Broc - Hibernia - Keelala Chapitre III : Connaître

 
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La mort d Azale

. . . Tenant les pans de sa robe dans deux poings crispés, Azale dévala les escaliers avec précipitation. Elle sauta les dernières marches et pris successivement deux virages à la corde dont le dernier dans une gerbe de gravillons. Elle faillit perdre l’équilibre mais se rattrapa en moulinant des bras et sans prendre la peine de ralentir. Elle se jeta littéralement sur la porte de Corwin, et frappa dessus frénétiquement. Le firbolg ouvrit lentement et encaissa stoïquement le dernier martèlement d’Azale.

- Où est-elle ? Haleta-t-elle.
- Partie très tôt avec Mavelle…

. . . Azale fixa Corwin, la bouche entrouverte et se laissa aller contre le chambranle. Elle poussa un long soupir et ses épaules s’affaissèrent. Le firbolg saisit son coude fermement et voulut l’entraîner vers l’intérieur. D’une secousse elle se redressa et dégagea son bras.

- Il faut les rattraper immédiatement !
- Mais…
- Mavelle est complètement insensée…
Elle plaqua brusquement sa main contre le mur.
- Azale…
- Et Keelala n’a aucune idée…
Elle tourna le dos à Corwin.
- Azale…
- C’est de la FOLIE !
Elle commença à s’éloigner.
- AZALE ! Tonna-t-il.

. . . Azale sursauta et se tourna vers lui.

- Que se passe-t-il ? demanda le firbolg.
- Tu… tu n’es pas au courant ? Tir Na Nog est en ébullition ! Des troupes ennemies assiègent l’un de nos avant-postes en zone frontière. Tout concorde à prouver que ce n’est que le premier pas d’une grande offensive. L’armée d’Hibernia se lève dans tout le royaume. C’est… C’EST LA GUERRE !
- Par Cerumnos…
- Et Keelala…
- Keelala est avec Mavelle. Elle est en sécurité…
- Tu ne comprends pas ? Mavelle n’a sûrement pas l’intention de rester dans le Connacht à pêcher des crabes pour le dîner ! Elle a emmené Keelala sur le front. Pire même ! Derrière les lignes ennemies ! Il faut les rattraper !
- Pour… quoi… faire ?
- Empêcher Keelala d’y aller !
- Mais pourquoi !
- C’est la guerre et tu me demandes pourquoi je veux empêcher mon amie d’y aller ?
- Azale, avec tout le respect que je te dois, je crois que tu réagis comme une enfant.
- As-tu perdu l’esprit ? Keelala va se faire tuer à la première occasion ! C’est évident !
- Keelala s’entraîne tous les jours justement pour faire ce que Mavelle et d’autres font. Si Mavelle l’a emmenée, c’est qu’elle l’estimait capable d’y aller.
- Mais…
- Keelala est venue ici pour se battre Azale ! Elle ne fait que suivre…
- Suivre QUOI ?
- Suivre le chemin tracé pour elle. Un chemin que ton Roi, lui-même, lui a montré…
- Tu ne com…
- Je comprends parfaitement au contraire ! Je comprends que tu es folle d’inquiétude pour ton amie. Mais je comprends aussi que tu ne veux pas voir qui est cette amie. Tu m’as raconté toi-même les circonstances de votre rencontre…
- Mais…
- Mais QUOI, Azale ? Keelala est une combattante. Puisse-t-elle ne jamais aimer le goût du sang parce que…
Il s’interrompit brusquement.
- De quoi parles-tu ?
- De rien. Entre.
- Non, quoique tu puisses dire, je n’ai pas l’intention de laisser mon amie mourir. Je pars pour Druim Ligen rejoindre l’armée et de là…


. . . Elle poussa un soupir et lui tourna le dos. Corwin l’observa un moment, puis saisissant un sac près de la porte, il sortit et la suivit. Il la rejoignit.

- Tes affaires sont prêtes. Constata-t-elle.
- Oui.

. . . Il chevauchèrent sans un mot jusqu’à la frontière. Druim Ligen bien qu’encore agité d’une activité inhabituelle, présentait cet aspect épuisé et sale d’un endroit momentanément occupé par une foule importante. La terre était à vif et l’herbe qui avait survécu était chiffonnée et incrustée dans le sol sur lequel nombreux objets traînaient. Corwin et Azale laissèrent leurs montures au palefrenier puis entrèrent dans le fort frontière.

. . . Azale se dirigea vers Glasny tandis que Corwin finissait de se harnacher dans l’armure qu’il avait sortie de son sac. Alors que les deux elfes conversaient, il déroula un grand morceau de tissu enveloppant un énorme marteau. Le manche de bois sombre supportait une tête de métal mat volumineuse et gravée. Il saisit l’arme et la balança à droite puis à gauche formant un huit horizontal invisible dans l’air. Azale revint vers lui.

- L’armée a une heure d’avance sur nous. Dit-elle l’air soucieux. Qui sait de combien Keelala et Mavelle les devancent ?

. . . Corwin garda le silence et empoigna fermement son marteau.

- Partons. Ajouta-t-elle en se dirigeant vers les deux dernières portes.

. . . Ils les franchirent dans le silence. De l’autre côté, Azale retint Corwin d’une main. Elle ferma les yeux et marmonna. Elle passa ensuite gracieusement sa main devant son visage puis devant celui du firbolg.

- Un petit sort de protection… fit-elle dans un sourire gêné.

. . . Ils avançaient rapidement, Corwin suivant à petite foulée les pas légers de l’elfe. Aucun d’entre eux ne parlait. Leur silence songeur résonnait de peur, d’anxiété et de cette attente impatiente et involontaire du danger. Ils s’arrêtèrent brièvement à deux avant-postes pour se faire confirmer le chemin prit par l’armée, même si les traces de celle-ci dessinaient une évidence sur les plaines de Breifine.

. . . Enfin, un nuage de poussière au pied de Dun Crimthain répondit à leur attente. Ils pressèrent le pas et rejoignirent les troupes en attente. Azale aborda plusieurs elfes discutant brièvement avec eux, Corwin sur ses talons comme une ombre imposante et silencieuse. L’un des elfes fini par leur indiquer une direction. Les conversations s’étant déroulées en elfique, Azale traduisit :

- Les éclaireurs sont partis vers Dun Crauchon. C’est le fort qui est assiégé depuis plusieurs jours. Mavelle est forcément partie là-bas pour suivre les déplacements ennemis.
- Que comptes-tu faire ?
- Y aller bien sur !
Dit-elle avec une évidente note de défi dans la voix.
- Tu te rends compte que c’est du suicide dans le meilleur des cas ?
- Le meilleur ?
- Oui… Dans le pire des cas, nous allons miraculeusement les retrouver, les gêner et tous nous faire tuer…
- L’armée s’apprête à partir. Nous n’aurons que quelques minutes d’avance sur elle. En cas de danger, nous n’aurons qu’à rapidement revenir en arrière. Par contre, ces quelques minutes peuvent être vitales !
- Rien ne te fera changer d’avis, je suppose ?
- Je ne te force pas à venir si tu as peur !


. . . Corwin soupira en secouant son imposante tête.

- J’ai bien plus peur de la réaction de Keelala si je te laisse partir seule, que d’une armée ennemie entière… Il ne sera pas dit qu’un firbolg fut moins stupide qu’une elfe !
- Hum…
- Je voulais dire courageux…


. . . Azale le foudroya du regard puis lui tourna le dos et avança en direction du Nord-Est. Corwin haussa les épaules, empoigna plus fermement son marteau et lui emboîta le pas. Ils s’éloignèrent rapidement de l’armée. Ils arrivèrent au pied d’une colline séparant deux défilés. Pensant éviter les troupes ennemies sensées arriver par le Nord-Ouest, ils entreprirent de contourner la colline en s’engageant dans le défilé est.

