[Broc] Juste une danse

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Chacun des pas de son cheval remontait le long de sa colonne vertébrale, douloureusement. La route avait déjà été longue depuis Caer Erasleigh jusqu'à Chateau Sauvage et il lui avait fallu rejoindre la capitale à bride abattue, sans prendre la peine de s'arrêter.
Un sanglier traversa le chemin sans crier gare, forçant son cheval à faire un écart et l'envoyant, lui, rouler dans la poussière. Le juron qu'il poussa résonna dans toute la forêt, alors que la rancoeur, la fatigue, la souffrance se rappelaient toutes ensemble à son bon souvenir. La vieille carne qui lui servait de monture s'approcha de lui, le poussant de son museau, quémandant un pardon pour sa faute. Le jeune capitaine de la garde d'Erasleigh se releva avec un gémissement, sans prendre la peine de secouer la poussière dont été maculée sa tunique.

Maudits hiberniens, voilà trois jours qu'ils assiégeaient le fort d'Erasleigh, leurs engins de sièges arrachant à chaque salve des pans entiers de l'antique forteresse. Son commandant l'avait chargé de passer à travers les lignes ennemies, pour informer leurs supérieurs et faire dépêcher des renforts. Se glisser hors du Caer avait été aisé à la nouvelle lune, mais éviter les bêtes qui accompagnaient leurs prêtres de la nature avaient bien failli lui coûter la vie. Plus d'une fois, sous le vent, il avait vu les monstrueuses créatures se tourner vers lui, humant, plus d'une fois, il avait entendu un arc chanter au loin et une flèche se planter non loin de lui.

Mais tout cela était derrière lui, sa mission avait été menée à bien et des troupes fraîches iraient assaillir l'ennemi et lever le siège. Cette pensée réconfortante laissa bien vite la place aux protestations de ses articulations alors qu'il tentait de se remettre en selle. Ses ordres étaient de retourner au plus vite à son poste, mais s'il continuait dans cette obscurité, il risquait de se rompre le cou. Sa chute était un avertissement de la Lumière, il n'était pas bon de tenter sa chance ainsi.
Une borne couverte de mousse attira son attention, on pouvait y lire "La Clairelame" dessus avec une direction. Une nuit de sommeil lui ferait du bien et la Clairelame était une taverne réputée pour sa bonne chère et sa chair tendre. Cette dernière pensée lui arracha un sourire et il lança son cheval au trot en rêvant d'une couche propre.

Il lui fallu moins d'un quart d'heure pour rejoindre l'auguste bâtisse. Taillée à partir des chênes massifs de la forêt de Campacorentin, elle avait résisté à plusieurs incendies et on la disait même magique. Se signant pour avoir eu une telle pensée, il confia sa monture au garçon d'écurie, ainsi qu'une pièce d'argent. Sans attendre un remerciement, il poussa la porte et fut enveloppé par la douce chaleur qui régnait dans la taverne.

Soldats, paysans, voire un ou deux prêtres de l'austère église d'Albion devisaient avec animation autour d'une choppe, d'une assiette ... Les serveuses allaient et venaient entre les tables, avec un sourire pour chacun, un clin d'oeil pour les plus entreprenants. Deux ménestrels tiraient de leurs instruments une vieille balade pleine de vie et parlant de temps anciens où la paix était la règle.
Quelques têtes se tournèrent à son arrivée, les conversations ne s'arrêtant qu'un bref instant. Il n'était après tout qu'un voyageur de plus, juste un peu plus poussiéreux et boueux que la normale.
Il se choisit une table et s'effondra sur la chaise plus qu'il ne s'assit. Le tavernier, gros homme rougeaud à la moustache épaisse et au visage rieur s'approcha alors de lui.

Tavernier : C'est un plaisir de recevoir un des chevaliers d'Albion mon gars, qu'est ce que je peux faire pour toi ?
Capitaine : Il me faudrait une chambre pour la nuit et à manger
Tavernier : J'ai un sanglier qui cuit à la broche, j't'en propose une tranche avec des pommes de terres aux herbes et une choppe, ça t'dit fiston ?
Capitaine <souriant> : Oui l'ami ... plus que tu ne crois, j'ai eu maille à partie avec un sanglier tout à l'heure sur la route, ce ne sera que juste revanche.
Tavernier : Longue route, mon gars ?
Capitaine : Oui, depuis Caer Erasleigh, trop longue à mon goût et un rien trop mouvementée, mais ce soir, je fais relâche.

