Sur le plan de la correspondance acteurs/personnages, il est évident pour moi que la série a immensément perdu de son intérêt avec la mort de Tywin Lannister. Je pense même que c'est là le début de la glissade sans fin vers la médiocrité. D'ailleurs même sa mort est vraiment mal écrite (le coup de le faire coucher avec Shae, quelle facilité...). Du coup, ça correspond effectivement à la fin de la saison 4
. On mettra dans les mentions très honorables Lady Olenna et Oberyn Martell, là aussi portés par 2 vrais acteurs.
Il faut comprendre qu'en première approche pour un amateur HF/SF, GOT/ASOIAF ne vaut pas pour la qualité de son univers (contrairement à Tolkien par exemple) mais par le fait que c'est un récit émotionnel. Et que, du coup, tant qu'on reste dans ce registre là, le média audiovisuel est plus performant que le média littéraire. Les 4 premières saisons de GOT sont exactement le reflet de cela : on s'attache à tel ou tel personnage on le comprend comme important dans l'histoire et PAF il meurt. Et finalement le monde arrive à continuer sans lui. Les exemples sont légion : les morts de Robb, Stannis, Renly, Joffrey ou Oberyn n'ont finalement aucun impact sur l'histoire : qui que ce fût sur le trône, il aurait été balayé par Daenerys et ses dragons - c'est ce que nous apprend le dénouement final. Même les Marcheurs Blancs, menace constante sur la série, n'ont finalement pas eu d'impact sur le résultat final. On apprécie le voyage avec ces personnages, on s'attache à eux et du coup, on s'implique fortement émotionnellement dans le récit.
Mais, une fois ceci dit, quand il s'agit de conclure le travail, c'est là où on voit que le support de l'univers créé apparait défaillant. Le matériau est mauvais et manquant : au vu de ce qui structure le monde de GOT, à quoi peut-on s'attendre d'autre que de voir Daeneys gagner la victoire temporelle et Bran la victoire spirituelle ? Ce sont les 2 seuls personnages qui sont connectés à la magie du monde - celle des Valyriens pour Daenerys, celle des Enfants de la Forêt pour Bran. Tous les autres personnages sont des pacotilles, y compris malheureusement Melissandre dont la magie aura finalement eu que très peu d'impact au global (allez ça a permis à Jon de rez pour qu'il puisse tuer Daenerys). Et, du coup, tant que GRRM ne finit pas lui-même son travail d'écriture, il est difficile de juger complètement GOT : est-ce que ce dénouement pourri est lié au fait que le média télévisuel/cinématographique n'a pas le pouvoir du média littéraire quand il s'agit d'enjeux plus complexes (et donc n'a pas su écrire un monde intéressant dans la continuité de celui esquissé par GRRM) ou est-ce qu'il est lié au fait que l'univers créé par GRRM est en fait intrinsèquement de faible qualité ? J'oserais dire qu'il y a probablement des deux en l'état actuel des choses (mais on verra si GRRM arrive à finir ses livres ce qu'il en sera réellement).
Pour faire un énième parallèle avec Tolkien et PJ, c'est exactement cela qu'il se passe. J'ai toujours soutenu PJ de ne pas intégrer Tom Bombadil dans ses films, parce qu'en fait, sur le média cinématographique, on suit émotionnellement l'aventure de Frodon et l'univers passe au second plan. Pour narrer l'aventure de Frodon, Tom Bombadil est totalement inutile. Par contre, il est indispensable dans le livre, car il nous donne des éléments de contexte, de compréhension de l'univers de la Terre du Milieu, qu'on n'aurait pas autrement. Et c'est normal, vu que le livre, lui, va plus tirer sa force de la description de la Terre du Milieu et des mécaniques qui s'y jouent que finalement de l'histoire de Frodon. Ainsi, ça se retrouve dans Le Retour du Roi. De manière comparée aux 2 précédents volets, le film tombe un peu à plat, parce qu'une fois que les "gentils" ont gagné, on est soulagé, et ça s'arrête là. Le spectateur de cinéma est mis dans une position où il se fiche de ce que ce rééquilibrage des forces signifie pour la Terre du Milieu : il a crié, pleuré, haleté, dansé avec Frodon pendant tout le film, Frodon a accompli sa quête, ok on peut passer à la chose suivante. Dans le livre, on comprend au contraire que la victoire des "gentils" n'est qu'une étape, certes importante, mais qu'une étape dans l'histoire de la Terre du Milieu et que ce qui va être intéressant à suivre, c'est la reconfiguration qui s'ensuit (les elfes qui partent, les Hommes qui renaissent, les Hobbits qui gagnent de la considération, etc.).
C'est aussi pour ça qu'il est impossible de porter Dune autrement au cinéma que de se concentrer uniquement sur les aventures piou-piou de Paul Atreides qui bat les méchants Harkonnen avec l'appui des gentils Fremen, en mettant de côté tout le côté philosophique/politique de l’œuvre. Parce que ce qu'autorise le média littéraire, la description d'un monde complexe, n'est pas possible par un média audiovisuel. Mais s'il s'agit de raconter de l'émotionnel uniquement, un média audiovisuel le fera mieux qu'un livre : on pleure bien plus facilement à la fin d'un film que d'un livre.