Histoire de morts

 
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Voici, mortels, l'histoire d'une vie troublée qui trouva le plus profond des repos. Pour que vous sachiez à quel point miséricordieux sont les envoyés de la Mort, qui sont communément appelés Carpe Mortem.

extrait du journal de Guillyan Aethuse, trouvé, dans la crypte de Camelot. (le reste du journal est en fort mauvais état et ne peut pour le moment être publié)


Je me nomme Guillyan Aethuse, ou du moins c'est ainsi que l'on m'appelait.
J'ai grandi dans les vastes prairies du nord du royaume, évoluant entre les herbes chaudes l'été, et les sillons de neige qui recouvrent les bords des chemins en hiver. De par notre position aux frontières du royaume, j'ai appris très tôt que je devrais comme mes pères affronter l'ennemi, quel qu'il soit.
Pour trouver le repos disait-on.
Mes parents voulaient que je sois menuisier, et j'ai commencé mon apprentissage dans cette voie très tôt, je crois même que cela me plaisait. Si ce n'est un point contrariant : je ressentais la douleur figée des arbres abattus, j'entendais leur plainte muette lorsqu'ils s'écroulaient à terre, puis plus rien.
Quelques temps j'ai cru que c'était mon imagination qui me jouait un vilain tour. Jusqu'au jour...

C'était un matin, alors que j'étais affairé à débiter un arbre vénérable qui servirait probablement de table de buffet ou de charpente pour une maison de notable, je remarquai un homme m'observant à l'orée du bois. Intrigué par sa présence, je le hélais et lui demandais la raison de sa présence qui, je le sentais, n'était pas fortuite.
-Ola ami, que venez-vous faire ici par cette belle journée ?
L'homme me regardait d'un air que j'estimais amusé.
-Je venais voir partir des amis.
-Pardon ? Je n'ai vu personne par ici monsieur.
Il regarda autour de lui, le regard triste mais résigné.
-Ils sont là. Allongés, éteints à jamais.
Se tournant vers moi, il ajouta :
-Je sais que vous les entendez, et vous savez que je les entends aussi n'est-ce pas ?
Je ne savais pas quoi penser. En une phrase cet homme, si jamais je ne rêvais pas, venait de remettre en avant tout ce que j'avais lentement réussi à enfouir tout au fond de moi.
-Les arbres... dis-je dans un souffle.
-Oui. Les arbres...
Soudain je fus pris de dégoût et lâchais cette hache souillée de crimes qui d'un coup me semblaient ignobles, honteux. Je tombais à terre en tremblant alors que des milliers de sourdes complaintes revenaient me hanter, me rappelant combien de fois j'avais arraché la vie sur cette terre.
Une main me releva doucement :
-Releve-toi, tu n'es pas fautif.
J'écoutais mais n'entendais rien, ma tête bourdonnait follement.
-Nous allons beaucoup nous parler dans les temps à venir. Tu as beaucoup à apprendre sur le monde, sur la Voie ; et sur toi.
Ainsi j'appris la raison de mes différences : j'étais doué du don d'animiste.

Mon maître était patient avec l'apprenti que j'étais. Il m'enseignait l'écoute de la vie, là où je m'étais efforcé de fermer mon esprit. Il m'apprit ensuite à discuter avec les plantes, à leur demander gentiment des choses simples. Lentement je développais quelques talents, jusqu'à approcher ceux de mon maître. Je crois qu'il était fier, et heureux pour moi.

Tout allait au mieux dans ma vie, dans le grand Cycle de la vie. Jusqu'aux invasions.

