Sectes re religions : un sac de noeuds ? Approche socio-juridique

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Comme promis, je vais ici vous exposer partiellement le point de vue de Annick Dorsner-Dolivet, professeur à l'Université de Lille II.
Je ne vous livrerai qu'un condensé de l'introduction de son commentaire concernant la loi du 12 juin 2001, dénommée "loi sur les sectes".
Je ne puis vous en dire plus, car je résume son commentaire sans autorisation. L'intégralité de son commentaire ( qui fait 14 pages ) peut être trouvé dans le recueil Dalloz ( Dalloz 2002, chronique p. 1086 ).

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Le terme secte vient du latin "sequi", qui veut dire suivre. On y trouve également une idée de coupure - "secare".
Rome connaissait déjà des sectes, comme le relate Tite-Live avec l'affaire des Bacchanales. Toutes les religions ont d'abord été des sectes critiquant les religions dominantes de leur époque.
Suite, notamment, au désintérêt envers la religion catholique ( plus généralement chrétienne ), de nombreuses pratiques, plus ou moins inspirées de valeurs pseudo orientales, ont vu le jour.

Les médias n'ont pas manqué de mettre à l'index ces nouveaux mouvements ( Temple du peuple au Guyana, Ordre du Temple Solaire en Suisse, France et au Québec, ces deux mouvements s'étant illustrés par de massifs suicides collectifs ) pratiquant la déstabilisation mentale, le suicide collectif, les exigences financières, les atteintes à la vie familiale, l'embrigadement des enfants, les discours anti-sociaux, l'esclavagisme sexuel.
Tous ces agissements sont incriminés par notre code pénal, et pourtant la mise en mouvement de l'action publique est rare contre ces mouvements, car il y a en fait peu de plaintes, ou quand elles existent elles sont retirées, à cause de la pression de ces mouvements contre l'individu portant plainte, ou parce que des arrangements financiers sont trouvés.

L'écart entre infractions des sectes et répression s'est aggravé, pour deux raisons principales :
La première est que les sectes ont élargi leur champ d'influence à trois domaines : l'éducation ( via la direction d'établissements privés hors contrat ), le monde professionnel ( notamment via des structures de formations professionnelles ), la santé ( en faisant sortir les adeptes du champ de la médecine traditionnelle ).
La deuxième est que les sectes ne se soumettent que rarement au régime associatif, organisé par la loi du 1er juillet 1901, et aussi rarement au régime des cultes, organisé par la loi du 9 décembre 1905, mais prennent la forme de société commerciale, financièrement très puissantes, ayant des ramifications à l'international.

Le combat contre ces sectes se heurte à deux obstacles : liberté d'association et liberté de croyance.
L'Etat est neutre vis-à-vis de tous les cultes et croyances ( cf. art. 10 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen ), principe que l'on retrouve dans la loi du 9 décembre 1905, dont l'art. 1er garantit la liberté de conscience et le libre exercice des cultes, sous certaines conditions. Aucun culte n'étant cité dans la loi de 1905, tous sont concernés, y compris les sectes ( Conseil d'Etat, 14 mai 1982, Association internationale pour la conscience de Krisna ).
L'art. 2 de la Constitution de 1958 ( notre Constitution actuelle ) et l'art. 9 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme reconnaissent aussi à toute personne le droit à la liberté de "manifester sa religion individuellement ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites ", et d'en changer. Les sectes peuvent donc s'établir en culte, sans contrôle préalable de l'administration.
La liberté d'association est garantie par l'art. 1er de la loi du 1er juillet 1901, elle est un principe fondamental reconnu par les loi de la République, selon le Conseil Constitutionnel ( cf. DC, 16 juillet 1971, AJDA 1971 ).

Face à l'impossibilité de donner une définition juridique aux sectes ( I ), le législateur n'a adopté aucun dispositif particulier concernant les sectes ( à une exception procédurale près, concernant la dissolution d'urgence ). Mais sous la pression de l'opinion publique, suite à une vague de suicides collectifs, une proposition de loi de M. Nicolas About a abouti à l'adoption de la loi du 12 juin 2001, édictant un dispositif qui tient compte de la spécificité des mouvements sectaires ( II ).


I- L'impossible définition de la secte

A- L'échec des différentes tentatives de définition de la secte

1°- Approche sociologique

Pour Max Weber ( in Ecrits de sociologie religieuse ), l'Eglise serait une institution qui privilégie l'extension de son influence, alors que la secte serait un groupement contractuel mettant l'accent sur l'intensité de la vie de ses membres.
Opposition approfondie par Ernst Troeltsh, qui a mis en évidence l'aptitude de l'Eglise à s'adapter à la société, alors que la secte se situerait en retrait de la société globale, refuserait tout lien et dialogue avec elle.
Or les sectes sont souvent des organisations internationales qui étendent leur influence de par le monde. Par ailleurs, les sectes sont structurées sur le fondement des règles juridiques de l'Etat qui les héberge : associations, sociétés, plus rarement cultes.

2°- L'approche juridique

L'Etat français étant laïc, il n'a aucune compétence pour juger de la valeur d'un mouvement religieux. L'Etat ne doit pas favoriser un culte plus qu'un autre, il doit tous les respecter d'une égale valeur.
Trois critères sont communément admis pour distinguer juridiquement les sectes, mais le doyen Carbonnier à démontrer en quoi ils étaient inopérants.
Le critère du faible nombre d'adeptes. Le faible nombre d'adeptes signifierait qu'au-delà d'un certain seuil, la secte rejoint la religion. Or on sait tous que les grandes religions actuelles ont été à leur début constituées par un faible nombre d'adeptes.
Le critère de la nouveauté. Des mouvements apparaissent plus tard dans certains pays. De plus, autour des grandes religions actuelles ( islam, christianisme, bouddhisme, brahmanisme, judaïsme ) se créent de nouveaux mouvements, ces derniers devraient donc être alors considérés comme sectes.
L'excentricité de la pensée. Personne ne peut s'en faire juge, sous peine de favoriser l'immobilisme. Par ailleurs, toute croyance nouvelle peut paraitre excentrique par rapport à celles déjà communément admises.

Ainsi, la liberté religieuse s'oppose à ce que les sectes connaissent un autre sort que les grandes religions actuelles.
C'est pourquoi on a essayé de définir les sectes par rapport à leur dangerosité.

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Voilà, pour des raisons évidentes de droits d'auteur et de copyright, je vais m'arrêter ici, sachant que ce que j'ai mis n'est déjà qu'un condensé de l'intro (!). J'espère que cela pourra donner des pistes de réflexion à ceux qui s'interrogent sur problème sectaire en France et dans le monde en général, et que cela vous encouragera à aller regarder ne serait-ce que la loi adoptée en 2001.
Le débat tourne autour du fait qu'une définition juridique des sectes n'est pas possible. Dès lors, que peut faire le législateur pour contrer les pratiques abusives dont elles se rendent coupables ?
Si j'en ai le courage, je posterai le point de vue de l'auteur de façon très condensé ( même si je n'en ai pas le droit ) pour vous en donner une idée. Mon post n'a à l'heure actuel qu'un seul objectif : donner des pistes de réflexion à chacun d'entre vous.

Note : si les modos estiment le post inutile, j'essaierai d'en mettre plus avant qu'ils estiment nécessaire de le fermer
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