C'était une question de temps, avant que le ciel n'ouvre son sinistre théâtre. Il menaçait depuis de longues heures, déjà, et sa pèlerine gris pétrole luisait de malveillance, à l'approche des trois coups de bâton. Le premier ne se fit entendre que par les animaux ; des loups tournèrent la tête vers son origine, et s'en allèrent rejoindre leur tanière.
Le second fut presque un écho, insistant, une onde réminiscente et appuyée, amplifiée. Dans la fureur du métal crissant, et malgré leur surdité, les hommes entendirent. La plupart n'en tint pas compte, aveuglés qu'ils étaient par leur propre rage, mais d'autres s'en inquiétèrent, conscients que la tempête serait terrible. Certains prirent la décision de tourner les talons, et de faire comme les loups. Les autres furent moins sages.
Le troisième mit un terme à l'attente impatiente des esprit de la nature. Le rideau s'ouvrit, mais pour mieux déverser dans un gargouillis aqueux une eau tiède, presque larmoyante. Quelle que fût la pièce jouée, le dramaturge était dominé par sa folie.
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La créature n'a pas touché le sol, pourfendue, que je suis déjà trempé. Pourtant, mon premier coup porté sur elle n'était pas accompagné de pluie. Ces quelques incroyables secondes, je les ressens comme une catastrophe. L'eau, lourde comme du métal en fusion, tiède, qui tombe à grosses gouttes éclaboussantes, semblent porter un message de désespoir et de rage. Il fait nuit, à présent, mais d'une encre poisseuse, d'où suintent ces gouttes maladives. Je décide de m'abriter, faisant fi du danger, sous un arbre rachitique, en attendant une accalmie.
Le Cri me fait sursauter. Quelle blessure, quelle souffrance, peut donc provoquer un si effroyable hurlement ? Celui d'une bête ? Sûrement pas. La conscience domine, ici, pas le simple instinct. Il ne peut s'agir que d'un homme... ou d'une femme.
Me viennent quelques mots d'une chanson oubliée que je décide de chanter, assis au pied de cet abri, tant pour me réchauffer que pour envoyer une lueur d'espoir à cette malheureuse âme.
"Songe, âme torturée, à ces actes passés,
A ces héros perdus par un seul égarement,
Et qui pleurent depuis d'avoir été chassés
De leur piédestal, et du haut firmament.
Ne ferme pas les yeux, silhouette de lumière,
Et si tu es héros, tu n'en es pas moins homme.
Demande aux fortunes d'exaucer ta prière,
Et viens, solitaire, soigne-toi de ce baume
Que tient ma main tendue, oeuvre de compassion,
De simple humanité, de complexe fusion."
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- Gwalchmei
Seul.
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