Broc - Albion - Exil forcé

 
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Le viking parut surpris.
Puis, tres vite, l'angoisse remplaça la surprise, et la terreur l'angoisse.

Il vit une ombre s'approcher de lui, et comprit tout de suite d'où venait la flèche fichée dans sa gorge. Il bascula lentement sur le côté. La sarrasine approcha son visage près, tout près de la face congestionnée du viking.

Elle souriait.

Elle se demandait quel choix aller faire l'homme. Soit, courageusement et sagement, il retirerait la flèche et mourrait dans les instants qui suivraient, soit il attendrait, et se noierait avec son propre sang dans une longue agonie. S'accrochant à la vie, il avait choisi la seconde solution. Elle en était contente. De toute façon, elle était rarement déçue sur ce point avec les hommes. Les femmes étaient plus courageuses. Elle prit l'arme du viking, et la jeta au loin. L'homme se raidit, le regard implorant. Ses dieux le recevraient sans armes, et lui fermeraient la porte du Valhalla au nez. Il le savait, elle venait de lui prendre sa vie, mais aussi son âme. Elle se rapprocha à quelques centimètres de son visage. Elle humait l'odeur acre du sang et de la sueur, mais appréciait par dessus tout le parfum de la peur et de la mort.

La mort remplaça enfin la peur dans le regard du viking, c'était fini.
Fut une époque où elle aurait émasculé ce chien et lui aurait mis ses attributs dans la bouche. Mais sa fureur était loin maintenant, et être une voleuse d'âme lui suffisait.


Le soleil se leva sur Uppland. Une caricature de soleil pour être plus précise. Pâle et froid, il n'était pas le soleil de sa Lybie natale. Elle avait treize ans la dernière fois qu'elle vit le soleil se lever sur son désert...

Elle était, comme tous les matins, dans l'eau. Agréable moment de fraîcheur, dont elle arrivait avec peine à se souvenir. Une voile apparut dans la lumière rasante. Cette voile carrée d'un vaisseau de combat intrigua Chonum. Les rares trirèmes de combat Byzantins qu'elle avait vu avaient des voiles triangulaires. En plus, les galères grecques étaient beaucoup plus grosses. Elle s'aperçut vite qu'il s'agissait d'une flotte complète. Vingt-cinq vaisseaux ou plus. Elle décida qu'il était plus sage de rentrer à la ville, a l'abri des remparts. Quand elle arriva, les portes étaient closes.
La garnison avait bouclé la ville, les archers étaient aux murs. Elle se cacha sur une hauteur, pour voir la suite. Même si la garnison Byzantine n'était que l'ombre de l'armée d'occupation romaine de jadis, elle était bien équipée, et les remparts, à défaut d'être hauts, étaient larges et puissants. Chonum était confiante, et regrettait déjà de ne pas avoir son arc court.

Les envahisseurs furent en vue vers midi.

Ce fut un choc pour la sarrazine. Ils étaient blonds et grands. Mais ce qui lui emplit le coeur d'effroi, ce furent les roux. Mauvaise augure toutes ces têtes rousses, les cheveux encore impurs des ourses de leur mère. Contrairement aux légions byzantines en manoeuvre, on ne voyait aucune organisation dans les groupes d'envahisseurs qui s'étaient formés à quelques centaines de mètres de la ville. Beaucoup de cris, les hommes frappaient leur boucliers de leur hâches, mais ils ne faisaient pas illusion. En sueur, mal equipés, maigres, sans cavalerie, la sarrazine comprit qu'il venaient de loin, et qu'ils n'étaient pas à leur aise ici. Quelques volées de flèches enflammées allèrent se ficher dans la porte, pour être éteintes aussi vite.

Les hommes blonds commencèrent à établir leur campement.

Ils ne remarquérent pas que les portes de la ville s'étaient ouvertes. Ils virent en revanche la cavalerie sortir des murs, en ordre de bataille. Les archers montés sarrazins se portérent au niveau des envahisseurs, les harassants de traits avec leur arcs courts. Déjà désorganisés, les rangs des assiégeants se dispersaient, hésitants entre attaque et retraite. Les quelques corps des plus téméraires étaient criblés de flèches. Chonum admirait ses frères qui savaient décocher les traits en plein galop. Lorsque les envahisseurs furent éparpillés, surpris de ne pas pouvoir établir leur siège et de la promptitude de l'attaque, les chars de combat byzantins lancèrent l'assaut, suivis de la cavalerie légère. Elle n'appréciait pas les forces d'occupation de Constantinople, mais force était de constater qu'ils apportaient la stabilité dans la région, fédérant les tribus, et que leur savoir-faire militaire était redoutable. La bataille, si on peut utiliser ce mot pour la chasse à cours qui s'en suivit, fut courte, et terrible. Les envahisseurs furent mis en pièces. Sans cavalerie, sans armure, sans archers, ils n'avaient aucune chance. La jeune fille se précipita vers le rivage pour voir combien de vaisseaux allaient être détruits, quand elle fut soulevée du sol par un bras puissant, et promptement assommée.