Alors que le tavernier s'apprétait à répondre, la lumière décrut rapidement alors que la scène où se trouvait les ménestrels demeurait éclairée.
Une jeune femme brune les rejoignit et salua l'assistance avec grâce. Les chandelles de la scène soulignaient ses traits gracieux, un maquillage léger mettait en valeur sa bouche fine et ses yeux d'un vert émeraude. Elle portait une longue robe, d'un rouge profond, alors qu'une rose ornait sa coiffure complexe.
Le rythme de la ballade jouée par les ménestrels se modifia doucement, les hanches de la jeune femme entamant un mouvement hypnotique.
Un silence quasiment religieux s'était fait dans la taverne, les yeux tournées vers la créature que la musique semblait posséder. Un troisième ménestrel rejoignit les autres, joignant sa flûte au luth et au tambour des deux autres. Les hommes de la salle semblaient ne pouvoir s'arracher à cette vision, même les deux moines restaient bouche bée, leurs choppes suspendues à deux doigts de leurs bouches.
La danseuse souriait, jetant une oeillade de-ci, de-là, riant. Lorsqu'elle vit le jeune capitaine, il lui adressa un long regard avant de se détourner.

Le jeune capitaine fit signe au tavernier de s'approcher et lui chuchota à l'oreille.

Capitaine : Qui est cette fille ?
Tavernier : elle fait partie d'une troupe arrivée il y a deux jours, ils ont proposé de payer leur séjour en chantant et dansant. J'ai accepté, sans trop savoir, mais je n'regrette pas. C'est pas des danses que je connais et la fille est pas d'chez nous, mais c't'un plaisir de la voir et la taverne est d'autant plus pleine.
Capitaine : Tu pourrais lui porter un message de ma part ?
Tavernier : Euh, c't'a dire que ...
Capitaine <glissant une pièce d'or dans la main de l'homme> : J'insiste, dis-lui que je veux juste lui parler.
Tavernier : Je t'amène ton assiette mon gars.

Il s'éloigna vers les cuisines, non sans avoir glissé la pièce dans son tablier. Le spectacle prît fin alors qu'une petite serveuse au visage constellé de tâches de rousseur lui apportait une copieuse tranche de gibier avec des pommes de terres, le tout exhalant un fumet qui aurait ouvert l'appétit d'un de ces ascètes de paladins.
Il rompit la miche de pain, empoigna son couteau et fit honneur au plat avec un plaisir évident. Il terminait avec un certain contentement quand un parfum entêtant attira son attention.

Il leva les yeux de son assiette pour les plonger dans les deux émeraudes de la danseuse. Absorbé par son repas, il ne l'avait pas vu s'asseoir à sa table et s'essuya la bouche en rougissant. Elle laissa échapper un rire léger devant sa confusion et lui fit signe qu'il lui restait un peu de mousse dans sa fine moustache. Le jeune homme rectifia sa mise et tenta de se redresser sur sa chaise, avec un succès inégal. Le sourire de la fille s'élargissait un peu plus à chacun de ses efforts. Il s'aperçut alors qu'une longue méche blanche courait le long de sa chevelure.

Danseuse : Et bien messire chevalier, il n'est pas nécessaire de vous mettre en frais de la sorte. Je vois que vous avez fait longue route avant de venir ici et que la route ne vous a guère épargnée.
Capitaine : Tu ne crois pas si bien dire, je viens des terres du nord, là où se trouvent les forts qui protègent notre frontière contre les barbares de Midgard et d'Hibernia.
Danseuse : Vous êtes un de ces courageux combattants ? J'ai un cousin qui sert dans une garnison à Caer Erasleigh, il est écuyer et espère bien endosser l'armure un jour, si la Lumière lui prête vie.

La candeur de la jeune femme le fit sourire une nouvelle fois et lui prit les mains entre les siennes.

Capitaine : Je suis moi-même de Caer Erasleigh ma jeune amie ...
Danseuse : Vraiment ? vous avez des nouvelles de mon cousin ? Il se nomme Esnar, il est brun comme moi, une quinzaine d'années, très gentil et ...
Capitaine : Il y a beaucoup d'hommes en garnison là-bas tu sais et je suis désolé, je ne le connais pas.
Danseuse : Oh ... ce n'est pas grave ... je m'inquiétais un peu pour lui, nous avons été élevés ensemble à la mort de ma mère et il est un peu comme mon frère <souriant> on me dit toujours que je le couve un peu trop <petit rire>. Mais vous êtes bien loin de votre fort Messire chevalier, je croyais qu'il n'y avait pas de permissions ?? Enfin, c'est ce que mon cousin me disait.
Capitaine <baissant la voix> : Je suis ici en mission, le fort est attaqué par Hibernia et j'ai fait la route jusqu'à la capitale pour obtenir des renforts:
Danseuse <étouffant un cri> : Oh non ... Esnar ... il est ...
Capitaine : Je suis sûr qu'il va bien, maintenant que tu m'en parles, je crois savoir de qui il s'agit, je me souviens de lui, quand j'ai quitté le Caer, il allait bien.
Danseuse : C'est vrai ? Je suis tellement inquiète ...

Elle cacha ses yeux verts dans ses mains et laissa échapper un sanglot. Le jeune homme se leva en grimaçant, s'agenouilla devant elle et lui fit tourner son visage gracile vers lui.