. . . Marchant au bas de la pente sous le couvert relatif de quelques arbres, ils observaient avec une anxiété mal dissimulée les alentours. Azale se tournait vers Corwin lorsqu’elle stoppa brusquement son mouvement en poussant un cri déchirant. Une flèche fichée dans son épaule la clouait à l’arbre auquel elle faisait dos. Corwin se précipitait vers elle quand un rugissement accompagné de bruits de branches brisées lui fit tourner la tête vers les hauteurs de la pente. Un troll immense la dévalait en se ruant vers lui. La créature tenait deux haches rougit par du sang. Les jambes tremblantes, tentant d’occulter les hurlements de douleurs d’Azale, le firblog saisit son arme à deux mains. Il réussit à parer facilement le premier coup du troll visiblement déséquilibré par sa descente. Mais celui-ci repris vite pied avec une aisance étonnante pour sa carrure. Corwin para un second assaut mais la puissance du coup résonna dans tout son corps. Il se remit en garde les muscles tremblants. Un nouveau cri d’Azale, plus strident que les autres lui fit tourner la tête. Deux autres flèches émergeaient de son torse, un filet de sang pointait au bord de ses lèvres. Elle tourna vers lui un regard vitreux puis sa tête tomba sur son torse. Quelques mètres plus loin, une cape noire s’éloignait de l’affrontement.

. . . Une douleur fulgurante tira le firbolg de sa stupeur. Sa main gauche venait d’être nettement tranchée par l’une des haches de son assaillant. Un flot de sang les éclaboussait tous les deux. Corwin sentit ses jambes céder. Il lâcha son marteau et tomba à la renverse. Des bruits assourdis provenaient du sommet de la colline. Comme détaché de son corps il se vit toucher lourdement le sol, son assaillant jeter un œil par-dessus son épaule puis l’enjambant, s’enfuir. Il tourna la tête vers Azale. Toute sa volonté dirigée vers elle mais son corps restant inéluctablement cloué à la terre humide de son sang.

. . . Un groupe se dirigeait vers eux depuis le haut de la colline…
Freek


- Ça va ?

. . . Une tache de couleur émergea du brouillard, retrouvant peu à peu ses contours au fur et à mesure que la vision de Keelala s’éclaircissait. Deux yeux brillants plongeaient dans les siens. Le visage retrouva lui aussi un sens et un petit sourire en coin accompagna la question et le regard pétillant.

- FREEK ! OUCH !

. . . Le cri avait déclenché un vif élancement dans la tempe de Keelala lui rappelant vaguement les évènements précédents sa perte de conscience. Elle jeta un regard circulaire puis revint sur le visage du lurikeen qui l’observait toujours.

- A Dun Ailine. Les blessés légers ont été transportés ici. Les graves sont à Crimthain. Je suppose que c’est bon signe pour nous si nous sommes à Ailine. Dit-il dans un clin d’œil.
- Je me sens…
- Affreusement mal ? Pas étonnant, tu as pris une sacrée raclée d’après ce qu’on m’a dit. J’ai l’air d’un tir au flanc avec mon estafilade.
Dit-il en agitant son avant-bras bandé.

. . . Keelala porta la main à sa tête et senti un bandage sous ses doigts. Ce geste avait réveillé de nouveaux foyers de douleur qui lui arrachèrent un gémissement.

- Tu ne devrais pas bouger. Le joli dégradé de bleu-vert-jaune sur ton visage est très séduisant mais on attendra un peu pour aller danser, ma belle ! Sérieusement, tu as le poignet et plusieurs côtes brisés, ton arcade sourcilière à littéralement explosée et ton crane a vraisemblablement peu apprécié son contact bref mais intense avec un bouclier ennemi.

. . . Les détails de son combat lui revinrent dans un flash confus. Mavelle, les deux trolls et les deux humains.

- Mais comment…
- Je sais tout ça ?
Finit-il avec un petit rire. Un groupe des nôtres est arrivé au moment où tu testais le système de propulsion par coup dans la tête. On peut dire qu’ils sont arrivés juste à temps !
- Et Mave…
- Mavelle va très bien. C’est une vieille bourrique au cuir dur, il lui faut plus que deux ou trois trolls en rage pour la mettre à terre.
- Et tu..
- Moi, j’étais un peu plus avant et j’ai…
- LAISSE-MOI FINIR UNE PHRASE ! AÏE !
- Hé hé, désolé. D’un autre coté c’est pour ton bien ma belle !
Fit-il avec un nouveau clin d’œil. Vu ton état, il vaut mieux que je fasse les frais de la conversation !
- Freek, tu n’as pas changé !
Dit-elle avec un soupir faussement désespéré.
- Pas d’un poil, c’est ce qui fait mon charme !
- Je suis si contente de te voir…
dit-elle la voix tremblante.

. . . L’expression du lurikeen devint soudainement plus grave.

- Tu n’imagines pas à quel point moi aussi, je suis heureux de te voir… Il hésita. ...vivante. Repose-toi, maintenant, je vais aller aux nouvelles. Nous discuterons plus tard.

. . . Il se releva et lui jeta un dernier clin d’œil avant de quitter la pièce. Keelala le suivit du regard puis ferma les yeux avec un sourire de contentement. Avoir retrouvé un ami d’enfance, même dans ces circonstances douloureuses lui procurait une distraction miraculeuse, l’empêchant de réfléchir momentanément. Elle sombra dans un sommeil comateux.

. . . Un rayon de soleil chauffait doucement sa joue lorsqu’elle se réveilla. Elle voulut s’étirer mais son corps endolori protesta et lui arracha un gémissement. Jetant un regard autour d’elle, elle vit d’autres lits contenant des formes allongées. Lentement, elle parvint à se redresser dans son lit et prit alors le temps d’inspecter ses blessures. Son poignet droit était emprisonné dans un atèle léger. Sous une chemise fine, un épais bandage compressait son torse. Un autre entourait sa tête au niveau de ses tempes. La moitié droite de son visage était engourdie et douloureuse. Avec précautions, serrant les dents, elle pivota et se laissa glisser hors du lit. Ses jambes, malgré un engourdissement du à son inactivité, étaient fermes. De son bras valide, elle s’appuya au lit et marcha jusqu’à son extrémité où étaient posés ses vêtements. Elle enfila son pantalon et ses bottes douloureusement. Elle décidait de renoncer à sa veste lorsqu’on lui tapota doucement l’épaule. Elle sursauta.

- tsss… Tu ne tiens pas en place, ma parole ? Demanda Freek en souriant.
- J’avoue que j’irais bien faire un tour pour me dégourdir les jambes. Répondit-elle avec un air contrit.
- Aller, viens, je t’accompagne.


. . . Ils sortirent par une petite porte et descendirent le long d’une rampe. Freek emprunta une ouverture à mi-chemin et ils se retrouvèrent sur les remparts. Ils restèrent un long moment silencieux, respirant profondément et absorbant le panorama qui se déroulait au pied du fort. Le soleil matinal encore bas laissait s’étendre de grandes ombres sur la campagne. L’herbe brillait, habillée de rosée. Un vent léger faisait danser lentement les bannières d’Hibernia sur le fort et leur apporta quelques notes provenant de la cours. Un barde chantait doucement une complainte s’accompagnant de son luth. Un chant pleurant sur le destin des hommes, arrachés à la terre et destinés à la fouler dans la souffrance et la discorde. Un chant appelant la Miséricorde de la Nature pour les créatures passionnées et perdues qu’ils sont. Un chant doux et amer comme une larme emportée par la brise. Le temps semblait s’être arrêté sur ce moment de mélancolie.

. . . Freek brisa l’enchantement en se raclant la gorge.

