Convention citoyenne pour le climat : impartialité, pertinence/efficacité, acceptabilité, promesses

Répondre
Partager Rechercher
Je lance donc le sujet sur la CCC, suite aux annonces du président qu'il reprenait à son compte les propositions de la CCC, sauf quelques unes, nous y reviendrons.

Je lance donc 4 thèmes en essayant d'être synthétique..
1 - Impartialité: comment a été constituée et formée la CCC ?
Par tirage au sort, mais les personnes qui répondent au téléphone ont le choix de refuser de participer. Ceci induit un biais qui est une première critique que l'on peut lire : le fait de répondre oui à la question "êtes vous prêts à investir une grosse partie de votre temps libre (des weekends de trois jours entiers sur plusieurs mois) pour réfléchir à des mesures écologiques?" induit un biais qui favorise les personnes qui étaient déjà militantes écologistes.

Seconde critique sur ce point, si on prend des gens novices dans le domaine, qu'on les fait former par des experts.. ils diront comme les experts. Donc la CCC est aussi impartiale que les experts.
Sur ce comité : https://fr.wikipedia.org/wiki/Conven...de_gouvernance
Parmi l'encadrement de cette CCC on trouve donc par exemple Cyril Dion, cofondateur de l'association "colibris", connue pour inciter chacun à "faire sa part" (le colibrisme) et être en faveur de techniques antiscientifiques comme la "biodynamie".
Je ne creuse pas plus loin sur la recherche des antécédents des différents membres, il y en a trop.
Sur les experts :

Citation :
A l’inverse, le chercheur Dimitri Courant, doctorant en science politique à l’université de Lausanne et à Paris-VIII, s’interroge sur l’encadrement des experts, qui lui paraît moins égalitaire et impartial que dans les autres délibérations citoyennes qu’il a observées à l’étranger (par exemple en Irlande et en Suisse). « Certains experts ont eu beaucoup moins de temps de parole que d’autres, le groupe d’appui a eu un accès illimité aux citoyens et leur a même parfois suggéré la rédaction de certaines propositions, assure-t-il. Le comité de gouvernance, qui a à la fois organisé les débats et proposé des noms d’experts, avait travaillé avec certains d’entre eux. »
A l'inverse, on a auditionné des "experts" comme Priscillia Ludosky, figure du mouvement gilets jaune, et si je continue de regarder les experts consultés dans le groupe "se déplacer" aucun expert n'a été consulté ni sur le domaine ferroviaire, ni sur le domaine aérien, ni sur le domaine maritime. C'est tout de même curieux de n'auditionner aucun expert venant de ces domaines là, et de se limiter à des personnes provenant de la sphère publique (l'État) ou para-publique.


2 - Pertinence, et l'efficacité :
Si on regarde le rapport final, rien ne concerne le nucléaire (le mot n'apparait qu'une fois dans tout le rapport, sans proposition particulière, mais associé au mot "sortie du nucléaire")
Au contraire, le rapport promeut plutôt les énergies renouvelables.
Or on sait ce que donne un mix énergétique sans nucléaire (et surtout si on élit EELV comme dimanche, c'est ce qui nous pend au nez..) un mix à l'Allemande 10 fois plus émetteur que le notre. Le chiffre allemand de quasi 500g CO2/kWh amène le train à polluer presque autant que l'avion (en émissions directes) voire légèrement plus (prenez les chiffres wikipedia, multipliez les par 10, vous obtenez 60g/passager.km + la construction des infrastructures et 40g + la construction des infrastructures, pour un tgv réseau et duplex respectivement, l'avion est entre 55 et 70g)

