, se contente de ne pas trop parler.
Une pluie fine tombait maintenant depuis plusieurs jours et si Jamin n'en parlait pas moins que d'habitude, la nature de ces ballades avait cependant quelque peu changé. De plus en plus souvent en effet, le mot Comté revenait dans ses vers. Cela dit, guère plus de soixante fois par jour. Enfin si, bien davantage en fait. Mais au-delà de ce nombre, Talan avait cessé de compter. Le ménestrel essayait d'ailleurs de convaincre le chasseur du bien fondé d'un périple dans la verte contrée des hobbits.

"Songez comme ils sont petits. Et le mal est partout. Il faut les défendre plus que tout autre !"

Le chasseur ne se fit pas prier davantage. Il comprenait après tout que le ménestrel en ait assez des marais et des forêts et veuille enfin faire un vrai repas.
Cela dit, s'il ne chantait pas tout le temps aussi, ils auraient eu de la viande à manger plus souvent. Une chance que les fleurs et les baies ne puissent pas s'enfuir, elles… enfin pas toutes en tout cas… La Vieille Forêt, en lisière de la Comté, leur fournit quelques exemples de plantes sensibles (malheureusement pour elles) à la musique et qui s'enfuirent quand Jamin se mit à chanter, même si alors la voix du ménestrel résonnait un peu moins fort et un peu moins justement que lorsque ils sillonnaient le pays de Bree. Il faut dire que la Vieille Forêt n'encourageait pas forcément à rire et à faire preuve de légèreté.

Toujours est il que oui, le dodu ménestrel avait bien mérité un bon repas après tout. Et aussi de savourer la fameuse herbe à pipe des petites gens.

Talan s'était rendu compte, alors qu'ils guidaient une jeune femme dans la forêt, peu de temps auparavant, et les voyant, Jamin et elle, essoufflés d'avoir couru pour le suivre, qu'il ne s'était jamais vraiment demandé si le ménestrel souffrait de leurs longues marches. Si c'était le cas, il n'en avait rien dit en tout cas. Alors le chasseur avait supposé que non. Et cette fois-là encore, le ménestrel faisait tout pour dissimuler sa fatigue à la jeune femme qu'ils escortaient. Si elle tardait trop à prendre congé, il allait s'évanouir, c'était certain.
Talan mesurait maintenant quelles réserves de courage contenait Jamin dans son corps dodu. Cela dit, le faire courir l'empêchait bien souvent de chanter. Cela avait donc son intérêt aussi…
Bien sûr, du coup, il était fort probable que le ménestrel n'allait plus tarder à composer une ballade se moquant des grandes jambes du chasseur et les comparant aux pattes d'un échassier, ou quelque chose d'approchant. Mais bah, le chasseur était habitué à ce genre de gentilles moqueries maintenant.
Et puis, pour se venger gentiment lui aussi, il pourrait toujours faire passer Jamin à proximité de ruches. Le pauvre avait une peur panique des abeilles. Des brigands non. Des gobelins finalement assez peu. Mais alors les abeilles…

En tout cas, il ne craignait de toute évidence pas, c'était le ridicule. Il suffisait de voir comme il s'affublait. Sa mère était-elle vraiment couturière ?
Peut-être était-ce une des raisons qui le poussaient d'ailleurs à vouloir se rendre dans la Comté. Imaginait-il que là-bas on portait comme lui des pièces d'habillement aussi disparates et colorées ? Mais qu'avaient été lui raconter ses parents ?
Et les chapeaux…
Cela dit, peut-être un jour tout le monde s'habillerait-il comme ça, qui sait. Si l'on n'a pas besoin de se fondre dans la forêt après tout, quel besoin de se vêtir de brun et de vert ? Et si on ne doit plus exercer d'activités salissantes, peut-être portera-on effectivement des habits plus clairs et plus vifs…

Le chasseur en était là de ses réflexions quand Jamin l'interrompit. Il n'avait cessé de parler depuis qu'ils avaient quitté la Vieille Forêt. Un hobbit avec un chapeau à plumes venait à leur rencontre et le ménestrel l'avait interpellé vivement. Des voyageurs heureux ? Si près de la Vieille Forêt ? Le hobbit les regarda d'un air encore plus suspicieux. Il faut dire que si Jamin s'apparentait à une boule de joie multicolore, son compagnon de route, lui, avec sa mise sombre et son visage sérieux, avait de quoi rendre prudent un hobbit, fut-il frontalier et plus habitué à voir des choses peu ordinaires que la majorité de ses concitoyens.
Pourtant, c'est bien le chasseur qui prononça les quelques mots légers qui rassurèrent en partie le hobbit.


