Chapitre 28: vous allez être déçus :)

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Eh oui, ce chapitre est surtout un chapitre de transition. N'attendez donc pas de révélation fracassante ou d'action fantasmagorique... quoique

J'espère que ça se lit agréablement.

Enfin, me voilà revenu de mon week-end de trekking, avec de meilleures couleurs et des courbatures partout. J'ai des chapitres en retard


Introduction
Chapitre I
Chapitre II
Chapitre III
Chapitre IV
Chapitre V
Chapitre VI
Chapitre VII
Chapitre VIII
Chapitre IX
Chapitre X
Chapitre XI
Chapitre XII
Chapitre XIII
Chapitre XIV
Chapitre XV
Chapitre XVI
Chapitre XVII
Chapitre XVIII
Chapitre XIX
Chapitre XX
Chapitre XXI
Chapitre XXII
Chapitre XXIII
Chapitre XXIV
Chapitre XXV
Chapitre XXVI
Chapitre XXVII

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La soirée fut longue, le feu de bois étendant ses lumières sourdes contre les parois de la caverne. Pourtant, elle passa comme un enchantement. Dani discutait avec Rekk, mais c'était une conversation à sens unique. Elle avait une douzaine de bonnes raisons comme quoi il ne devrait pas quitter le lit avant au moins une semaine, si même sa guérison se passait bien. Elle lui parla de gangrène, de fatigue, d'infection, de purulence, d'amputation. Elle le menaça de cent malheurs différents, et son imagination était proprement saisissante. Elle lui planta ses doigts dans les côtes pour bien lui montrer qu'il était encore faible. Elle plaida qu'il ne pourrait jamais tenir à cheval le temps du voyage.
"D'ailleurs, vous n'avez pas de chevaux" fit-elle à cette occasion.
"Mais je compte sur toi pour t'en occuper" répondit-il avant de se rallonger, un demi-sourire aux lèvres.

Elle le traita de tous les noms alors qu'il plaçait sereinement sa cape sur son visage et s'installait pour dormir. Elle lui pinça le biceps alors qu'il se tournait sur le côté. Elle le maudit alors qu'il commençait à ronfler.
"Regardez-moi ça ! Impossible de le faire changer d'avis !" brama-t-elle, pâle de fureur. "Une vraie tête de mule. Un grand couillon des alpages. Et vous, les gamins, qu'est-ce que vous allez faire ? Vous allez le suivre comme des bons chiens ?"

Malek et Shareen s'étaient contentés de suivre cette discussion – ce monologue – en spectateurs attentifs. Ainsi pris à partie, il fallut un moment au jeune homme pour trouver ses mots.
"Nous n'avons pas vraiment le choix, non ? Notre tête est mise à prix, et les gardes vont nous chercher partout. Il a raison, vous savez. Ce n'est pas une bonne idée de continuer à nous cacher plus longtemps. Tôt ou tard, quelqu'un finira par nous dénoncer, et vous tomberez avec nous"
Dani l'observa un instant, et il soutint son regard. Ce fut elle qui baissa les yeux en premier.
"Alors toi aussi, tu penses comme lui" murmura-t-elle. "Mais si vous saviez…. Quelle importance, de mourir ? La vieille Dani, elle a déjà vu trop de choses, je peux te le dire. Elle échangerait volontiers sa vie contre le plaisir de pouvoir lui rendre service, à ce grand dadais. Mais tu penses vraiment qu'il sera plus en sécurité à Bertholdton ? C'est probablement là que l'empereur le cherchera, non ?"
Shareen secoua doucement la tête. Elle posa une main compatissante sur l'épaule de la grosse femme.
"Non, faites-moi confiance. J'ai vu la forteresse, et je sais que l'empereur, s'il a un peu de jugeote, ne tentera rien. C'est trop loin, et c'est trop bien défendu. Même s'il veut vraiment retrouver Rekk, et nous retrouver, ses conseillers l'en dissuaderont probablement"
"Tu es sûre ?" renifla la grosse femme. "Il ne voudra pas faire un exemple ?"
"Il y a quatre murs d'enceinte, et près de trois cent hommes aguerris pour les défendre" fit Shareen de tête, se remémorant ce que lui avait raconté Bok voici un mois de cela. Cela semblait une année. "Il faudrait qu'ils soient plusieurs milliers. Même si Theorocle est rancunier, il ne tentera certainement pas une telle aventure"
Dani haussa les épaules.
"Espérons que tu as raison, ma fille. Espérons-le. Mais n'oubliez pas. Ma mère disait toujours que ce qui paraissait fou pour l'homme du commun était parfois sage pour l'empereur"
"Je n'imagine pas Theorocle être sage" sourit Malek."D'une manière ou d'une autre"

