L’aube se lève sur la petite cité de Necht, camp retranché dans le Roc Vigilant. Le soleil émerge lentement des flots sombres, illuminant doucement les traits de la jeune femme assise sur la plage.
Dans son repaire, sa retraite, une toute petite hutte qu’elle a construit de ses mains à quelques pas du village des sentinelles sylvestres, elle a passé une nuit sans sommeil. Le feu a brûlé toute la nuit, éloignant ainsi les bêtes sauvages. Mais le feu a brûlé inutilement puisqu’elle n’a pas dormi. Aux premiers chants des oiseaux, elle a éteint le feu, fait un sourire amical aux quelques sentinelles qui vaquaient déjà à leurs occupations en cette heure matinale et a dirigé ses pas vers Necht.
Elle n’a pas daigné se rendre en ville mais a plutôt préféré aller s’asseoir dans le sable et regarder le soleil se lever sur Hy Brasil.
Elle a posé à côté d’elle son bouclier et sa faucille, les meilleures armes qu’elle n’ait jamais possédées, offertes par deux de ses amis les plus chers. Elle regarde les vagues venir mourir à ses pieds. Puis son regard se porte plus loin vers l’horizon, plus loin, ailleurs. Qu’y a-t-il donc au-delà de cette ligne d’horizon ? D’autres terres ? D’autres royaumes qui ne seraient pas déchirés par la guerre ? Est-ce que cela existe ? Elle hausse les épaules d’un air de dépit. Oui peut-être que cela vaudrait la peine d’aller voir ce qui se passe. Ailleurs.
Ses pensées reviennent sur sa terre. Hibernia. Hibernia la douce, Hibernia la verte. Hibernia la Belle. Ses vallées, ses collines ne changent pas, immuables, année après année, saison après saison. Pourtant elle sent au plus profond d’elle-même que les Hiberniens ont changé. Est-ce la guerre qui les a changés ? Oui certainement. Il y a encore quelques mois, tout son peuple était prêt à défendre le royaume. A une seule parole de Usk Kragen, de Gudy ou de Jorian, ces grands guerriers, Hibernia se levait et partait glorieusement défendre le chêne millénaire contre les hordes de Midgard et d’Albion. Et maintenant ? Qu’est devenu Hibernia ? Que sont devenus les glorieux guerriers qui partaient combattre la fleur à la lance et au bouclier ?
Elle hoche la tête.
« Hibernia que t’arrive-t-il ? Où donc ont disparu le chaudron de Dagda et la Lance de Lug ? Qui s’en soucie finalement ?
Plus personne on dirait. Aujourd’hui je vois tes fils et tes filles druides et druidesses réduits à l’esclavage par des rôdeurs avides qui veulent devenir toujours plus puissants et plus forts. Je vois tes fiers et nobles Elfes, tes malicieux lurikeens, ces deux races venues de derrière le voile. Ces enchanteurs de plus en plus nombreux, se précipitant pour étudier la voie si facile et si attirante de la lune. Je vois tes fils et tes filles se précipiter dans les ténébreuses Abysses dès qu’ils en ont l’occasion, afin de gagner toutes ces précieuses pièces d’or qui ne serviront que leurs ambitions personnelles. Alors que toi Hibernia, tu n’es plus protégée par la lance et le chaudron. Belle Hibernia, Qu’es-tu donc devenue ? Parfois je me surprends à regretter qu’Ajalon ait vaincu le dragon lors de ce glorieux jour de juillet. Toi Hibernia, tu aurais alors disparu pour de bon sous le joug de Cuuldurach… Parfois je me dis que j’aurais dû rester avec Louargent sur cette terre de Midgard…. Parfois… »
Elle secoue encore violemment la tête à cette pensée absurde ! Mais tout de suite, quelques larmes mouillent les yeux de la jeune femme. Elle a tant donné pour son royaume. Pour son Alliance. Pour sa Guilde. Même parmi ses plus fidèles compagnons, elle a senti quelques dissensions… Et elle se sent désarmée…
Elle sait pertinemment qu’elle ne pourra faire plus que ce qu’elle fait déjà. Tout simplement parce que malgré tous les pouvoirs que Lug lui a accordés à sa naissance, elle n’en est pas moins celte. Humaine. « Faible » comme dirait Dame Déliana et à cette pensée, elle ne peut s’empêcher de sourire au milieu de toutes ses larmes.
Elle regarde encore une fois l’horizon. Le soleil est déjà assez haut dans le ciel et elle doit poser une main devant ses yeux pour les protéger des ses rayons. Elle repense à son aïeul, celui dont elle porte le prénom. Celui qui un jour a quitté les rivages de Connla pour partir à la découverte du monde. Elle se souvient des histoires qu’il avait racontées à son grand-père qui lui les avait raconté à son père. Elle se souvient de ces histoires murmurées à son oreille par son père alors qu’elle était petite fille. Il y a d’autres choses ailleurs. D’autres pays, d’autres races, d’autres peuples…
Elle sait que bientôt elle partira. Que c’est son destin. Que, pour mieux retrouver Hibernia la douce, elle devra voir et connaître autre chose. Ailleurs. Elle va préparer au mieux son départ. Mais au plus profond d’elle-même, elle sait déjà, que comme son aïeul, elle reviendra en Hibernia. Parce que c’est son pays, sa patrie, sa vie.
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