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Lilo Apudbier
Extrait de «l’invicticus monastèrial XVième siècle av JOL »
La vie au monastère est si concentrée sur la quête de la spiritualité que, quand les moines en sortent, ils ne se sentent plus du tout liés à leur village natal ou à leur famille.
Dans les grandes villes, des maîtres ont fondé des écoles enseignant l'art du moine à ceux qui le souhaitent (et qui le méritent). Les moines faisant partie de telles académies considèrent bien souvent leurs frères ruraux comme des paysans arriérés. Les moines ont conscience de faire partie d'un groupe à part. Ils se sentent parfois proches les uns des autres, mais ils aiment aussi s'affronter afin de voir qui a le mieux développé son ki.
Extrait des tablettes transcendantales du «biblioterom neverwinterecum »
"Les moines suivent généralement leur formation dans l'enceinte d'un monastère. Pour la plupart, ils y sont arrivés enfants, soit parce qu'ils étaient orphelins, soit parce que leurs parents ne pouvaient plus subvenir à leurs besoins, soit en échange d'un service que les moines avaient rendu à leur famille. "
Lilo, sœur aînée d’une famille de 6 naines, fut confiée dans sa douzième année par son père devenu veuf, à la charge d’un oncle éloigné. C’est en compagnie de cet individu, organisateur de taïlkuatchï (un ancêtre du Kuatch ou catch), qu’elle contribuait à subvenir aux besoins du foyer paternel. Malheureusement ou plutôt heureusement, quelques années plus tard, remarquant son adresse hors norme, son tuteur sans scrupule obligea la pauvre enfant à monter sur des rings dans différentes tavernes et bouges pour nains. Ainsi, semaine après semaine, les combats à mains nues qu'il organisait avec un comparse, plus divers autres trafics (dont je tairais ici l’objet) assuraient leur survie. Repairé un jour béni par un curieux voyageur au nom de Loum n’kaïdo un moine « marcheur » du rayon divin, Lilo fut alors arrachée à cet univers violent et dépravé.
Durant les quelques soirées pendant lesquelles Loum n’kaïdo assista aux combats, le moine pu remarquer la vitesse prodigieuse avec laquelle la naine réagissait aux attaques ainsi que sa bonne résistance générale.
L’enfant, couverte de bleus, à moitié assommée, continuait le combat sans faiblir et gagna par 3 fois des luttes contre des garçons plus âgés qu’elle. Il sentit alors chez la naine une force d’âme et une résignation si forte que seul un être doué d’une sagesse exceptionnelle pourrait soutenir. Les journée consécutives que Loum passa à Grumh-Azil, dans l’enclave naine, acheva de le convaincre de l’intérêt de sortir cette créature de l’univers glauque et de la triste condition qui faisaient son quotidien.
Il savait la tâche ardue car de mémoire de moine, il ne connaissait aucun exemple de nain ayant lié sa vie à un quelconque ordre monastique, ni voué son âme à Ilmater dans la sagesse infinie du zen. Mais pourquoi l’esprit de ce petit être disgracieux, bien que non humain mais traversé par une souffrance précoce, ne pourrait t’il pas accéder à la spiritualité ultime ? La veille de son départ, alors que Lilo plaquait, non sans mal, un dernier adversaire au sol, l’esprit de Loum s’éleva vers la lumière divine et se figea sur l’image d’un petit être pétrit de sagesse vivant en harmonie avec ses pairs. Le moine arrêta alors sa décision : il irait le lendemain parler à la fillette et à son tuteur.
Après une âpre discussion et non sans quelques menaces empreintes de sous-entendus, Loum échangea la liberté de la jeune fille contre le logis, la nourriture, ainsi qu’une bonne éducation dans son monastère. Bien entendu, une somme rondelette en pièces d'or sonnantes et trébuchantes acheva de convaincre son vil tuteur. Cet événement triste, permis toutefois de tirer un trait sur une enfance sans réel amour, depuis lors, elle garde une méfiance absolue à l’encontre des nains et autres humanoïdes dont les desseins consistent à asservir autrui ainsi que contre tout jeu d’argent et tout lieu de luxure.
Lilo, n’a pas véritablement le cœur sur la main, mais elle a le sens de la justice. Elle a pour elle et ses compagnons le profond respect des frères d’armes que l’éducation sans faille des moines lui a enseigné.
L’éducation dans le monastère d’Oyo :
Fondé il y a seulement deux générations par un moine dissident de la confrérie du cercle vibratoire, l’ordre monastique du rayon divin se réclame de la confession d’Ilmater ”le Dieu qui Pleure”, la divinité de l'endurance, de la souffrance et de la persévérance. Loum n’kaïdo un moine « marcheur » voue son existence à une perpétuelle errance au cours de laquelle, guidé par son infinie sagesse, il choisit les individus qui feront le ciment futur de sa caste.
Choisie par Loum dans la lumière d’Ilmater, Lilo était loin de pouvoir prétendre au statut d’élue du rayon divin. La naine rejoignit dans un premier temps le rang des cafards pubères puis fut rapidement admise chez les initiés impurs au sein desquels elle suivit un enseignement rigoureux pendant plusieurs printemps.