Il s'allongea à son tour. S'ils voulaient partir demain matin, alors autant prendre le plus de repos possible. Il sourit rêveusement lorsque Shareen approcha ses couvertures et vint se blottir contre lui. Elle était chaude contre son torse, comme un petit animal pris au piège de ses bras puissants. Doucement, cachée par l'obscurité, elle lui mordilla le cou.
Mais Dani n'était toujours pas fatiguée. Après avoir pris à partie Rekk, puis Shareen et Malek, il lui restait encore quelqu'un à incendier de sa vindicte. Elle se tourna brutalement vers Laath.
"Et toi ? Pourquoi est-ce que tu veux aller avec eux ? Ta tête n'est pas mise à prix comme celle des autres. Tu peux rester ici ?" Elle baissa la voix et se mit à murmure à son oreille, désespérée. "Si jamais tu pars avec eux, il va t'arriver malheur. Rekk, il attire les ennuis comme la bourse attire le tire-laine."
Elle s'interrompit alors que Laath secouait lentement la tête.
"Non" fit-il. "Moi aussi, je risque d'avoir des problèmes et de t'en causer si je reste. Ma tête n'est pas mise à prix, mais pourtant je me suis fait attaquer par des soldats dans le palais. Quelqu'un veut me tuer, moi aussi"
"Tu ne te donnes pas un peu trop d'importance ?" fit Malek, amusé, du fond de ses couvertures.
Laath le foudroya du regard.
"Je suis sérieux. Je suis le seul à avoir vu la personne qui avait donné le rendez-vous à Deria. Je suis convaincu qu'il a voulu me tuer pour ne pas que je parle"
"La théorie du complot" soupira Malek.
"Crois ce que tu veux" se renfrogna Laath. "Mais je pars avec vous. Moi aussi, j'ai envie de voyager, et de quitter cette ville pour un moment."
Personne ne lui répondit, et il se coucha avec une grimace maussade, tirant les couvertures sur sa tête. Dani resta silencieuse, au grand soulagement de Malek. La grosse femme le rendait nerveux. Il n'aurait jamais réussi à s'endormir alors qu'elle continuait à ratiociner.

Le lendemain, ce fut un hennissement de cheval qui réveilla. Il ouvrit les yeux, et cilla contre la forte lumière du soleil, qui pénétrait à flots dans la caverne. C'allait être une belle journée, sans aucun doute.
Lovée contre lui, Shareen remua doucement. Sa tête était nichée contre son épaule, et il interrompit le mouvement qu'il allait faire pour se lever. A la place, il tira la couverture doucement sur elle. Elle remua, et grogna. C'était agréable. Il se laissa aller à rêvasser. Il n'y avait pas d'animaux dans le coin, pas l'ombre du commencement de la queue d'un. Tout ceci n'était qu'un rêve.
Le hennissement retentit de nouveau. Cette fois-ci, il sursauta. Il y avait bien un cheval tout près ! Quelqu'un à leur poursuite ? Sans ménagement, il repoussa la jeune fille de côté.
"Réveille-toi" siffla-t-il, alors qu'elle ouvrait des yeux hébétés "Il y a un problème"
"Quoi ?" fit-elle.
Malek parcourut rapidement la caverne du regard. Laath dormait toujours dans un coin, mais Dani et Rekk n'étaient plus là. C'était très inquiétant. Que se passait-il ?
Elle se frotta les yeux, alors qu'un nouveau hennissement se faisait entendre. Ses oreilles semblèrent se dresser comme ceux d'un petit animal. Malek se sentit fondre de la voir ainsi, mais ce n'était pas le moment. Il se leva d'un air déterminé, agrippant son épée d'une main ferme. Maintenant qu'il était complètement réveillé, il pouvait se rendre compte que les chevaux ne se contentaient pas de se faire entendre. Ils se faisaient sentir, également. Il y avait une odeur distincte de purin dans l'air.