- Alors ? Ça fait combien de temps que tu es arrivée ?
- Quelques temps, déjà. J’ai quitté le village juste avant le tournoi d’été.
- Pas longtemps après moi, en fait ?
- Oui.
- Je suis désolé. Tout s’est décidé si vite… Je n’ai pas eu le temps…
- Moi aussi.
Elle soupira. Toutes ces disparitions… Mais, tu sais, au fond, malgré le silence qui entourait ces départs… nous savions vaguement ce qu’il se passait. Même là-bas, la rumeur de la guerre résonne. Enfin… J’ai tout de même du tirer les vers du nez de Keepopa. Fit-elle avec un regard en coin vers son ami.
- [I]J’imagine que tu as du apprendre quelques petites choses plutôt étonnantes sur son compte ? Dit-il en riant.
- Étonnantes, c’est le mot ! J’avoue que j’ai encore du mal à l’imaginer en combattant de l’ombre… Elle secoua doucement la tête.
- Quoique finalement… C’était bien le seul adulte qui arrivait à nous débusquer !
- Je suis certaine que Keemoma aurait pu aussi. Seulement sa méthode aurait plutôt consisté à abattre les arbres un à un et à enfumer jusqu’au plus petit trou de lièvre !
- Et à nous faire effectuer tout le trajet jusqu’au village avec de vigoureux coups de pied dans l’arrière-train !


. . . Ils rirent. Freek passa doucement son bras indemne autour des épaules de Keelala. Elle posa sa tête sur son épaule. Un silence s’installa.

- Tu m’as manqué. Dit-il sobrement.
- Toi aussi, tu m’as manqué.

. . . Keelala prit une profonde inspiration.

- A vrai dire tout me manque. Mes parents, mon frère, mes amis, le village… Tout. Toute ma vie… d’avant.
- La vie était plus simple alors. Le seul danger qui nous guettait était que nos parents réussissent à nous mettre la main dessus pour nous faire faire nos corvées. Maintenant…
- Maintenant, j’ai appris à frapper, blesser… tuer… Et je l’ai fait.
- Tu n’as pas le choix. NOUS n’avons pas le choix !
- Vraiment ?
- Aurais-tu voulu rester là-bas ?
- Je ne sais pas Freek. Je ne comprends pas vraiment ce que je fais au milieu de cette guerre. Je… J’ai même un peu peur…


. . . Freek se tourna vers Keelala et la prenant par les épaules, il la regarda dans les yeux.

- Nous avons tous peur ! Crois-tu que je n’ai pas les entrailles serrées à chaque fois que je franchis la frontière ? Je peux mourir à tout instant !
- Il n’y a pas que ça…
- Quoi donc alors ?
- Il y a cette partie de moi-même qui veut aller se battre. Comme une fureur insatiable… qui réclame du sang. J’ai faillit mourir et pourtant je ressens cette envie jusqu’au plus profond de moi. Regarde ma main.


. . . Elle leva sa main blessée devant le visage de son ami et écarta les doigts. Freek la fixait à travers.

- Tu vois cette main… Chaque mouvement est douloureux et pourtant je n’ai qu’une seule envie : sentir mes doigts se refermer sur la corde de mon arc, la tendre, une flèche coincée entre mes doigts.
- Tu…


. . . Sa phrase resta en suspens alors que son regard se perdait loin par delà l’épaule de la jeune lurikeen. Keelala tourna vivement la tête dans la même direction, provoquant quelques élancements désagréables. Sur la route venant du front, un convoi émergeait entre deux rangées d’arbres. Une escorte accompagnant de nombreux blessés. En dernier, venait une grande charrette dont le contenu bâché ne laissait pourtant guère de doute sur son contenu : des corps.

- Ce sont les blessés de Dun Crimthain. Ils vont faire halte ici pour nous récupérer. Allons préparer nos affaires.

. . . Il hésita.

- Nous parlerons plus tard.
(
Bon ben je me lance, voilà un petit chapitre que j'ai fais en complément de l'histoire de Keekee
)


L’accident

. . . Les larges portes du fort s’ouvraient tandis que nos deux aventuriers calaient leurs maigres paquetages sur leurs dos. Celui de Freek, parsemé de tâches de sang, rappelait la couleur rouille qu’avait prise son armure, victime du temps et des lames ennemies. Derrière la herse que levait péniblement un groupe de firbolgs ils aperçurent une troupe en bien mauvais état. Ceux qui n’avaient pas de membres tranchés exposaient de larges plaies qui ne laissaient guère de doutes quant à leur avenir… et celui-ci se présentait comme relativement court, à en juger les cris que poussaient certains êtres défigurés.

. . . Le groupe de blessés entrait péniblement dans le fort. Il était escorté par une poignée de celtes encore aptes à combattre, et suivi par un bélier que l’on avait aménagé avec quelques pièces de bois de sylvaniens noueux et tortueux. Le tout formait une grossière charrette, destinée à accompagner ceux qui n’avaient pas eu la force de rejoindre le point fortifié à pied dans leur dernier voyage. La herse commençait à redescendre lorsque le chef du camp se mit à hurler depuis sa tour.

- Elle arrive !
- Qui ça ? Demanda Keelala.
- Je ne sais pas. Répondit Freek. Si le maître des lieux avait une âme de poète, j’aurai tendance à croire qu’il fait une métaphore de la mort… malheureusement, il a plutôt la réputation de frapper avant de parler, et même de frapper avant de réfléchir, voire même de frapp…
- Viens ! Lui dit la jeune lurikeen en se jetant hors du fort.

. . . Keelala et Freek scrutèrent la plaine aussi loin que le brouillard qui commençait à tomber le leur permit. La vaste étendue verte semblait déserte, et le vent faisait péniblement plier l’herbe grasse de la vallée qui n’avait pas encore été piétinée par des fomoriens, ces cyclopes gigantesques capables de dévorer un firbolg en quelques instants. Le drapeau au sommet du fort flottait timidement, et un profond silence, entrecoupé par les hurlements des blessés que l’on pansait, englobait le fort et ses environs, donnant à la situation un caractère mystérieux et tragique…

- Peut-être le gardien du donjon est-il plus raffiné que je ne le pensais…

. . . Après quelques secondes, ne voyant toujours rien arriver, les deux compagnons repartirent en direction de la porte colossale du fort, qui n’attendait qu’eux pour être scellée de nouveau. Keelala jeta un dernier coup d’œil par-dessus son épaule tout en se rapprochant de l’enceinte du fort, ce qui ne manqua pas de lui rappeler la présence des séquelles de sa précédente bataille sur son corps encore endolori par le bref, mais intense, contact avec le bouclier viking. En tournant la tête, elle vit quatre firbolgs transpirer à grosses gouttes, s’efforçant de garder la herse en hauteur par le biais d’une grosse corde reliée à une poulie située en hauteur, à l’autre bout de la cour du château.

. . . Freek saisit son bras. Elle se retourna et remarqua sur son visage un air gêné, presque honteux, qu’elle n’avait encore jamais pu observer chez son ami.

- Keelala, il faut que je te dise quelque chose… Dit-il en portant la main à son baluchon.
- Oui mais…
- Non, je veux te dire ça maintenant. J’y pense depuis longtemps, et nous ne savons pas ce qu’il…
- Freek !
- Ecoute Keekee, c’est déjà suffisamment dur comme ça, alors laisse moi finir ! Je voulais te demander si…
- FREEK !
- MAIS QUOI ?
- On est sous la herse !
- Huh ?
- Si on ne bouge pas rapidement, on aura la mort de ces quatre firbolgs sur la conscience ! Lui dit-elle en pointant du doigt les pauvres créatures à bout de souffle.

. . . Tous deux franchirent finalement la porte : en quelques gracieux petits bonds pour l’une, et en de nombreux pas lancinants accompagnés de jurons proférés à l’encontre des créatures exténuées pour l’autre. Freek essayait de reprendre son calme, et il se racla la gorge, se préparant à affronter de nouveau les grands yeux verts de la jeune lurikeen. Les firbolgs, soulagés, lâchèrent à l’unisson la corde qui soutenait le grillage de fer, et celui-ci s’apprêtait à tomber violemment sur le sol poussiéreux, lorsqu’une sphère violette, incroyablement petite, mais aussi incroyablement rapide, parvint à se glisser in extremis à l’intérieur de l’édifice.

