Le principe de Peter. Publié aux éditions Stock en France en 1970.
Jamais vu sur ce forum, donc je vous en parle :
Je suis tombé par hasard sur ce livre, à la bibliothèque de ma fac ( oui, je ne passe pas mon temps dans les rayons droit, il y a tout de même plus amusant pour tuer 10 minutes de pause ).
Donc, me voici chez nos amis des sciences humaines, et plus précisément dans le rayonnage "orientation-management-psycho du travail,", enfin des trucs dans le genre.
Et je tombe sur ce bouquin, dont le titre est " Le principe de Peter ".
Ce livre est en fait la synthèse des recherches moitié-sérieuses, moitié-ironiques, d'un professeur nommé Laurence J. Peter, né au Canada dans les années 20, et qui a enseigné par la suite dans la psychologie et l'orientation. Il a écrit dans nombre de revues professionnelles de son époque, et s'est fendu d'un livre, en 1965 ( Prescriptive Teaching ). Il finira directeur d'un centre pour handicapés, et donnera sa démission pour se consacrer à ses recherches personnelles.
L'auteur de cette synthèse n'est cependant pas le professeur Peter, mais elle a été confiée à une rencontre de "passage", qui s'est révélé être un ami par la suite, Raymond Hull.
Raymon Hull est aussi canadien, né en Angleterre, d'un père pasteur méthodiste, il est installé en Colombie britannique depuis 1947. Il est dramaturge, écrit pour la télévision ( plus de trente pièces ), journaliste écrivant pour différentes revues importantes de l'époque ( pour les amateurs de vieilleries, voici les titres : Punch, MacLean's, Esquire ).
Une fois les auteurs présentés, nous pouvons entrer dans le vif du sujet. Je n'ai lu que le premier chapitre de ce petit livre, mais ce n'est pas très grave, car c'est dans ce chapitre que le principe fondateur de l'oeuvre est exposé.
Je vais vous donner quelques passages in extenso, et quelques autres résumés.
" Quand j'étais petit garçon, on m'apprenait que les grandes personnes savaient ce qu'elles faisaient. On me disait : " Peter, plus tu en sauras, plus tu iras loin ". Je poursuivis donc mes études et puis j'affrontais le monde plein de ces belles idées, serrant contre mon coeur mon beau diplôme de professeur. Durant ma première année d'enseignement, je fus troublé en constatant qu'un bon nombre de professeurs, de surveillants généraux et de directeurs d'école semblaient ignorer les responsabilités de leur état et montraient de l'incompétence dans l'exercice de leurs fonctions.
Le principal souci de mon directeur, par exemple, était que tous les stores des fenêtres se trouvent au même niveau, que les salles de classes soient silencieuses et que personne ne marche sur les pelouses. [...]
Je crus d'abord que c'était une faiblesse particulière de l'endroit où j'enseignais, aussi demandai-je à être muté dans une autre région. Je remplis les formulaires spéciaux, y joignis les documents exigés et me conformai de bon coeur à toute la paperasserie nécessaire. Plusieurs semaines après, on me renvoya ma demande avec mes documents !
Non, ce n'était pas à moi qu'on en voulait, mes références étaient excellentes, mes formulaires bien remplis; un tampon officiel indiquait que tout avait été bien reçu, mais mon dossier était accompagné d'une lettre me disant en substance : " les nouveaux règlements exigent que ces demandes soient expédiées en recommandé sinon elles ne peuvent être prises en considération par le ministère. Veuillez nous renvoyer votre dossier en recommandé ".
Je commençai à soupçonner que l'école locale n'avait pas le monopole de l'incompétence.
Une plus ample étude du problème m'apprit que toute organisation emploie un nombre de personnes incapables de faire leur travail. "
Voici donc pour l'introduction. L'auteur va ensuite exposer son principe. Tout d'abord, il nous fait remarquer que dans le monde du travail, ou politique, ou artistique, il y a toujours des gens incompétents. Les politiciens qui se font passer pour des hommes d'état et qui ne tiennent pas leurs promesses, les profs de littérature qui font des fautes d'orthographe, des proclamations dans les universités qui sont rédigées par des administrateurs dont le bureau est un bordel infâme, etc ... Au-delà des ces exemples triviaux, l'auteur, en tant que scientifique, a malgré tout observé des centaines de cas spécifiques mais représentatifs, et il nous donne trois exemples d'employés, ou de fonctionnaires compétents, qui par le jeu des promotions, sont devenus incompétents ( je n'en citerai que deux, pour faire plus court ) :
Dossier municipal, cas n°17 :
J.S. Minion était contremaître au service des travaux publics d'Excelsior City, très apprécié des édiles qui louaient tous son amabilité.