"Tiens, voilà le premier des tourtereaux" fit Rekk d'une voix traînante alors qu'il jetait un œil hors de la caverne. "Bien dormi ?"
Le guerrier lui tournait le dos, et Malek resta un instant interdit. Il était certain de n'avoir fait aucun bruit. Comment s'était-il fait remarquer aussi facilement ? Puis sa frustration se dissipa, alors qu'il regardait les chevaux. Il y en avait quatre, attachés contre un arbre près de la berge, au su et au vu de tous.
La Maison Licornéenne s'occupait entre autres de l'élevage et de l'approvisionnement de l'Empire en chevaux, et Malek avait très tôt eu l'œil pour les défauts cachés des montures. Bien avant de savoir se battre à l'épée, il avait déjà galopé plusieurs fois dans le domaine familial. Lorsqu'il était plus jeune, rien ne l'amusait plus que de voyager avec les négociateurs de son père, pour voir les vendeurs tenter désespérément de marchander leur pauvre carne comme un animal de prix. Les gens étaient stupides, parfois.

Chassant ces bribes de mémoire d'un mouvement de tête irrité, Malek considéra d'un œil critique les bêtes qui se trouvaient devant lui.
L'un était un grand étalon à la robe brune banale, qui dépassait le jeune homme de plusieurs paumes. Rekk était en train de le harnacher avec habileté. Les trois autres paraissaient tout aussi communs. Aucun n'était blanc, ou noir, comme l'affectionnaient les nobles, et ils étaient tous bien trop épais pour pouvoir prétendre à des courses de vitesse. Pourtant, un examen approfondi révélait des poitrines profondes et des jambes fortes. Les chevaux ne payaient peut-être pas de mine, mais ils étaient parfaitement taillés pour le voyage.
"Par le Sang, c'est vrai que nous partons aujourd'hui" murmura-t-il.
Le corps de Shareen contre le sien lui avait presque fait oublier la discussion qu'ils avaient eu hier, à la lueur des bougies. Mais le souvenir des panneaux offrant une récompense pour sa tête était encore très vivace.
"C'est Dani qui est allé les chercher à l'aube. Il n'y a pas à dire, mais son réseau est efficace. Je ne sais pas comment on aurait pu faire, sans elle"
"Ces chevaux ont dû couter une fortune ! Elle avait autant d'argent de côté ?"

Rekk lui lança un regard perçant, puis se détourna pour triturer ses bandages. Il était torse nu, et le tissu l'emmaillotait comme une momie sur tout son torse. Il avait également des pansements aux épaules, et ses gestes étaient maladroits alors qu'il ajustait la selle.
"De l'argent, probablement pas. Mais des débiteurs, sans aucun doute. De toute façon, je la rembourserai une fois arrivé à Bertholdton. Je ne suis pas très riche pour un baron, mais assez pour pouvoir payer de telles bêtes"
"Elles sont fortes et puissantes. C'est un très bon choix" admit Malek.
"Tu trouves aussi ? Le seul ennui, c'est que ça risque de nous faire repérer. Je ne serai rassuré qu'une fois que nous serons en selle, et en route pour le nord"
Malek avait beau regarder dans toutes les directions, il ne voyait Dani nulle part. Par contre, Shareen venait de le rejoindre, et Laath remuait dans le fond. Il avait visiblement réveillé tout le monde, avec ses peurs stupides.
"Dani n'est pas là ?"
"Elle est partie chercher de la nourriture. Les chevaux étaient plus facile à trouver, visiblement. Avec la menace de la guerre, les prix se sont envolés et les denrées sont stockées"
Shareen se pencha par-dessus l'épaule de Malek. Il respira l'odeur de sa peau. Elle sentait la sueur. Elle sentait l'amour. Elle sentait bon.
"La guerre ? comment ça, la guerre ?"
Rekk sourit froidement.
"Il semblerait que, suite à la mort d'un certain G'kaa, la délégation koushite soit tombée dans un traquenard censé les exterminer. Ils ont réussi à s'échapper, et la nouvelle a gagné la ville. Si jamais Koush apprend comment on a traité son ambassadeur, ce sera une guerre sans pitié, et je n'aimerais pas être à la place des jeunes soldats de l'empire, qui n'ont jamais connu la guerre. Je suis bien placé pour le savoir, lorsque les koushites se battent, ils se battent brutalement."
"Tu veux dire "bien" ?" corrigea Malek.
"Je veux dire exactement ce que j'ai dit. Ce sera probablement une boucherie, à moins que je ne me trompe fortement. Sans compter qu'il y aurait aussi des rumeurs de dissenssion entre les maisons nobles. Si c'est vrai, alors les choses vont vraiment tourner au massacre. Mais ça expliquerait pourquoi le palais était en ébullition, lorsque vous m'avez aidé à sortir du donjon"
Aidé à sortir du donjon. Dit comme cela, ça semblait une tâche facile. Malek frémit.
"Comment est-ce que vous savez tout ça ?"
Le Banni haussa les épaules.
"Dani, encore une fois. Rien ne peut se passer dans cette ville sans qu'elle soit au courant. C'est une sacrée femme, je peux te le dire"
Malek hocha la tête avec ferveur.
"Elle a une grande… personnalité" murmura-t-il.
"Ca… Elle était déjà comme ça, il y a trente ans. Moins épaisse, moins en formes, mais toujours la même langue acérée. Une sacrée femme…"
Rekk se replongea dans l'examen attentif de ses étriers. Clairement, le moment des confidences était passé.

