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Questions complexes auxquelles il n’existe pas de réponses universellement reconnues. Chacun doit trouver sa voie, ce qui n’exclue pas de s’inspirer des voies des autres.
Donc, voici ce que je pense, avec mes imperfections et ma vision limitée de l’existence.
Je vais citer André Compte-Sponville,
Il y a donc plusieurs bonheurs?
– Bien sûr ! Il y en a même une infinité : autant que d'individus et d'instants heureux... Mais, pour résumer et pour y voir plus clair, on peut distinguer trois types principaux de bonheur, ou trois façons de le penser. La première, c'est de le penser comme une joie immuable et constante, qui résulterait par exemple de la satisfaction de tous nos désirs : c'est ce que j'appelle la félicité. Idéal de l'imagination, comme disait Kant, non de la raison. Le seul rapport vrai que nous puissions avoir à ce bonheur est de cesser d'y croire : nous ne connaîtrons jamais la félicité, du moins dans cette vie, et nous ne serons heureux, ici-bas, qu'à la condition d'y renoncer.
La seconde conception du bonheur est relative : on est plus ou moins heureux (dès lors qu'on n'est pas malheureux), ou à peu près heureux (donc heureux) chaque fois que la joie nous paraît immédiatement possible, et d'autant plus qu'elle paraît plus proche, plus facile ou plus fréquente. C'est le bonheur au sens ordinaire du mot.
Enfin, il y a le bonheur du sage, que j'appelle la béatitude, qui est un bonheur actuel, vécu en vérité (et non dans l'imagination d'une joie), donc en éternité (et non plus dans la somme, nécessairement imaginaire, d'un passé et d'un avenir). Nous ne sommes pas éternels : nous ne cessons de changer, de vieillir, et nous allons mourir. Mais nous pouvons connaître, ici et maintenant, des moments d'éternité. Nous ne sommes pas des sages. Mais nous avons nos moments de sagesse. Celui qui a « senti et expérimenté» cette béatitude (cela fait comme une éternité heureuse, comme une joie éternelle), il ne l'oubliera pas. Cela ne l'empêchera pas de mourir, au bout du compte. Mais sa mort ne l'empêchera pas davantage d'avoir été éternel.
– Cela veut-il dire qu'il nous faut nous défaire de tous nos désirs? Le bonheur est-il un combat contre le désir ?
– Surtout pas ! Si le désir est l'essence même de l'homme, comme le dit Spinoza et comme je le crois, nous ne pourrions nous défaire de tous nos désirs qu'en nous défaisant de notre humanité, et même de notre animalité – qu'en devenant un cadavre ou un dieu! Très peu pour moi ! Il ne s'agit pas du tout d'éradiquer le désir, mais de désirer autrement. Le désir peut être pensé et vécu de deux façons différentes, selon Platon ou selon Spinoza. Pour Platon, le désir est manque. Vous ne désirez que ce que vous n'avez pas. Vous n'êtes donc jamais heureux, puisque être heureux c'est avoir ce que l'on désire. Si on ne désire que ce qu'on n'a pas (puisque le désir est manque), on n'a jamais, par définition, ce qu'on désire. Cela ne signifie pas qu'aucun désir ne soit jamais satisfait, mais que, dès lors qu'un désir est satisfait, il s'abolit en tant que désir (il n'y a plus de manque, puisqu'il est satisfait, donc plus de désir, puisque le désir est manque). Vous n'avez donc jamais ce que vous désirez, au présent, mais tout au plus ce que vous désiriez, au passé. Or, être heureux, ce n'est pas avoir ce qu'on désirait, mais ce qu'on désire : vous n'êtes donc jamais heureux. Bref, dans la mesure où le désir est manque, le bonheur, nécessairement, est manqué : on ne peut jamais le vivre, on ne peut que l'espérer.
– Il s'agit donc de vivre ses désirs autrement.
