L'engagement en poésie

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Bonjour,

Voila, je voulais savoir, pour vous, quel est le role de la poésie ?

Doit elle etre engagée afin de soutenir des idées de denoncer... ou bien ne doit elle pas s'impliquer et rester cantoner a l'amour, au lyrisme... ?

Une petite question subsidiaire, connaissez vous des poète radicalement contre l'engagement ?

Merci
Aha ça sent la dissert de français ça


J'ai pas envie de donner mon avis, mais pour un poète "contre" l'engagement tu peux voir St John Perse... "le poète ne doit pas être la conscience de son temps" toussa, cf son "discours de stockholm" (je sais plus quelle année).
Personnage intéressant puisque sous son autre identité il était Alexis Léger, ancien diplomate très actif qui s'est notamment engagé tôt contre le 3ème Reich.

Sinon la grande majorité des poètes sont globalement contre l'engagement; plus même, pour beaucoup l'engagement est une notion presque absurde (cf tous les courants genre parnasse, symbolisme, etc... pas grand chose à voir avec une poésie engagée).
Citation :
Publié par Demonaz
Je pense que comme pour pas mal de genre, l'engagement est fait en poésie a l'encontre du l'esthétisme qui pour moi est le but de la poésie...
C'est d'ailleurs pour cela que La rose et le réséda est une immondice.


Des poètes radicalement contre l'engagement : les surréalistes des années 1920. Rien de plus inengagé qu'un André Breton dans sa poésie ; ce qui ne l'empêchera pas de l'être politiquement et théoriquement.

Mais même ce refus de l'engagement est un trait d'engagement.
C'est en tout cas la position de Sartre dans Qu'est-ce que la littérature ? (premier ou second chapitre, je ne sais plus, si cela t'intéresse). Car le refus de l'engagement, c'est aussi le refus du monde tel qu'il est ; c'est pour les surréalistes, le refus du monde tel que dessiné par la Première Guerre mondiale. C'est le même phénomène que pour ceux du Parnasse ; ils refusent la société industrielle en pleine essor ; au réalisme lyrique de certains, ou au naturalisme, on préfère rejeter le monde en bloc. D'où pour Sartre un engagement fondamental : engagement comme position (poésie à proprement parler engagée), engagement comme fidélité au réel (réalisme lyrique), engagement dans le refus du monde tel qu'il est (surréalistes).

On remarquera cependant que cette position ne tient que pour des poètes de l'ère industrielle ; il ne faut pas oublier que la poésie a deux mille cinq cents ans d'histoire derrière elle.

De dire que la poésie n'a pas de rôle, c'est lui refuser tout impact ; bref, c'est lui refuser tout lecteur. Une poésie sans lecteur, un poème sans lecteur, c'est de l'encre sur du papier, ce n'est rien.
Or ce qui qualifie la poésie moderne, c'est une certaine radicalité et une certaine pureté dans la position du mouvement ou du poète. Cette radicalité n'est pas forcément flagrante dans le poème, elle le devient si on prend le mouvement ou le poète dans son ensemble ; elle devient flagrante quand la situation aussi se radicalise : c'est Hugo face à Napoléon le petit, c'est Verlaine face à la Commune, c'est Eluard face à l'Etat Français.


L'engagement est une position, pas un discours ; il faut donc analyser, non pas le discours poétique, mais la position poétique. Or elle se révèle à chaque fois engagée - ou engagée dans le désengagement.
Je te conseil de lire:

Rainer-Maria Rilke "Lettres à un jeune poète".

A un jeune homme qui lui demande s'il doit consacrer sa vie à la poésie, Rainer-Maria Rilke, âgé de 28 ans, adresse un véritable "guide spirituel". De 1903 à 1908, il revient inlassablement sur les questions essentielles qui se posent au poète, au créateur. Ces dix lettres sont à la fois un moyen d'accès privilégié à l'univers de Rilke et un manuel de la vie créatrice de portée universelle.

Je l'ai lu, j'ai trouvé ça assez intéressant. Je ne sais pas si le livre est encore édité, mais mon exemplaire vient de chez "Grasset".
Citation :
Publié par Khyok
elle devient flagrante quand la situation aussi se radicalise : c'est Hugo face à Napoléon le petit, c'est Verlaine face à la Commune, c'est Eluard face à l'Etat Français.
Béh, Verlaine était communard (et son seul recueil d'inspiration gauchiste, les vaincus, n'est jamais paru).

