Tu peux parfaitement, en tant que décideur, avoir une bonne gestion opérationnelle ET en avoir quelque chose à foutre de l'humain. J'irais même jusqu'à dire que l'un de va pas sans l'autre.
Et pourtant, c'est presque tout le temps le cas parce qu'on laisse complètement de côté l'humain. En fait, je pousserai le bouchon en ajoutant qu'une bonne gestion opérationnelle devrait
de facto englober un management plus humain parce que c'est le seul moyen de garder une masse salariale performante sur le long terme. Il ne s'agit pas de ne pas donner d'objectifs ou de brosser tout le monde dans le sens du poil, il s'agit juste d'arrêter de traiter les gens comme de la merde. Jusqu'à présent, mon meilleur poste a été dans la boîte qui a le plus exigé de moi. Grosse pression mais bon management. Ensuite on a fusionné : j'ai gagné plus avec moins d'objectifs à atteindre... mais surtout on bossait moins bien, parce qu'on avait un management complètement aberrant. Je suis parti écœuré au bout de trois ans après avoir vu mes collègues s'enfoncer dans la dépression ou le je-m'en-foutisme.
La norme aujourd'hui, ce n'est pas de traiter son employé comme un être humain, c'est de le traiter comme un outil, voire une perte sèche au bénéfice. On pressure les gens et quand ils cassent, on les remplace. Tout simplement ! Bonjour les usines à maladies professionnelles et chômeurs de longue durée ! Et c'est exactement ce qui se passe chaque fois qu'une grosse boîte ravage des studios rachetés pour gagner trois Francs six sous ou crunch ses dévs pour avancer une sortie de deux-trois mois. Et on s'en fout de savoir si on les perd après : on a fait le retour sur investissement ! Personne n'a l'air de piger que c'est une énorme fuite de compétences et d'expérience. Quelqu'un connaît un dév de plus de cinquante ans ? Pas un chef de projet, hein, juste un dév de jeu vidéo. A priori, ça n'existe pas, la plupart d'entre eux quittent le métier aux alentours de la trentaine...
Alors je sais qu'en France on a une vision biaisée des boites d'outsourcing (surtout à cause de nos opérateurs telecom qui font de la merde) mais dans la vraie vie, c'est pas ça. L'outsourcing s'est grandement professionalisé et quand c'est bien géré des deux côtés, ils produisent un boulot à minima égal à de l'interne (pour ce qui est du CS, QA et Loca pour prendre trois fonctions que je connais bien des deux côtés de la barrière, interne & BPO).
La vérité c'est que y a pas mal de postes qui sont en compétition mondiale et ce serait cool que les managers en prennent conscience et commencent à protéger les jobs de leurs employés en les formant à être compétitifs de sorte à ce que ces derniers ne se fassent pas virer au profit d'externes.
Pas complètement juste : en réalité la France est l'un des pays les plus productifs en monde, que ce soit dans l'industrie classique ou les secteurs high-tech. En gérant bien ses équipes, on peut sans problème concurrencer la différence de prix de main-d'œuvre, surtout que tu élimines d'emblée les coûts de transports quand t'as pas la moitié de la planète à traverser pour ramener sur ton site de vente ta crotte made in Covid. Faut arrêter de se stigmatiser : oui on a un système d'imposition caca, oui on a un coût du salarié supérieur à pas mal de pays, mais c'est pas pour autant que la concurrence est qualitative. C'est comme quand tu changes de prestataire en te focalisant uniquement sur le prix pour décider : à un moment tu regrettes forcément ton choix. Le truc, c'est que c'est plus facile de délocaliser l'usine à papa que de la moderniser : on voit tout de suite ce que ça donne sur la fameuse courbe. Travailler pour s'améliorer et trouver des solutions sur place, ça demande de l'imagination et des testicules, deux choses dont nombre de CEO sont totalement dépourvus, la première tout particulièrement.
Mon expérience entre une usine en France et la même usine une fois délocalisée en Bulgarie et en Roumanie, c'était 30% de pertes à la fabrication (contre moins de 5% en local, vachement écolo au passage). Non, les mecs payés avec des cacahuètes font pas toujours mieux : ils se paient sur les trucs tombés des camions, font le minimum syndical (même sans syndicat), viennent travailler ou pas et ne disposent pas toujours des compétences pratiques et théoriques adaptées à ce qu'on leur demande. On peut pas juste prendre des mecs d'un autre pays et leur mettre l'outil avec un manuel dans les mains. Les compétences locales dépendent aussi des systèmes éducatifs et la productivité d'une certaine forme d'industrialisation qui ne sort pas d'un nuage magique parce qu'on en a envie. Et l'Irlande, c'est clairement la zone.