Que l'Education Nationale scolarise des enfants handicapés, et aide ainsi à leur intégration sociale, c'est une bonne chose au plan des principes. Je ne vois pas dans le fond qui pourrait se révolter contre un principe généreux. A priori, c'est de nature à faire consensus.
Mais le problème, ce n'est pas le principe, c'est la réalisation concrète, et donc, les financements, les moyens matériels, et les formations, et surtout, le suivi après la scolarité.
C'est un vrai problème à mes yeux, qui éclaire sur certaines dérives de notre société. Mon élève handicapé, c'est le meilleur de la classe. Il est très mature, il est dans une classe pourrie, mais lui, il est tranquille et il travaille autant qu'il le peut, parce qu'il est content d'être là, et qu'il se dit qu'il a de la chance. Bref, il aime l'école et il y fait ce qu'un élève normal doit y faire. Mon autre meilleur élève dans cette classe, c'est un jeune immigré russe, arrivé l'an dernier en France, et qui ne parlait pas un mot de français. Tous les deux sont les deux premiers de la classe. Ils ne sont pas des bêtes de guerre, seulement, ils travaillent et sont sérieux. Donc, ils réussissent.
Les autres gamins n'en foutent pas une, ne savent pas se tenir en classe, ne sont pas suivis par leurs parents pour près de la moitié d'entre eux, à tel point que je me demande parfois qui est handicapé et qui ne l'est pas. C'est rageant de voir un gamin cloué à vie sur sa chaise, qui aimerait être "normal" et qui ne le sera jamais, qui le sait, et qui pourtant fait sa vie tranquillement, sans faire chier personne et en demeurant gentil, et de voir que des valides qui ont tout qui fonctionne bien sont des grosses feignasses qui chialent que le monde est dur... J'avoue que quand je vois le décalage, j'ai moins de compassion pour les autres (je n'ai pas de traitement de faveur pour mon élève handicapé : il est là, il est comme les autres, point final).
Donc, moi, je veux bien accueillir des élèves en situation de handicap physique (pour le handicap mental, désolé, mais la place de l'enfant n'est pas dans une structure scolaire "normale" : la responsabilité est trop grande pour les profs, qui ne sont en rien formés pour accueillir ce type de public. Clairement, leur place est dans une structure adaptés, avec des professionnels du handicap mental). Mais qu'on les mette des classes capables de les accueillir dans les meilleures conditions : "bonnes" classes (et oui, parce que dans une classe de dingues, c'est plus que chaud !), effectifs adaptés (parce que quand on a 25 ou 30 élèves en plus, c'est assez difficile de s'occuper d'un élève qui a en plus besoin d'une attention un peu plus particularisée, surtout quand dans la classe il peut y avoir des problèmes de discipline ou d'autres élèves en grande difficulté scolaire).
Et j'aimerais bien que derrière l'intégration scolaire, l'intégration sociale suive, notamment grâce à l'intégration dans le monde du travail. Mais là encore, il y a pas mal de blabla, et pas mal de problèmes concrets pas ou mal résolus. Parce que c'est magnifique la scolarisation des enfants handicapés, mais si c'est pour qu'ils se retrouvent à la rue passées les années d'école, je ne vois pas en quoi leur intégration aura été favorisée en définitive. Bref, il faut avoir une problématique global du handicap (ce qui doit largement exister depuis un moment, sur le papier du moins, mais qui tarde à se réaliser massivement, en dépit de progrès pourtant bien réels).
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