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On a eu l'occasion de discuter ici du discours de Sarkozy au Vatican, qui a été le premier à mettre la question de la laïcité sur le tapis, en proposant une "nouvelle" conception de la laïcité. Ensuite ça a été le discours en Arabie Saoudite, hier celui au CRIF etc... A chaque fois, ce qui ressort c'est la conception que Sarkozy a de ce principe. Alors on a discuté de façon un peu éparpillée sur plusieurs fils, de la laïcité sur l'Agora, et j'ouvre celui ci pour faire une sorte de synthèse de cette question, et qu'on puisse juste débattre de ça, dans la mesure où c'est devenu à mon sens une nécessité que de provoquer un débat sur la laïcité.
Je vous propose donc de poser les bases de la question, d'abord en expliquant la conception que Sarkozy a développée de la laïcité, puis d'expliquer les divers visions qu'on a traditionnellement de la laïcité, expliquer en quoi ça consiste réellement, et donc de voir si tous les discours ont un fondement ou pas. Il s'agit donc de s'intéresser à la conception sarkozyste de la laïcité. Tout a commencé, on le sait, avec son livre La République, les religions, l'espérance paru en 2004). Ici, il expose sa vision de la laïcité, qui consiste à accorder un privilège à l'option religieuse. Selon lui, en dehors de celle ci, il ne serait pas possible de donner à la conduite de l'existence les repères de sens dont elle a besoin. Il affirme vouloir l'égalité des religions entre elles, et pour cela il envisage de construire sur fonds publics des lieux de culte, notamment pour permettre aux citoyens de confession musulmane de compenser leur déficit en la matière par rapport aux catholiques, qui jouissent d'un usufruit gratuit des églises construites avant 1905. En 2006, en tant que Ministre de l'Intérieur et des Cultes, il commande le Rapport Machelon, qui préconise un "toilettage" de la loi de 1905 portant Séparation des Eglises et de l'Etat, en préconisant, sous couvert de non-discrimination entre les cultes, de permettre davantage de subventions publiques aux cultes. Pendant la campagne présidentielle, tous les candidats avaient été interrogés sur leur conception de la laïcité, et Sarkozy avait clairement expliqué son point de vue, conformément à son livre et au rapport. Puis rien. En décembre, il profite de sa visite à Rome pour exposer ses convictions, puis à Riyad : la religion est un fait de culture et d'identité. Elle fonde toute morale, et la laïcité n'est pas antireligieuse. Je retranscris pas les discours, dont on a deja parlé. Dans la foulée, Dalil Boubakeur, président du Conseil français du Culte musulman, demande un moratoire de la loi de 1905. La semaine dernière, MAM annonce clairement qu'un projet de "toilettage" et de modifications de la loi est en préparation, en reprenant les idées de Sarkozy et le rappor Machelon. Hier, discours au CRIF. EN 3 mois, Sarkozy a relancé le débat sur la laïcité. Ce qui ressort de sa conception, c'est celle d'une laïcité "positive "comme il la nomme, c'est à dire qui consiste à mettre le religieux au centre de la société, d'accorder davantage d'importance aux croyants et aux acteurs religieux, et, surtout, d'accroître la possibilité de financements des cultes. ALors, traditionnellement, on distingue 3 conceptions de la laïcité, que j'expose brièvement: La première école, qu'on appelle de doctrine laïciste, envisage la laïcité dans son acception stricte et originelle, c'est à dire selon l’idée fondamentale de séparation stricte de la sphère religieuse et de la sphère étatique. Les partisans de cette école prônent alors un mode de relation excluant toute influence des Eglises sur l’Etat, et inversement. Il s’agit ici d’une laïcité-abstention, s’opposant à toute forme d’ingérence de l’Etat dans l’espace religieux. Le contenu de la laïcité serait donc : non-confessionnalité de l’Etat, donc séparation, liberté religieuse, indépendance de l’Eglise et de l’Etat, égalité stricte entre toutes les croyances, et surtout neutralité de l'Etat. Le fait religieux devient extérieur à l’Etat. Il ne constitue plus que l’exercice d’une liberté reconnue aux citoyens. A l’opposé de la conception laïciste, la doctrine libérale prône bien plus la liberté religieuse, mais avec une vertu directement fonctionnelle : celle de permettre à une diversité de plus en plus marquée de citoyens de pouvoir manifester leurs convictions et leurs croyances. C’est à partir de cette conception que s’est dégagée l’idée d’une laïcité ouverte, ou positive, qui a évolué. Cette conception ouverte de la laïcité permet alors de confronter diverses idéologies religieuses ou philosophiques et un dialogue accru est nécessaire entre les deux acteurs étatique et religieux. Il ne s’agit plus de refuser de prendre position sur les questions religieuses, mais de confronter des points de vue. Laïcité n’est plus synonyme de combat républicain, et la séparation n’est alors plus totale puisque les phénomènes collectifs d’ordre religieux seraient pris en compte par le droit. A partir de cette interprétation ouverte de la laïcité, on a vu apparaître une autre conception prônant une laïcité pluraliste, voire plurale ou « post-moderne ». C’est notamment l’idée qui s’est dégagée dans les années 1980 avec l’affaire du « voile islamique ». Certains ont alors opposé à la conception rigide de la laïcité l’expression nouvelle du droit à la différence. Pour eux, ce droit se justifierait dans la mesure où la soumission à une « normalité » sociale serait une négation de la liberté. Le pluralisme revendiqué, essentiellement en matière scolaire, va plus loin que la simple tolérance. L’idée serait de remplacer peu à peu la neutralité par le pluralisme, en allant jusqu’à la reconnaissance d’un pluralisme juridique, donc permettre qu’au sein de la société coexistent plusieurs foyers de production du droit. La reconnaissance d’un droit à la différence conduirait à la différence des droits ; la différence devant alors être conçue comme personnelle, et non collective. C’est donc la minorité qui est mise en avant dans cette acception, et donc le droit à la différence est aussi un droit à l’in-différence. Et comme dirait Euzèbe Sainte-Rose, il faut cultiver la différence et non l'indifférence Bref. Sarkozy, lui, s'inscrit clairement dans le second courant, avec sa laïcité positive. Pourtant, la conception qu'il en a diffère sur certains points: il souhaite vraiment un retour du religieux, accorder plus de places aux acteurs religieux, subventionner davantage, donc revenir en quelque sorte à un régime concordataire: payer pour contrôler. Alors je me demande: est ce que c'est de cette conception là qu'on veut? Est ce que c'est la bonne? N'y a til pas des risques évidents, faut il modifier la loi de 1905 et remettre en cause la laïcité républicaine? Et surtout, Sarkozy est il vraiment en mesure faire tout ça? J'ai des doutes et je m'inquiète. p.s.: désolé pour le pavé...pourtant j'ai raccourci mais c'était pas facile, et je me suis dit que c'était mieux de poser au maximum les bases du débat |
15/02/2008, 18h42 |
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[POGNAX] Où se situe la limite de la laïcité ?
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