"N'allez pas croire que nous étions dans notre élément dans ce bois. Si Jamin, ici présent, parle autant, c'est parce qu'il est soulagé d'en être sorti au contraire. Et il pourrait bien continuer des heures ainsi. Il a de la réserve."

Avec un léger sourire, le chasseur désigna le ventre rebondi du ménestrel.
Lui non plus n'avait pas tant parlé depuis bien longtemps.
En sortant de la Vieille Forêt, un poids avait quitté leurs épaules et leurs cœurs. Mais ils se trouvaient désormais dans la Comté. Le soleil y couvrait d'or les collines et les bois. Sous leurs yeux, un long fil d'argent serpentait dans le paysage, disparaissant parfois sous les arbres ou bien entre deux collines. Mais toujours reparaissant à la vue, comme une évidence. A l'image de la vie dans la Comté, où tout semblait si paisible, si immuable, si éternellement bon et doux.

Toutefois ce n'était pas le cas. De la même façon qu'il n'y pleuvait pas moins que là d'où ils venaient. On n'obtient pas de bonne herbe à sieste ou à pipe ni de si jolis jardins et de si abondantes cultures sans beaucoup de pluie, tout le monde vous le dira. C'est bien simple, les précipitations dans le ciel de la Comté sont aussi importantes que la précipitation au quotidien de ses habitants quand il s'agit d'aller travailler est faible. Et c'est encore plus vrai, paraît-il, depuis que l'un des petits-fils de mémé Touque, dont la décence empêche de dire le nom (sous peine qu'il déboule en l'entendant), s'est mis en tête de jouer du luth alors qu'il n'a aucune disposition pour ça.
Bref, la vie dans la Comté était loin d'être aussi rose que le supposait Jamin, mais autant ne pas lui ôter tout de suite ses illusions.
Sous le regard désormais un peu plus amène du hobbit frontalier, ils reprirent donc leur marche, le ménestrel entamant aussitôt une ode à la verte région.
L’entrée des Hauts des Galgals.

Talan avançait prudemment. Ses yeux ne cessaient d’observer les moindres détails. Des empreintes sur le sol, des branches de buissons cassées, même l’angle selon lequel les pierres avaient roulé dans les pentes.

L’endroit était très dangereux et il le savait.

A quelques mètres derrière, Jamin marchait d’un pas tranquille, les mains dans les poches. Le chasseur lui avait demandé de faire moins de bruit, d’être silencieux puis finalement de se taire d'une manière assez sèche.

Vexé, le ménestrel laissait son regard voleter à droite, à gauche, sans but précis.

Talan s’arrêta net. Devant lui, il semblait distinguer des formes qu’il n’avait jamais vues. Il resta ainsi quelques secondes, le temps nécessaire à Jamin pour venir le bousculer sans faire exprès.

La chute du chasseur attira l’attention des êtres spectraux.

Jamin, qui leur tournait désormais le dos et ne les avait bien entendu pas vus, aida Talan à se relever en se confondant en excuses. Il faut dire que le ménestrel faisait d’énormes efforts envers son compagnon de route ces derniers temps. Enfin... des efforts selon lui.

Le premier regard de Talan n’était pas pour Jamin. Non, il était pour les cinq squelettes qui arrivaient en courant. Luttant contre la terreur de cette vision, sa main chercha dans son dos son arc et ses flèches.


« Jamin, vite, fais quelque chose ! » cria-t-il en reculant.

« Ok, Talan. Cela me fait plaisir que vous me le demandiez. »

Jamin lança rapidement sa main dans sa besace et commença à fouiller.

Solide sur ses appuis, le chasseur ferma un œil pour mieux viser et décocha deux flèches rapides frôlant le cou de Jamin sans que ce dernier s’en aperçoive, toujours occupé à fouiller dans son sac.

Les deux flèches vinrent frapper deux des squelettes à la base de la nuque, brisant ainsi le funeste sortilège qui les animait.


« Alors, Jamin ! Ca vient ? »

« Oui, oui. Ne vous impatientez pas Messire ».

Les trois autres spectres poursuivaient leur course à toute allure, cherchant l’angle mort derrière le ménestrel qui leur tournait le dos.

