Les bras m'en tombent.
Pas vraiment la copie d'un article wikipédia ou d'un manuel d'histoire. Mais parce qu'il est particulièrement navrant de voir combien un anticommunisme qui sous-tend tout le propos parvient à déformer complètement des choses pourtant simples.
Et je suis obligé d'aller dans le détail pour montrer ce qui est tout simplement faux pour invalider l'ensemble.
Toutouyoutou, si tu me lis, je crois que je commence à approcher ta douleur de professeur d'Histoire. En même temps, si tu avais fait ton boulot...
Il y a effectivement des choses fausses.
La première tient aux attitudes du PCF entre 1940 et 1941. Comme je vais passer rapidement, je me permets de renvoyer à un manuel pour combler les lacunes de certains : AZEMA, Jean-Pierre.
De Munich à la libération, 1938-1944. Paris : Seuil, coll. Points NHFC, 2002 (1979).
L'auteur distinguait déjà - il y a trente ans... - une contradiction interne au PCF pendant cette période. Cette contradiction tient dans la tension entre deux attitudes au sein du Parti : l'attitude des dirigeants et des militants parisiens tenus par les premiers, et l'attitude de la province.
La première attitude est entre 1939 et 1940 celle qui règne au sein du PCF en général : ligne pacifiste (contre la "guerre impérialiste"), renvoi dos à dos de Berlin et Londres, atonie de l'antifascisme pourtant prégnant entre 1933 et 1939, etc. Cette ligne après 1940 est basée sur une revendication de l'indépendance de la France, une contestation virulente de Vichy et une dénonciation de l'occupation. Les termes de nazisme et d'antifascisme sont cependant absents de
L'Humanité pendant toute cette période. La ligne officielle tente donc de faire retrouver au PCF un écho dans la société et de maintenir tout à la fois une neutralité par rapport à l'Allemagne. C'est ouvertement la ligne de Moscou.
La deuxième ligne apparaît en province, où le Parti, désorganisé par la guerre, les départs et la clandestinité, ne parvient pas aussi bien à encadrer les militants. Des dirigeants locaux, dans la droite ligne de l'antifascisme montent dès juillet 1940 ce qu'il s'agit de qualifier de réseaux embryonnaires de résistance, avec une préparation d'emblée à la lutte armée (pratique souvent héritée de la guerre d'Espagne). Cette ligne est d'abord le fait de dirigeants locaux isolés. Elle se propage cependant largement au point d'être répercutée dans les instances nationales début 1941, avant la guerre avec l'URSS. D'où les MOI, les bataillons de la JC, etc.
La direction du PCF, ce n'est pas le PCF, donc le PCF ne suit pas la ligne de Moscou.
Au passage, le seul souci de Staline, c'est l'Allemagne, pas la France ou le Royaume-Uni. Ca fait des années que le Reich explique qu'il va exterminer la juiverie bolchevique, et la guerre d'Espagne a déjà été un lieu de conflit ouvert entre les deux pays.
Staline demande d'ailleurs une alliance à la France et au Royaume-Uni, en vue de conjuguer leurs efforts en cas d'agression de l'Allemagne. Les deux pays refusent, Staline entame alors le rapprochement du pacte germano-soviétique.
Realpolitik pure et dure.
La demande d'une alliance franco-soviétique se retrouve d'ailleurs dans les pages de
L'Humanité après 1940. Le PCF appelle à la fin de l'occupation et à une alliance avec l'URSS tout au long de ces numéros.
Dernier point sur le PCF : je demande des sources sur ses actes de sabotage concernant la mobilisation générale de la France en 1939- juin 1940. Et sur l'aspect important des désertions qui dans mes souvenirs demeurent sous la barre des 2% d'usage (l'état-major planchant et en 1914 et en 1939 sur plus de 10%...).
Ensuite, Guy Môquet à proprement parler.
Soyons clairs. Je vais éviter de le mettre en gras et de le souligner, mais il faudrait que cela commence à rentrer : Guy Môquet n'était pas sur la liste de noms donnés par Pucheu. De cette liste, 17 noms seront retenus ; la liste des fusillés sera complétée par le commandement allemand afin qu'elle corresponde à
ses objectifs et à ses critères édictés*.
Vichy suivait un autre ordre dont il faudrait que je retrouve les modalités et la date, mais qui se limitait aux hommes de plus de dix-huit ans de l'entourage des "terroristes".
Les instances d'occupation en appliquent un autre, qui, comme on le constate aisément, est plus dure à l'égard des populations occupées, et qui vise à instaurer la terreur dans toutes les strates de la-dite population.
Quant à la responsabilité dans le peloton d'exécution, nous sommes à mon avis dans une logique plus classique que celle décrite par Littell (cela n'empêche pas à son ouvrage d'être particulièrement réussi et intéressant) : une logique de division des tâches, de dépersonnalisation du meurtre et de chaînes de commandement.
Les hauts-gradés reçoivent un ordre de Berlin et le transmettent jusqu'au bout de la chaîne, de telle sorte que l'origine de l'ordre va se perdre dans un brouillard indistinct ("Berlin" : qui, au juste ?). Voilà pour la chaîne de commandement.
Les donneurs d'ordre n'assistent ni ne participent au meurtre, ils déresponsabilisent donc passablement le peloton d'exécution et l'ensemble des soldats de Châteaubriant ("je n'ai fait que suivre les ordres"). En même temps qu'il est plus facile de signer un ordre que d'appuyer sur une gâchette.
Enfin, la logique même du peloton d'exécution déresponsabilise les acteurs du meurtre : on ne sait jamais dans un peloton quelle balle a tué ni qui l'a tirée. Tout le monde tue et personne ne tue, paradoxalement.
Logique classique de la guerre contemporaine, que l'on retrouve par exemple dans l'artillerie ou dans le bombardement aérien. On tire un obus, on lâche une bombe, mais comme on ne sait pas trop où cela tombe, comme l'on a attendu un ordre de tir pour cela, au fond, ce n'est pas de notre faute...
Responsabilité en chaîne, omniprésente ou responsabilité du système lui-même dans son ensemble (un peu facile) ou encore responsabilité de personne... La guerre moderne, quoi.
(Cette perte de temps pour ce qu'il s'agit bien d'appeler du détail...)
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* Le code des otages en question, avec ses différentes exigences :
a) Les anciens élus des organisations communistes et anarchistes, ainsi que les permanents.
b) Les personnes qui se sont adonnées à la diffusion de l'idéologie communiste par la parole ou par les actes, par exemple par la rédaction de tracts (intellectuels).
c) Les personnes qui ont montré par leur comportement qu'elles étaient particulièrement dangereuses (par exemple, agresseurs de membres de la Wehrmacht, saboteurs, receleurs d'armes).
d) Les personnes arrêtées pour distribution de tracts.
e) Les personnes arrêtées récemment à la suite d'actes de terreur ou de sabotage en raison de leurs relations avec l'entourage des auteurs supposés desdits actes.