Je me réveillais une nuit, l'esprit troublé sans savoir pourquoi : quelque part, non loin, quelque chose n'allait pas.
Je regardais en direction du lit du maître, et le voyais s'énerver dans son sommeil. Assurément, quelque chose de mauvais augure se tramait.
Dehors la forêt était calme, «trop calme_» pensais-je. Le vent lui même se taisait, l'atmosphère était emplie d'une crainte presque palpable. En frissonnant, j'approchais d'un vieil hêtre et collais ma main sur son écorce rugueuse, essayant de capter les bruits et les peurs de la forêt.
«_Ceux-qui-marchent sont en guerre._»
-Que vois-tu, Guillyan, qu'entends-tu ?
-La guerre, maître, nos terres sont en feu, la haine étend son emprise.
-Aahh... Cela devait arriver...
-Pourquoi ?
-Pourquoi ?!
Le vieil homme ricana cyniquement, profondément triste.
-Car les hommes sont libres, et que leur regard est trop court pour voir toutes les conséquences de leurs actes.
Doucement, il retourna se coucher.
-Tu sais que je suis vieux Guillyan, je me meurs.
-Oui... Je le sais maître. Mais je préfère ne pas y penser tant que vous êtes avec moi.
-Tu as bien raison, nul besoin de craindre ce qui jamais ne saurait être évité... Chaque chose en son temps, et chaque chose a son temps. Le mien arrive à sa fin. Je veux te demander une faveur mon jeune ami.
Je relevais la tête, étonné par la marque de prestige que me faisait cet homme en m'appelant son ami, lui qui représentait à mes yeux le Savoir et la Sagesse. Mais aussi effrayé par la signification de ceci, comme le passage d'un flambeau, d'une main à l'autre, d'une vie à une autre.
-Oui.. maître, bredouillais-je.
Il respirait difficilement.
-Ne m'appelle plus ainsi désormais. Tu as ta place, tu es un animiste, fils des plantes et serviteur de la Nature.
Déjà mes yeux pleuraient, refusant d'accepter un destin commun aux mortels.
-Sèche tes larmes mon garçon, tu sais tout autant que moi que la Roue tourne, imperturbable. Je n'ai fait que passer. Je t'ai donné mon savoir, et je te laisse le transmettre à celui qui viendra après toi.
Tendant une main faible, il m'indiqua le coffret que je ne lui avais jamais vu ouvrir.
-Amène moi ce petit coffre je te prie.
Je m'exécutais et rapportais l'objet. Il le prit doucement, comme un souvenir cher et précieux, et en sortit le plus joli médaillon qu'il me fut donné de voir.
-Ceci est l'Anas-Kelit.
Il parlait en regardant de ses yeux fatigués le médaillon, mais je sentais qu'il voyait en lui plus des souvenirs depuis longtemps endormis qu'un simple objet de valeur.
-Il me fut offert par mon maître, qui était un homme bon et sage parmi les sages, le jour de sa mort.
Le jour où je suis venu te chercher...
J'étais paralysé par la peur de me retrouver seul, sans personne pour me guider dans la Voie, car c'est ce qui allait arriver. D'une main tremblante je saisis le médaillon, et le mis autour de mon cou.
Une douce chaleur m'envahit, et j'eus l'impression étrange qu'une nouveau monde de perceptions se révélait à moi. J'en oubliais presque le tragique du moment.
-Ceci est un présent ancestral qui fut confié par des nymphes aux premiers animistes et à certains druides. C'est un objet puissant, même s'il en est de plus puissants encore. Les temps qui approchent sont marqués par le sang Guillyan. Tu devras lutter pour la vie, pour que la folie des hommes ne brise pas le Cycle.
Il serra ma main de ses dernières forces, alors que le froid, je le sentais, l'envahissait déjà.
-Promets-le moi Guyllian !
Je répondis en pleurant.
-Oui maître...
Puis plus rien...

-Oui, mon ami...

Et au dehors de la forêt, le sang coulait, les vivants se disputaient une terre qui appartient à tous.
La Guerre des hommes ; une simple dispute, et que de malheurs...

(ceci est une partie du récit de la vie de Guillyan Aethuse, né en l'année 563, disparu lors de l'attaque d'Unnise dans les vallées d'Emain Macha en l'année de troubles 589)
Citation :
Provient du message de DunkhelzaN -CM-
[i]mouais, moi en relisant je constate surtout que j'ai du mal a faire le bon choix entre le passé simple et l'imparfait, va falloir améliorer ça !
Ca dépend si tu veut faire du narratif ou du descriptif. Moi j'ai résolue le problème j'écris au présent

Sinon j'aime bien lire les textes joyeux
 

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