Talan s’accroupit précipitamment et tira entre les jambes de Jamin pour atteindre deux autres créatures. S’écroulant sur le sol, leurs os se dispersèrent sur le sol graveleux.
[j'imagine que Jamin pensait à un sol couvert de gravillons en écrivant ça ^^]

« Ca y est Talan, vous allez m’en dire des nouvelles ! »

Jamin sortit finalement de son sac sa mandoline et entama quelques accords, au grand désespoir de Talan…

« Ô douce nuit,

Que ta course vienne guider nos pas

Et que tes lueurs nous apaisent

Comme du sucre sur des fraises… »

Talan se reprit et décocha une flèche sur le dernier monstre en visant entre le coude et le flanc de Jamin.

Voyant le chasseur s’exécuter, Jamin eut peur et dans un mouvement de recul, bascula en arrière. Cherchant à retrouver l’équilibre, ses mains battirent l’air dans tous les sens, si bien que le fond en métal de la mandoline vint frapper le crâne du spectre avec violence.

Talan serra les dents et dévia son tir au dernier moment pour éviter de toucher le ménestrel (chose qu’il regretta quelques minutes plus tard). Allongé sur les restes d’os brisés, Jamin essayait de se relever.


« Oh, regardez Talan. Il y a des os sur le sol. On dirait des restes d’être spectral. »

Faisant une moue compatissante, Jamin poursuivit :

« Ne vous en faîtes mon cher. Vous êtes destiné à devenir un grand héros, aussi, si vous n’avez pas vu celui-ci, je suis sûr que les prochains n’échapperont pas à votre attention.

Mais bon, heureusement que j’étais là tout de même. »

Talan se réfugia dans son mutisme comme seule réponse, en se demandant s’il devait ou non expliquer la vérité ou laisser Jamin vivre dans son monde.

« Par contre Messire, la prochaine fois, pas la peine de me tirer dessus. Dites moi simplement que vous n’aimez pas le morceau… » dit Jamin, un peu vexé tout de même…

Finalement, Talan décida de ne rien dire, pensant que Jamin s'était peut être enfui trop profondément dans son monde...


[Notez que toute remarque est la bienvenue.
Sur le récit par contre hein, pas sur notre efficacité en combat. Parce que là, malheureusement, on ne peut plus rien faire pour nous ]
Bree, place des marchands.

Talan n’aimait pas les villes.

Jamin le savait bien maintenant. Pourtant ce dernier avait gentiment demandé au chasseur de faire une petite halte à Bree, quelques temps. Pour tout dire, « gentiment demandé » pour Jamin voulait dire qu’on ne demandait pas plus de cinquante fois d’affilée.


« Allons Talan, il faut bien que je teste mes nouvelles ballades contant vos aventures. C’est une nécessité pour moi ! S’il vous plaît, s’il vous plaît, s’il vous plaît,… »
[Dans l'intérêt, déjà bas, de ce texte, nous vous passerons les 47 autres « s’il vous plaît » gentiment demandés par Jamin]

Nos deux compagnons d’infortune arrivèrent donc sur la grande place proche du Poney Fringuant. Dès qu’ils avaient passé la porte imposante de la ville, les rôles du duo s’étaient subtilement inversés : Talan n’était plus dans son élément et Jamin était … un tout petit peu plus dans le sien.

Jamin avançait devant, cherchant l’estrade sur laquelle il allait enfin pouvoir tester ses ballades sur ses auditeurs. Le ménestrel était nerveux. Le fruit de plusieurs semaines de labeur, il avait peur d’oublier les paroles, de rater ses
accords, de chercher ses rimes. L’impatience et l’excitation s’étaient aussi invitées, allant s’asseoir au milieu du public pour assister au spectacle. Aussi, quand le chasseur lui dit qu’il allait en profiter pour faire un tour des boutiques, Jamin n’y prêta pas attention.

Une sensation étrange se dégageait de la ville pour Talan. L’impression d’être à l’étroit, d’être prisonnier des murs de pierres si contre nature. Et ce monde ! Tant de personnes vivant au même endroit, salissant, piétinant, tous prenant
part à ce gigantesque capharnaüm. Même le vent transportant des odeurs pestilentielles semblait se jeter contre les façades comme pour les mettre à bas. Enfin, le dodu ménestrel n’était pas fait non plus pour vivre dans la pleine nature et il fallait bien lui permettre de retourner aux sources de temps en
temps se disait il. Quittant la place centrale, Talan se dirigeait sans y prêter attention vers la sortie de la ville.
En partant, quelques notes de musique attirèrent son attention, ainsi que son nom… chanté. Aucun doute, Jamin commençait sa représentation. Il contait leur rencontre à Archet.
Habitué de force au chant hasardeux de Jamin et à sa musique… improvisée, Talan laissa ses pas le diriger vers la Porte Sud pendant que son esprit revivait leur première rencontre.

