Un message intéressant, je suis d'ailleurs tout à fait d'accord sur le poids démographique de nos démocraties qui pèsent sur leur bonne santé. En désaccord par contre en ce qui concerne le consensus...
On peut effectivement prétendre que l'esprit du vote dans une démocratie estd'aboutir à une consensus : en allant voter, l'électeur admet que si l'élection est régulière, il en reconnaît les résultats et s'y soumet (même si cela ne lui enlève pas le droit de manifester son désaccord ou son mécontentement). Selon cet esprit, Sarkozy est le président de tous les français.
Pourtant il y a une nuance importante par rapport à un véritable consensus, un consensus est l'accord unanime d'un groupe, accord qui ne présuppose aucune forme de concertation aussi structurée qu'un vote. S'il y a un vote, c'est qu'il n'y a pas consensus, car il est nécessaire de peser alors le poids des opinions du groupe.
Après examen de quelques pages sur internet, je remarque d'ailleurs que consensus a bien le sens que je lui accorde : un accord quasi unanime parmi un groupe, accord tellement apparent qu'un vote n'est pas nécessaire. Toi, tu lui donnerais plutôt le sens d'un accord d'une (forte) majorité, après éventuellement un vote d'ailleurs, c'est un glissement de sens révélateur d'ailleurs par rapport à notre conception de la démocratie. Il me semble que derrière ce glissement se cachent deux pans de nos démocraties : la dictature de la majorité (un camp élu avec 53% qui va prendre des mesures sans aucune modération qui vont fortement mécontenter les 47%) et la dictature des minorités (le lobbying américain notamment pour prendre l'exemple le plus apparent).
Il faut aussi remarquer que le consensus n'est pas le compromis : un certain nombre de peuples ont cette culture politique du compromis et passent bien plus de temps que nous à arriver à certaines décisions (un exemple à notre voisinage immédiat : la Belgique et ses successions incessantes de gouvernement), mais cela n'implique pas pour autant qu'il y a consensus au niveau des décisions prises...
A titre personnel, je souhaite qu'on trouve une autre forme de gouvernance. On ne devrait pas considérer notre recherche à ce sujet comme achevée : avoir un gouvernement élu avec 45 à 49% de ses électeurs contre lui (cas courant dans toutes les élections à suffrage universel en Europe) ne me semble pas relever du consensus.
Je place beaucoup d'espoir dans les possibilités que l'électronique offrira d'ici quelques décennies, quand le sucesseur de l'internet sera un réseau où nous naviguerons avec nos identités, une extension de l'espace publique, si ce n'est physique. Bien sûr, j'en vois aussi les dangers, comme le montre les machines à voter actuelles...Et je vois aussi d'un mauvais oeil la puissance des sondages et du média télévisuel dans le débat public : au départ, ces choses-là n'existaient pas et je me demande si nos démocraties sont bien adaptées au temps-machine qui rythme nos sociétés. Attention, je ne prétends pas qu'il n'y avait pas de propagande, je pense que l'ère numérique a changé la donne à ce sujet, voilà tout.
En France on peut aussi noter à quel point le fonctionnement de nos élections nuit à la démocratie (législatives et présidentielle la même année, découpage des zones électorales style Pasqua puis ère Sarkozy, élections obscures type cantonales...modalités absurdes comme nos proportionnelles à deux tours...).
A mon sens, vous confondez la démocratie (en tant que régime politique) avec les droits fondamentaux et les libertés publiques. C'est-à-dire que vous confondez un régime politique avec la protection de vos droits face à l'acteur central de toute société : l'État.
Je ne vais pas entrer dans le détail d'une nouvelle argumentation, mais c'est sur ce point que j'admets qu'il puisse y avoir, à certains égards, un recul plus ou moins marqué sur le plan factuel (sur le plan juridique, presque tout va dans le sens du mieux). A contrario, c'est aussi sur ce point que l'on brode des faits divers dépareillés pour construire des argumentations politiques qui ne représentent rien du tout statistiquement, quand bien même chacun de ces faits divers reste grave et mérite une attention toute particulière.
Je vais laisser le fait qu'il y a bien un recul de nos droits face à l'état qui dépassent largement l'échelle du fait divers, et cela depuis le 11 septembre 2001; pour un autre sujet moi aussi.
Je crois au contraire qu'il n'y a pas de confusion entre le régime politique et ces droits fondamentaux, la démocratie est accolée à certains idéaux, selon les époques, et à notre époque, les droits de l'homme en sont un. Le modèle général de la démocratie athénienne par exemple est très différent de nos démocraties occidentales ; selon nos standards d'ailleurs, il ne s'agit pas d'une démocratie.
Quand on parle de démocratie en Europe occidentale, il est implicitement sous-entendu (et d'ailleurs il y a consensus sur le sujet
) qu'il s'agit d'une démocratie qui respecte les lois internationales et ce qu'on peut assimiler à une DDHC (juridiquement, toutes les démocraties européennes ont ratifié ou signé la CEDH). Idéalement, il doit y avoir séparation des pouvoirs (ce qui n'est pas le cas en France, en théorie ou en pratique). Ce sont des standards, de véritable pierres de touche, avec lesquelles on juge toute autre démocratie. Ainsi, un certain nombre de démocraties latines et asiatiques souffrent d'une corruption trop prononcée pour qu'on les juge à notre niveau, pourtant leurs élections remplissent ton critère.
Car comme tu l'affirmes, un prérequis pour parler de démocratie est la volonté ferme du régime en place d'avoir des élections régulières, au suffrage indirecte ou directe, mais à mon sens cela ne suffit pas : il faut aussi, au sens large, la liberté d'opinion, la liberté d'expression et un état de droit, qui, notamment, garantit certaines libertés et droits fondamentaux. A notre époque par exemple, le droit à la propriété intellectuelle est un droit extrêmement fort et cela se voit dans la manière dont est façonné notre économie. L'un des textes fondateurs de la charte de l'ONU (de 194x je crois) est d'ailleurs très parlant, on y lit très clairement la bataille capitaliste vs communisme.
Si on veut caricaturer d'ailleurs les plus grands chevaliers de la démocratie, une démocratie installée par les américains doit essentiellement respecter trois impératifs :
free press,
free business et
free elections (bien sûr, en pratique, ce n'est ni ce que veulent les américains, ni ce qu'ils obtiennent quand ils le veulent).
Notez qu'on peut aussi avoir des standards plus élevés, comme la séparation des pouvoirs. Personnellement je considère que parmi toutes les démocraties d'importance (exit donc les pays nordiques dont il y a d'ailleurs du mal à dire), seule l'Allemagne est recommendable, et toutes les autres, dont la France, faillissent de manière plus ou moins importante.