A quelque distance du groupe, Atahualpa le rôdeur maztèque avançait précautionneusement dans la jungle.
Il se sentait chez lui : les arbres immenses masquaient le ciel et n'éclairaient le sol que d'une lumière diffuse et verte, et les ombres étaient du marron du sol boueux. On ne voyait que la végétation, et celle-ci masquait tout ce qui se trouvait à plis de 10 pas de soi, 20 dans ce qui ressemblait le plus à des clairières. Partout autour de lui, il sentait grouiller une faune active, mais même ses talents naturels ne lui révélaient que quelques animaux parmi les dizaines qu'il entendait. *
Voilà un univers qu'il connaissait ! Il repensa en frissonnant au naufrage de ce "bateau" : heureusement que le Grand Jaguar lui avait communiqué ses capacités de natation, sinon il aurait sûrement péri noyé... Il avait ramassé un moignon de bois qui ferait un gourdin assez satisfaisant en cas de problème.
Soudain, son ouïe l'avertit d'un danger imminent. Il tendit aussitôt l'oreille, et ne perçut qu'un lourd silence total. N'importe quel forestier, des jungles de Maztica aux bois du Nord savait que cela ne pouvait signifier qu'une chose : la proximité d'un grand prédateur en chasse.
S'immobilisant, Atahualpa affermit sa prise sur son gourdin improvisé, et se concentra encore.
Rien.
Le Fils du Jaguar fronça les sourcils : il devrait être capable de repérer un animal normal dans ces conditions. En quoi la bête qui s'approchait -car elle approchait, il en avait l'intuition quasi-certaine- était-elle différente des autres ?
Avant qu'il ait le temps de trouver la moindre réponse, il entendit un bruissement derrière lui, et sut qu'"elle" était sur lui. Une masse noire le heurta de plein fouet et le projeta à terre. Avant même d'en avoir conscience, il avait lâché son arme, et une énorme panthère noire couchée sur sa poitrine l'empêchait de faire le moindre mouvement des bras pour se débattre ou se relever. Impuissant, il battit l'air des jambes, ce qui n'eut pour effet que d'amuser la bête, qui semblait ne pas s'inquiéter de lui outre mesure.
Atahualpa, confondu, se calma alors et attendit. Cette bête n'avait pas un comportement normal, il allait se passer quelque chose. Et effectivement, un instant après, un buisson s'ouvrit sur... Un "nin", comme le maztèque avait appris à appeler ces robustes petites créatures.
Mais celui-ci était très différent de "Da-Er-Mone" : il portait pour tout vêtement un pagne court, mais ses longs cheveux agglutinés en mèches compactes par de l'argile lui faisaient une carapace de la couleur du sol.
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