Tout est pathétique dans cette histoire.
Pathétique pour David Cameron d'avoir l'outrecuidance de faire un énième chantage alors que le Royaume-Uni dispose déjà d'une position tout à fait singulière dans l'UE.
Pathétique pour les autres dirigeants européens de ne pas avoir le courage de dire que cela suffit.
Pathétique d'avoir conduit l'UE dans une forme d'institution de marché, éloignée des peuples, éloignée de toutes les aspirations sociales, éloignée de toute perspective politique, éloignée même de l'idée d'une juste légitimité démocratique... tout cela pour satisfaire ceux-là même qui s'en plaignent le plus : les britanniques.
Pour ma part, je ne sais pas s'il est préférable ou non pour l'UE que les britanniques restent ou partent. Je ne sais pas non plus s'il est préférable ou non pour les britanniques de rester ou de partir de l'UE. J'ai du mal à avoir une opinion tranchée tant les facteurs à prendre en compte sont nombreux.
Je sais, en revanche, que je ne pleurerai pas leur choix si celui-ci conduisait le Royaume-Uni à prendre le large. Je sais aussi que l'UE restera plus que jamais non politique, non fédérale, aussi inaboutie et aussi imparfaite si les britanniques désiraient rester dans l'UE. Et surtout, je suis sûr d'une chose : quelque soit le résultat du référendum de juin prochain, si le Royaume-Uni a de meilleurs résultats économiques que le reste des Etats membres et en particulier des Etats de la zone euro, alors d'une part cela légitimera la pertinence du choix des britanniques de ne pas être d'honnêtes partenaires de la construction européenne, et, d'autre part cela confirmera qu'il est préférable de jouer chacun pour soi et qu'au mieux la construction européenne ne pourra rester qu'une compétition entre Etats membres.
Regardons les choses en face : les souverainistes, les néo-conservateurs, les mouvements d'extrême-droite et dans une moindre mesure d'extrême-gauche sont en train de monter en puissance dans la plupart des Etats membres. Ils fondent le cœur même de leur argumentaire pour accéder au pouvoir sur l'idée que l'UE nuit aux intérêts de leur pays et de la population. Tout est prétexte pour accabler l'UE, ses vrais torts, comme les plus infondés. La crise des réfugiés est présumée être de la faute de l'UE, mais on oublie de dire que l'UE n'a aucune compétence en la matière et que les Etats membres ont toujours voulu être les seuls maîtres sur ce sujet... La crise grecque est de la faute de l'UE, mais on oublie de dire que l'UE n'a jamais eu la moindre capacité de contrôle des budgets des Etats membres et que les Etats membres n'ont jamais entendu que l'UE dispose d'une autonomie fiscale et budgétaire à même de compenser les écarts dans les balances de paiement des différents Etats. L'UE, et plus particulièrement la Commission européenne, n'est pas assez démocratique, mais ce sont les Etats membres qui soit au travers du Conseil des ministres, soit au travers du Conseil européen, ont toujours tenu les rênes de la politique européenne.
Face à tant de tartuferie chez ceux qui se disent européens ou pour une autre Europe ou pour un plan B en prêchant le faux pour asseoir une bien peu méritée légitimité politique, plus aucun politique ne se risque à prendre la défense de l'UE, plus aucun politique ne porte un quelconque projet européen.
Le plus dur pour moi, c'est que la construction européenne est à peu près le seul projet politique qui me semble essentiel si on le regarde sur le long terme... Et là, j'ai peine à voir comment il pourrait être remis sur des rails dans un futur proche.
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