Pour la première fois dans sa vie, la naine rencontra soutien et affection. Chaque élève était considéré de le même façon : c’est à dire pas loin du rien. Toutefois, évoluer dans un esprit d’entraide et une vision de justice était pour elle quelque chose de nouveau et profondément salutaire. Sa vision du monde changea, baignée par la lumière du zen et des préceptes d’Ilmater. Remarquée pour sa persévérance et sa résistance, Lilo se forgea une réputation de « dure à cuire ». En cela, Loum ne s’était pas trompé, la fillette savait puiser au fond d’elle même l’énergie nécessaire et porter le poids de la souffrance. Aucun des guides spirituels d’Oyo, ni professeurs d’arts martiaux n’en doutait, Lilo serait un jour Elue d’Ilmater car elle était née moine.
Vînt le jour de l’épreuve de la recherche intérieure et son acceptation chez les « enfants d’Ilmater » le rang qui faisait d’elle un moine à part entière, digne représentante du rayon divin. Elle sut franchir la première épreuve : celle du rayon du jugement qui cherchait a égarer son esprit loin des préceptes d’Ilmater et la séparer de ses pairs. Elle sut franchir la deuxième épreuve : le rayon de souffrance ou elle dû retrouver son chemin seule dans une plaine désertique pendant 3 jours et 3 nuits. Elle sut franchir la troisième épreuve : celle du rayon martial qui l’opposa à un maître de combat à mains nues. Enfin elle sut franchir la dernière épreuve : le rayon de patience qui la plongea dans une profonde méditation et conclue les 4 épreuves de la recherche intérieure .
Ainsi, à l’issue de 6 années d’apprentissage, devenue un moine du rayon divin à part entière, Lilo fut confiée à la surveillance d’un « Isolé », un rang du rayon constitué exclusivement d’ermites nourrissants leur âme de méditation. Elle passa de nombreux mois en compagnie de Rufus Naïd, un homme étrange et peu bavard, retiré dans une masure à proximité de la mer occidentale. Sa cabane de pêcheur faite de bricks et de brocs, menaça tout l’hiver de s’effondrer sous les assauts incessants des bourrasques des vents du grand nord mais elle tint bon, comme soutenue par un mystérieux pouvoir bénéfique dont Lilo pouvait sentir la présence à chaque fois qu’elle pénétrait le seuil de la maison. Son quotidien, pauvre en activité, se résumait en de longues séances de méditation, de la lecture, ainsi que la réalisation de quelques menues tâches quotidiennes comme la collecte de bois mort pour alimenter la cheminé, la cueillette, ainsi que la chasse aux petits animaux. Rufus était peu bavard, mais cela ne la gênait pas outre mesure. Lilo était une fille de comportement peu démonstratif, une sorte de fleur refermée sur elle-même. Cependant, quand pour la dixième journée, la pluie succédait à la pluie, le vent du nord-ouest relayait le vent du nord-est, Lilo succombait à l’ennui et un sentiment de regret des jours passés en compagnie de ses jeunes amis au monastère la tenaillait. L’hiver fut donc bien rude, dans son corps mais aussi dans son esprit
Bientôt, le printemps osa enfin montrer le bout de son nez , les journées devinrent plus clémentes et Rufus lui enseigna de nombreuses chose sur le pays qui les entourait. Elle eut ainsi l’occasion de parcourir les plaines du nord et faire connaissance de nombre de ses habitants : principalement des gnomes et des humains, mais aussi dans une moindre mesure diverses tribus de barbares hostiles et trolls. Durant ces quelques mois, elle avait appris comment survivre en puisant le minimum de matières dans la nature, désormais elle connaissait le nom de chaque chose. Lilo, avait aussi appris à mieux cerner le vieil ermite et sa philosophie qui se résumait à un seul précepte : limiter l’emprise humaine et sa trace corporelle sur le monde physique pour renforcer son aura spirituelle et toucher à l’essence du Zen. Une leçon d’économie en quelque sorte….
L’automne bien entamé, la jeune moine appréhendait avec inquiétude les prémices du nouvel hiver. Elle eût alors pour la première fois une longue conversation avec Rufus et ce dernier, à son grand étonnement, lui apprit que rien ne la retenait ici et qu’elle était en fait libre depuis l’instant où elle avait franchi le seuil de sa maison.
Lilo le cœur léger, transportée de joie à l’idée de voir du pays s’empressa de prendre conseil auprès du vieil homme et lui demanda : frère quelle route puis-je désormais suivre qui puisse honorer mon rang de moine du rayon ? Le vieil homme sourit tranquillement, dirigea son regard vers l’embrasure de la porte et formula une réponse en forme d’énigme : ouvre cette porte, suis ton chemin mais sache que la seule bonne route sera celle qui te conduira à nouveau auprès de moi.
Quelques jours plus tard, Lilo prit congé de son hôte, franchit le seuil de la vieille cabane et referma la porte derrière elle. Elle fit quelques pas, la route serpentait en contrebas en suivant le tracé sinueux de la falaise. L’océan avait pris une couleur argentée annonçant une prochaine ondée, un changement brutal et étonnant en cette saison. Le moine jeta un regard en arrière, elle regrettait désormais la froideur de son comportement à l’égard du vieux. Lilo se campa devant la porte, bien décidée sinon à l’embrasser, du moins à lui témoigner avec sa chaleur toute sa reconnaissance pour sa patience et sa bienveillance. La fille ouvrit à nouveau la porte dans un grincement et fixa l’intérieur d’un regard étonné. Une épaisse couche de poussière couvrait désormais l’ensemble du mobilier, la cabane était vide, quelques détritus gisaient en son centre. A l’évidence la maison était abandonnée et tout indiquait qu’il n’y avait pas eu d’occupant depuis de nombreuses années.
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