Bon juridiquement y'a plusieurs problèmes dans cette affaire, certains ont été évoqués mais soit partiellement soit de façon erronée.
Pour commencer, le mariage et l'état civil ont été laïcisés sous la Révolution,
donc du coup ça a forcément des conséquences sur les choix des individus, notamment en termes de polygamie, ou encore de répudiation, dans la mesure où les règles de l’ordre public vont pouvoir restreindre les implications de la liberté religieuse.
Bon là dans cette affaire on est pas dans cette situation mais y'a plusieurs choses: la virginité de la femme était bien un élément déterminant dans le consentement du mari, c'était, pour lui, une condition de la validité du mariage. A partir de là, ça veut dire que les convictions religieuses vont être prises en compte par le Juge, qui, même si lui est laïque, peut, et doit finalement par moments prendre en considération les convictions religieuses. Ca ne veut pas dire que le Juge va statuer selon ses convictions, ou qu'il va juger en fonction des convictions du requérant, mais juste qu'elles vont entrer en jeu et peuvent être un des éléments déterminants dans le procès.
Je donne des exemples:
les comportements religieux des époux peuvent être pris en compte par le Juge: la conversion d'un des deux n'est pas un motif d'annulation du mariage, dans la mesure où la liberté de religion c'est aussi la liberté d'en changer, mais un époux qui consacrerait trop de temps à sa religion, et qui ferait preuve de "mysticisme exagéré ou de ferveur mystique" (je reprend des termes de jurisprudence), serait une cause d'annulation de mariage, dans la mesure où il y a une faute avérée qui a perturbé la vie de couple et la rend impossible.
Mais il faudrait alors démontrer les implications sur la vie de couple: le simple fait d'adhérer à une secte n'est pas une faute si y'a pas la preuve qu'elle néglige ses obligations familiales. Il faut pas délaisser son mariage, comme par exemple refuser les relations sayxuelles juste parce que l'un des époux s'est converti ou qu'il appartient à une secte (bah oui avant le mariage le sayx est interdit mais après ça devient une obligation conjugale
).
Bon ce que je veux dire avec ça c'est que les convictions religieuses peuvent être prises en compte par le Juge et là en l'occurrence, on a pris en compte le fait que les époux étaient musulmans, et donc que pour le mari la virginité de la femme était un élément déterminant dans son mariage.
Donc pour reprendre les exemples de Spectre Olaf, si tu te maries parce que tu crois que ta femme va être bonne cuisinière/bonne ménagère/bonne tout court, que c'est déterminant pour toi, que c'est pour ça que tu te maries et que s'il en était différemment tu le ferai pas, alors oui ça peut être un élément d'annulation.
Parce que ce qui compte ici c'est ça: est ce qu'on l'aurait fait quand même s'il en avait été différemment. Là, non, l'époux s'il avait su qu'elle était pas vierge l'aurait pas choisie....
Donc ça c'était pour le côté juridique pur, et donc ça révèle ce qu'est la loi et ce que peut faire le Juge. Donc c'est bien ça le drame, c'est que la décision a rien de choquant d'un point de vue juridique: c'est une application de la loi, et ça rentre dans le pouvoir d'appréciation du Juge...
Bah c'est ça le problème, c'est qu'en appliquant la loi on en arrive à une solution complètement machiste et dégradante pour la femme, où on accepte d'annuler le mariage si la virginité de la femme est pas réelle, tout ça parce que le môsieur il voulait qu'elle soit vierge...
Alors ce qu'il faut tirer de ça c'est que faut jamais se contenter d'avoir une vision strictement juridique en se disant bah quoi, rien de choquant, c'est juste l'application de la loi, c'est comme ça. Faut jamais rester neutre et distant ou froid par rapport à la loi ou une décision parce que ça rend totalement inhumain.
Il faut regarder effectivement comment juridiquement ça se présente, l'application etc, mais faut aussi avoir du recul par rapport à ça et un esprit critique et savoir examiner selon un ordre de valeurs.
Là, d'un point de vue juridique la décision se défend, d'un point de vue axiologique beaucoup moins...