Pour parler plus spécifiquement du domaine que je connais bien :
- Eco contribution kilométrique renforcée sur l'aérien : cela va inciter les passagers français qui vont à l'étranger en Europe, sur des distances de plus de 2000km, à faire un vol de moins de 2000km taxé à 30€, vers un hub étranger, où la taxe n'existera pas, au lieu de faire un seul vol de plus de 2000km taxé à hauteur de 60€. Pour les passagers allant sur des destinations long courrier, cela les incitera à choisir une compagnie étrangère, notamment Lufthansa, ou British Airways, comme ça ils ne paieront que la taxe de 30€ et pas la taxe de 60€..
Bref, pour ces passagers (une grosse partie des passagers) l'impact carbone sera négatif (faire deux vols au lieu d'un sur une distance européenne amène à polluer plus), et pour le secteur, cela revient à faire préférer aux passagers les compagnies étrangères, donc défavoriser nos emplois. Ca ne me parait donc ni efficace ni pertinent. N'importe quel consultant du secteur aurait pu le leur dire, mais il n'en a été consulté aucun.
- Supprimer les vols intérieurs sur les destinations où le train met moins de 4h : la SNCF peut-elle vraiment supporter une telle augmentation de trafic ? Si on supprime Paris Bordeaux, Paris Marseille, Paris Lyon.. il y a tellement de fréquences sur ces lignes que la SNCF devrait racheter des TGV pour faire face à la demande. Elle se retrouverait de plus en position de monopole, donc augmentation des tarifs, gros pouvoir de nuisance en cas de grève, et en cas de problème quelconque (tarif, grève, indisponibilité, ou n'importe quel point bloquant) les voyageurs devront prendre leur voiture. Or la voiture pollue plus que l'avion.. (6.3L/100 en moyenne pour le parc français vs 2.5 à 3L/100 pour l'avion). De plus, de nombreux clients verront leur usage rendu impossible : l'aller retour journée.
- Interdire la construction de nouveaux aéroports et l'extension des aéroports existants : les infrastructures aéroportuaires sont déjà surdimensionnées, sauf à quelques exceptions près... Cela vise à éviter la croissance du trafic français, mais n'empêche nullement les voyageurs français de continuer à le faire via des hubs étrangers, si jamais la croissance du secteur à l'échelle mondiale venait à continuer (ce qui est peu probable dans l'immédiat..)
- Taxer davantage le carburant pour l'aviation de loisir : c'est une mesure tout à fait symbolique vu la quantité microscopique que cela représente.. Il y a environ 40 000 pilotes privés pour 40 millions d'automobiliste, l'activité moyenne d'un pilote privé consomme environ 40% de celle d'un automobiliste moyen, donc l'efficacité de cette mesure, si on supprimait 100% de l'aviation de loisir, serait de grosso modo 0.4 millièmes ou 0.04% de la consommation automobile du pays (elle même représentant environ 10% des émissions, donc 0.004% des émissions du pays)
Cette mesure est donc purement symbolique et vu que la quantité de mesure était limitée, à peu près n'importe quoi d'autre aurait été plus pertinent
- Promouvoir l'idée du éco contribution européenne : c'est l'échelle minimale pour taxer le secteur, c'est donc l'idée la plus pertinente du lot
Il y en a deux autres mais j'ai déjà été assez long
Aucune mesure technique qui permettrait de réduire l'empreinte carbone du secteur hors décroissance.. Par exemple, cette étude explique comment réduire de plusieurs dizaines de % (environ 40%) l'impact total du transport aérien, simplement en déroutant les vols de manière à éviter les zones météo propices à la formation de trainées de condensation. Une autre méthode moins optimale mais beaucoup simple consisterait à réduire l'altitude de vol (en dessous de la tropopause), augmentant la consommation mais réduisant l'impact climat plus que la consommation ne serait augmentée.

Est-ce qu'un chiffrage plus complet a été effectué, éventuellement mesure par mesure, avec la somme, afin de vérifier qu'elle atteint au moins son objectif, dans la théorie ?