Une heure passa.

Talan était allongé dans l’herbe grasse, tout près de l’entrée de la ville. Il soupira. Il est étrange de voir qu’avec le temps, les souvenirs se bonifient. Il avait repensé à Jamin, sa rencontre, leurs aventures, les dangers qu’ils avaient
affrontés ensemble.
Talan ouvrit les yeux quand la pensée que Jamin lui manquait presque avait traversé son esprit. Etonnante réflexion se dit-il.
Bien, il était peut être temps de retrouver son comparse et de se remettre en route. Le répertoire « épique » du ménestrel devait toucher à sa fin.
Le chasseur reprit la route de la grande place et fut surpris de constater que le barde était toujours sur l’estrade et encore plus surpris de voir qu’il faisait face à une foule d’une centaine de personnes.
Jamin avait les joues rouges. Il avait chanté de toutes ses forces pendant presque une heure. La fièvre des ballades l’avait gagné, catalysée par le nombre d’auditeurs.


« Ecrabouilléeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeee !!!!! »

D’une main leste, il joua le dernier accord de la dernière chanson, laissant son bras continuer sa course dans un mouvement circulaire du plus bel effet selon lui.
Il se sentait bien sur sa scène, tout simplement. Il avait joué toutes ses ballades, raconté toutes leurs aventures et au fur et à mesure, la foule grandissait. Fatigué mais transporté de bonheur, le ménestrel s’adressa une dernière fois à la foule pour la remercier.


« Merci à tous d’être venu écouter mon message. « Talan foulant le Grand Galgal » était malheureusement la dernière chanson de mon répertoire. Mais je vous promets de revenir bientôt avec des aventures encore plus extraordinaires, plus palpitantes ! »

Talan observait la scène, dubitatif. A voir les gens taper dans leurs mains, le sourire aux lèvres, il doutait à présent de son sens musical. Serait il possible que Jamin soit vraiment doué dans son domaine ? En tout cas, tout semblait le prouver.
Le remords d’avoir bridé l’imagination de son compagnon de route s’installait progressivement dans l’esprit du chasseur.
Du haut de l’estrade, Jamin aperçut le rôdeur.


« Une dernière chose cependant Messires et Mesdames. C’est pour moi un immense honneur de vous présenter l’unique héros de toutes les aventures que je vous ai contées. Voici Talan, le seul et l’unique ! » dit-il en pointant du doigt le chasseur.

Ne sachant que faire, Talan se surprit à lever la main pour se signaler à la foule, pensant qu’elle allait l’applaudir à tout rompre.

Il est des moments comme cela où l’on trouve enfin l’espoir de changer les choses. Des moments où la réalité cède la place à l’espoir, où l’on est certain que ce qui est peut changer et s’améliorer. C’est exactement cet instant là qu’a vécu Talan en levant la main. Aussi, je pense qu’il est inutile de vous
décrire le dur retour à la réalité qu’il a subi quand la foule s’est retournée et qu’un éclat de rire général s’imposa dans toute la ville de Bree.

Non, décidément, Jamin n’a que peu de talent pour la musique…
Bizarrement, après cette performance à Bree, Jamin renonça à sa garde robe colorée et farfelue. Comme s’il… comme s’il voulait passer inaperçu. Il donna ses vieilles nippes douillettes à un vague cousin qui habitait près de la porte ouest et demanda à Talan s’il pouvait lui travailler un peu de cuir dont il se ferait une armure.
Le chasseur aurait pu taquiner le ménestrel, mais il n’en fit rien.


« Les vêtements en cuir rigide sont-ils bien les plus appropriés pour qui souhaite jouer d’un instrument ? Tes bras ne seront plus si libres ni tes gestes si fluides Jamin… »

« Ne me dites pas que vous allez regretter. »

« Non, bien sûr, mais… »

« Je pourrai toujours chanter. »

Jamin souriait.

« Oui, tu as raison. »

Le chasseur lui sourit en retour.

« Tu n’auras qu’à… »

Ce qu’allait dire Talan semblait lui coûter.