Si tu parles de sa bouillasse réactionnaire des derniers temps, je sais pas si on peut qualifier ça de poésie
Citation :
Publié par Khyok
De dire que la poésie n'a pas de rôle, c'est lui refuser tout impact ; bref, c'est lui refuser tout lecteur. Une poésie sans lecteur, un poème sans lecteur, c'est de l'encre sur du papier, ce n'est rien.
La poésie n'a pas de rôle car c'est une fin en soi. Le poème n'a pas besoin d'être un moyen en vue de quelque chose pour être un poème. Cela n'exclut pas un engagement du poète en tant qu'homme, en tant qu'artiste.
Citation :
Publié par Boy of Destiny
La poésie n'a pas de rôle car c'est une fin en soi. Le poème n'a pas besoin d'être un moyen en vue de quelque chose pour être un poème. Cela n'exclut pas un engagement du poète en tant qu'homme, en tant qu'artiste.
En tant qu'artiste si. (hey oui, il faut être hégélien ou ne pas l'être du tout)
pour moi la poesie (comme les autres arts d'ailleurs) a pour but de susciter de l'emotion une poesie engagee peut le faire mais comme la plupart du temps ceux qui ecrivent un texte engage veulent plus passer une idée qu'une emotion ce n'est plus de la poesie.
Citation :
Publié par Boy of Destiny
La poésie n'a pas de rôle car c'est une fin en soi. Le poème n'a pas besoin d'être un moyen en vue de quelque chose pour être un poème. Cela n'exclut pas un engagement du poète en tant qu'homme, en tant qu'artiste.
Une fin en soi, pour sûr. L'œuvre est une fin en soi. Le poète écrit, il fait un poème, il écrit pour faire un poème. Soit.

Sauf que si personne ne lit ce poème, il ne reste que quelques taches d'encre sur du papier. Il y a une fin qui dépasse celle de l'œuvre qui est celle de sa postérité, de sa gloire, pour reprendre le terme de Benjamin.
L'œuvre pour être œuvre d'art - en l'occurrence, pour être poème - doit assurer sa gloire ; un poème qui sombre dans l'oubli a une légère différence avec les Fleurs du Mal. Entre les lamentations versifiées d'un lycéen dépressif et Il pleut dans mon cœur... de Verlaine, il y a une légère différence où se figure la gloire de l'œuvre de Verlaine. Or cette gloire est un perpétuel devenir ; Sapho a eu un devenir glorieux dans les quelques siècles qui précédèrent l'ère chrétienne, mais qui aujourd'hui connaît Sapho ?
Et un devenir n'est par définition pas une fin en soi. (Fin en soi, d'ailleurs, en quel honneur ? Ecrit-on pour écrire des poèmes ? Ou le poème est-il un moyen afin de faire passer un message, tout comme le langage est un moyen de communiquer ? Que la forme poétique soit une fin en soi, certes, le poème en tant que tel, j'ai comme un doute.)

Or c'est précisément ce devenir glorieux que l'engagement fait flanché : un engagement est par définition en prise avec la situation historique ; quel devenir glorieux pour quelque chose qui s'ancre volontairement dans un contexte ? Il faut s'appeler Aragon ou Eluard pour avoir un devenir glorieux en même temps qu'un engagement flagrant.

Donc la fin en soi, c'est gentil... Mais le but de tout poème est somme toute d'être lu, même par peu de monde, non pas de rester à moisir dans un tiroir ; même Nerval le fou, même Hölderlin le mélancolique reclus, font paraître leurs poèmes.
Or ce devenir étant perpétué par la lecture, par les lecteurs, œuvre sans lecteur n'est qu'encre sur papier, elle n'est pas œuvre, elle n'est pas poème. C'est d'ailleurs pour assurer ce devenir que l'on traduit des œuvres dans d'autres langues, que l'on traduit l'ancien français.



Lerrant : ma formulation était maladroite, par "face à la Commune", j'entendais bien plutôt "aux côtés" des Communards ; les poèmes pour la Commune, l'ode à Louise Michel, le montrent bien. C'était pour donner une illustration d'engagement "pour" une cause et d'engagements "contre" une autre.
Merci d'avoir souligné l'ambgiuïté.
Citation :
Publié par Le veau
Doit elle etre engagée afin de soutenir des idées de denoncer... ou bien ne doit elle
Pourquoi le lyrisme et l'engagement seraient-ils opposés ? Exemple à la con, Bertrand Cantat écrivait de jolis poèmes très engagés...

Reste à savoir si l'auteur désire ou non être acteur de son temps ou de son univers, et on peut en citer pleins comme ça. Même dans un poême de Prévert, malgré l'évidente poésie, on ne peut s'empêcher de sentir un relent de contestation.

