[Histoire] Le vieil homme

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"Allez tonton, raconte-nous encore ! Dis tonton raconte !"
La fillette gigote sur les genoux du vieux Highlander qui tire tranquillement sur sa pipe.
"Oui tonton, raconte tes batailles et tous les Trolls que t'as fait saigner !" crie le garçonnet en pourfendant l'air de sa petite épée en bois et en gesticulant devant l'âtre, combattant les ombres que jettent les flammes sur les murs.
"Oh non, pfff, j'aime pas le sang moi, je veux une belle histoire d'amour !". La fillette s'est mise sur ses pieds et fait face au vieillard en croisant les bras, la mine boudeuse.
Le Highlander quitte son air renfrogné, une lueur passe dans ses yeux et il sourit aux enfants.
"Vous savez, souvent amour et bataille sont côte à côte dans la vie. Du moins c'était le cas autrefois. L'amour se gagne à la bataille, et la bataille renforce l'amour.
- Ben je comprends rien à c'que tu dis tonton !". L'épée du garçon vient taper le bras de la fillette qui fait mine de pleurer.
"Mais heu !! Toi en bataille tu tuerais tous tes amis tellement t'es maladroit !" dit-elle en tirant la langue à son frère.
Le vieil homme se redresse un peu de son fauteuil qui craque alors bruyamment, produisant l'effet recherché. Les deux enfants le regardent et s'assoient en tailleur devant lui. Le jeu d'ombres du feu de la cheminée donne à son visage un âge indéfini.
"Nous étions, votre tante et moi-même à Uppland...
- Ouais c'est chez les Trolls ! Va y'avoir du sang !
- Mais shhhttt, t'es bête toi, t'es bien un garçon ! Pffff !
- ...à Uppland. Nous aimions nous promener ainsi tous les deux, défiant le danger et profitant de l'extraordinaire spectacle des reflets du soleil sur les monts enneigés. Parfois nous y croisions des Elfes que nous saluions...
- Scrouuuiiiccc, fait le garçon en passant son pouce le long de son cou, avec une grimace très expressive.
- ... Ce jour là fut lancée une offensive sur Mjollner Faste...". Le vieillard courbe le dos et abaisse son visage au niveau des enfants en prenant un air terrifiant, fermant à moitié un oeil et ajoute d'une voix sombre et gutturale
"La forteresse où est précieusement gardé le Marteau de Thor, la redoutable arme des guerriers Trolls.
- Rhhhoooo". La fillette serre contre elle sa couverture et en place un coin dans la bouche, ne quittant pas le conteur des yeux qu'elle ouvre comme si la scène avait lieu devant elle.
"Mais votre tante et moi ne voulions pas participer directement à l'offensive contre les portes de l'imprenable forteresse, nous préférions rester à distance et intercepter les éventuelles troupes de renfort Midgardiennes, et il y en eut. Des amis s'étaient joints à nous et nous fûmes bientôt une cinquantaine à empêcher les nouveaux défenseurs d'arriver à leur destination."
Le vieil homme se recala au fond son siège, baissant le ton de sa voix, obligeant les enfants à tendre le cou et les oreilles pour être sûrs de ne rien manquer.
"Beaucoup des nôtres tombèrent, et la relique n'était toujours pas à nous, malgré que dans notre dos près d'une centaine de valeureux de notre Royaume assiégeaient le reliquaire.
La situation de notre petite troupe devint désespérée, nous enjambions les cadavres de nos frères d'armes, la petite dizaine que nous étions maintenant était épuisée et nous attendions la mort avec résignation.
- Eh t'inquiète pas il est pas mort tonton, puisqu'il est là, fit le garçon en donnant un coup de coude à sa soeur qui était captivée et paraissait pétrifiée.
"Quand soudain arrive l'incroyable, sans doute ce que les croyants appellent un miracle..."
Le Highlander ôte la pipe éteinte de sa bouche, la cogne par trois fois sur un montant de son fauteuil, sous le regard outré des enfants.
"Tonton la suite !! Eh !! La suite dis !"
Ajoutant du tabac frais dans l'âtre de sa pipe et l'allumant lentement avec un tison, le vieil homme lance un regard tranquille aux deux marmots qui commencent à s'agiter.
"Hmmmm ? Ah oui, la suite...
- <Pff il est gâteau tonton>, murmure la fillette à son frère.
- Ouah, on dit pas gâteau, on dit gâteux !" rétorque le garçon un peu fort.
L'oeil humide et le regard fixe, le Highlander reprend.
"Alors que Midgard arrivait en masse face à nous, une pluie de flèches tomba de l'Ouest, fauchant les brutes comme le blé. La magie d'Hibernia s'abattit alors sur Midgard. Nous vîmes une petite troupe d'une trentaine d'Elfes, de Firbolgs et de Lurikeens étaient là, et parmi eux, une Elfe que je connaissais bien, oh oui...
- <Ouais il est vraiment gâteux tonton, les Elfes ça aide pas les gens comme nous> chuchote le garçon à sa soeur.
- Elle était là à me sourire, son regard aussi beau que le ciel sans nuage d'une nuit d'été, son visage d'albâtre que l'on avait envie de caresser du dos de la main.
- <Eh il parle pas de tata là ?>
- <Ben non, elle est pas en abattre tata !>
- Il fallait maintenant qu'elle parte, car les nôtres auraient vite fait de les massacrer sans remords. Je lui fis un signe de la main alors qu'elle courait d'un pas léger vers le Sud et n'eus que le temps d'ouvrir la bouche alors..."
Les mots du vieil homme meurent dans sa gorge.
"... qu'une troupe de Vikings vint l'enlever, elle et plusieurs des siens.".
Il paraît reprendre son souffle, la lueur a disparu de ses yeux, son visage prend l'aspect d'un mourant et il achève, regardant les enfants qui restent la bouche ouverte.
"Je courus comme un aliéné en criant pour qu'ils se battent contre moi, mais ils n'étaient pas là pour ça. Finalement, deux Trolls me bloquèrent le passage et je restais sans vie, jusqu'à ce que votre tante me rattrape et me redonne la vie.
- Et le marteau tonton ? Le marteau vous l'avez ramené à Cam'lot ?"
Le Highlander sourit faiblement devant la candeur de la fillette.
"Ah oui, le marteau. Je ne sais plus, petite, je ne sais plus.
- <Ben oui il est gâteux, il oublie tout>
- Mais tu sais ce n'est pas le plus important dans cette histoire.
- Ben c'est quoi alors ?
- C'est l'amour, petite... l'amour."
Le vieillard frissonne. L'hiver est pourtant doux cette année dans les Highlands, mais l'âge rend vulnérable.
Les enfants reprennent les querelles de leur âge, une femme de petite stature vient remettre une bûche dans le foyer, les flammes jaillissent alors de leur berceau, illuminant un peu plus la pièce, illuminant un peu plus les yeux rougis du Highlander.
Il se lève, sort de la bâtisse et fait face à la lune qui semble pleurer dans le brouillard. La porte s'ouvre et se referme derrière lui, une main sur son épaule, une autre qui vient essuyer la larme qui glisse le long de la joue ravinée du vieil homme. La femme pose sa tête sur l'épaule de l'homme.
Une chouette entame son chant nocturne.
- Si tu savais comme elle me manque, petite soeur... Elles me manquent tant... toutes les deux..."
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