« Tu n’auras qu’à profiter de ce qu’on est loin de tout pour t’entraîner au chant et au luth. Aussi fort que tu voudras… »

Le chasseur soupira. Il l’avait dit.
Une étincelle de joie illumina les yeux du ménestrel.


« Vraiment ? »

« Je regrette déjà cette promesse mais... oui, tu as bien entendu, répondit le chasseur avec un sourire amusé. »

Sous prétexte de ramasser des herbes curatives, il avait fait provision, durant les semaines précédentes, d’une sorte de mousse parfaite pour mettre dans les oreilles quand on souhaite ne pas être affecté par des sons trop forts ou trop discordants. A l’origine, il pensait surtout à en faire usage en présence de créatures utilisant leur cri pour terroriser leurs proies. Il ne pensait pas que cette mousse lui sauverait la vie à ce point.

« Mais tu sais », reprit le chasseur. « Il me semble que peut-être tu fais fausse route depuis le début. »

« Que voulez-vous dire messire Talan ? »

« Et bien c’est louable bien sûr de vouloir voir en chacun un héros, quelqu’un de bien. »

« Ah, vous l’admettez enfin ! »

« Mais tu aurais dû commencer par toi. Voilà ce que je veux dire. »

« Qu’est-ce que cela signifie ? »

« Que tu aurais peut-être dû te choisir comme sujet de tes chansons, tout simplement. »

« Ah non ! Mes parents m’ont toujours enseigné que c’est présomptueux de vanter ses propres talents. »

Le chasseur soupira. L’ancien Jamin semblait de retour. Il essaya de reformuler sa pensée.

« Si le propos est juste il n’y a aucun mal à le dire. Franchise vaut mieux que dissimulation. »

« Et c’est vous qui dites ça monsieur le rôdeur qui veut toujours passer inaperçu ! » s’exclama Jamin.

« Hmpf. »

Talan réalisa son erreur. Parler n’était pas du tout son point fort. Il aurait dû éviter d'essayer de convaincre un ménestrel avec des mots. Tant pis, il fallait faire une dernière tentative...

« Peut-être es-tu un héros, mais… pas en tant que ménestrel. »

Il fixa Jamin. Peut-être avait-il été un peu trop… franc.

« Aha ! Nous y voilà ! Vous êtes jaloux ! »

Hein ? Quoi ? Le chasseur ouvrit de grands yeux. Il se remémora ce qu’il venait de dire à toute vitesse. Un moment il pensa que peut-être sa langue lui avait joué un mauvais tour. Qu'il avait voulu dire quelque chose de sensé mais qu'il l'avait mal formulé.
Mais non, il avait tout simplement affaire à Jamin. Seul le ménestrel pouvait croire qu’on le jalousait quand la seule chose qu'on tentait de lui expliquer, c'était qu'il était une sorte de héros.
Talan soupira tandis que Jamin poursuivait sa tirade.


« Ils ont ri de vous alors vous vous vengez sur moi car vous avez réalisé qu’un ménestrel a encore plus de renom que ceux dont il chante les exploits, avouez ! Mais ne croyez pas vous en sortir comme ça ! Je saurai prouver que même vous vous pouvez être un héros si vous vous y mettez sérieusement ! »

Le chasseur secoua la tête. Décidément, il ne fallait pas qu’il essaie de parler avec Jamin.
Et puis quoi ? Lui dire qu’en fait il était heureux qu’on se souvienne plus du passage du ménestrel que du sien ? Lui avouer que ça l’arrangeait bien ? Et qu’avec ses chants et ses vêtements multicolores Jamin faisait parfaitement diversion et que ça aussi ça lui facilitait grandement la tâche ?
Talan jugea plus sage de ne rien ajouter.
Les attendaient de vastes étendues désolées, avec Jamin pour seule compagnie. C’était peut-être en ça que le chasseur était un héros finalement. Il entraînait le ménestrel loin de tout, là où il ne blesserait les oreilles de personne. Il prenait sur lui. Si ça ce n’était pas de l'héroïsme...
Merci merci.

Ca nous amuse de raconter nos péripéties (on écrit plus ou moins à tour de rôle en fait, selon l'humeur et la direction du vent). Mais c'est encore mieux si ça en fait sourire d'autres.

Et tant pis si par contre ça encourage le joueur de Jamin à continuer d'interpréter son ménestrel. Je ferai avec. Ou sans, faut voir, une embuscade de gobelins est si vite arrivée...
Bree. Sur la place des marchands.