- Keelala, je voulais te demander si…

. . . Les deux lurikeens furent littéralement percutés par la sphère mauve. L’impact les projeta à terre, l’un sur l’autre. Freek sentit son épaule se déboîter sous le poids de la jeune archère, et il ne put s’empêcher de pousser un violent hurlement, tant la douleur le surprit. Il sentit une douce et étrange chaleur l’envahir.

. . . Lorsqu’il revint à lui, Keelala était allongée sur lui. Elle était agitée d’étranges spasmes, la peau d’une pâleur effroyable, et les yeux exorbités, pleins de larmes. La mystérieuse chaleur s’était transformée en un désagréable élément visqueux. Freek toucha le haubert de Keelala. Celui-ci en était imprégné. Lorsqu’il porta la main au niveau de son visage, il reconnut aisément ce liquide qu’il avait tant de fois fait coulé chez l’ennemi, ce mélange de rouge et de vert, ce mélange de… sang… et de curare.

. . . Avec son bras valide, il parvint à faire rouler le corps de la jeune lurikeen sur le côté. L’une des lames empoisonnées de son baluchon avait traversé la mince paroi de tissu, et s’était plantée dans le torse de la jeune aventurière.

- Ce n’est pas possible, c’est un cauchemar… J’ai attendu ce moment si longtemps… tu n’as pas le droit de partir comme cela ! Pas maintenant !

. . . Le lurikeen ne se faisait guère d’illusions quant aux chances de survies de son amie… Il connaissait bien l’effet que provoquait son poison, mélange de racines et de poussières de créatures féeriques qu’il concoctait lui-même. Il avait terrassé tant de trolls et tant de bretons avec sa subtile mixture verdâtre… c’était de la naïveté que de croire qu’il pourrait un jour réentendre la douce voix de la jeune lurikeen, elle qu’il admirait depuis tant d’années sans avoir jamais osé le lui dire.

. . . Freek prit sa main et la posa sur son visage. De ses yeux coulaient d’incommensurables flots de larmes qui vinrent diluer la sombre couleur du sang mêlé au poison. Il voulait sentir jusqu’à la dernière once de chaleur que pourrait dégager le corps de son amie. Il ferma les yeux, comme pour mieux l’accompagner dans son voyage vers l’autre monde.

. . . Les contours de la sphère s’effacèrent peu à peu. Le miroir couleur lilas que formaient les parois s’estompa progressivement, laissant deviner à l’intérieur un être petit et mince, accompagné d’une forme deux fois plus haute et bien plus fine.

. . . Freek, écrasé par les sanglots, sentait son amie rendre ses derniers souffles. Ceux-ci étaient devenus pratiquement imperceptibles, et la main de la pauvre mourante était totalement inanimée. Même les spasmes qui avaient agité son corps pendant quelques secondes l’avaient quittée. Freek approcha son visage de celui de Keelala. Ils étaient maintenant front contre front. Des larmes tombaient sur les lèvres bleutées de son amie. Lui aussi, il souhaitait mourir.

- Pendant tout ce temps où nous avons été séparés, je n’ai pensé qu’à une chose… le jour où je te reverrais. Chaque fois que j’enfonçais mes lames dans les côtes des mes ennemis, je me disais que je faisais un pas de plus vers nos retrouvailles… un pas de plus vers la victoire. Lorsque j’étais caché dans l’ombre, observant tétanisé les déplacements de mes futures proies, à l’instant où je m’apprêtais à bondir sur elles, c’est à toi que je pensais pour reprendre tout mon calme. Je savais que je n’avais pas le droit à l’erreur si je voulais te revoir. Et aujourd’hui où nous sommes enfin réunis… tu meurs de mes propres lames… dans mes bras… c’est un cauchemar que je ne pourrais supporter plus d’une lune… d’ailleurs, demain matin, quelqu’un me trouvera mort… empoisonné… moi aussi.

. . . La sphère violacée avait laissé place à une lurikeen rousse, habillée d’une longue tunique verte, tenant un immense bâton, vert lui aussi, au sommet duquel se dressait une gemme rouge. De cette gemme s’échappait une faible lumière. L’enchanteresse sortit un fin grimoire de l’intérieur de sa robe, le feuilleta quelques instants et commença à prononcer une étrange incantation elfique. Après quelques phrases, elle s’interrompit et rouvrit les yeux, qu’elle avait fermés pour mieux se concentrer.

- Licorne ou loup ? Demanda-t-elle.

. . . Après avoir répété plusieurs fois sa question, elle frappa le crâne de Freek avec l’extrémité de son bâton.

- Jeune lurikeen, si vous avez quelques secondes à m’accorder… voudriez-vous bien me dire d’où provient la poussière que vous avez utilisée pour la fabrication de votre poison ?
- D’une licorne féerique de Lough Derg. Parvint-il à dire entre deux sanglots. Puis il s’effondra de nouveau sur le corps inerte.

. . . La magicienne recommença ses incantations, agitant son bâton avec une aisance incroyable malgré son imposante taille. La faible lumière qui s’échappait du rubis devint de plus en plus vive. Elle fut rapidement accompagnée d’une chaleur qui allait, elle aussi, en s’intensifiant. La poussière qui s’était accumulée sur le sol depuis des semaines était soulevée, formant ainsi un vaste nuage sur toute la longueur de la cour. La lumière devint si forte et la chaleur si insupportable que tous les curieux qui avaient suivi la scène tragique se cachèrent le visage et se réfugièrent à l’intérieur du donjon. L’incantatrice ouvrit subitement les yeux, malgré la lumière aveuglante qui avait envahit l’intérieur du fort, et les braqua en direction de la plaie de Keelala. Elle lâcha son bâton, puis désigna lentement la blessure du doigt. Le morceau de bois se tenait parfaitement vertical, aussi immobile que sa maîtresse…

. . . La gemme pourpre se détacha de son support. Elle commença à se diriger en direction de Freek et du cadavre, puis entama une sorte d’ellipse autour des deux lurikeens. La pierre, qui mettait au début plusieurs secondes à effectuer un tour complet autour du couple, se déplaça de plus en plus rapidement, jusqu’à créer une sorte de cercle de lumière les emprisonnant. La chaleur embrasait les quelques brins de paille qui restaient sur le sol, et malgré cela, Freek était tellement effondré par la mort de sa jeune amie qu’il ne sentait pas que les clous rougis de son armure lui brûlaient le dos.

. . . Le rubis stoppa net son orbite, puis se mit à trembler avant de s’engouffrer à une vitesse vertigineuse dans la plaie de la pauvre archère. Il en ressortit quelques instants plus tard, enveloppé d’une matière visqueuse verte, et il repartit lentement en direction du manche, toujours vertical. Il reprit délicatement sa place au sommet du morceau de bois. La lumière régressa peu à peu, laissant la place aux derniers rayons du soleil qui pénétraient difficilement le nuage de poussière en suspension qui avait envahi la cour.

. . . Freek gisait toujours aux côtés de Keelala. Celle-ci ouvrit péniblement les yeux, et reprit doucement sa respiration. Elle sentait une profonde douleur au niveau de son abdomen, et il lui était totalement impossible d’effectuer le moindre mouvement avec ses membres inférieurs. Elle parvint à bouger son bras droit, et observa longuement sa main pansée. Les sanglots de Freek venaient s’additionner au sang qui avait abondamment coulé de sa plaie, la faisant littéralement baigner dans son armure. Elle porta sa main près de la tête de son ami, et tapota du bout des doigts sur son crâne.

