Paru dans le numéro 306 de Fiction (1980), cette nouvelle de Gilles Thomas (alias aussi Julia Verlanger, de son vrai nom Héliane Grimaître) fait parti de celles qui m'ont le plus marqué. Elle m'a longtemps fait cauchemardé, et c'est à cause d'elle sans doute qu'il m'est arrivé de pleurer de rage en écoutant les nouvelles du vaste monde, chaque fois que quelque part la liberté était écrasée sous les bottes des militaires. Si vous en avez la possibilité, je vous la recommande tout autant que je vous la déconseille : âmes sensibles s'abstenir.
Bref, voici les quelques lignes qui débute ce texte.
Bon, d'accord, on avait Priay. On le savait. Et après ? C'était pas nous qui l'avions assis sur le trône, hein ? Nous on en voulait pas de cette salope. Ses électeurs ça se classait connards, et voilà tout.
De voir sa belle gueule à la télé, les connards, ça les faisait bander, parole ! Le regard acier blindé, le menton à la Musso, la voix enchanteresse... L'appel des sirènes, mon vieux. Les connards, quand ils entendaient famille... valeurs morales... remettre notre beau pays sur les rails... intolérable désordre... en finir avec l'anarchie... saines traditions françaises... dignité... honneur... ils en bavochaient, ils prennaient leur pied, je te jure. Ordre, qu'il répétaient l'affreux, Ordre, un beau O bien rond, la bouche en cul de poule. Ordre, il te suçait le mot comme un bonbon. Ordre, t'entendais plus que ça.
On croyait pas qu'il passerait. Jamais. Ben je t'en fous ! 56 % des voix. Régulièrement élu, démocratique et tout. Qu'est ce qu tu voulais qu'on fasse ? Une manif ? On y pensait, mais les syndicats ont dit non. Pas tout de suite. Fallait attendre, et voir venir.
Ben pour voir, on a vu ! Plein les yeux, qu'on en a pris. Et plein le cul !
La suite de l'histoire dure 20 pages, parmi les plus violentes que je connaisse.
La fin ?
Je vous la donne aussi. Ne la lisez pas si jamais vous voulez garder le suspens...
S'il ne s'agissait que de mourir, j'y arriverais peut être. Tu peux craindre une balle, et affronter le fusil quand même. Mais il ne s'agit pas de mourir, il s'agit de crever. Lentement. Salement. Horriblement. Et le premier test, je l'ai fait. Mon vieux, je ne tiendrai jamais le coup. Jamais.
Tu sais, je les ai embrassées, leurs bottes, et j'ai crié " Vive Priay", quand ils l'ont exigé. Sauf coiffure Afro, et il était mort, on l'a tous crié. tous. Et je te jure que tu l'aurais fait aussi.
N'importe quoi, pour que ça s'arrête. N'importe quoi...
VIVE LE PAPE !
VIVE LE ROI !
VIVE L'EMPEREUR !
VIVE GENGIS KHAN !
VIVE TORQUEMADA !
VIVE STALINE !
VIVE HITLER !
VIVE MAO !
VIVE DUVALIER !
VIVE AMIN DADA !
VIVE PINOCHET !
VIVE... LES BLEUS ! LES VERTS ! LES ROUGES ! LES JAUNES § LES CARRES ! LES RONDS ! LES POINTUS ! LES OVALES !...
VIVE LA MERDE !
VIVE PRIAY !
Je précise, à l'époque JMLP était à moins de 3%. Il n'était pas visé par ce texte.
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