3 - Acceptabilité : on a vu que la mesure la plus médiatisée, le 110 km/h, a été refusée.
La CCC rejette l'idée d'un référendum sur leurs mesures. C'est un comble ! Une assemblée tirée au sort est censée représenter directement le peuple, et aussi ne pas valoir mieux que le peuple, ils n'ont pas été élu, et donc n'ont pas de pouvoir de représentation particulier. Donc pourquoi rejeter un référendum ?
Si les citoyens prenaient la mesure de l'ampleur des changements à venir, voteraient-ils pour ? Rien que la mesure sur l'isolation des logements, qui pourrait renchérir tous les achats avec une rentabilité économique entre 30 et 50 ans.. (D'ailleurs, la mauvaise rentabilité économique des travaux d'isolation fait craindre une mauvaise rentabilité climat des travaux. Faire des travaux, ça pollue. Donc CF le point 2.)
Le refus du referendum par les 150 indique qu'ils craignent que non.

4 - Promesses : E. Macron s'est fixé trois jokers.
Comme on l'a vu, le 110.
Mais aussi la taxation des dividendes.
La réécriture du préambule de la constitution, plaçant l'environnement en premier.

Mais il se pourrait qu'il en ait d'autres.. Nommément :
Il n'obligerait pas forcément la rénovation des passoires thermiques.
Il n'interdirait pas forcément les vols faisables en moins de 4h en train, pour ne pas trop défavoriser les territoires.
Il ne créerait pas le crime d'écocide.
Ils ne remettrait pas en cause l'accord de libre échange CETA

Au final, on peut se demander si la promesse de Macron de tout intégrer dans la loi, au regard de divers éléments dont sa personnalité, son envie de se faire réélire, l'efficacité réelle des mesures par rapport à leur cout, etc.. sera tenue.

En guise de conclusion, je note que cette CCC s'est jetée sur la voie de la décroissance, mais rien sur la résilience.
Elle donne l'impression de se jeter sur des mesures qui étaient peut-être déjà présentes dans les tiroirs de l'État, qui ont été ressorties par les experts de la sphère publique et parapublique qui ont été sollicités.
Message supprimé par son auteur.
Citation :
Publié par Egelby tout gentil
Ca porte un nom ce joujou : une diversion.
Ca occupe l'espace médiatique, ça amuse les journalistes, ça évite de parler du reste.
Si ça passe dans la loi, comme Macron l'a annoncé, ça aura l'air d'autre chose que d'une diversion.
Ca veut dire qu'en 2024 le marché de l'immobilier va prendre un petit coup, puisque chaque vente immobilière (ou beaucoup d'entre elles) devra s'accompagner de milliers d'euros de travaux obligatoires. Et ça c'est rien qu'une mesure, y en a 150 autres. Ca en fait tellement que j'ai même pas pu tout regarder.
Message supprimé par son auteur.
Je m'étonne toujours que cette convention citoyenne continue d'avoir tant d'autorité et d'influence...

Ils ont monté une association et font pression directement sur Matignon pour obtenir un maximum de mesures au plus vite.


Répétons-le :

- les citoyens ont été tirés au sort mais dans un sous-ensemble basé sur le volontariat, ce qui biaise la représentativité du corps social

- le processus tout entier est mal conçu, des sujets très nombreux ont été abordés avec peu d'auditions pour chaque, au lieu de l'inverse (très peu de sujets et beaucoup d'auditions)

- les garants du débat étaient des militants adeptes de pseudo sciences comme Dion ou des hauts fonctionnaires de gauche comme Tubiana, alors que le contradictoire exigeait d'y faire figurer des experts critiques sur les politiques vertes et que la transparence demandait d'exposer publiquement des divergences

- les 3 sujets essentiels - la fiscalité carbone (en général, pas sur tel ou tel secteur), les technologies bas-carbone (et la résilience), l'Europe et la mondialisation - sont évacués, il ne reste qu'une myriade de mesurettes bureaucratiques et punitives dont l'analyse coût-bénéfice est inconnue

- cette convention aurait dû déboucher sur un référendum, non la tambouille usuelle des négociations en coulisses.

Heureusement l'exécutif fait du en même temps et détricote peu à peu l'ensemble.

Dernière modification par Eden Paradise ; 01/10/2020 à 11h20.
Répondre

Connectés sur ce fil

 
1 connecté (0 membre et 1 invité) Afficher la liste détaillée des connectés