- Freek… tu m’écrases… et en plus de cela… je vais bien finir par me noyer dans mon armure si tu continues…

. . . Il fallut plusieurs secondes au lurikeen pour se rendre compte que la voix qu’il avait entendue n’était pas le fruit d’une hallucination. Il releva lentement la tête et vit son amie, la peau d’un doux rose, le visage éclairé d’un petit sourire, et les yeux entrouverts. Il sentit sa main se poser délicatement sur sa tête. Il ne put s’empêcher de serrer son amie dans ses bras, en prenant garde à ne pas toucher sa plaie encore grande ouverte. Tous deux explosèrent en sanglots. Malgré la douleur que cela provoquait dans le bassin de Keelala, elle trouvait ce moment délicieusement agréable. Freek parvint enfin à détacher ses bras de son cou, et en la regardant dans les yeux, avec un air gêné, il parvint à articuler ces quelques mots.

- Tu as entendu tout ce que j’ai dit… quand… je te croyais… perdue ?
- C’est le trou noir depuis… aïe… depuis la collision. Répondit-elle péniblement.

. . . La magicienne s’approcha du couple et les interrompit.

- Jeunes lurikeens, vous avez tous deux besoins de repos… surtout toi, Keelala.
- Comment me connaissez-vous ? Demanda-t-elle.
- Peu de choses me sont inconnues en ce royaume. Répondit la magicienne avec un air malicieux.
- Et pouvons-nous connaître le nom de notre sauveuse, jolie inconnue ? Se hasarda Freek, qui commençait à reprendre ses esprits.
- Je me nomme Odessa, petit lurikeen, et saches que le rubis de mon bâton est plus jaloux qu’aucun être du Voile ne peut l’être. Si j’étais toi, je me garderais de recommencer ce genre de réflexions. A peine eut-elle finie sa phrase que le rubis, recouvert du poison, se précipita en direction du visage de Freek, et s’arrêta à quelques centimètres de ses yeux, envoyant ainsi tout le liquide mortel sur son front.
- Je vois… Dit-il en s’essuyant sur sa brassière.

. . . Odessa ordonna que l’on transporte les deux lurikeens dans le donjon. Ils devaient tous deux être en pleine forme pour le combat qu’ils auraient à livrer quelques jours plus tard. En effet, si la magicienne était à Dun Ailine, c’était pour commander le reste de la résistance et tenter de rejoindre Dun Crimthain, qui risquait d’être la prochaine cible une fois que Dun Crauchon serait tombé aux mains de l’ennemi.

. . . Peu avant de tomber dans les bras de Morphée, les lurikeens qui étaient installés l’un à côté de l’autre se prirent la main.

- Freek ?
- Oui ma Keekee ?
- Demain matin…
- Oui ma belle ?
- Si je te trouve empoisonné… tu auras affaire à moi ! Dit-elle avant de sombrer dans un profond sommeil.
Message hors-roleplay
Voila la suite. Elle a été commencé avant le texte Freek donc ça ne colle peut-être pas parfaitement, mais peu importe, je suis avant tout ravie qu'un ami participe.
Message roleplay
Dun Ailine


. . . Freek et Keelala se retrouvèrent devant les portes du fort. Chacun portant une cape sombre et un petit baluchon. La lurikeen avait douloureusement passé son arc et son carquois par-dessus son épaule valide. D’autres blessés légers les rejoignaient peu à peu, tous s’arrêtant comme eux pour observer la lente progression du convoi dans la plaine.

. . . Soudain un rôdeur lurikeen se matérialisa littéralement au bas du fort et gravit la pente au petit trot. Il informa l’un des gardes qu’une halte était obligatoire, certains blessés ayant besoin de soins. Les plus valides de Dun Ailine, dont Freek, descendirent la pente à la suite du rôdeur pour prêter main forte. Peu à peu, une file de civières de fortune passa les portes du fort. Keelala se tenait à l’écart, regardant distraitement ce défilé de mutilations et de souffrances. Elle remarqua une celte aux cheveux roux qui courrait d’un blessé à l’autre, houspillant au passage les porteurs, les victimes, les ennemis et l’air du temps. Toutefois, elle se penchait sur chaque civière avec un regard et des gestes experts et doux.

. . . Freek apparut aux côtés de Keelala. Il s’assit près d’elle à même le sol de terre battue.

- Mieux vaut se tenir à l’écart quand Melandrine œuvre…
- Melandrine ?
- La femme avec les manières de matrone mal embouchée, là-bas.
Fit-il en désignant la Celte que Keelala avait remarqué.
- Qui est-ce ?
- Une druidesse. Ne t’avise pas de tenter d’expirer lorsque tu es entre ses mains… Elle le prendrait comme un affront personnel et s’acharnerait à te maintenir en vie dans le seul but de pouvoir te passer un savon !
- A ce point ?
Demanda-t-elle en riant.
- Oh oui ! Et même pire ! Il lui fit un clin d’œil. Plus sérieusement, elle a un fichu caractère mais sa science de la guérison est impressionnante. La moitié des blessés n’aurait peut-être pas survécu jusqu’ici sans elle… AÏE ! S’écriât-il subitement.
- Quoi ?
- Elle nous a repéré ! Tous aux abris !
Dit-il en gardant les lèvres serrées.

. . . Keelala tourna la tête et vit la druidesse se diriger vers eux, ses sourcils froncés se rejoignant dans une expression annonciatrice de déluge. Malgré elle, Keelala frissonna.

- Hé ! Vous deux !

. . . Les deux lurikeens se relevèrent subitement, Keelala avec une grimace due à ses côtes brisées. La Celte, sembla les jauger un instant, détaillant le visage tuméfié de la jeune lurikeen puis se tourna résolument vers Freek qui arborait sans conviction son sourire le plus charmeur.

- Juste toi en fait… Tu n’as pas l’air agonisant et nous avons besoin de bras !

. . . Freek s’apprêtait à répondre, levant son bras bandé mais elle leur avait déjà tourné le dos, jetant par-dessus son épaule :

- Un seul bras suffira. Suis-moi !

. . . Freek roula des yeux en haussant les épaules.

- Vite !

. . . Sursautant, il lui emboîta le pas avec une mine de martyre. Ne sachant que faire, Keelala les suivit dans le fort. La cour était comme recouverte de civières. Chacune d’entre elle contenait un corps allongé plus ou moins dissimulés par des bandages. Les gémissements et les râles dispersés par le vent à l’extérieur résonnaient à présent entre les murs. Melandrine s’affairait déjà à changer les pansements sanguinolents d’un elfe inconscient. Par petites phrases courtes, elle ordonnait à un Freek résigné et docile de lui apporter le nécessaire à chaque cas.

. . . Écartant d’un geste impérieux quelques gardes, elle se pencha sur le corps massif d’un firbolg. Lorsqu’elle se retourna pour appeler Freek, Keelala pu voir le visage du blessé et son cœur manqua quelques battements. Malgré les vibrations de douleur qui parcouraient par vagues le haut de son corps et s’écrasait au niveau de son crane, elle se précipita vers Melandrine. Elle la repoussa d’un geste distrait et brutal et se pencha sur Corwin.

. . . Les paupières du blessé se levèrent sur un regard terne mais interrogateur. Il plissa légèrement les yeux et elle imagina le pire avant de se souvenir de l’aspect inhabituel de son propre visage.

- Corwin ? C’est Keelala.

. . . Une étrange lueur passa dans son regard. Il entrouvrit la bouche comme s’il allait parler mais ses yeux se refermèrent. Keelala allait se jeter sur lui dans un élan de panique mais une main ferme la maintint par l’épaule. Melandrine, accroupit, souffla à son oreille :

- N’ais pas peur. Il est juste endormi. Ce que je lui ai donné aurait assommé un oliphéïste enragé.
- Qu’est-ce qu’il a ?
Demanda Keelala sans quitter son ami des yeux.

. . . Melandrine tendit le bras et souleva la couverture qui recouvrait le blessé. Keelala vit que son avant-bras, étrangement court, disparaissait totalement sous un énorme bandage. Elle réalisa soudain ce qu’elle voyait et porta la main à sa bouche, retenant un cri d’effroi.

- Il est hors de danger. Dit-elle en se relevant. Pour autant qu’on puisse l’être en temps de guerre. Ajoutât-elle dans un murmure.