Quant elle repris conscience, elle sut de suite, avant d'ouvrir les yeux, que quelque chose ne tournait pas rond. Elle était sur un bateau. A fond de cale. Cela sentait la pourriture et l'urine. Des cris lui parvenaient du pont supérieur, et elle distinguait les halletements des rameurs. Cela sembla durer une éternité.

Le voyage prit plusieurs mois.

Le saisons se succédaient, mais le froid était de plus en plus présent. Les hommes qui l'avaient capturée venaient de loin. De contrées froides, à en voir les vétements de fourrures qu'ils portaient maintenant. Dernière étape d'une longue épopée de pillages, la dernière attaque avait été celle de trop. Des presque trente navires, seuls trois en avaient réchappé. La flotte de guerre byzantine les traquait depuis qu'ils avaient commencé leurs pillages au Maroc, quelques mois plus tôt. Maigre butin que celui qu'ils allaient ramener chez eux. Quelques pièces d'or, quelques amphores de vin italien, et une esclave. Mais ils surent mettre à profit sa présence pour rendre le voyage moins pesant...


Le bateau pénétra dans une vallée encaissée.
Il faisait froid. Très froid. Trop froid.
Chonum ne se souvenait pas d'avoir connu un tel froid.

Elle connaissait bien ses ravisseurs, étant passée d'un bateau à l'autre durant le voyage. Autant les vikings étaient mal organisés sur le champ de bataille, autant ils avaient su optimiser l'utilisation de l'unique femme présente pendant leur traversée. Elle avait résister au début, mais les coups étaient venu à bout de sa volonté. Elle était un objet, et comme un objet, elle cessa de penser. Elle avait appris leur langue. Sachant qu'ils arrivaient au terme de leur voyage, l'angoisse la reprit. Ils avaient eu besoin d'elle, mais maintenant qu'ils rejoignaient leur foyers, allait-elle être mise a mort ?

Elle aurait du savoir que comme tout objet, elle avait une valeur. Surtout pour le kobold qui l'acheta. Elle n'avait jamais vu d'être aussi méprisable que celui-là. Les vikings étaient des hommes brutaux, violents, vicieux, mais néanmoins des hommes, et elle pouvait les comprendre. Les kobolds, et les autres races étranges de ce pays non moins étrange, êtres de pierre, nains, n'étaient que des animaux pensants et retorts. Elle passa de bordels en bordels. A chaque changement de propriétaire, un nouveau tatouage s'ajoutait sur son bras.


Les années passèrent.
Elle eut la chance, ou la malchance, de survivre.

Le roy du royaume du sud, Albion, était mort. Les maîtres de Chonum, du royaume de Midgard, étaient dans un état d'excitation extrême. Le pays s'était enrichi avec le retour des flottes de raids. Une union sacrée s'était formée entre les animaux intelligents et les vikings. Le plan était de piller, et prendre possession des terres du sud.

Chonum en avait souvent entendu parlé, de ces Albionnais. A coté des Midgardiens, ils semblaient être des parangons d'ordre et de vertu.

Un bordel de campagne fut installé dans la forteresse d'Odin's Gate. D'incessantes escarmouches avaient un peu émoussé l'enthousiasme naif des vikings. La conquète ne serait pas si simple, les Albionnais étaient bien organisés. Chonum les avait observés depuis les remparts parfois. Tout de fer vêtus, ils utilisaient des tactiques de combat assez élaborées. Mais l'ampleur des escarmouches lui semblait ridicule. Elle comprenait maintenant pourquoi les romains avaient soumis ce pays il y a des siècles. Mais ils étaient humains.

Et puis vint l'occasion. Une dague plantée dans la gorge de son maître Kobold, une chute des remparts, et la course, interminable, a travers la forêt. Epuisée, elle s'écroula devant une enceinte, confiant au Destin son avenir. Aussi bizarre que cela puisse paraître, elle s'endormit.

Deux voix la reveillèrent.
Des voix d'Albionnais.

Deux solides gaillards se tenaient devant elle. Elle eu un moment de panique en voyant leur cheveux roux. Mais leur tenue confirmait qu'il s'agissait bien d'Albionnais. L'un tenait une formidable hallebarde.

Il cracha et parla.
« Mais qu'est ce donc que ce rat mouillé ? »

L'autre sourit, exposant les souvenirs de batailles, ou d'altercations d'ivrognes, par les quelques dents qui lui manquaient.
« ma foi, je n'en sais rien, mais ce n'est certes pas un Troll. Emmenons cette jeune sarrazine avant qu'un Lurikeen ne lui fasse son affaire ».

Ils rirent à gorge déployée, me soulevèrent avec la même facilité que celle de mon viking quelques années plus tôt, le coup de poing en moins.
 

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