Malek soupira. Il se retourna pour chercher un peu de confort auprès de Shareen.
"Prête à partir pour un voyage de plusieurs jours, ma grande ?" fit-il en l'embrassant doucement.
"Ca n'est pas tant le voyage qui m'ennuie, mais le froid. La dernière fois, j'ai bien cru mourir"
"Eh bien, cette fois-ci, tu emporteras un manteau de fourrure…" ricana-t-il. "On n'avait pas idée de partir pour un voyage dans le nord sans se préparer un minimum !"
Elle lui tira la langue, mais leur querelle s'interrompit alors que Laath sortait de la caverne, les yeux écarquillés.
"Il va falloir que je monte… là-dessus, moi aussi ?" balbutia-t-il.
Il approcha avec circonspection des chevaux, comme s'il craignait de se faire mordre. Il arborait une grimace déterminée, comme un condamné à mort décidé à rester digne devant le gibet.
"Non, bien sûr que non, tu pourras suivre en courant, si tu as de l'endurance" fit Rekk, arquant un sourcil. "Evidemment, que tu devras monter à cheval. Pourquoi, tu ne l'as jamais fait ?"
"Quand est-ce que j'en aurais eu le temps, ou les moyens ?" protesta Laath. "Je n'ai pas eu une enfance protégée, moi."
"Fais-moi pleurer, gamin" grommela Rekk. Il paraissait enfin satisfait de la manière dont sa monture était sanglée. Il avait eu quelque mal à mettre le filet, mais c'était maintenant chose faite. "Un jour, tu sauras ce que c'est qu'une enfance difficile"
Son ton était ferme, et Laath abandonna la partie. Rassemblant son courage, il s'approcha du cheval le plus petit, qui paraissait le plus calme. L'animal ne bougea pas lorsqu'il tendit la main pour lui flatter le museau.
"Vous êtes sûr qu'il est docile ?"
"Pour sûr, petit ! S'il était plus calme, on l'abattrait et on en ferait de la colle"
Laath n'avait pas l'air très rassuré.
"Tu veux que je t'aide à harnacher ton cheval ?" fit Malek, compatissant.
"Je veux bien"

Laath apprenait vite, et ses gestes étaient sûrs, mais il avait une méfiance instinctive pour les chevaux, qui mettait du temps à se dissiper. Lorsque sa monture tenta de le mordre alors qu'il essayait de se débrouiller avec le filet, il recula de quelques pas et s'étala dans la boue, fou de rage. Shareen éclata de rire avant de pouvoir s'en empêcher, ce qui ne fit rien pour arranger les choses.
Mais, lorsque Dani arriva enfin, ils étaient tous prêts à partir.

La grosse femme revint par le passage de la caverne, ahanant et soufflant sous le poids de nombreux sacs remplis de provision. Elle avait des manteaux sous le bras, également. Malek la regarda avec incrédulité. La charge aurait certainement suffi à le mettre en difficulté pourtant, en dehors de sa respiration sifflante, la grosse femme avançait rapidement. S'il était bon juge de la distance, elle avait dû parcourir près d'une lieue de tunnels en portant un tel fardeau. Il sourit, réévaluant sa première impression. La corpulence de la femme n'était pas uniquement faite de graisse. Il y avait beaucoup de muscle, là-dessous.
"Je vous ramène de la nourriture, les petits ! Tout ce que j'ai pu trouver ! C'est pas grand chose, allez. Ca ne suffira pas pour tout le voyage, mais ça devrait déjà vous emmener assez loin. Et puis des manteaux, aussi. Il doit faire froid, dans ce grand nord dont vous parlez, avec sa neige et ses loups. Déjà, quand on a la neige ici, j'ai les dents qui claquent comme si ma mâchoire était gelée, alors là-bas, je n'imagine même pas !" Elle déposa son fardeau sur le sol, puis foudroya Rekk du regard comme si tout était de sa faute. "Je suppose que tu es toujours aussi décidé, faiseur de veuves ?"
"Je suis toujours décidé" acquiesca-t-il.
"Eh bien, on ne peut pas dire que je ne t'aurai pas prévenu" Elle s'empara d'un manteau et le lui lança sur les épaules, grommelant dans son double-menton. "Si jamais tu continues avec cette stupidité, au moins, tu ne prendras pas froid. Vous voulez partir quand ?"
"Maintenant" fit Rekk.
"Maintenant ?"