. . . Une bruine glacée se mit subitement à tomber. Les nuages noirs qui s’amoncelaient à l’Est forcèrent la décision de passer la nuit à Ailine. S’ensuivit une activité frénétique visant à placer les blessés les plus graves à l’abri et à dresser des tentes de fortune dans la cour pour tous les autres. Keelala suivit Corwin, aidant du mieux qu’elle pouvait puis elle s’installa à son chevet, sommairement assise sur ses affaires, enveloppée dans sa cape.

. . . La journée passa lentement sous un ciel morne qui ne semblait jamais devoir s’assécher. Le fort bruissait d’une activité fébrile autour de Keelala. Freek passait de temps à autre, tentant au début d’engager la conversation puis se résignant à un simple geste de salut.

. . . Le jour se coucha emportant avec lui les nuages, laissant un ciel limpide et bariolé d’étoiles recouvrir le fort et ses occupants comme une chape de silence. Melandrine s’approcha de Keelala, une écuelle fumante à la main. Elle lui tendit distraitement tandis qu’elle se penchait et observait le firbolg. Puis elle contourna le lit de fortune et s’assit de l’autre coté. Keelala tenait son assiette sans bouger fixant un point quelque part sur la couverture.

- Mange. Lui intima la druidesse. Tu es peut-être en meilleur état que lui mais si tu continues à jeûner ça peut changer…
- Oui, désolée…
répondit Keelala en saisissant un morceau de pain.
- C’est ton ami ?

. . . La jeune lurikeen, perdue dans ses pensées, sursauta et lui lança un regard vide.

- Le firbolg. Précisa Melandrine en désignant Corwin du menton.
- Oh… oui… Enfin, c’est mon voisin en fait.

. . . Melandrine leva un sourcil.

- Juste un voisin ?
- Oui.
Hésita Keelala en fuyant le regard de la jeune femme.

. . . Celle-ci balaya le mensonge d’un soupir.

- C’est plutôt inhabituel de voir un, ou une, lurikeen si concerné par le sort d’un firbolg. L’alliance de fortune qui unit Hibernia s’exprime rarement dans la vie de tous les jours…

. . . Keelala posa son écuelle sur le sol et regarda la druidesse dans les yeux.

- Je sais que ce n’est pas très répandu. Mais nous habitons tous les deux la même maison, nous nous voyons tous les jours et… Et Corwin est, en quelque sorte, devenu ma seule famille ici. Je ne comprends pas comment, il se retrouve, là, dans ce lit avec une main en moins. Ce n’est pas un combattant. Il devrait être chez nous, martyrisant quelques morceaux d’écaille tout en écoutant le babillage d’Azale…

. . . Au moment où Keelala prononçait ce nom, Corwin remua. Sa tête bougea légèrement puis il battit des paupières. Ses yeux s’ouvrirent enfin. Melandrine, penchée sur lui, l’observait d’un air grave.

- Je n’ai rien pu faire… murmura-t-il en tentant de se redresser.
- Du calme. Intima la druidesse en appuyant fermement sur ses épaules.

. . . Elle tourna la tête vers la lurikeen.

- Juste à temps. Tu peux lui parler un peu si tu veux, mais pas longtemps. Il a perdu beaucoup de sang et il est encore très faible. Et quoiqu’il dise, n’oublis pas qu’il n’a sûrement pas les idées très claires.

. . . Elle s’écarta et commença à inspecter les autres civières autour d’eux. Keelala se leva et se pencha à son tour sur le firbolg. Elle mit quelques instants à capter son attention. Son regard était fuyant et il semblait complètement perdu.

- Corwin ? Corwin ? C’est Keelala. Je suis là.
- Keelala…Je suis désolée.
Marmonna-t-il en s’agitant.
- Chut. Doucement. Tu es blessé…Dit-elle en appuyant comme Melandrine l’avait fait sur ses épaules.
- Je sais… Je n’ai rien pu faire…
- Mais faire quoi ? Que s’est-il passé ?
- Nous avons été surpris. J’ai… J’ai vu un troll. Il courrait vers moi. Je ne pouvais rien faire…
- Ce n’est pas grave. Tout va bien maintenant.
Dit-elle en grimaçant à la pensée de sa main perdue.
- Et elle criait. Elle criait si fort. Oh Keelala…
- Ne t’inquiètes pas.
- Azale, je l’entendais…
- Azale était avec toi ?
S’écria-t-elle, sa voix résonnant de façon gênante dans la pièce silencieuse.

. . . Du coin de l’œil, elle vit Melandrine froncer les sourcils dans sa direction. Corwin recommençait à s’agiter.

- Azale, les flèches… J’ai vu ses yeux… dans ses yeux… la vie l’a quitté et…

. . . Une fois de plus elle éleva la voix.

- QU’EST-CE QUE TU RACONTES ?
- Azale est morte.
Dit-il en l’agrippant subitement de sa main valide.

. . . Melandrine se précipita vers eux, écartant Keelala brutalement. Elle posa la main sur le front de Corwin qui sombrait à nouveau dans l’inconscience, épuisé par son effort. Elle saisit Keelala par les épaules et la poussa dehors.

- Je ne sais pas de quoi vous parliez. Mais certainement pas de quelque chose qui mérite qu’on crie sur un blessé grave au milieu d’une chambre. Dit-elle le regard dur.
- Y’a-t-il une elfe ? jeune ? dans les blessés ? Elle s’appelle Azale ?

. . . La druidesse soupira.

- Non. Par contre…
- Dis-moi !
- Il y en avait une avec lui lorsqu’il a été amené à Dun Crimthain… Mais… elle était déjà…


. . . Keelala dévalait déjà la rampe. Sans se soucier de la douleur qui irradiait dans son torse et dans son crane, elle traversa la cour aussi vite qu’elle le put puis sortit du fort et se précipita vers la charrette qui était resté à l’extérieur. Moitié pleurant et criant, elle arracha les attaches de la bâche. L’intérieur était divisé en plateaux horizontaux sur lesquels reposaient des formes complètement enveloppées dans des linceuls. L’une d’elles, fine et grande, capta immédiatement le regard de Keelala. Insensible à la douleur, elle s’arc-bouta sur la charrette et tira sur le tissu. Le corps, beaucoup plus léger qu’elle n’aurait cru, qu’il n’aurait du, vint sans résistance et la lurikeen tomba à la renverse avec ce dernier dans les bras. Avec rage elle se dégagea puis s’agenouilla près de la forme. Avec une hésitation, elle tendit la main vers la tête et défit le linceul.
Message roleplay
Voyage à Caille


En jours inconnus les pères de mes pères
Vinrent, et de fils en fils prirent racine
Parmi les vergers et les prés des rivières
Et les longues herbes de la plaine parfumées :

Bien des étés les virent attiser des feux jaunes
D’iris des marais parmi les roseaux arqués,
Et maintes mers de bourgeons se transformer en fruits dorés
Dans des jardins murés de la vaste plaine.

Là des jonquilles parmi les arbres ordonnés
Oscillaient au printemps, et les hommes riaient profondément et longuement
Chantant comme ils travaillaient des chants heureux
Et même s’allégeaient d’un chant à boire.

Là le sommeil venait aisé du bourdonnement des abeilles
Se pressant autour des chaumières aux jardins de fleurs amoncelées ;
Amoureux de la bonté ensoleillée des journées
Là coulaient riches leurs vies en heures sereines –
Mais cela était il y a bien longtemps,
Et maintenant ils ne chantent plus, ni ne récoltent, ni ne sèment,
Et moi par force en bien des villes sur cette île
Homme errant et sans repos ai-je vécu un temps.

Les guerres de rois puissants et le fracas des armureries,
Dont les épées aucun hommes ne pourrait évoquer, dont les lances
Étaient nombreuses comme les pousses d’un champ de ….(*)

- Arrête…Dit Keelala.

