Bin tiens, les chômeurs, c'est la classe moyenne. Les ouvriers qui produisent ton ordi c'est la classe moyenne. Et dans les pays du tiers monde c'est la classe moyenne la plus nombreuse...
Zappons gentiment la mention aux ouvriers qui ont fait mon ordinateur, on parle ici de la France et s'il fallait le préciser c'est chose faite...
"Les chômeurs c'est la classe moyenne" ... Ben, dans une majorité de cas, oui. Dans une majorité de cas, le chômeur vit sa situation comme un risque de déclassement (sous entendu qu'il risque de devenir pauvre) et cette "peur du déclassement est le corollaire d'une classe moyenne
réelle ou ressentie omniprésente. La partie en gras est la plus importante à mon avis, le point fondamental n'est pas de savoir dans quel centile une personne est classe populaire ou classe moyenne. L'important est de savoir qui se "ressent" classe moyenne. Et là, tu as une majorité écrasante de personnes qui ont gobé le discours de la fin de l'histoire et de l'inéluctabilité du capitalisme financier.
Du coup l'argument consistant à dire qu'il reste des pauvres est caduc dès le départ. Il en reste, mais ceux qui ne s'identifient pas "classe moyenne" sont trop peu nombreux pour conquérir le pouvoir, reléguant l'EG à une position de commentateur politique sans aucune possibilité d'action (donc permettant tous les excès en paroles), jeu auquel excelle Mélenchon par exemple.
La seule explication du manque de crédit électoral de l'EG, c'est que c'est la seule partie de l'échiquier politique qui ne dise pas "votez pour moi et je vous arrangerai vos problèmes. "
L'Eg dit que c'est aux gens de prendre leur sort en main et de lutter, de résister. C'est la seule partie de l'échiquier politique qui ne soit pas électoraliste. Et quand les gens n'ont pas envie de se bagarrer, elle ne peut pas, par essence, faire de gros scores électoraux. Il faut la voir comme un thermomètre, l'élection, pas comme une fin en soit.
Déjà, si tu fais de la politique pour promouvoir des idées sans jamais avoir pour objectif de les appliquer une fois arrivé au pouvoir, tu fais de la philosophie. C'est noble et tout à fait respectable, mais on ne parle plus de la même chose. Philosophiquement je suis un collectiviste borderline anarchiste. Concrètement je me fais cracher dessus quand j'ose dire que je suis de gauche
L'idéal peut-être une finalité, mais si tu n'as d'idées sur la façon de t'y rendre autre que gueuler sur "ces cons qui succombent à l'électoralisme (j'aurais dit clientélisme, mais passons)" tu cours le risque de rester figé à vie dans une posture de commentateur d'opposition à la vie politique, jamais en acteur. C'est peut-être un choix délibéré, mais c'est à mon avis le choix de la facilité que de refuser de quitter le monde des idées pour la réalité concrète.
Ensuite, tu avances que l'EG n'est pas clientéliste... On pourrait pinailler sur ce point mais d'autres le feront surement... J'ai juste envie de te répondre "et alors" ? Vous êtes une force politique. Votre but est de séduire des gens pour qu'ils vous donnent les clefs de la boutique. Si les gens attendent du clientélisme et que vous refusez de leur donner sans leur donner assez de raisons de ce refus vous vous faites bananer à chaque élection. Tout ça pourquoi ? Pour être droit dans vos bottes avec vos valeurs pendant que le reste du monde vous oublie ? C'est ça ton désir d'avenir, être le capitaine du Titanic en train de sombrer dans l'oubli ? (Je m'excuse pour la double vanne politique, ça m'a fait marrer sur le coup
)
Maintenant les gens qui font la leçon à l'EG oublient facilement que nous sommes les seuls à n'avoir voté ni Sarkozy, ni Hollande, ni Chirac. Et évidemment encore moins Le Pen. Nous pouvons être fiers d'être les seuls à avoir toujours dit que ce n'était pas la fin de l'historie en 1990, après la chute du mur, quand tout le monde prétendait le contraire. Nous sommes les seuls à dénoncer le sort ignoble des réfugiés et à le mettre en parallèle avec les bombardements de la France en Syrie. Nous sommes aussi les seuls à dire qu'au-delà de la loi Travail, c'est toute la politique pro-patronale contre laquelle il faudra lutter. Et nous sommes les seuls à dire qu'il "n'y a pas de sauveur suprême". Depuis mon éveil politique, les faits, de manière têtue, nous donnent systématiquement raison, et nous nous enfonçons, chaque jour un peu plus, dans le marasme et la barbarie.
"ni", "ni", "ni", "ni", "dénoncer", "lutter" ... Okay, tu es un serial opposant. C'est bien, mais concrètement, c'est quoi l'alternative que tu proposes ? Décider de ne rien décider, c'est accepter de fait que les autres décident pour toi (parce qu'à ne dire que "ni, ni" tu as la position confortable du mec prêt à venir donner des leçons sur ces cons qui ont choisi une voie alors qu'il valait mieux décider de ne rien décider...) Tu comprendras que dans un contexte politique ça ne mène à rien...
Si je fais un pavé pour te répondre, c'est que je suis très régulièrement frustré de voir l'EG s'enfoncer dans le passé avec la satisfaction de vivre avec les valeurs d'avant la chute du mur... Sauf que le mur est tombé il y a 27 ans. Vous auriez des coups à jouer sur l'établissement des communs, sur les précaires du web, sur la propriété intellectuelle, sur l'organisation des travailleurs de la gig economy, sur la défense de ceux qui sont en droite ligne de la mondialisation... Mais vous préférez être droit dans vos bottes et sombrer petit à petit. C'est moche.