La grosse femme ne s'attendait probablement pas à cela, même si elle avait dû remarquer les chevaux harnachés, et les jeunes gens piaffant d'impatience. Elle accusa un temps d'arrêt.
"Plus vite nous serons partis, plus vite tu – nous – serons en sécurité. Tous. Il faut qu'on parte ce matin"
"Sans même me dire au revoir ?" fit Dani, l'air soudain complètement perdue.
Rekk s'approcha avec chaleur.
"Je ne pourrai jamais te remercier pour tout ce que tu as fait pour nous" murmura-t-il, avant de l'embrasser sur ses joues rebondies. "Dani, je…"
Elle se tourna, les yeux flamboyants, et l'embrassa à pleine bouche. Rekk poussa un cri, étouffé par la soudaine succion, et agita vainement les bras dans les airs. L'épéiste légendaire se trouvait en difficulté.
"Voilà !" fit-elle avec satisfaction, le repoussant de côté. "Je te l'avais dit autrefois, j'embrasse beaucoup mieux que ta blondasse. Tu ne sais pas ce que tu as perdu, Démon de mon cœur" Elle se détourna et repartit dans la caverne, l'air soudain bien plus vieille. "Emballez vos provisions, et allez-y. Je ne veux plus vous voir. J'ai du travail, moi aussi. De la contrebande. Beaucoup de contrebande"
Elle se détourna pour rentrer dans la caverne. Soudain, elle paraissait avoir dix ans de plus.
Rekk s'essuya la bouche avec soin.
"Allons-y" fit-il doucement.
Il y avait de nombreux chemins pour rejoindre Château Bertholdton. Certains étaient rapides, d'autres moins. Le moyen le plus efficace était bien sûr de suivre la route impériale vers le nord, jusqu'à ce qu'elle soit envahie par les broussailles et la terre. Mais c'était également la plus dangereuse. Si jamais l'empereur avait anticipé leurs mouvements, ils rencontreraient certainement des patrouilles sur la route. Sans même parler des chasseurs de primes.
"Non" avait fait Rekk d'un ton tranchant, hier, alors qu'ils étaient penchés sur la vieille carte de Dani. Il avait indiqué la forêt de Calmelac, au nord-ouest de la ville, et les collines qui la flanquaient. "Nous passerons par ici"
"C'est plus long" avait objecté Malek.
"C'est plus sûr" avait répondu Rekk, et personne n'avait plus protesté.
Lentement, ils s'engagèrent dans la forêt. Une partie des bois étaient réservés pour les parties de chasse de l'empereur, mais le reste était parcouru de nombreux chemins et sentiers, qui permettaient de relier la ville aux différentes fermes de l'ouest et du nord-ouest. Le soleil brillait, et la température était enfin printanière. Malek entrouvrit son épais manteau avec soulagement. La pelisse lui servirait lorsqu'ils seraient plus au nord mais, pour l'instant, un peu d'air frais sur sa poitrine lui faisait le plus grand bien.

