C'est justement de ça dont je parle on est d'accord.
Si le concept de panique morale est intéressant (je l'ai découvert ici grâce à Crevard d'ailleurs, que j'avais remercié à l'époque), il souffre du même défaut que tout autre concept utilisé à tord et à travers: ça devient un totem idéologique et un tampon qu'on applique sans distinction, avec pour effet de clore le débat sans retour possible.
Que des quotidiens relaient d'authentiques '' paniques morales '' oui c'est certain, mais que ça suffise à les disqualifier ou à en faire des membres équivoques d'un groupe cohérent et identifié, non. Ça ne donne que des raccourcis comme celui que je relevais au début aka '' Marianne et droite c'est un pléonasme'' qui cachent en fait des réalités un peu plus complexes que ce que certains ici cherchent à faire croire.
Et là où je te rejoins sur le fer à cheval, c' est qu'à force de chercher à recadrer (à raison) les droitards du forum quand ils partent en délire, certains ont aussi malheureusement tendance à tomber dans la radicalité qu'ils dénoncent.
Le fait est que, depuis que Polony a repris les rênes de Marianne, leur dialectique a clairement glissé vers la droite souverainiste (ce qui encore une fois n'a rien de très étonnant quand on connait le parcours de la dame). Et il y a effectivement de plus en plus une convergence de discours avec Valeurs Actuelles...ce qui n'est pas non plus particulièrement surprenant, vu la proximité (pour ne pas dire la porosité) entre les souverainistes (même tendance Chevènement) et l'extrême droite plus classique. Donc les assimiler à une seule et même mouvance, si c'est "facile", n'est pas non plus illégitime.
Pour ce qui est des paniques morales, le truc à mon sens c'est qu'elles n'existent pas par et pour elles-mêmes, mais elles sont conçues comme un outil dialectique destiné à générer une réaction de rejet le plus violent possible, toujours en partant du principe que des détestations communes, ça réunit au moins autant que des valeurs communes. C'est la technique du chiffon rouge.
C'est pour ça que la méthode fonctionne à peu près aussi bien d'un côté que de l'autre, d'ailleurs. "à peu près" parce que la "droite dure" se structure par nature sur des "valeurs" de xénophobie, donc déjà en soi une détestation.
Concernant le fer à cheval, la logique est que, d'une part, les deux extrêmes ont tendance à s'entendre sur un certain nombre de choses, notamment leur aversion pour la démocratie et le capitalisme (encore une fois, le fait de rendre "capitalisme" et "libéralisme" synonymes est déjà un glissement sémantique qui n'a rien d'innocent et renseigne sur les biais idéologiques de celui ou celle qui fait cette équivalence); et d'autre part, ils sont alliés objectifs dans la mesure où l'un alimente l'autre dans un cercle sans fin (et ultra délétère, surtout quand la dialectique de l'un et de l'autre commence à envahir voire monopoliser le débat public).
Et c'est un peu toute la difficulté, sachant que ceux qui reprennent la dialectique d'un extrême ou de l'autre ont tendance à ne plus voir le monde que par ce biais, et à ranger tous ceux qui ne sont pas (de préférence sans réserve) de leur avis tombent "évidemment" dans le "camp adverse". Et les étiquettes de "droitard", "gauchiste", "woke", "facho" de voler bas (comme les tartes à la crème qu'elles ont tendance à être). Les réseaux sociaux, avec leurs effets de miroir déformant et de bulle informative, qui contribuent à polariser les débats, n'aidant clairement pas. Mais cela dit, il ne faut pas non plus s'interdire de définir correctement les choses juste pour jouer à Taboo avec certains termes. Un interlocuteur qui déroule les dialectiques typiques comme le Grand Remplacement, la peur des Rouges, le mépris de la démocratie, les sous-entendus racialistes scabreux...au minimum adopte la dialectique de "l'alt-right", intéressante périphrase pour qualifier ce qu'en d'autres temps on appellerait simplement "facho".
Après, il est clairement bon pour tout le monde de se poser deux minutes, réfléchir sur aussi bien nos biais que sur les dialectiques que nous employons. Récemment j'avais une discussion sur le sujet "diversité, quota, représentativité dans les représentations culturelles" où mon interlocuteur employait toute la dialectique de l'alt-right (obsession pour les woke, BLM, refus de toute réflexion sur la façon dont les discriminations se traduisent dans différents éléments du champ culturel, abus de "whataboutisme") tout en se défendant farouchement d'y appartenir...que faut-il en déduire ? Et est-ce vraiment ce que je cherche à exprimer ? Ca fonctionne bien évidemment en sens inverse.
Aparté: le truc amusant étant que je tape ça en écoutant une table ronde de La Tronche en Biais sur "Zététique et Paranormal" où justement ils s'interrogent sur leurs biais et leur tendance à réfuter par défaut tous les arguments autour de la parapsychologie (sérieuse) au nom de la Raison, là où le doute devrait conduire à garder l'esprit ouvert. Belle mise en abîme