Séparer le fond et la forme est tout le problème pour débattre de la cancel culture (et il est presque insoluble).
Les personnes qui s'en prennent à Rowlings ou autre sont convaincues qu'elle est transphobe (car pour elles "dénier l'identité" des trans revient à les détester voire vouloir les exterminer) et la question pour elles n'est pas matière à débat, la transphobie fait partie pour elles, avec le racisme et cie de la catégorie discours de haine justifiant par essence d'être réduit au silence.
Alors qu'il parait logique aux personnes moins extrêmes de prendre en compte les nuances d'un discours (et de considérer ce que dit effectivement tel ou telle accusée de ses opinions), pour les adeptes de la culture de l'annulation il serait tout aussi absurde de parler de transphobie (ou autre discours de haîne) nuancée qu'il peut l'être de parler de nazisme modéré. Quant à toute formule venant d'une cible visant à rappeler que ses opinions ne signifient pas qu'elle haïsse ou veuille du mal au groupe qu'on l'accuse d'attaquer, ou déniant le crime-pensée dont on l'accuse, c'est vu comme de l'argumentation de mauvaise foi ("je ne suis pas raciste mais").
Dès lors il est très difficile de s'attaquer à la cancel culture sans s'attaquer aussi à l'absolutisme des idéologies de ceux qui la promeuvent. On ne peut pas à la fois penser que les thèses actuellement dominantes sur le genre (ou le racisme systémique, ou la culture du viol, le privilège blanc ou tout autre concept woke) relèvent de vérités indiscutables et défendre ceux qui justement voudraient les discuter, voient ces concepts comme relevant d'idéologies méritant d'être critiquées comme toutes autres ou qui pensent nécessaire d'exprimer des nuances vis à vis des discours défendant ces concepts. Ou plutôt si on peut tout à fait être en désaccord avec une opinion mais souhaiter qu'elle puisse s'exprimer, seulement pour les wokies beaucoup des choses que le reste des mortels considère comme des opinions n'en sont pas mais des discours de haîne (ou au mieux des discours erronés et dangereux justifiant de rééduquer la personne qui les émet).
Le tout profitant naturellement en fin de course aux vrais racistes, transphobes etc... Toute expression de nuance sur certains sujets étant rejetée, un paquet de discours modérés se retrouvent mis au niveau des plus extrêmes au lieu que ces derniers soient particulièrement condamnés. Et un paquet de gens poussés hors des espaces mainstream pour leurs tendances à ne pas adhérer à 100% aux dogmes wokes finissent sur ceux où les discours réellement extrêmes ont droit de cité pour exprimer leurs sentiments anti-SJW, et finissent par réellement s'y convertir aux discours haineux. C'est le pire aspect de la culture voir des racistes (ou autre truc du style) partout, elle est largement une prophétie auto-réalisatrice, et qui n'est pas pour rien dans le vrai regain de force de la vraie extrême-droite.
Dernière modification par Twan ; 19/07/2020 à 14h32.
|