Journal d'un Clerc très obscur

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UNE PETITE VILLE SI TRANQUILLE

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J'aime entendre le fracas des projectiles s'écrasant sur les toits d'Ardenburgh : tant que je les entends, c'est que je suis encore vivant, et ça c'est plutôt une bonne chose.
Encore que …
Il y a des jours où on se demande si ça vaut vraiment la peine de s'accrocher. Assister sans pouvoir rien faire au massacre des villageois broyés par les projectiles, éventrés par les hordes maléfiques ou vampirisés par les Ombres Errantes, franchement, ça finit par vous bouffer le moral.

Heureusement que, les jours passant, je me suis progressivement endurci.
L'habitude, peut-être.
En tout cas, ça m'a permis d'encaisser un peu mieux le choc quand je suis tombé sur …

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.. le Charnier.
Des dizaines et des dizaines de corps entassés dans un état de décomposition plus ou moins avancé. Plutôt « plus », d'ailleurs, je ne vous dis pas l'odeur.
Des que ça ne semblait pas trop déranger, à part les mouches, c'étaient les Profanateurs du coin.
Quant à moi, j'avais la dalle, n'ayant rien mangé depuis un bon moment. Et j'avais bien besoin de matos neuf, le mien commençant sérieusement à partir en lambeaux (pour rester poli). Alors je me suis joins aux traîne-savates, en fouillant entre deux nausées les amas de corps.
« Tirer dans le tas » : je sais maintenant d'où vient l'expression.
Bon, ça m'a quand même permis de récupérer quelques piécettes, ainsi qu'une paire de bottes en assez bon état. Elles me seront plus utiles qu'à leur ancien propriétaire, paix à ce qui reste de son âme.
Ceux qui n'ont pas aimé, ce sont les profanateurs quand ils ont vu que je venais leur piquer leur pitance. J'ai dû déguerpir fissa avant de me faire étriper par les plus hardis d'entre eux. Saletés.


COMMENT NAISSENT LES VOCATIONS

Du coup, j'ai pris conscience que j'étais un peu mou-du-sort, avec mon bâton à deux sous qui n'impressionnait personne. Alors je me suis dit qu'il serait peut-être temps d'aller apprendre deux ou trois trucs de survie, histoire de mourir moins bête .. et surtout moins jeune.
Il y avait quelques instructeurs qui tenaient les murs à l'intérieur du château, et je me suis approché d'eux avec l'air dégagé de celui qui sait ce qu'il veut. Apparement, ça a fait bon effet, car ils se sont sentis obligés de me faire une petite démonstration de leurs talents variés.
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Y'en a un en particulier qui m'a eu l'air plutôt convaincant, vu comment il a réduit en poussière devant moi une paire de zombies un peu trop entreprenants. Vite fait, bien fait, pschhh les zombies.
Ca m'a bien plu, son truc, du coup je lui ai demandé poliment si il pouvait me l'apprendre. Bon, le gros radin m'a taxé toutes mes piécettes, mais il a été réglo et m'a enseigné en échange les rudiments de son Art.

- « Voilà, tu es un Clerc, maintenant » il m'a dit, tout fier
- « Ouaip », j'ai répondu avec beaucoup d'à-propos, tout fier aussi.

Je ne connais personne qui, ayant appris un nouveau coup de vice, n'éprouve pas ensuite l'impérieuse envie d'aller l'essayer sur un plus faible.
Je suis donc retourné voir mes profanateurs du côté du charnier, histoire de les taquiner un peu et de faire grossir les tas.

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Ca m'a occupé un moment.
POEME POUR UN PRINCE DECHU

Je traînaillais dans les couloirs du castel d'Ardenburgh à la recherche de bouquins à faucher discrètement quand je suis tombé sur un grand gaillard costaud qui se tenait au balcon, le regard perdu dans le vague, et l'air complètement à côté de ses bottes.

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Je ne savais pas alors que je venais de rencontrer Zareph Mathos, fils cadet de Joster et frère de cette crevure d'Aedraxis.
Moi, très correct, je commence à engager la conversation sur le thème « On morfle, hein ? ». Vu ce qui était en train de tomber sur la ville, je ne prenais pas trop de risques.
A peine si le gars il me répond, en me toisant comme si j'étais une crotte de tourbier. Il me fait sans grande conviction un discours bateau qu'il avait déjà du balancer des centaines de fois, genre «bla-bla-bla on compte sur toi, bla-bla t'es un héros et on très fiers de toi, et si tu pouvais maintenant retourner te battre et me lâcher la grappe, ce serait sympa ».

Le tout agrémenté de vastes moulinets d'une épée un peu trop neuve pour être honnête, histoire sans doute d'essayer de m'impressionner.
Impressionné, j'aurais pu l'être s'il n'avait pas eu à ce moment là un geste de trop et pas franchement super-viril en portant ses doigts à sa bouche.
Eh, les gars, vous savez quoi ?
Le fils du grand Roi Joster, et bien il se RONGE LES ONGLES !!

Du coup je me suis mis à le voir pour ce qu'il était : un type princièrement paumé, regardant passivement la fin d'un monde qu'il avait connu mais pas su protéger depuis la chute de Port Scion.
Tout autant inspiré que désespéré par ce spectacle pathétique, j'ai sorti de mon sac le petit carnet noir qui ne me quitte jamais, modeste réceptacle de mes émotions les plus pures.
Là, j'ai entrepris de rédiger avec application un petit poème dans la forme traditionnelle du décahepte syllabique trilinéaire, si prisée des haut-elfes de bonne éducation :

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Je n'avais plus rien à faire en ce lieu : le moment était venu de repartir, ce que je fis sans me retourner.
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