Oui. Il est possible de penser – et de vivre – le désir autrement : non plus selon Platon, mais selon Spinoza. Pour Spinoza, le désir n'est pas manque mais puissance, au sens où l'on parle de la puissance sexuelle ou de l'appétit. La puissance sexuelle, ce n'est pas désirer ce qui manque (cela, c'est la frustration), mais, au contraire, la capacité de jouir de celui ou celle qui ne manque pas, qui est là, qui se donne. Avoir bon appétit, ce n'est pas manquer de nourriture (avoir faim), c'est avoir la puissance de jouir de la nourriture qui ne manque pas. Au début du repas, vous souhaitez à vos convives, non pas bonne faim («je te souhaite de bien manquer de nourriture ! »), mais bon appétit: «Tu vois, la nourriture ne manque pas, j'ai prévu large, je te souhaite d'avoir la puissance de jouir de cette nourriture qui est là.» Il ne s'agit pas de supprimer ses désirs, mais de les transformer – de passer du désir de ce qui manque au désir de ce qui ne manque pas, autrement dit au désir de ce qui est. Désirer ce qui n'est pas, c'est espérer ; désirer ce qui est, c'est aimer. Il s'agit donc d'espérer un peu moins, et d'aimer un peu plus.
Dans « La plus belle histoire du bonheur » de André Compte-Sponsville, Jean Delumeau et Arelette Frage.
Je suis assez d’accord avec plusieurs choses, dans ce texte.
Le bonheur au sens « félicité », tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, être heureux parce que l’on a tout et aucun problème, je crois que c’est une dangereuse illusion. Il y a sans doute des moments comme cela, dans l’existence, mais cela ne peut durer : tôt ou tard, on a des problèmes à affronter. Faire dépendre son bonheur d’une existence sans problème, c’est ne jamais être heureux.
Peut-on connaître la béatitude, si l’on voit cela comme des moments d’eternité, des moments de bonheur intense ? Oui, et je crois que c’est ce que tu as vécu en parlant d’état de rêve. Cela me rappelle une anecdote à propos d’un disciple qui marchait avec un maître, sur un chemin de montagne, portant chacun un fardeau de bois. Le disciple demanda au maître : « C’est comment, l’illumination ? Le maître laissa tomber son fardeau, et répondit : « c’est comme cela. » « Et après ? » demanda le disciple. Le maître reprit son fardeau.
Je crois que dans la vie on peut avoir des expériences de bonheur intense, et alterner avec des moments de douleur, de peine, etc. Et avec tout cela, être heureux. Paradoxalement, cela passe par le fait d’accepter à la fois les bons côtés et les mauvais côtés de la vie.
La vie est un rêve.
Quand tu te réveille d'un rêve, ton esprit se calme, sachant que tout ce que tu as vécu n'était qu'illusion.
J’ai une vision du divin assez proche de cela, que j’expose ici : https://forums.jeuxonline.info/showthread.php?t=780356
D'une part, tout est physique/chimique, lorsque nous sommes heureux, c'est en fait une réaction chimique d'une substance produite par une glande qui fait réagir une partie du cerveau, et la conséquence de ceci est d'être bien. (j'suis pas scientifique mais ça doit s'approcher de ça
Qui sait ? Ta vision est une vision très partagée et respectable, mais peut-être incomplète. Une caractéristique du savoir, c’est qu’à chaque époque, on était à peu près sûrs de nous. Par exemple, à une certaine époque, les savants pensaient que la Terre était plate. Ou au centre de l’univers. Plus proche de nous, un célèbre physicien était persuadé que la physique classique avait tout expliqué, que le travail des scientifiques à l’avenir serait juste d’apporter plus de précision (aller aux prochaines décimales, selon lui, je ne me rappelle plus de son nom, désolé). Il n’avait pas prévu la physique quantique. De même, un poste de radio ne fait appel qu’à des réactions électriques et chimiques. Mais sans les émissions de radio, il ne sert à rien. Il est possible que le cerveau, avec toute sa complexité, soit sensible à certains champs que nous ignorons, pour le moment.
Mais on est un peu HS, là .
Juste pour revenir la dessus. Ca me semble assez inexact vu que on crois souvent tout savoir alors que on passe derriere le mur et la O miracle plein de nouvelle choses (c'est tres imagé je l'avoue)
Clairement, il nous reste beaucoup de choses à découvrir.
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