Altdorf

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La pièce était bondée, les serveuses aspergeaient les tablées entières en déposant les plateaux chargés de cornes de bière...

Aux éclats de l'assistance se mêlaient les rires d'une bande de nains ivres recouverts des pieds à la tête de peintures de guerre, quasi-nus dont les pagnes marquaient une trace évidente de virilité. Le plus fort d'entre eux, qui braillait en couvrant la voix du barde, faisait voler trois chopines pleines et une hachette en os sertie de rubis au dessus de sa tête dans un jeu que seuls les nains fêtant la victoire connaissent.

-" J'éviterai ceux la si j'étais toi, belle pièce que cette hache mais elle te coûterait la vie. Vises moi ceux attablés à la table de ces catins tapageuses,la belle Rony et les z'autres elles viennent de leur faire commander le meilleur vin de la cave, un ..."

-"...Bordeleaux, j'ai entendu la vieille Pam gueuler la commande à ses ouailles tout à l'heure." Sedric disait vrai et faux à la fois, le vin du sud-ouest de Bretonnie arrivait bien à la table mais il allait désaltérer des soiffards aux goûts de luxe qui se ruineront à le payer.

Les yeux de l'elfe étaient attirés tantôt par les miroitements du rubis dans la lumière tantôt par les tours du magicien que Pam l'aubergiste avait déniché. Monté sur la scène réservée habituellement à l'orchestre, un vieux Lashieki drapé dans une robe étoilée argentée faisait jaillir des étincelles en claquant des mains, elles devenaient de plus en plus grosses au fur et à mesure de ses incantations, il agitait les jambes dans une gigue instable et l'assistance bondée appréhendai à chaque mouvement de le recevoir en contrebas. Lorsque les carafes de vin arrivèrent enfin à la table des deux elfes, les cris jaillirent des jeunes donzelles ivres de la salle commune : le magicien propulsait des oisillons de ses mains jointes dans un scintillement qui emplit la pièce de chaleur et de volatiles.

-" Les théogonistes ont encore vidé les geôles?" questionna Sedric. "Volkmar autorise de genre d'effusion de magie maintenant?"

La pensée des geôles profondes de l'école de magie flamboyante fut interrompue par l'atterrissage d'un oiseau sur l'épaule de l'elfe. Les "guerriers-fantômes", tels qu'on les surnommait, savaient se fondre parfaitement dans la nature afin de se dissimuler du regard des patrouilleurs ennemis, leur frusques abritaient souvent toutes sortes d'animaux selon les railleries de taverne! Une pichenette et il prit son envol pour atterrir un étage plus bas sur la hampe de la hallebarde d'un des hommes de la garde de la cité en charge de la surveillance de l'auberge de la Pomme, accoudé au comptoir.
Décret de l'Empereur, chaque lieu servant de l'alcool devait être sous surveillance de factionnaires censés éviter les débordements des troupes. Aucune échauffourée armée n'était tolérée sous peine de galère, les quais étaient remplis de navires en partance pour les nombreuses guerres et les rues pleines de ramassis d'ivrognes aux visages tuméfiés.

Le Comptoir de la Pomme était au départ un hangar à fûts dans lequel vous rentriez en descendant, en son centre se tenait une salle pour une cinquantaine de places assises et à l'étage une mezzanine ou étaient attablés une vingtaines de privilégiés payant plus chers pour des places confortables. Ce jour de liesse avait vu toutes les tables pleines et les allées encombrées de soiffards en faction, l'étage était bondé également de marchands fortunés se tassant les uns sur les autres. A l'annonce d'une tournée générale offerte par un chevalier fraîchement anobli, ce fût la stupeur dans toute l'entrepôt. Le barde entonna une chanson dédiée à la cité de Couronnes, et le brouhaha repartit de plus belle.

-" J'ai trouvé mon homme."