Autour de lui, le printemps se faisait vraiment jour. Les arbres refleurissaient avec une énergie contagieuse, et les premiers bourgeons arrivaient à éclosion, en une explosion de couleur. Les chênes côtoyaient les charmes, les noisetiers, les sureaux et les ormes. On pouvait voir du brun, du rouge, du vert, du jaune, et la lumière du soleil jaillissait avec bonheur dans les sous-bois, s'entrelaçant dans le houx et le sorbier. C'était une vision paradisiaque.
"On n'a pas vraiment l'impression d'être en train de fuir" fit-il en souriant, alors que les oiseaux chantaient autour de lui. "Le ciel est bleu, la forêt est belle. On dirait une promenade"
"Une promenade ? Parle pour toi" grommela Laath. Le jeune garçon serrait les dents, tentant désespérément de rester en selle.
Malek ne s'était pas trompé en lui conseillant sa monture. Le cheval était doux et placide. Il ne ferait certainement jamais d'étincelles, mais c'était tout ce dont pouvait rêver un débutant.
"Ne presse pas trop les flancs pour te tenir" conseilla le jeune homme, alors que Laath montrait des signes de nervosité. "Il va croire que tu veux aller plus vite. Ce n'est pas la peine de te brusquer. Le cheval n'est pas ton ennemi"
"Moi, je le sais, mais lui ?" fit Laath avec un sourire crispé. "Vous êtes amusants, c'est la première fois que je monte à cheval, moi"
"C'est douloureux la première fois, mais on s'habitue, ensuite"
Shareen lui lança un regard suspicieux.
"Regarde où tu vas, Malek, au lieu de dire des bêtises. Ton cheval s'approche trop du mien, il va le faire botter"
"Parce que c'est nerveux, ces animaux, en plus ?" grimaça Laath.
"Ne te tracasse pas pour ça" fit Malek. "Tu as la crème des chevaux. Profite de la promenade."
Rekk fit abruptement tourner son étalon face à eux.
"Une promenade où chaque arbre peut contenir un ennemi" fit-il, visiblement excédé. Il avait toujours été froid, mais ses blessures n'avaient rien fait pour améliorer son humeur. "Gardez l'œil ouvert, si vous voulez survivre, et cessez de piailler comme des moineaux. La moitié de l'Empire est à nos trousses – et l'autre n'a pas encore vu les panneaux de récompense"

Le ton acerbe du Banni passa comme une brise fraîche sur les trois jeunes gens, douchant leur humeur. Malek baissa les yeux, comme pris en faute. Quelques minutes auparavant, il ne pensait qu'au soleil sur sa nuque, et à Shareen qui chevauchait à ses côtés. Maintenant, il regardait les arbres avec nervosité. Rekk avait raison. Il pouvait y avoir quelqu'un dans chacun de ces arbres, tant leur ramure était impressionnante. Un archer, avec une flèche pointée sur eux. Il sourit nerveusement à Shareen, qui grimaça en retour. Laath avait les yeux baissés, ostensiblement concentré sur le fait de rester en selle. Un rictus sinistre aux lèvres, Rekk reprit la route. En silence.

Malek garda le visage fermé alors qu'ils continuaient à avancer. Les arbres ne semblaient plus si beaux, désormais, et sa journée était gâchée. Plusieurs fois, sa main vint se poser sur la garde de son épée, parce que les fourrés bruissaient de sons étranges. Mais il s'agissait toujours d'un lièvre ou d'un furet qui détalait en les apercevant. C'était bucolique, mais énervant. La forêt l'oppressait.
Pourtant, rien ne vint perturber leur première journée. Le soleil se coucha alors qu'ils étaient encore dans les bois, et Rekk se résolut à ordonner une halte. Il ne voulait visiblement pas l'admettre, mais ses blessures lui faisaient subir le martyre alors qu'il chevauchait. Son visage était pâle.
"Nous allons dormir ici pour la nuit. Il faudra organiser des tours de garde"
Malek hocha la tête.
"Je ne suis pas très fatigué. Je peux prendre le premier, si vous voulez."
"Ca me va. Je prendrai le second, et Laath le dernier" fit Rekk. "J'ai l'habitude de dormir par intermittence, ça ne me dérangera pas"
"Et moi ?" protesta Shareen. "Je ne monte pas la garde ?"
"Tu as besoin de repos" fit Malek, la serrant contre lui. Il tenta de l'embrasser, mais elle se tourna dans ses bras. Elle semblait furieuse.
"Et toi ? Tu n'as pas besoin de dormir ? Et Rekk ? Il tient à peine debout ! Vous croyez que vous allez m'écarter comme ça ? Mais vous êtes incroyables ! C'est moi qui prendrai le deuxième tour de garde, et débrouillez-vous pour la suite"
"Shareen" protesta le jeune homme sur un ton raisonnable.
"Shareen – rien du tout. Je monte la garde, et vous n'avez pas intérêt à protester"