. . . Freek s’interrompit immédiatement et jeta un coup d’œil par-dessus son épaule. Keelala, raide sur son poney, tournant la tête sur sa droite, regardait fixement le paysage. La connaissant depuis l’enfance, il pouvait déceler la tension dans sa mâchoire, la pâleur inhabituelle de sa peau et l’éclat humide de ses yeux cernés de noir. Il soupira puis s’écarta du centre de la route tout en ralentissant le pas de sa monture pour venir se placer à la hauteur de celle de son amie.

- Ce n’est pas ta faute… Dit-il en se tournant vers elle.
- Je sais.

. . . Les poneys firent quelques pas de concert dans le silence.

- Mais ça ne rend pas les choses plus faciles pour autant. Murmura-t-elle en plantant son regard dans le sien.

. . . Freek tendit vers elle une main qu’elle prit. Se penchant, il déposa un léger baiser dans le creux du poignet de la jeune lurikeen.

- Dame Keelala, Dit-il avec plus de sérieux qu’il ne l’aurait souhaité. Qui ne voudrait risquer sa vie pour vos beaux yeux ?
- Ah ! Freek, tu es…
- Je sais, je sais.
L’interrompit-il. REGARDE ! DES SHEERIES DE MOUSSE ! S’exclama-t-il en tendant le bras devant lui tout en éperonnant sa monture. Depuis le temps que j’en cherche !

. . . Keelala fit de même en esquissant un sourire. Arrivé à quelques encolures des petits êtres, Freek sauta au bas de son poney encore au trot et dégagea son arc de son dos d’un mouvement souple. Tout aussi rapidement il encocha une flèche et tira. Keelala l’avait à peine rejoint que, déjà, une seconde sheerie de mousse s’effondrait. Une troisième flèche s’apprêtait à partir.

- Aide-moi ! Intima Freek. Si on n'élimine pas le troupeau entier ici, les survivantes passeront le mot à leurs congénères. Et je préférerais éviter d’avoir des hordes de sheeries écumantes de rage à nos trousses.

. . . Malgré l’élancement dans son épaule, Keelala empoigna son arc et accrocha deux sheeries à son tableau de chasse. Bien que combatives une fois attaquées, c’était des créatures foncièrement stupides et peu résistantes. Elles se laissaient tirer comme de simples larves de scarabée et aucune n’atteint le corps à corps.

. . . Lorsque enfin, la dizaine de sheerie furent toutes couchées sur le bord de la route, Freek remit son arc sur son dos et dégaina un stylet luisant. Il prit une bourse de cuir dans son paquetage et entreprit de récolter la mousse. Keelala l’imita. Alors qu’elle retournait l’un des corps, un objet tomba de la main inerte. Elle se pencha et examina un petit cristal vert.

- Freek ! Regarde !

. . . Accroupie dans l’herbe, elle manipulait le cristal de la pointe de son poignard. Le lurikeen s’approcha et après un rapide coup d’œil le saisit et le regarda à la lumière du soleil.

- Joli caillou… Mais pas seulement… Hésita-t-il. Il… il dégage quelque chose. Tiens, essaye.

. . . Il lui tendit le cristal. Keelala le prit avec circonspection du bout des doigts. Une chaleur pulsante, très ténue mais indéniable émanait de l’objet.

- Qu’est-ce que c’est ? Demanda-t-elle en l’examinant à son tour dans la lumière du soleil.
- Aucune idée. Garde-le de toute façon. Un des empyréens de Caille saura bien nous renseigner. Allons-y.

. . . Il referma tant bien que mal sa bourse débordante de mousse et l’accrocha soigneusement à son poney. Keelala rangea la sienne dans laquelle elle avait mit le cristal et ils enfourchèrent leurs montures.

. . . La journée étant déjà très avancée, ils passèrent sans s’arrêter devant un campement et poursuivirent leur route en silence jusqu’à Caille. Le soleil orange, disparu derrière les collines de Sheroe, illuminait encore le sommet de la tour de guet, lui donnant l’aspect d’une fleur à la tige blanche et aux pétales mordorés. Le plus grand silence régnait dans la ville et ce ne fut qu’après plusieurs minutes que les deux lurikeens commencèrent à distinguer des silhouettes diaphanes aux mouvements lents et glissants. Keelala fut prise d’un frisson et Freek lui-même semblait aux aguets. Ils descendirent de leurs poneys et continuèrent à pied en tenant leurs brides.

. . . Freek les dirigea vers l’un des bâtiments, plus grands que les autres et éclairé contrairement au reste de la ville. Ils attachèrent leurs montures devant et s’apprêtaient à gravir la rampe vers la porte lorsque celle-ci s’ouvrit brusquement.

. . . Illuminée de dos, une immense silhouette aux traits indiscernables mais à la chevelure rousse barrait le passage. Discrètement, Freek s’avança tout en retenant Keelala par le coude.

- Il me semblait bien avoir entendu un souffle de vie dans cette satanée ville fantôme ! S’écria une voix grave et moqueuse.

. . . Un murmure affolé parvint de l’intérieur du bâtiment tandis que la silhouette reculait et que son visage apparaissait dans la lumière. Un large sourire entouré d’une moustache et d’une courte barbe tout aussi flamboyante que la chevelure contrastait l’éclat glacial de deux iris d’un bleu transparent. Des sourcils épais soulignaient les tatouages tribaux qui ornaient un front haut. Deux fossettes insolentes au milieu des joues adoucissaient la virilité des traits. Le regard limpide détailla Keelala d’une façon qui lui donna chaud au visage. Freek se plaça imperceptiblement entre son amie et l’inconnu.

- Vas-tu nous laisser entrer, humain ? Jeta le lurikeen. Ou allons-nous devoir prendre racine et hiberner ici cet hiver ?

. . . L’inconnu pencha légèrement la tête sur le coté.

- J’entends le roquet aboyer… dit-il sans quitter Keelala des yeux. Ke ronronne-t-elle ?

. . . Freek lâcha son amie et dégaina l’un de ses stylets. Il se jeta la tête la première dans l’estomac de l’humain, lui coupant le souffle et le déséquilibrant. Dans le même élan, il tenta de porter un coup avec son arme mais celle-ci ripa sur l’épaisse ceinture de cuir clouté que portait son adversaire. Ce dernier réagit très vite et frappa Freek à la tempe. Le lurikeen chancela et faillit tomber mais l’humain le retint par le col. Se redressant, il souleva Freek dont les pieds battaient l’air.

. . . Le lurikeen poussait des grognements de rage et de frustration tout en se débattant. Pourtant l’inconnu resserrait son emprise d’une main en levant l’autre, le poing serré. Son geste fut stoppé net par une piqûre glacée à la base de sa nuque.

- Je ne ronronne pas. Mais je griffe…
Message hors-roleplay
(*) Extrait de La Chanson d’Eriol, J.R.R. Tolkien, (in Histoire de la Terre du Milieu II, Le second livre des contes perdus)




______________________________________________________

. . . Deux Primroses jouaient sur le toit de la tour. Voletant autour du cristal, elles se plaçaient dans la lumière qui s'y infiltrait et se poursuivaient en poussant de petits cris aigus à peine perceptible. Les rayons donnaient à leurs ailes une teinte iridescente qui les nimbait d'étincelles de soleil. Une brume sèche descendait des collines, recouvrait le sol et le rendait flou, achevant de donner à ce spectacle l'aspect d'un rêve.
Rencontre(s)

. . . Keelala n'eut conscience d'être montée sur un meuble que lorsqu'elle toisa l'humain dont le visage se tournait vers elle. Suivant machinalement Freek dans sa charge, elle avait saisi son arc et une flèche par réflexe et avait bondit en s'aidant d'un billot de bois sur une imposante commode qui se trouvait près de la porte. A la limite de son champ de vision elle apercevait un homme recroquevillé à l'extrémité de la pièce. Décidant de l'ignorer, elle pointa résolument sa flèche vers le cou de l'humain dans les mains duquel se débattait son ami.

- Je ne ronronne pas. Mais je griffe...

