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Tout d'abord le lien : http://www.lefigaro.fr/france/200704...un_manuel.html
Ensuite, le résumé : mon éditeur de manuel préféré (je blague...), Bélin, vient de publier un manuel de 5e d'histoire-géographie. Dans celui-ci, une miniature musulmane du 13e siècle représentant Mahomet est floutée. La justification de l'éditeur est qu'il s'agit de préserver "la paix dans les classes où plusieurs nationalités et religions se côtoient ". L'éditeur ajoute qu'ils sont fréquemment attaqués pour le contenu de leurs ouvrages « Quand nous publions un texte de Théophile Gautier, on nous accuse d'antisémitisme, du fait des convictions du poète, et quand il s'agit d'une carte de France des langues, les organisations de défense de l'occitan nous appellent. » et que ça ne leur fait ni chaud ni froid de voir des gens protester contre l'irruption de l'obscurantisme dans leurs ouvrages. En creusant un peu, plusieurs questions se posent : - Les autres manuels utilisent des miniatures auto-censurées dès l'origine, où le visage de Mahomet a été laissé en blanc. La démarche de Bélin peut être vue comme un moyen d'informer les élèves (= le tabou n'a pas été constant dans l'histoire de l'Islam) sans heurter les sensibilités des plus intransigeants (rappel : ce sont des manuels de 5e, destinés à des élèves de 11-12 ans...) -Ce floutage photoshopien entre en écho avec toute une série d'évènements et de polémiques récents (caricatures, Redecker, remise en cause de la loi de 1905, lois sur les signes religieux, distribution d'ouvrage créationnistes...) qui marquent le retour au premier plan d'un conflit entre religions organisées (et l'Islam en premier lieu) avec la société sécularisée, laïcisée et rationaliste qui domine la culture française depuis des décennies, chaque camp percevant l'autre comme une menace envers ses propres libertés. Faut-il refaire 1905 ? -Peut-on altérer un document historique pour préserver "la paix des classes" ? Peut-on trafiquer l'histoire, en occulter certains aspects, pour préserver la paix civile ? J'aurai tendance à répondre "non". Mais bien des gens n'ont pas le même détachement avec le passé que moi, surtout lorsque celui-ci a été mythifié et qu'il fait parti de leur identité. Si on raconte la guerre d'Algérie telle qu'elle s'est réellement passé, on peut faire grincer les dents des Algériens, des Pieds-Noirs et des Français (ou celles de leurs descendants). Là encore, est-il souhaitable de briser des mythes, quitte à heurter, ou faut-il les préserver, quitte à mentir ? |
07/04/2007, 11h15 |
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La censure dans les manuels d'histoire-géo
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L'histoire est ecrite par les vainqueurs tu sais...
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07/04/2007, 12h39 |
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C'est vrai que c'est assez inquiétant...
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07/04/2007, 13h04 |
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#20997
Invité
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Message supprimé par son auteur.
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07/04/2007, 13h46 |
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#20997 |
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Je sais pas si "marrant" serait le terme que j'emploierai, "inquiétant" conviendrai mieux imo.
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07/04/2007, 14h17 |
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La question est très complexe, et fait débat chez les professeurs d'Histoire aussi - d'ailleurs on peut s'attendre à ce que toutouyoutou vienne me contrer sous peu
Le sujet des religions est présent à différents niveaux d'enseignement et pose toujours le même problème d'emblée, que les élèves (au moins en lycée professionnel) soulèvent systématiquement dès qu'on annonce qu'on va le traiter : "mais on a le droit d'en parler, avec la laïcité et tout ça ?" Et ma réponse est invariablement "oui on a le droit de dire que ça existe, on a le droit de vous donner des informations dessus, parce qu'on le fait dans le cadre de l'Histoire, et que les religions y occupent une place." Mais ça bien sûr, c'est sur le papier, c'est facile quand on est prof d'Histoire, en théorie dépassionné, détaché, et uniquement préoccupé par la rigueur de sa discipline (mon oeil, mais bref, admettons). Or même si on est dans l'école laïque, même si on demande aux élèves de laisser leurs convictions à la porte, tout repose sur un accord mutuel. Si dans l'enseignement on vient s'approcher de ces convictions, on risque de remettre en cause cet accord. Je prends un exemple tout bête : un cours de base, où on explique la notion de monothéisme, et la conception que se font les religions méditerranéennes du dieu unique. Du coup je donne des noms. J'interroge les élèves : "Carole, comment les musulmans appellent-ils leur dieu ? - Ils l'appellent Allah" ; ok "Samuel, comment les juifs appellent-ils leur dieu ? - Euh je suis juif monsieur... - C'est pas mon problème on est à l'école laïque et en Histoire, je te parle de connaissances sur les religions, pas des religions elles-mêmes. - Oui mais j'ai pas le droit de le dire, c'est péché. - Alors tu choisis, un péché ou un zéro." Dans un cas pareil, il est évident que l'attitude de l'enseignant est complètement crétine : elle met l'élève dans une position impossible. Je peux tenir tous les discours que je veux, sur la neutralité bienveillante de la laïcité, sur l'ouverture aux autres cultures, si je fais ça sans tenir compte des dites cultures, ben je me fourre dans l'impasse. Le problème du manuel est le même : pour une bonne partie des musulmans, la représentation du prophète est interdite *, alors ne parlons pas de celle du dieu. L'adaptation au monde contemporain implique d'accepter certaines images et notions... mais est-ce le cas de toutes ? Puis-je demande à un élève musulman de commenter une illustration qui, selon ses principes religieux qui sont immédiatement en lien avec le travail que je demande, pose un problème ? Dans les deux cas, le contrôle de connaissances sur les noms de dieu, ou le commentaire d'une image interdite, la question doit être posée : où veut-on en venir ? Forcer des personnes qui ont une religion à la transgresser les fait-elle progresser dans leur réflexion et dans l'acquisition de connaissances ? Dans ce cas précis, je ne crois pas que ce soit bien opportun. Quels savoirs construit-on sur une illustration du prophète ? Cette image nous apporte quoi au juste ? A mon sens, en tant que prof d'Histoire, absolument queudalle. Ainsi, plutôt que de faire ce floutage mesquin, qui relève de la demie-mesure, je préfère encore un manuel sans image à problèmes. Eviter de foutre la merde en classe, de mettre mal à l'aise mes élèves, ne m'empêche pas dans ce cas précis de remplir mes objectifs. Pour faire un parallèle, je me rappelle d'un collègue qui avait fait un recueil d'images sur les enfants dans la guerre, pour montrer à quoi ressemblait une guerre contemporaine, etc. On trouvait entre autres des gosses rwandais abandonnés sur le bord d'une route, leurs parents probablement tués dans le génocide. Or j'avais eu dans mes élèves des petits kosovars, arrivés en France pour échapper aux massacres. Il aurait été totalement crétin de ma part de leur balancer ces images, et puis tant qu'à y être quelques photos de charniers locaux : à part les rendre malades, ça aurait servi à quoi ? J'aurais eu beau jeu de me planquer derrière ma discipline, ça n'aurait rien changé au crétinisme de la chose. * - Je cite un extrait de cet article : http://www.histoire.presse.fr/lire.a...il+y+a+800+ans Citation :
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07/04/2007, 14h21 |
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