Laath leva les yeux au ciel.
"Faisons quatre tours, alors. Pour ma part, ça ne me dérange pas de dormir plus"
Malek grommela un instant, mais Rekk donna son assentiment et, dès lors, il n'y avait plus rien à dire.
"Que ferons-nous, une fois à Château Bertholdton ?" s'enquit-il, essuyant ses mains pleines de gras sur ses habits. "On ne pourra pas se cacher indéfiniment. Si l'empereur comprend que vous – que nous – sommes là-bas, il finira bien par essayer de nous en déloger. Et puis, je ne sais pas si j'ai vraiment envie de passer ma vie dans cet endroit. Malek m'a dit qu'il faisait un froid à fendre les pierres, là-bas, sans compter les attaques barbares"
Rekk jeta un regard perçant à Malek, qui détourna les yeux d'un air dégagé. Le Banni entreprit d'attiser le feu.
"Nous n'allons pas dans le nord pour nous y terrer" fit-il tranquillement. "Je n'ai pas oublié ma vengeance, et le traitement que nous a réservé le petit empereur. C'est moi qui porterai la guerre au cœur de son royaume"
Trois paires d'yeux incrédules se portèrent sur lui.
"Attaquer ?" fit Malek, résumant le sentiment général. "Attaquer l'Empire ? C'est impossible"
"Non, ça n'est pas impossible. J'ai près de trois cent hommes, au château"
"… Et l'empereur en a plusieurs milliers. Des dizaines de milliers. Que voulez-vous faire avec aussi peu de monde ?"

Rekk haussa les épaules.
"Il faut savoir garder la foi, de temps en temps. Vous pensez que c'est irréalisable. Je pense, pour ma part, que c'est tout à fait envisageable. Nous verrons bien qui a raison, au final"
"Vous pensez à Koush ?" fit Laath, fronçant les sourcils. "Vous pensez qu'ils vous aideront ?"
Le Banni secoua la tête.
"Non, je ne pense pas qu'ils m'aideront. Ils n'ont aucune raison de me porter dans leur cœur. Peut-être, si G'kaa avait survécu… mais cela ne sert à rien de spéculer ainsi. Les Koushites ne m'aideront pas, pas directement" Il sourit. "Par contre, leur attaque sur l'Empire va être sans aucun doute féroce. Cela va sans nul doute détourner l'esprit de l'empereur de notre cas. Et puis, il y a cette rumeur sur des maisons nobles en rébellion. Si cela va jusqu'à la guerre civile, alors nous avons nos chances"
"Trois cent personnes ? Nos chances ?" Malek secoua la tête. "Et parmi ces trois cent, combien sont de vrais combattants ? Et combien voudront vous suivre ? C'est de la folie"
"Nous verrons" fit simplement Rekk.

Shareen semblait de plus en plus sombre alors qu'ils parlaient. Soudain, elle éclata.
"Et en supposant que vous y arriviez ? En supposant que, d'une manière ou d'une autre, vous déclariez la guerre à l'Empire, et que les gens acceptent de vous suivre ? Vous vous rendez compte des morts qu'il y aura ? Des gens qui n'ont rien demandé à personne et qui, d'une manière ou d'une autre, se retrouvent du mauvais côté d'une lance ? Et les paysans ? Leurs récoltes vont être pillées ou brûlées, comme à chaque guerre. Tout ça pour satisfaire votre désir de vengeance. Est-ce que ça en vaut la peine ? Est-ce que ça en vaut vraiment la peine ? Je commence à regretter de vous avoir aidé à sortir de votre prison"

Rekk sursauta comme si on l'avait giflé, et le silence tomba sur le campement alors que ses yeux croisaient celui de la jeune fille. Consciente d'être allée trop loin, elle déglutit. Mais elle ne recula pas assez vite pour éviter qu'il ne l'attrape par le col et la traîne vers lui.
"Tu ne sais rien" siffla-t-il, son visage tellement proche que Shareen pouvait voir les veines qui se gonflaient sur sa tempe. "Tu – ne – sais –rien ! Est-ce que c'est ta fille, qui est morte ? Est-ce que c'est toi, qui pleure quelqu'un que tu aimes, que tu aimais ? Si ton Malek, que tu as l'air de soudain trouver à ton goût, disparaissait, est-ce que tu ne chercherais pas à te venger ?"
Furieux, il la jeta de côte. Elle heurta le sol avec force et grimaça, mais refusa de voir des larmes lui monter aux yeux.
"Je ne sais pas comment je réagirais" grinça-t-elle, "mais sûrement pas comme vous. Mais, après tout, c'est un problème entre vous et votre confiance" Elle lui tourna le dos. "Je m'en lave les mains. Ne comptez pas sur moi pour vous aider"
Ainsi tournée, elle ne vit pas Rekk hausser les épaules et se glisser sous les couvertures. Pour lui, la conversation était clairement finie. Lorsqu'elle s'en rendit compte, elle pinça les lèvres et vint se coucher le plus loin possible des trois autres. Malek la regarda faire, désemparée. Elle ne lui adressa pas un mot.