Après la poésie, le lyrisme, n'ont pas de rôle particulier sinon celui qu'on leur donne.
Citation :
Publié par Khyok
C'est d'ailleurs pour cela que La rose et le réséda est une immondice.


Des poètes radicalement contre l'engagement : les surréalistes des années 1920. Rien de plus inengagé qu'un André Breton dans sa poésie ; ce qui ne l'empêchera pas de l'être politiquement et théoriquement.

Mais même ce refus de l'engagement est un trait d'engagement.
C'est en tout cas la position de Sartre dans Qu'est-ce que la littérature ? (premier ou second chapitre, je ne sais plus, si cela t'intéresse). Car le refus de l'engagement, c'est aussi le refus du monde tel qu'il est ; c'est pour les surréalistes, le refus du monde tel que dessiné par la Première Guerre mondiale. C'est le même phénomène que pour ceux du Parnasse ; ils refusent la société industrielle en pleine essor ; au réalisme lyrique de certains, ou au naturalisme, on préfère rejeter le monde en bloc. D'où pour Sartre un engagement fondamental : engagement comme position (poésie à proprement parler engagée), engagement comme fidélité au réel (réalisme lyrique), engagement dans le refus du monde tel qu'il est (surréalistes).

On remarquera cependant que cette position ne tient que pour des poètes de l'ère industrielle ; il ne faut pas oublier que la poésie a deux mille cinq cents ans d'histoire derrière elle.

De dire que la poésie n'a pas de rôle, c'est lui refuser tout impact ; bref, c'est lui refuser tout lecteur. Une poésie sans lecteur, un poème sans lecteur, c'est de l'encre sur du papier, ce n'est rien.
Or ce qui qualifie la poésie moderne, c'est une certaine radicalité et une certaine pureté dans la position du mouvement ou du poète. Cette radicalité n'est pas forcément flagrante dans le poème, elle le devient si on prend le mouvement ou le poète dans son ensemble ; elle devient flagrante quand la situation aussi se radicalise : c'est Hugo face à Napoléon le petit, c'est Verlaine face à la Commune, c'est Eluard face à l'Etat Français.


L'engagement est une position, pas un discours ; il faut donc analyser, non pas le discours poétique, mais la position poétique. Or elle se révèle à chaque fois engagée - ou engagée dans le désengagement.

En même temps cette vision de l'acte poétique comme oeuvre avant tout, comme trace écrite que l'on conserve et que dont on réitère la création à l'infini, a des aspects très moderno-centristes (si je puis me permettre le néologisme bancal). Dénué de tout sens historique diraient d'autres.
Je ne suis pas du tout convaincu, mais alors pas du tout que les auteurs antiques, par exemples, aient tous composés en pensant à la postérité, à un devenir glorieux quelconque (et ce sans mettre en jeu la question de la modestie).
Je pense que cette pure esthétique de la réception, avec à la clé un public chargé de juger, d'éliminer, de noter, de reconnaître, est finalement assez réçente. Assez moderne.
Du méta-discours esthétique de l'Antiquité se dégage parfois, j'en ai bien l'impression, une poétique d'artiste plus que de spectateur. Vivre selon la "muziké" a un sens, sacrifier aux muses comme règle de vie "bonne" signifie quelque chose de fort (cf le Phédon) beaucoup plus que de nos jours ; l'importance de la réception est certes indéniable mais placerais sa généalogie du côté de l'élitisme agonistique (traditionnel voire congénital ( )chez les grecs de l'antiquité) plutôt que dans un quelconque désir de pérennité esthétique de l'oeuvre en elle même.


Ceci dit il s'agit là d'un pur ressenti et je peux faire erreur.
Pour la poésie je ne sais pas, mais pour ce qui est des philosophes antiques (à commencer par les grecs), il me semble que la reception de leurs discours et la taille de leur public avait quand même quelque chose de phallique.

Le besoin d'être écouté et observé n'est pas moderne, il est humain
Citation :
Publié par The L Boy
Pour la poésie je ne sais pas, mais pour ce qui est des philosophes antiques (à commencer par les grecs), il me semble que la reception de leurs discours et la taille de leur public avait quand même quelque chose de phallique.
Oui mais euh.... ou tu veux en venir?