Les ruelles sombres des bas-fonds, l'odeur des égouts, les bruits obscurs...
Il fallait bien un cortège de cinq molosses aux rapières aussi scintillantes que de l'acier Kislevite pour éloigner les rats de la chevalerie. Le Lord Bernardt s'étant fait un devoir de se saouler jusqu'au matin venu, il était désormais soutenu par deux filles de joie, dont Rony qui n'allait pas tarder à passer à l'action.
L'elfe était tapis dans l'ombre des ruelle avoisinantes, entre les mendiants et les immondices, loin de son douillet nid de l'allée des Seigneurs. Un gamin tituba vers lui en se tenant le ventre, une margnioufle l'éloigna. La brume matinale allait lui permettre de passer à l'action plus discrètement pour sûr, il mit le sachet au bout de la flèche et le fixa solidement avec du fil d'étain. En longeant les murs il assurait maintenant chaque pas comme s'il marchait dans une forêt de brindilles sèches, il était à portée d'écoute...

-" Faut pas rester là, votre seigneurie sait que les rues près des ports sont à éviter, vot' père à donné des ordres..."

-"C'est que le beau soldat y parle comme une nourrice messire Bernardt, venez plutôt par ici...

-"Suffit... catin! J' t'ai payé, pas pour l'ouvrir comme l'autre chanteur à sortir des brailleries d'Haïlfling... Viens donc petite... mais qu'est-ce donc que ce sifflement?"

La déflagration produit un son étouffé mais envoya valser tout le monde au sol sauf une des filles de joie qui chancelait à moitié recroquevillée, un genou au sol. De la fumée bleuâtre s'évaporait en tourbillonnant, les mercenaires étaient éparpillés dans la ruelle, giseant dans sa propre urine, le Lord se réveilla en vomissant sur la deuxième fille de joie étalée sur lui.

-" Rony, c'est comme ça que tu te fais appeler maintenant? Tu peux prendre ton apparence normale, ce jeune preux devra affronter pire que de te voir mourir sous ta vraie forme."

Les membres supérieurs de l'humaine se disloquèrent dans un craquement sec pour prendre une forme démoniaque dans une posture asymétrique.
-"Je t'avais senti dans l'auberge, Pam aurait du fermer sa grande gueule, je l'égorgerai dans la nuit après avoir offert ta tête en banquet à Slaneesh."

Une première flèche jaillit du toit voisin qui vint se loger en plein genou du démon, suivie d'une autre décochée par l'elfe, en plein oeil et restant logée dans le crâne.
La flèche spéciale que Sedric lui avait fournie fut tirée à bout portant, en plein coeur. La bête agonisante s'éteigna sans prononcer la fin de ses insultes démoniaques.
Sous les yeux médusés du lordaillon, la dépouille se consuma silencieusement en fumée violacée à l'odeur fétide. L'elfe récupéra sa flèche de couleur sombre et courût dans les ruelles des bas-fonds sans se retourner, il connaissait chaque accès solide aux toits avant le siège de la ville, pas depuis sa libération.

Après quelques minutes de course silencieuse il se retourna pour voir s'il était suivi, au loin quelque lampadaires aux halos jaunissant l'obscurité bleuie lui assurait qu'il était seul. Il siffla, écouta en haletant un air gelé au travers de sa capuche, quand il siffla à nouveau une réponse sur le toit au dessus de lui se fît entendre. Il grimpa le long de pierres pour atteindre le toit ou l'autre guerrier-fantôme avait trouvé refuge, en arrivant il déposa une énorme bourse de cuir sertie de pierres précieuses ainsi que la flèche ayant abattue la démonette.

-" Avec les compliments de messire Bernardt, transmet cela à la confrérie d'Altdorf de ma part, je dois partir dès aujourd'hui pour Marienburg, demande à Kash de faire appareiller "l'Anguille" au plus vite..."
-" Selon vos ordres messire Findolfin, j'enverrai vous chercher dès que le navire sera prêt"

Ils se séparèrent à l'ombre de la tour du collège de magie Flamboyante, le seul encore intact pour masquer le lever du soleil.
Le premier jour de la libération d'Altdorf et déjà la cité était menacée...
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