" J'aime bien Minion, disait le chef de travaux. Il a un jugement sain et il est toujours plaisant et aimable."
Ce comportement était normal pour un homme dans sa situation; Minion n'était pas là pour prendre des responsabilités, aussi n'avait-il nul besoin d'entrer en conflit avec ses supérieurs. Le chef de travaux prit se retraite et Minion lui succéda. Il continua d'être plaisant et aimable, de l'avis de tout le monde. Il repassait à son contremaître toutesles suggestions venant d'en haut. Il en résultat des conflits, et les perpétuels changements de plan démoralisèrent bientôt tout le service. Le maire et son conseil se plaignirent, les contribuables et les syndicats aussi.
Minion continue de dire "oui" à tout le monde et transmet avec alacrité les messages, de ses subordonnés à ses supérieurs. Il est chef en titre, mais il fait le garçon de course : les travaux débordent régulièrement du budget communal et ne sont jamais finis. En un mot, Minion, excellent contremaître, est devenu un chef de travaux incompétent.
Service industriel, cas n°3 :
E. Tinker était exceptionnellement zélé et intelligent quand il était apprenti au garage G. Reece; il devint bientôt mécanicien. Il savait admirablement diagnostiquer les plus obscurs défauts d'un moteur et faisait preuve d'une patience merveilleuse pour les réparer. Il fut nommé contremaître de l'atelier de réparations.
Mais là, son amour de la mécanique et son perfectionnisme deviennent des défauts. Il entreprend un travail qui lui paraît intéressant, néglige les réparations urgentes, en disant que tout s'arrangera bien.
Il ne laisse jamais partir une voiture avant d'être parfaitement satisfait du travail effectué. Il se mêle de tout. Il n'est jamais à son bureau mais on le voit plongé à mi-corps dans un moteur démonté et, pendant que l'ouvrier qui devait faire le travail l'observe, les autres attendent qu'on leur dise ce qu'ils doivent faire. L'atelier est donc surchargé de travail, tout en désordre, et les livraisons sont en retard.
Tinker est incapable de comprendre que le client moyen ne demande pas la perfection, il veut sa voiture à l'heure ! Il ne peut comprendre que la plupart de ses ouvrier s'intéressent moins aux moteurs qu'à leur feuille de paye. Tinker ne s'entend donc ni avec ses clients ni avec ses subordonnés. Excellent mécanicien, il est devenu contre-maître incompétent.
Je vais arrêter ici l'énumération, pour en venir au principe énoncé par le prof. Peter.
Le prof. Peter déduit de ses centaines de cas observés, dont nous avons donné deux exemples, qu'il existait un dénominateur commun.
L'employé était haussé de l'état de compétence à celui d'incompétence. Et cela pouvait arriver à n'importe quel employé, dans n'importe quel secteur d'activité, dans toute hiérarchie.
Ainsi, un employé peut atteindre plus ou moins vite son seuil d'incompétence. Tant que celui-ci sera compétent, il continuera d'être promu, pour arriver aux plus hauts échelons de sa société / administration / industrie / armée. Dès que son niveau d'incompétence sera atteint, il cessera d'être promu. Il restera cependant incompétent, parfois jusqu'à la fin de sa carrière.
C'est ainsi que le prof. Peter énonce sa théorie, son principe, le
principe de Peter :
Dans une hiérarchie, tout employé a tendance à s'élever à son niveau d'incompétence.
Ce qui l'amène à établir un corollaire à sa théorie, son principe :
Avec le temps, tout poste sera occupé par un employé incapable d'en assumer la responsabilité.
L'auteur finit par conclure le chapitre en disant ceci :
Vous trouverez rarement un système dans lequel chaque employé aura atteint son niveau d'incompétence, naturellement. Dans la plupart des cas, le travail continue.
Ce travail est accompli par les employés qui n'ont pas encore atteint leur niveau d'incompétence.
Alors voilà, en lisant ces 25 premières pages, j'ai bien ri ( Si, si, vraiment
). Voilà une théorie assez originale, et qui tente de donner une explication à l'incompétence assez répandue au sein de tout système hiérarchique. Ce qui a amené l'auteur a déclaré qu'il avait inventé une nouvelle science : la " hiérarchologie ".
Evidemment, même si l'étude a des bases scientifiques classiques ( enquêtes, statistiques, témoignages, etc ... ), et qu'elle semble adopter un point de vue strictement objectif, elle n'en demeure pas moins ironique, voire parfois humoristique.
Je pense que l'auteur, s'il n'a pas entièrement raison, n'a pas entièrement tort non plus.
Pour ma part, j'ai assez écrit, je vous laisse donc la parole, et exposerai mon point de vue plus tard.
Mais vous, vous en pensez quoi du principe de Peter ???