Une semaine. Cela faisait une semaine que Talan n’avait pas vu Jamin et l’on pouvait dire que le chasseur ne s’en portait que mieux. Mieux ? Ce n’était pas tout à fait exact. Quand Jamin avait demandé à Talan s’ils pouvaient faire une pause dans leurs aventures, le temps qu’il « remette en ordre toutes ses notes pour les poser harmonieusement sur une musique digne de leurs exploits », le chasseur avait surtout pensé à une semaine au calme, seul en communion avec la nature. Puis, au fil des jours, Talan avait réalisé, non sans crainte, que le ménestrel lui manquait… presque.

Aussi, c’est le cœur un tantinet léger que le rôdeur attendait le ménestrel sur la place des marchands.

Jamin arrivait d’un pas tranquille, content d’avoir réussi à prendre, sous prétexte d’améliorer sa musique, une petite semaine de vacances. Pourtant, on ne pouvait pas vraiment dire qu’il avait travaillé pendant ces quelques jours. En fait, on ne pouvait pas le dire du tout. Jamin était retourné chez ses parents et avait très largement profité des bons plats de sa maman entre deux siestes. Persuadé que le chasseur n’y verrait que du feu, il se rendait donc d’un pas tranquille à leur rendez vous, comme on l’a vu.

Les retrouvailles furent sommaires :


- Ah te voici enfin Jamin ! dit le chasseur, assez heureux somme toute de revoir son compagnon.

- Attendez, j’étais là en avance, vous ne pouvez pas dire que vous m’attendiez, répondit Jamin, déjà sur la défensive et assez bougon de voir ses jours de repos se terminer.

Bien sûr, Jamin mentait. Et bien sûr Talan le savait.

C’est à peu près à ce moment qu’un petit nuage vint obscurcir l’esprit du chasseur.


- Mais dis moi Jamin, tu n’aurais pas un peu grossi ?

- C'est-à-dire que… Enfin… ma mère… Vous trouvez vraiment ?

Et c’est à peu près à ce moment que Talan comprit que le ménestrel l’avait dupé pour prendre une semaine de vacances et se gaver de nourriture.

- Enfin… ce qui choque surtout, c’est ton accoutrement… enfin, tes nouveaux habits.

Le regard du chasseur s’arrêta sur chaque pièce de la tenue du ménestrel.

- Je ne suis pas sûr que le chapeau rouge vif… le col mauve claquant… le plastron jaune poussin… les manches vert clair… le pantalon orange décoloré… et les chaussures marron boue… soient ce qu’il y a de plus approprié pour nos aventures.

- Disons Messire… que ma… mère trouve que cela va très bien ensemble, répondit Jamin, assez confiant dans les goûts vestimentaires de sa maman.

C’est à peu près à ce moment que Talan comprit de quoi avait été véritablement composée la semaine du barde.

Le chasseur secoua la tête pour marquer son désaccord et désigna du doigt l’échoppe du tailleur au coin de la place. Jamin voulut dire quelque chose (comme toujours me direz-vous) mais se ravisa devant l’expression du chasseur.

Pendant que le ménestrel s’appliquait à trouver de nouveaux habits, Talan était seul face à sa cruelle déception. Jamin lui avait manqué, c’était vrai, mais comment expliquer que ce sentiment avait totalement disparu en quelques minutes dès lors qu’ils s’étaient retrouvés ?

Le retour de Jamin de l’échoppe acheva le rôdeur et ce qu’il lui restait de sentiments positifs envers son compagnon. Un peu comme un Troll piétinerait un pauvre hobbit, sans même y prêter attention.

Oui, il avait osé.

Jamin s’était fait confectionner exactement les mêmes habits que Talan. Si l’on excepte la barbe en collier, l’embonpoint et la démarche nonchalante (mais cela fait beaucoup me direz-vous… enfin j’apprécierais tout de même que vous n’interveniez pas trop dans le récit chers lecteurs, c’est tout de même moi qui raconte !), les deux compagnons se ressemblaient en tous points (enfin… aux yeux d’un nain presbyte qui se serait égaré dans un brouillard digne du marais aux mouches géantes).

Talan baissa la tête, en proie, soudain, à une grande lassitude. Jamin arborait un sourire radieux, fier de lui.


- Il est temps de partir, dit finalement le chasseur.

- Oui, l’Histoire nous attend Messire !

- Je suppose que tu veux parler de l’histoire.

- Oui : L’Histoire ! reprit Jamin une main sur sa poitrine.