Citation :
Publié par The L Boy

Le besoin d'être écouté et observé n'est pas moderne, il est humain
Je n'ai jamais dit le contraire. Par contre la focalisation sur des notions "d'oeuvres" ou "d'auteurs", qui cherchent une reconnaissance en tant qu'oeuvre et en tant qu'auteurs, m'apparaissent clairement moderne.
L'idéal du grec antique devait être un homme complet ; beau, bon, etc... (la renaissance verra une résurgence de cette figure avec l'honnête homme), tel est le kalos kagatos. C'est en tant qu'homme, en tant que grec qu'il veut être reconnu. Il ne me semble pas qu'il y ait une polarisation sur l'oeuvre en tant qu'oeuvre, ou encore sur l'auteur.

Mais je précise que je ne m'appuie là que sur une pure impression personnelle
Citation :
Publié par Lerrant
Oui mais euh.... ou tu veux en venir?
Au fait que ta vision "moderne" de l'importance du public ne me paraît pas si vraie. Ou alors j'ai rien compris à ton post, tant pis.

Citation :
Je n'ai jamais dit le contraire. Par contre la focalisation sur des notions "d'oeuvres" ou "d'auteurs", qui cherchent une reconnaissance en tant qu'oeuvre et en tant qu'auteurs, m'apparaissent clairement moderne.
Ha, oui, tiens. Menfin pour être sincère, ce que le penseur antique voulait laisser à la postérité, et ce que l'artiste moderne cherche à travers les notions que tu décris, c'est tout bêtement la même chose qui a évolué au fil du temps.

Citation :
Mais je précise que je ne m'appuie là que sur une pure impression personnelle
Et je réponds avec ma vision des choses, donc tout va bien
Citation :
Publié par Lerrant
Je pense que cette pure esthétique de la réception
En même temps l'esthetique a surtout à voir avec la réception.
Citation :
Du méta-discours esthétique de l'Antiquité se dégage parfois, j'en ai bien l'impression, une poétique d'artiste plus que de spectateur.
Dans la poétique, Aristote donne des règles en fonction de l'effet sur le spectateur.

De plus, l'idéal du grec antique était plus dans la négation de l'hybris et dans la peur de la nemesis que dans tout ça... C'est par crainte d'une nemesis que les grecs condamnent un socrate qui prétend avoir affaire au divin.
La renaissance c'est aussi une interprétation de certains textes ; ex: le critère de convenance d'aristote dans la tragédie a été utilisé pour radier de l'expression publique tout ce qui avait un caractère trop humain (sexe drugs and rock'n'roll).
De plus l'honnête homme de la renaissance est pieux, il aime dieu ; la plupart des grecs ont plus peur des foudres de leurs dieux qui pour certains n'ont rien d'aimable qu'autre chose.
Citation :
Publié par Khyok
Or ce devenir étant perpétué par la lecture, par les lecteurs, œuvre sans lecteur n'est qu'encre sur papier, elle n'est pas œuvre, elle n'est pas poème.
Ce n'est certainement pas moi qui dirai le contraire. Mais de là à dire que "le but de tout poème est somme toute d'être lu", il y a un pas. Je ne comprends pas en fait ce que peut bien signifier "assurer sa gloire" pour une oeuvre d'art.
Citation :
Publié par Boy of Destiny
Ce n'est certainement pas moi qui dirai le contraire. Mais de là à dire que "le but de tout poème est somme toute d'être lu", il y a un pas. Je ne comprends pas en fait ce que peut bien signifier "assurer sa gloire" pour une oeuvre d'art.
Si on écrit, c'est jamais "pour soi" sans que ca passe par les autres. Je pense que c'est ça que le camarade Khyok entend.
Citation :
Publié par Kaelt
En même temps l'esthetique a surtout à voir avec la réception.
Bah ça dépend, prenons un platonicien et son idée du beau par exemple

Citation :
Publié par Kaelt
Dans la poétique, Aristote donne des règles en fonction de l'effet sur le spectateur.
Ce qui va plutôt dans mon sens, non, puisque c'est à l'artiste que l'on destine de telles règles "d'efficacité"?
Je ne niais pas vraiment l'importance de la réception, plutôt l'universalité des notions d'oeuvre et d'auteur.
Ceci dit je ne pensais pas vraiment à Aristote qui est trop tardif pour l'idée que je voulais développer, mais plutôt aux grecs d'avant socrate ou de son époque à peu près, à la limite (aux grecs ""tragiques"" de nietzsche quoi)




Cela dit..... on s'écarte du sujet je crois :/ (la poésie engagée, et tout le tintouin)
Citation :
Publié par Le veau
Voila, je voulais savoir, pour vous, quel est le role de la poésie ?
Transmettre une/des émotion(s) par des mots imagés, simplement.

Amb
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