|
Libé a sorti un article sur les personnes derrière les accusations contre Bayou.
Nous avons enquêté sur la troublante investigation menée par plusieurs militantes écolos et féministes qui prétendaient s’assurer du comportement de Julien Bayou envers les femmes, et ainsi «protéger» Aline. Les trois premières années de leur union, le couple s’accorde sur les termes d’une relation non exclusive. En 2019, Julien Bayou et Aline, 39 et 32 ans à l’époque, décident de s’engager davantage. C’est à ce moment-là qu’un petit groupe de femmes se met à enquêter sur lui. En cause : sa réputation de «coureur», multipliant les relations avec des femmes plus jeunes, souvent militantes féministes, qu’il finit par quitter et décevoir. «Il se met très souvent avec des meufs fragiles, attirées par la lumière et honorées de sortir avec lui et il peut être particulièrement lâche, mais ce n’est pas un crime», décrit un cadre écolo proche de la direction.
Une scène éloquente, datée du début de l’histoire de Julien Bayou et Aline, est racontée à Libération. Elle se déroule à Paris lors d’une soirée militante. Ce soir-là, Julia (1) militante écolo et proche de Bayou, est approchée par Eugénie (1), une amie d’Aline. Eugénie – qui n’a pas souhaité s’exprimer auprès de Libération – est aujourd’hui membre de la cellule violences sexuelles et sexistes (VSS) d’EE-LV et de la commission féminisme du parti. En 2021, lors de la primaire présidentielle écolo, elle a fait partie de l’équipe de la candidate Sandrine Rousseau. Ce soir-là, rapporte Julia, «elle vient me voir et me dit : “Je sais qui t’es, tu connais bien Bayou. Je sais ce qu’il se passe avec lui, il faut que ça s’arrête. Sache-le, il est avec une autre personne. On enquête pour savoir si c’est un mec bien pour elle, parce qu’elle a vécu des choses dures. Il ne faut pas qu’elle tombe sur un prédateur”». Le propos laisse Julia interloquée : «Je lui réponds que de mon côté, il n’y a rien à gratter, et qu’on ne colporte pas des accusations comme ça à une soirée, raconte Julia. Elle m’a dit qu’elle tenait à me prévenir, que c’était ça la sororité.»
Cette atmosphère de défiance, presque de surveillance, va revenir aux oreilles de Bayou. Une de ses ex, Sophie (1), l’informe qu’elle a été appelée par Eugénie, qui poursuit ses investigations : «C’est toujours un peu violent une rupture, ça peut faire mal, confie-t-elle. Donc quand j’ai été approchée par Eugénie, que je connaissais bien, je suis rentrée dans son jeu en me confiant. J‘ai parlé comme on parle de son ex-amoureux, pas très dithyrambique quoi. Mais ce n’est pas parce qu’une relation se finit mal qu’on peut accuser quelqu’un de violences psychologiques.» Puis, continue Sophie, «j’ai compris que son intention était de faire tomber Bayou. C’est là que je l’ai prévenue qu’on allait un peu trop dans sa vie intime». Contactée par Libération, une autre ex-compagne de Bayou assure, elle aussi, avoir été contactée à la même période, hors de tout cadre formel.
Le 30 juin, à 18 heures, plusieurs cadres écolos, le père et la sœur de Julien Bayou, mais aussi Eugénie, Victoria, Sandrine Rousseau et la cellule contre les VSS d’EE-LV, reçoivent un mail. Aline y écrit : «Combien sommes-nous de meufs brillantes douces douées à avoir complètement vrillé, parfois sous vos yeux, sans que jamais vous vous disiez qu’il y avait peut-être un problème avec Julien ? C’est un manipulateur, lâche et dénué d’empathie.» Dans ce mail, elle fait part de sa volonté de mettre fin à ses jours pour «protéger les autres», «éloigner Bayou des lieux de pouvoir et de militance où il peut prédater». Elle s’excuse aussi auprès d’Eugénie pour «avoir mis autant de temps à comprendre», et de Victoria, pour ne pas avoir pris la mesure de la douleur provoquée par sa rupture avec l’élu écolo.
Quelques heures plus tard, la cellule, dont fait toujours partie Eugénie, s’autosaisit. Depuis, Julien Bayou l’a sollicitée à plusieurs reprises pour pouvoir se défendre. A chaque fois, l’entité a refusé, n’ayant pas encore recueilli le témoignage de la victime présumée, qui ne souhaite pas être entendue. «La cellule doit travailler dans la confidentialité, or ce principe est rompu, donc tout le monde sait qu’elle ne peut plus traiter ce cas. En réalité, c’est maintenant un débat à travers les médias», juge une proche d’Aline. De nombreux échanges consultés par Libération attestent de cette circulation débridée des informations personnelles au sein des différents acteurs de l’affaire. Lesquels s’échangent en permanence confidences, mails, textos, parfois par copies d’écran. En clair, les procédures n’ont rien de professionnel, et ne garantissent à aucun moment l’absence de fuites
«Je ne pense pas qu’elle pense au congrès ou qu’elle veuille buter Julien mais elle veut garder le totem du féminisme, analyse une écolo, engagée dans le combat féministe. Elle ne pouvait prendre le risque de dire “je n’ai pas les éléments pour en dire plus” parce qu’elle aurait perdu la course qu’elle a elle-même initiée dans laquelle plus tu pousses loin, plus t’es la bonne féministe.» Beaucoup, au sein des mouvements écolos et féministes considèrent désormais qu’on court un peu trop vite, alors que la libération de la parole des femmes pose des dizaines de questions qui demandent le temps de la réflexion. Mais rares sont ceux qui osent le dire autrement qu’anonymement, de peur d’être rangés du mauvais côté de l’histoire. «Il n’y a pas d’espace pour faire une critique de la position de Sandrine, pas d’espace pour dire que ce qui arrive à Julien n’est pas juste et que ça dessert la cause», poursuit la même militante.
Ce féminisme, qui se définit lui-même comme «radical», a pris de plus en plus de place au sein d’EE-LV ces dernières années. A commencer par la cellule et la commission féminisme, qui comptent des militants engagés sur ces sujets qui se sont rapprochés de Sandrine Rousseau depuis son retour dans le parti en 2020. «Quand je critique le fonctionnement de la cellule, qui n’offre pas l’opportunité de se défendre aux présumés coupables, on me dit “fais attention, ça peut se retourner contre toi”», raconte une élue EE-LV. Vous imaginez à quel point elles ont gagné le combat culturel pour en arriver au fait de ne pas pouvoir dire qu’on est en désaccord ?»
A priori, on a donc une cellule officieuse au sein d'EELV (mais qui a des relais dans certaines instances) qui cherche depuis 3 ans à faire tomber Bayou. Rousseau aura permis à ce que l'affaire sorte en public dans l'objectif de s'assurer qu'elle garde la main sur le sujet du féminisme radicale au sein d'EELV.
|