Capitaine : Ne t'inquiète pas, dès que je serais de retour au fort, je le prendrai sous mon aile. Je veillerai à ce qu'il ne lui arrive rien de fâcheux, tu verras.
Danseuse : C'est vrai ? <un timide sourire éclaira à nouveau ses traits>
Capitaine : Mais oui, de toute façon nos troupes vont tomber sur les forces ennemies en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. A l'heure où je te parle, elles doivent franchir les portes de la forteresse de Snowdonia et suivre la route Est pour prendre Hibernia à revers. Ils ne les verront pas arriver, le passage des montagnes débouche juste derrière leurs positions.
Danseuse : Ils ne risquent pas d'arriver trop tard ?
Capitaine : Non, ils devraient arriver à la faveur de la nuit, dans deux jours ... rien ne pourra empêcher de secourir nos troupes.
Danseuse <se jetant à son cou> Oh !! Je suis tellement heureuse, je ne sais comment vous remercier.
Capitaine : Ce n'est rien voyons, je ne fais que mon devoir, ma Dame.

Elle se leva, toute traces de chagrin ayant disparu, un sourire lumineux aux lèvres. Avant de s'éclipser, telle un fantôme, il s'approcha de l'oreille du capitaine, lui promettant de venir le rejoindre à minuit dans sa chambre.
Le jeune officier resta sans voix alors qu'elle se faufilait entre les tables, ne se retournant que pour un clin d'oeil. Il sentit ses joues s'empourprer en apercevant les regards envieux et les sourires entendus que lui lançaient les autres clients de la taverne. Il se précipita dans les cuisines, trouver le tenancier et réclama bien vite une baignoire.
A l'heure dite, un léger coup se fit entendre à sa porte et il crût avoir affaire à une apparition. Sa robe était des plus légères, un souffle semblait suffire à l'écarter. La démarche suggestive qu'elle adoptait ne fit qu'ajouter à son trouble et il déglutit difficilement alors qu'elle sortait une outre de vin.

Danseuse : C'est un vin de chez moi, Messire, il est très rare par ici et je suis sûre qu'il vous plaira.
Capitaine : S'il est comme celle qui le sert, cela ne fait aucun doute.

Elle lui tendit un verre et il le porta à ses lèvres alors que les yeux émeraude l'hypnotisaient une nouvelle fois.


Un violent coup de pied le fit tomber du lit et s'écraser au sol. Il se redressa avec une migraine épouvantable, essayant de rassembler ses idées. Il reconnut un soldat portant la livrée de Camelot, un instant avant de recevoir son poing ganté dans la figure.

Soldat : Traître, tu vas recevoir le châtiment que tu mérites.
Capitaine : Châtiment ? Traître ? De quoi parles-tu soldat ? De quel droit me parles-tu ainsi ?!
Soldat : De quoi je parle ? Caer Erasleigh est tombé hier, les renforts sont tombés dans un piège, les archers elfes ne leur ont laissé aucune chance d'en sortir. Tout ça, c'est ta faute !!
Capitaine : Ma faute mais ... quand ?

Il n'en sut pas plus, les coups pleuvant sur lui, il ne reprit conscience que dans les geoles de Camelot.
Le procès fut vite expédié, les faits étaient accablants. Les renforts avaient été massacrés à plusieurs lieues d'Erasleigh, puis les Hiberniens avaient revêtus les livrées des soldats d'Albion. Ils avaient feints de mettre en fuite les assaillants et le commandant de la garnison leur avait grand ouvert les portes, pour son plus grand malheur.
L'empressement des enquêteurs à le faire parler avaient par ailleurs donné des résultats probants ... aux yeux des juges. De la fille il n'avait pas été trouvé trace, pas plus que des ménestrels. Elle était partie avec sa troupe sur les chemins et personne n'en avait plus entendu parlé.
La condamnation tomba, sous les acclamations de l'assistance ... la pendaison ... le châtiment appliqué aux traîtres et aux lâches.

Le jour de son supplice, il monta les marches de l'échafaud, hagard, assommé par le "questionnement" des clercs. Il tenta de se tenir droit alors que l'on nouait ses mains dans son dos, l'air froid du matin mordant son corps mutilé. C'est alors qu'il la vit, cachée dans la foule, le regardant, avec ses yeux verts si particuliers, la mèche blanche qui ornait ses cheveux et ses traits si délicats.
La vérité le frappa avec la vigueur d'une masse de troll et il tenta de s'agiter alors que le bourreau passait la corde autour de son cou. Il se tourna vers la foule pour la voir lui adresser un dernier baiser et disparaître alors que la trappe s'ouvrait sous ses pieds.
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http://perso.wanadoo.fr/redkali/redkali/images/daoc/signature/selicia.png
c'est vraiment un plaisir de lire Selicia à chaque fois.
(et non ce n'est pas du flood, c'est un réel plaisir.)
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DaoC - Broceliande:
Valedryianx, 11L ML10 Legendary Grapple Bot
WoW - Archimonde
Valed Troll Huntress
WaR - Athel Loren
Valedryian Prêtre-guerrier
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