Moi je trouve cette réforme très bonne.
Je pense qu'il y a rien de pire que de voir le petit poucet vaincre l'Ogre. On est tous du côté de Goliath, David méritait de perdre. Le sport serait bien meilleur s'il n'y avait pas cette part d'aléa, pourquoi donner de l'espoir aux supporteurs, du rêve aux gamins de voir sa petite équipe gagner contre la grande équipe ?
Je me rappelle, j'avais 9 ans, mon premier match au stade de la Meinau. J'avais réussi à avoir une place parce qu'un ami de la famille tenait la buvette au niveau de la tribune nord. Il m'avait emmené car ma mère était à l'hôpital, et donc personne pour s'occuper de moi. Il voyait bien que j'étais triste, mais je n'osais rien dire. Je ne voulais pas accabler les adultes et je m'étais enfermé dans mon mutisme.
Il s'était dit que cela me changerait les idées. Il avait réussi à me faire rentrer en scred, parce qu'à l'époque, les gens qui travaillaient pour le RCS connaissait tout le monde, on se tapait des checks avec la sécurité.
Il était tôt quand on est arrivé, il était probablement autour de 15h. Mais attention, j'avais pas envie de rester là à rien faire. Je vois Fabrice se démener pour préparer son stand de buvette, qu'il tient fièrement.
Alors, ni une, ni deux, j'essaye de me rendre utile ! Je déballe les knacks. Qu'est-ce que serait le stade la Meinau sans ses knacks ? J'aide à porter les bidons de mayo, de moutarde et de ketchup. Tout le monde se connait, tout le monde s'entraide. Je me souviens d'un collègue de Fabrice me dire "viens voir Carmi (bon pas carmi mais voilà)" et je vois un brésilien s'échauffer sur la pelouse, il jongle avec une facilité déconcertante. Un jeune brésilien dont tout le monde est fan. Il s'appelle Ronaldo.
La nuit commence à tomber, et une brume envahit le stade. Il fait froid. Très froid. On est fin novembre, et le froid gagne l'Alsace.
Je me souviens d'être aussi en tribune juste en face d'un parapet qui sépare les tribunes, entre riche et moins riche; mon dieu qu'est-ce qu'il faisait froid. Vous savez, un froid que vous ressentez souffler dans vos os.
Malgré ma veste, mon bonnet jaune, ce fameux bonnet jaune que je quittais jamais, mes moufles et ma veille écharpe du début des années 90 du RCS, je tremblais. Je ne sais pas si je tremblais parce que j'avais froid où parce que à quelques mètres de moi, il y avait Ronaldo, Djorkaeff, Zitelli, Vencel (haa Vencel <3 ).
Le stade est rempli. Je crois que j'avais jamais vu autant de personnes au même endroit au même moment. Il doit au moins avoir des centaines de personnes dans ce stade, me dis-je ! Impossible de tous les compter avec mes dix petits doigts. Le match commence, coup de pied de coin, comme dirait Jean-Michel, cafouillage dans la défense et but de Batique. Le stade est en liesse. Je vois une foule comme d'un seul homme exultait de joie, crier, chanter, sourire.
19ème minute, coup franc 35 mètres. En face, le grand Pagiluca. Ismaël s'élance et paf pleine lucarne. La foule, les joueurs deviennent hystérique. Je me souviens courir dans le petit espace entre les sièges et le parapet. Le reste du match, l'équipe tient bon. Ronaldo sort, remplacé par Recoba. Je suis triste de le voir quitter le terrain.
Strasbourg, au final, gagne 2-0 contre le très grand Inter Milan. Ce même Inter Milan qui gagna la compétition au final. L'espace d'une soirée, j'ai oublié ma mère à l'hôpital. L'espace d'une soirée, un gamin a été heureux, furieusement heureux.
La nuit, je n'ai pas pu dormir car je me disais "franchement, le football serait tellement mieux s'il y avait une super league où on s'assure que le RCS ne puisse pas battre l'Inter de Milan".
Allez vous faire enculer avec votre super league.
Tendrement,
Un gamin qui avait 9 ans un soir de novembre 1997.
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