- Non, l’histoire, insista Talan.

- Oui oui. L’Histoire nous attend !

Déjà blasé, Talan laissa le dernier mot au barde et prit la route des Galgals, légèrement inquiet de ce qui allait arriver.

Dix minutes plus tard…

De retour sur la place du marché, Jamin, nullement honteux, et Talan, encore plus blasé, revenaient d’un pas preste.


- Je suis désolé, Messire Talan. Peut être est-ce la tourte aux pommes confites de ma mère. Ou bien les trois litres de sirop d’abricot qu’elle m’avait donné pour mon voyage de retour…

Et alors que Jamin demandait au marchand la direction des lieux d’aisance les plus proches, Talan repensa amèrement aux quelques dizaines de minutes qu’il avait passé à attendre le ménestrel. Elles lui semblaient bien loin désormais...

- Ca y est mon Héros ! Mettons-nous en marche ! A nous Gloire et Prestige ! dit Jamin presque victorieux et toujours aucunement honteux. Au fait, il faut que je vous narre ma dernière ballade. Elle ne parle pas de nos exploits certes, mais elle présente toutefois quelques intérêts, dit-il en reprenant la route.

Ô, temps lointains,

Je vous retrouve en chemin.

Sur le sentier de ma mémoire

Vous refaites surface.



Mets goûteux faits par des mains

Expertes, Tarte Tatin,

Gâteau de confit de poire

Confiseries à la mélasse !



Je sens bien que…




Jamin s’arrêta brusquement en se tenant le ventre. Talan, déjà indifférent au monologue du barde, jeta tout de même un coup d’œil.

- Ce doit être la tourte aux pommes confites, dit le ménestrel en faisant demi-tour d’un pas vif vers la place des marchands.

[Et merci avec un peu de retard (on appelle ça du lag mental) pour vos encouragements ; ça fait un bien fou de s'en souvenir durant ces longues loooongues looooooooooongues sessions de jeu en compagnie de Jamin... dont le papa/joueur a écrit ce texte soit dit en passant]
Sacré Jamin.

Vivement la suite !
Le mont Erebor. La jeune femme l'appelait "le gentil gros géant". Mais elle était bien la seule. Car il n'était pas encore très éloigné le temps où le dragon Smaug était descendu de son antre pour ravager la ville de Dale.

Et puis les années avaient passé, la ville avait été reconstruite et un nouvel automne était sur le point de s'achever.

La jeune femme et son frère se tenaient sur les rives du long lac. De là, ils voyaient la montagne doucement se couvrir d'or au fur et à mesure que le soleil s'élevait dans le ciel.

Mais le spectacle qui se déroulait à la surface du lac était plus magnifique encore. Des milliers d'oiseaux blancs étaient en train de s'éveiller de leur dernière nuit au pays de Dale. Après quoi ils s'envoleraient pour le sud et y resteraient tout le temps que dans le nord durerait l'hiver.

La jeune femme et son frère tenaient leurs grands arcs bien droits à leur côté, dans un silence respectueux. Mais le carquois de l'un était vide et celui de l'autre était rempli de fleurs blanches à longues tiges.

Déjà les premiers oiseaux s'envolaient. La jeune femme chantonna doucement, dans leur langue, et les oiseaux proches lui répondirent, avant de s'envoler à leur tour.

De longues minutes passèrent avant qu'ils aient tous disparu à l'horizon et que le calme soit revenu à la surface du lac. La jeune femme et son frère souriaient comme des enfants, le regard plein encore de cette vision merveilleuse d'un nuage d'or et de plumes dans le petit matin. C'est finalement la jeune femme qui rompit le silence. Mais à voix basse, comme si elle craignait de briser la magie de ce moment :


"Tu sais, on devrait ne plus jamais avoir de flèches dans nos carquois. Pas seulement le jour de l'envol. Tous les jours. Des sourires, cela suffit bien pour se défendre."

La jeune femme sourit. Mais elle souriait tout le temps de toute façon.

Son frère la regarda avec tendresse. Puis il plaça son arc devant lui, à l'horizontale, bras tendus, corde vers le ciel et manche vers le sol. Lui aussi souriait.


"Est-ce que ça ne ressemble pas à un sourire ?"

La jeune femme rit et se blottit contre l'archer.

Puis, sans se concerter, ils se remirent en route. Une pluie fine était tombée durant les dernières heures de la nuit et la nature embaumait. La jeune femme avait toujours imaginé les gouttes de pluie comme autant de petites mains venant toquer aux pétales des fleurs et invitant les odeurs à sortir.

