Désolé Sandro, sauf ton respect, je crois que tu connais très mal les populations dont tu parles.
Il y a énormément de familles dont l'objectif principal passées les angoisses du logement et des repas est bel et bien d'acquérir un écran plat full hd, ou une playstation 3.
J'exerce dans ce champ depuis quelques années maintenant, et ces gens là, je vis avec eux, depuis... toujours. Tu serais vraiment surpris de constater ce que voient les travailleurs sociaux, et davantage encore si tu avais le loisir de passer en revue les milliers d'enquêtes sociologiques sur la paupérisation moderne.
Le discours que tu tiens sur la pauvreté est un discours très politisé, très correct quand on défend une idée de la lutte contre la misère qui se veut honorable et donc parfaitement cohérente.
La réalité n'est pas cohérente.
S'il existe une misère dépourvue de tous ces artefacts, c'est celle qui est à la rue et qui ne dispose déjà plus des qualités d'être humain. Et effectivement, le jeu vidéo est un artefact absolument dépourvu de sens, comme peut l'être un micro onde, une voiture ou des "vacances".
Maintenant, sociologiquement parlant, le loisir du pauvre, depuis une vingtaine d'année, c'est bien le jeu vidéo. Loisir populaire par l'envergure de sa répartition, et loisir spécifiquement du pauvre dans les proportions qu'ils prend dans les milieux défavorisés. Et, quoi que vous en pensiez au regard de vos convictions, il ne s'agit pas seulement d'un facteur économique, car le jeu vidéo reste un loisir coûteux (et de plus en plus), mais également d'une très faible accessibilité (culturelle et symbolique) par rapport à d'autres biens de consommation de loisirs.
Statistiquement parlant, les pauvres ne vont pas au théâtre, vont très peu au cinéma, partent en vacances là où la solidarité familiale le leur permet, et de manière générale, ne fréquentent les établissements et équipements culturels et sportifs qu'en dilettante pendant les courtes périodes où leur rapprochement avec l'institution scolaire les y engage (voire les y oblige).
Les pauvres qui ont la chance de bénéficier d'un logement, d'un hébergement, disons donc, d'un abri stable, ceux là vont passer une grande partie de leur temps libre à l'intérieur même de ce foyer. Cette tendance n'est pas nouvelle, mais elle s'est accentuée avec la désertion (qui s'explique sociologiquement) des lieux publics.
Le jeu vidéo est à la fois accessible culturellement (il ne renvoie pas à des codes inadaptés) et financièrement (parce que malgré tout, les jeux qui se vendent le mieux chez les classes populaires, sont ceux qui possèdent une forte rejouabilité, un potentiel à maîtriser et la possibilité de partager/comparer son expérience et son niveau. L'investissement est donc fortement rentabilisé)
De même, comme tu le dis Sandro, c'est très fréquent qu'entre pauvres on achète des jeux pour des consoles qu'on n'a pas. On complète, on combine. Et le jeu vidéo a cette faculté d'être facilement échangeable.
De toute évidence, le petit bourgeois aura, s'il le désire sa console de jeu à noël, mais il faut bien comprendre que ce n'est pour lui qu'un jouet parmi d'autres, et qu'au devant de ces "gadgets" il y aura les vacances à l'étranger, le voyage linguistique, le séjour au ski, les cours de musique, les visites au musée, au théâtre, à l'opéra (en fonction du capital culturel de ses parents), l'achat d'une belle voiture, peut être une passion pour la plongée et ses équipements hors de prix, pour le cheval, le tir, et j'en passe...
Arrivé à 30 ans, je doute que ton petit bourgeois soit toujours "la population amatrice et consommatrice de jeux vidéos", en revanche, nos pauvres de 20 ans, 10 ans plus tard sont bien susceptibles d'être toujours joueurs, parce que c'est un moyen efficace de se faire plaisir (et je pense que je n'ai pas besoin de te trouver la quantité d'études qui montrent qu'il existe un rapport étroit entre l’interactivité (je donne, tu reçois, tu réponds, je réagis) et le plaisir, pour affirmer que le jeu vidéo est un loisir de substitution à tous les autres.
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