...j'aimerais savoir comment les personnes domiciliées fiscalement en France peuvent passer à travers les mailles de l'administration fiscale alors même qu'il y a une convention fiscale entre la France et le Panama et que cet État n'est pas considéré comme un ETNC.
Pour te répondre précisément, il faudrait plus qu'un message sur l'Agora. Je vais essayer de faire une réponse qui, à défaut d'être précise et exhaustive, permettra d'aborder différents aspects.
Déjà, il faut comprendre qu'une convention fiscale fixe avant tout des règles relatives à la territorialité de l'impôt, c'est-à-dire la manière dont on définit les revenus ou part de revenus qui peuvent être taxés dans un Etat plutôt que dans un autre. Il faut aussi préciser que les dispositions des conventions fiscales sont, dans la plupart des pays, des dispositions qui n'ont pas d'autonomie propre au regard du droit fiscal de chaque Etat... donc il n'est pas possible de prendre une convention et de dire qu'elle s'applique telle qu'elle sans égard pour les pratiques fiscales et administratives internes des Etats.
Donc ce n'est pas parce que l'article 24 de la Convention du 30 juin 2011 conclue entre la France et le Panama prévoit un échange de renseignements entre les administrations fiscales des deux Etats que le Panama va être en mesure de fournir des informations qu'il ne collecte pas par ailleurs. Aussi, puisque le Panama n'a pas de registre du commerce et des sociétés (RCS) ou de registre équivalent recensant les sociétés immatriculées sur son territoire, le Panama ne pourra tout simplement jamais répondre favorablement à une demande des autorités fiscales françaises tendant à avoir la liste des sociétés ayant telle personne pour associé ou telle personne pour dirigeant. Pour que les autorités panaméennes puissent agir il faut déjà identifier précisément la société offshore et le cabinet d'avocat qui l'a enregistrée.
Par ailleurs, une convention fiscale n'est pas susceptible d'être invoquée devant des parties privées pour les forcer à communiquer des informations dont elles seraient par ailleurs dépositaires. C'est particulièrement le cas des cabinets d'avocats spécialisés dans les constructions offshore : jamais ils ne répondront favorablement à une demande fondée sur une convention fiscale.
Enfin, toujours à propos des conventions fiscales, elles ne sont pas en elles-mêmes pourvoyeuses d'information. Donc ce n'est pas parce qu'un Etat a signé une convention fiscale qu'il sera en mesure de taxer demain des revenus et/ou du capital dont il ignore l'existence.
Dès lors, tu as certainement compris que la convention fiscale conclue entre la France et le Panama n'est d'aucune utilité (ou presque) puisque le principe des sociétés offshore situées au Panama est justement d'être invisibles (pas de RCS). Comment l'administration fiscale française pourrait demander des informations sur une société dont elle ignore l'existence ou pour laquelle elle ne dispose que d'éléments épars permettant de suspecter l'existence ? C'est le cœur du problème, c'est aussi le cœur de la stratégie de ces montages fiscaux.
Il faut aussi regarder du côté des revenus générés par ces sociétés et/ou du capital localisé dans ces sociétés. Là encore, si les sociétés sont inconnues des autorités administratives et fiscales, il faut aussi reconnaître que les revenus et/ou capital sont aussi inconnus (la plupart du temps). Certes, au détours de quelques opérations, des maladresses vont être commises et permettre de voir, par exemple, que les Balkany vont toujours en vacances dans une superbe villa qui semble leur être réservée et qui appartient à une société panaméenne (ou autre) dont un tiers improbable assure la direction. Mais pour remonter jusqu'aux Balkany eux-mêmes, l'Etat français peut-être très démuni si les Etats qui abritent la ou les sociétés qui détiennent la villa ne collaborent pas et/ou ne peuvent pas collaborer par le truchement de leur réglementation interne.
Dernier point, si les autorités fiscales françaises n'agissent pas ou buttent régulièrement c'est aussi parce que l'argent qui alimentent ces sociétés offshore ne vient pas nécessairement du territoire français. Il n'y a pas de virement depuis un compte du CIC à Limoges vers une société panaméenne. Cela n'arrive jamais. En pratique, les sociétés offshore s'alimentent en revenus ne provenant pas directement de France... et lorsqu'elles font des opérations, ce n'est que très rarement vers des Etats comme la France.
Ce que l'on trouve au Panama, on peut le trouver sous d'autres formes dans d'autres Etats. Plutôt que de rendre invisibles des sociétés créées sur leur territoire, d'autres Etats ont opté pour d'autres dispositifs tout aussi redoutables pour se cacher ou pour cacher des avoirs, des actifs et/ou des opérations. La fiducie, par exemple, permet d'affecter du patrimoine à un tiers de complaisance qui officiellement devient le propriétaire du patrimoine qui lui est affecté. Autre exemple, le secret bancaire permet de cacher les comptes bancaires et leurs détenteurs à défaut de cacher les sociétés. Encore un autre exemple, d'autres Etats sont tellement gangrenés par la corruption qu'il est possible d'y acheter des actes juridiques fictifs parfaitement opposables aux autorités fiscales de nos pays. La liste est infinie et il est possible de tirer profit de simples différences de législations entre les Etats sans jamais être dans l'illégalité.
Pour conclure ce message, il faut se garder d'imaginer des solutions simples... Lorsque la Suisse fait des efforts pour amoindrir les effets de son secret bancaire, elle met les bouchées double pour renforcer l'efficacité de ses fiduciaires.