Elle s'ouvrit de cette idée à son frère, qui lui sourit avec chaleur.


"Parfois je me demande comment, en ayant grandi côte à côte et en ayant vécu les mêmes choses, tu as pu développer de telles pensées et moi pas."

Il n'y avait aucun reproche dans sa voix. Il y avait même plutôt de l'admiration dans ses paroles.

Ils continuèrent d'avancer, les sens aux aguets, pour ne rien manquer du spectacle de la nature d'après la pluie. La lumière était merveilleuse.


"Grand frère ?"

"Hmm ?"

"J'ai enfin trouvé ton nom."

Les yeux de la jeune femme étincelaient de joie.

Tout en continuant à marcher, son frère tourna la tête vers elle et attendit qu'elle reprenne la parole.


"Talan."

Le jeune homme répéta le mot comme pour en jauger la sonorité.

"Talan…"

"Oui."

"Et dans cette langue que tu t'es créée, que signifie ce nom ?"

"Plein de choses. Le refuge. Le protecteur. A cause de ces grands bras où je peux me blottir quand j'ai besoin. A cause aussi de ce grand bouclier que tu m'avais fabriqué et… dont j'ai fait une luge."

Elle rit.

"Je te protègerai toujours petite sœur", lui dit-il en souriant, avec une tendresse mêlée de fierté.

Mais moins d'un an plus tard, il quitta les rivages du long lac. Il avait manqué à sa promesse. Il n'avait pas su sauver sa petite sœur. Aucun sourire ne l'aurait pu. Elle n'était pas faite pour ce monde. Ou pas faite pour ce temps. C'est ce qu'avaient dit les gens.

Et lui ?

Ce n'est que bien des années plus tard qu'il apprit que ce nom qu'elle lui avait donné voulait dire quelque chose d'approchant dans la langue des elfes de Lorien.

Mais cela ne le soulagea aucunement.

Une mauvaise rime le tira de ses souvenirs. Il ne s'y habituerait peut-être jamais... Jamin était en pleine composition d'un éloge funèbre. Sous prétexte "qu'on ne sait jamais messire Talan, tout le monde peut faire un faux pas". Le morceau qu'avait composé le ménestrel était tel qu'il n'avait plus qu'à mentionner dans le dernier vers comment mourrait le chasseur. Et c'est ce qu'il faisait. Passer en revue toutes les fins possibles. Depuis plusieurs minutes.


"Et dans le feu disparut Talan."

"Et sous les coups de l'orque périt Talan."

"Et par cette chute s'en fut Talan."

"Car il n'avait pas vu la falaise, tellement il était ébloui par le chant de Jamin… Talan."

Jamin n'en finissait plus de tuer son compagnon de route.

Ce dernier soupira et se leva.


"Je pense qu'il est temps de nous remettre en route. Car à moins que j'aie raté une rime où je meurs tué sous une branche durant une sieste ou bien à cause d'une fausse note au luth, il y a tout de même plus de chances que je périsse alors qu'on court les landes sauvages. Et je ne voudrais pas te priver de l'occasion de chanter un si bel hommage le plus tôt possible."

"C'est vrai ? Ca c'est gentil !"

Le chasseur sourit. Parfois Jamin pouvait avoir de surprenantes réactions. Parfois seulement ?

[Les textes précédents n'apprenaient rien sur nos deux compères qui ne puissent pas être déduit au bout d'une minute d'observation sommaire. D'observation et d'écoute surtout, Jamin oblige Exceptionnellement donc, quelques petites choses qui ne sont pas censées êtres sues. Mais bah, ce n'est pas comme si de toute façon Talan aurait eu l'occasion d'en parler à quelqu'un. D'une parce que Jamin est assez exclusif - pas de malentendu hein - et de deux, parce qu'aller en placer une avec le ménestrel dans les parages relève du prodige. Surtout si le propos est sérieux.

En plus je pars à la campagne là, le genre de campagne où l’adsl n’arrive pas, sauf si les gens font la chaîne pour tenir les câbles et qu’un petit hamster pédale fort fort fort pour alimenter l’ordinateur *mode jeracontemavie OFF*

Merci de votre attention et de votre soutien moral, encore et toujours ]
Répondre

Connectés sur ce fil

 
1 connecté (0 membre et 1 invité) Afficher la liste détaillée des connectés