. . . L'agresseur tourna vers elle un visage sans expression aux traits tendus et au regard voilé.

- Lache-le ! Intima-t-elle.
- Sinon ?
- Je te tues.
Murmura-t-elle d'une voix égale.

. . . Keelala se sentait calme et excitée à la fois. Une excitation sensuelle et enivrante qui lui donnait l'impression de sentir la chaleur de la peau de l'humain à travers la pointe de sa flèche. Elle ressentait les pulsations de son sang dans ses veines... ou dans celles de l'autre. Un sang prêt à jaillir au moindre mouvement.

. . . L'air semblait prendre une qualité cristalline, les couleurs et la lumière semblaient plus vives. Elle sentait et ressentait chaque mouvement infime de la scène, même dans l'obscurité maintenant limpide au-delà de la porte. Sans quitter l'humain des yeux, elle visa brusquement l'ombre qui s'approchait et décocha au moment où un cri strident retentissait.

. . . Une bande de spraggorn se ruait vers l'ouverture. Beaucoup plus grand que les autres et tenant un poignard rouillé mais effilé, celui que Keelala avait touché ne semblait guère incommodé par la flèche dépassant de son épaule.

. . . L'humain réagit sans hésitation. Il lâcha Freek et bondit sur la droite pour saisir une masse et un bouclier qui reposait contre le mur tandis que le lurikeen retombait lourdement sur le sol en crachant une respiration sifflante. A quatre pattes, le souffle court, il ramassa ses lames. Keelala décochait sa troisième flèche lorsque l'humain se posta devant l'entrée. Il repoussa deux spraggorns d'un coup de bouclier et fit face au plus grand d'entre eux en levant sa masse. La créature se jeta sur lui suivie de trois de ses congénères. Deux autres, dont l'un fut fauché en pleine course par une flèche, se précipitèrent sur Freek. Les trois derniers se ruèrent vers Keelala tandis que les deux premiers repoussés se remettaient déjà sur pied.

. . . Keelala décocha une nouvelle flèche à bout portant vers le premier des spraggorns à l'atteindre. Elle lâcha son arc et planta sa dernière flèche dans le torse du second. Sautant de la commode, elle roula au sol en dégainant ses poignards. Malgré les hurlements de terreur qui provenaient du fond de la pièce et le bruits des affrontements, elle trouvait la scène étrangement calme tandis qu'elle se tournait pour faire face aux deux spraggorns qui la poursuivaient.

. . . L'humain combattait en silence, concentrant ses attaques sur la plus grosse des créatures et tentant de parer les morsures et les coups de griffes des autres.

. . . Un Freek vacillant esquivait les assauts de son agresseur mais son souffle court l'empêchait de porter un coup décisif.

. . . Keelala reculait vers lui en tenant en joue les deux créatures dont celle qu'elle avait déjà blessé secouait la tête en claquant des mâchoires. L'autre s'élança vers la lurikeen qui esquiva en se penchant vers la droite et en profita pour enfoncer l'un de ses poignards dans son flanc. La créature tenta de reculer et perdit l'équilibre. Keelala se redressa et faisant tournoyer ses lames, elle les planta dans le torse du spraggorn. Sans prendre le temps de le voir s'effondrer, elle le repoussa du pied et prit appui sur son corps pour sauter derrière le dernier spraggorn. D'un mouvement imperceptible elle changea sa prise sur ses armes et poignarda la créature dans la nuque. Celle-ci tomba face contre terre sans un sursaut.

. . . En récupérant son poignard, elle échangea un regard avec Freek qui était tout juste venu à bout de son assaillant. Tous deux se jetèrent chacun sur l'un des spraggorns restant qui attaquaient l'humain dont les nombreuses estafilades éclaboussaient de sang la scène et les combattants à chacun de ses mouvements. Débarrassé de deux agresseurs, il réussit à placer un coup frontal de toute sa force sur le crâne du plus grand. Le sommet du crâne écrasé, celui-ci s'effondra instantanément et les trois spraggorns restant, comme soudain électrisés, prirent la fuite d'un seul mouvement en hurlant.

. . . Keelala se précipita vers Freek qui s'appuyait à la porte en haletant.

- Je vais vérifier qu'ils sont bien partis. Dit l'homme en sortant d'un pas raide.
- ça va, ça va... Dit Freek tandis que Keelala l'examinait. Va plutôt surveiller ce que fait cet humain. J'arrive tout de suite.
- Non ! C'est moi qui reviens tout de suite. Ne bouge pas. Répondit-elle en souriant.

. . . Elle passait la porte lorsqu'un bruit retenti sur la droite. Elle sauta de la rampe en dégainant pour trouver l'humain effondré contre le mur. Dans la lueur des étoiles et de la ville, elle vit ses yeux brillants tournés vers elle.

- Vas-y ! Défiat-il. Finis ce que tu avais commencé !

. . . Sans répondre, Keelala regardait une mare sombre s'étendre autour de l'une des cuisses de l'homme. Elle rangea ses armes et ôta sa veste. Elle la roula en boule et s'approcha de lui. Une déchirure dans son pantalon marquait l'emplacement de la blessure. Elle y posa sa veste et appuya fort.

- Tiens ça dessus. Je vais chercher de quoi faire un bandage.
- Laisse-moi ! Je n'ai pas besoin de toi.
- Tais-toi et appuis.
Intima-t-elle calmement.

. . . Il s'exécuta avec un reniflement de dédain. Elle se redressa et se dirigeait vers la porte lorsqu'il demanda d'une voix hésitante :

- Pourquoi ?
- Pourquoi ?
Répéta-t-elle en le regardant.

Puis se tournant à nouveau :

- Parce je ne tue que les imbéciles bien portant.

. . . Sans attendre sa réaction, elle pénétra dans le bâtiment et vit Freek, visiblement remit, discuter avec un humain d'aspect frêle et au visage d'une grande pâleur. Elle reconnut la créature terrorisée qu'elle avait entr'aperçu durant l'attaque. Il parlait à un Freek manifestement amusé.

- J'ai besoin d'un bandage. Dit-elle.

Freek tourna vers elle un visage soucieux.

- Tu es blessée ?
- Oh oui ! Je vous donne ça tout de suite !
S'écria l'humain en plongeant le nez dans une malle.
- Non, je vais très bien. Mais l'autre homme est en train de se vider de son sang dehors et j'ai l'impression qu'il ne faut pas qu'il compte sur les empyréens pour l'aider.
- Laisse-le !
Cracha Freek. Ce n'est qu'un...
- Allié. Sans lui nous serions tous morts. Ces spraggorns étaient nombreux et étonnamment organisés.
- Sans lui, je n'aurais pas été si faible !
- Tu veux dire qu'il est plus fort que toi ?
Murmura Keelala avec un sourire moqueur.
- QUOI ? Tu... tu... il... Étouffa Freek.
- J'ai trouvé ! Cria l'humain en se précipitant vers Keelala avec un lourd morceau d'étoffe plié.
- Reste là, Freek. Il n'y a plus de danger dehors, je pense... Sauf pour le blessé si tu sors... Dit-elle en clignant d'un oeil.
- Et pas qu'un peu ! Gromela-t-il tandis qu'une lame tournoyait dans sa main.

. . . Keelala sorti avec son paquet et alla le poser près de l'homme.

- Voila Ke ! Mon sauveur !
- Pourquoi m'appelles-tu Ke ?
- Cela te gêne ? La défia-t-il.

. . . Arrêtant de couper le tissu elle le regarda dans les yeux.

- Je m'appelle Keelala et je ne te connais pas.
- Ke... Keelala ? C'est étrange.
Il détourna les yeux. Et bien moi, je m'appelle Edan Fionnlagh !


https://jolstatic.fr/upload/perso/3245/rangerkee2.gif


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Han, c'est bien sympa qu'elle continue cette petite histoire...

Si j'ai un peu de temps, j'essaierai de refaire un chapitre entre parenthèse, mais il va me falloir du temps... Et pas qu'un peu !


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