Ce fut d'une humeur désagréable qu'il s'installa pour le premier quart. Il enroula une couverture sur ses épaules, posa son épée de travers sur ses jambes, et s'adossa à un arbre noueux. La nuit s'annonçait longue.
Les uns après les autres, ses compagnons s'endormirent. Il soupira en voyant Shareen le foudroyer une dernière fois du regard avant de fermer les yeux pour dormir. Il ne comprendrait jamais les filles. Mais peut-être était-ce mieux ainsi.

Il regarda les étoiles qui s'allumaient une à une, et son esprit se prit à vagabonder. Ils venaient de passer une semaine à Musheim, et cette semaine avait vu basculer l'empire. L'empereur était mort, Maître Semos était mort, l'ambassadeur koushite était mort, et les dieux savaient combien d'autres personnes. Leur tête était mise à prix. L'académie était en ébullition. Il tourna un regard pensif vers Rekk, qui dormait près de lui. Le Faiseur de Veuves méritait bien son nom. Combien de femmes allait-il encore laisser sans mari, dans le seul but de pouvoir assouvir sa vengeance ? Il ne parvenait pas à comprendre comment les choses s'étaient enchaînées aussi facilement, pour qu'ils se retrouvent dans cette situation. Il avait presque l'impression que…
Un bruit sec de branche brisée à sa gauche brisa brutalement le cours de ses pensées. Revenant aussitôt sur terre, il se leva avec brusquerie, levant son épée dans la main droite et une torche dans la gauche. Il leva la lumière bien haut, mais on ne voyait rien. Les ombres dansaient autour de lui, menaçantes. L'une d'entre elles portait-elle un couteau ? Fiévreusement, il recula d'un pas, pointant son épée. Mais ce n'était qu'une branche basse. Il frissonna.

"Toute cette histoire me monte à la tête" murmura-t-il.
Ce n'est que mon imagination. Ma foutue imagination. Il imaginait des dangers là où il n'y en avait pas. Les bruits qui l'avaient fait sursauter n'étaient que les sons de la nuit, voilà tout. Un animal, c'est tout. Un rat, peut-être. Précautionneusement, il se rassit. Il avait beau tendre l'oreille, il n'entendait plus rien. Il resta ainsi, tous les sens aux aguets, pendant plusieurs minutes. Ses mains étaient luisantes de sueur. Il les essuya avec colère. Il se comportait comme un gamin.
Soupirant, il se leva pour aller mettre du bois dans le feu. Pendant un instant, sa silhouette se dessina parfaitement dans la lumière du brasier.
Avec un sifflement meurtrier, un carreau d'arbalète vint le cueillir au ventre.
Re: Chapitre 28: vous allez être déçus :)
Citation :
Avec un sifflement meurtrier, un carreau d'arbalète vint le cueillir au ventre.

NoOooooon t'as pas le droit de t'arrêter la



Pas de révélation

Et ca !!


Citation :
Provient du message de Grenouillebleue
Elle se tourna, les yeux flamboyants, et l'embrassa à pleine bouche. Rekk poussa un cri, étouffé par la soudaine succion, et agita vainement les bras dans les airs. L'épéiste légendaire se trouvait en difficulté.
"Voilà !" fit-elle avec satisfaction, le repoussant de côté. "Je te l'avais dit autrefois, j'embrasse beaucoup mieux que ta blondasse. Tu ne sais pas ce que tu as perdu, Démon de mon cœur"
Si on devait porter cette histoire au théatre, je veux le role de Dani C'est tout à fait moi
Re: Re: Chapitre 28: vous allez être déçus :)
Citation :
Provient du message de Lilandrea VifArgent

NoOooooon t'as pas le droit de t'arrêter la
ben attend, au bout de 28 chapitre qd meme ...

merci pour cette zoli histoire grenouillebleue
(j'ai fait un copié collé sur ficher Word, comme ca je pourrai la relire de temps en temps)
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